Chapitre I - Oh Eris qu'as-tu fait ?
Draco Malefoy était un bel homme, un très bel homme. Et plus que tout, il en avait pleinement conscience. Il savait, au-delà de son caractère pernicieux, qu'il avait toujours attisé la jalousie de ses camarades d'école et l'excitation de la gent féminine. Enfin, surtout au sein de la maison Serpentard. Il avait néanmoins entendu par diverses connaissances que les étudiants des autres maisons de Poudlard n'étaient pas en reste.
Malgré la guerre et la mauvaise réputation qui en avait découlé, aujourd'hui encore, son charme faisait des ravages au sein de la communauté sorcière. Un observateur extérieur pourrait aisément deviner les sourires enjôleurs qui lui étaient destinés lorsqu'il se pavanait sur le chemin de traverse. Il arrivait quelques fois qu'une femme, un homme, et même à ce qu'on disait, un groupe de Harpie, se pâme d'admiration devant le jeune homme de 25 ans.
Si Draco Malefoy avait été un ange, un Gryffondor, un Serdaigle, ou un Poufsouffle, peut-être aurait-il ignoré toutes ces attentions. Mais Draco Malefoy était loin d'être le héros charmant des contes de fées. Pour faire simple, il sautait tout ce qui bougeait, et ce, sans préférence.
À 25 ans, il était normal pour un jeune adulte de s'épanouir sexuellement et d'une manière aussi libre. Mais ce lundi matin du mois de novembre, alors qu'il était dans les bras d'une secrétaire du département de la coopération magique internationale, sa montre de poche sonna 9 heures Il était, encore, en retard. C'était la énième fois qu'il arrivait en retard, et aujourd'hui, c'était une réunion de service avec le Ministre.
Draco resserra son nœud de cravate en avançant d'un pas vif dans le couloir principal du niveau deux du Ministère. Son bureau était situé dans l'aile ouest du département de la justice magique, au « Service de Confiscation des faux Sortilèges et Objets Dangereux ». Quand Draco parlait de son service, on l'entendait dire le « SWOT », bien qu'il n'y ait aucunes initiales correspondantes. Selon lui, son service, c'était l'évaluation et la mesure du danger. Seul Blaise, son meilleur ami, savait que ce nom cachait juste une espèce de jalousie mal placée envers le bureau des Aurors.
Après la guerre, à cause de ses erreurs passées, Draco s'était vu refuser de nombreux postes dans le monde magique, dont un poste au bureau des Aurors. Seule la bonté du nouveau gouvernement, et le travail de réparation qu'il restait à faire dans les deux mondes, lui avait permis d'obtenir son poste au SWOT. Le jour de son arrivée, il avait ravalé sa grimace quand il avait vu que son supérieur hiérarchique direct était Arthur Weasley. La bonté du ministère était la conséquence directe de son procès, et ce job n'était pas vraiment une option. Côté financier, pourtant, il ne servait à rien. Draco savait que s'il repartait dans la vie moins riche qu'avant, il n'en restait pas moins plus riche que tout le niveau 2 réunit.
L'horloge du minuscule bureau sonna 9 h 30, et bien qu'en retard pour la réunion de service en présence du ministre, Draco s'octroyait un petit rafraîchissement de façade. Le nez quasiment collé au miroir situé derrière la porte, il se regardait en se recoiffant. Quiconque voyait cette scène à l'instant même, aurait envie de s'exclamer « Gilderoy, est-ce vous ? ».
Une note volante alla s'écraser violemment sur sa tempe gauche en laissant une légère marque rouge. Draco s'en saisit et lut :
« Le ministre vous attend. »
Il leva le regard vers son reflet, passa, pour ce qui sembla être la dixième fois, sa langue sur ses dents blanches et se précipita dehors.
Dans la salle de réunion du service, Arthur Weasley patientait nerveusement, le pied tapant en rythme. Ses lunettes glissaient le long de l'arête de son nez et par réflexe, il les repoussait de son index. Il regardait avec angoisse le ministre Shacklebolt qui discutait avec un homme corpulent à la moustache grisonnante. Puis, son regard se posa sur la porte toujours close de la salle. Les voix graves du ministre et de son adjoint résonnaient dans la pièce et, de temps en temps, une note volante venait s'échouer en douceur sur le monticule de papiers posé devant eux.
Monsieur Weasley se demandait ce que pouvait bien faire le jeune Malefoy. Cela faisait déjà une demi-heure que le ministre et son adjoint étaient arrivés. Il était habitué des retards du jeune Malefoy, et si cela avait le don de l'énerver, il ne pouvait pas nier les résultats positifs du jeune homme dans le service. Il détestait cependant que le jeune Malefoy ne soit pas aussi performant lorsqu'il s'agissait d'arriver à l'heure lors des réunions. Surtout celle qui impliquait le ministre.
Arthur Weasley angoissait déjà de la note qu'il aurait au retour dans son bureau. Il était certain que le directeur du Département en entendrait parler. Il se voyait déjà convoquer le jeune Malefoy et lui communiquer les reproches de ses supérieurs. S'il y avait bien une chose que Monsieur Weasley détestait par-dessus tout c'étaient les conflits. Ce n'est pas pour rien que durant près de 20 ans, il s'était caché derrière le caractère de sa femme Molly, lorsqu'il s'agissait de gronder ses propres enfants.
Alors que l'horloge indiquait 9 h 45, Draco Malefoy entra d'un pas souple dans la salle de réunion, sous les regards courroucés du ministre et de son adjoint, et celui angoissé de son supérieur hiérarchique.
Si la réunion avait débuté avec une remontrance froide de la part du ministre et un regard fuyant de la part de monsieur Weasley, Draco estimait qu'elle s'était déroulée parfaitement bien.
Il pouvait même dire que grâce à son intervention et à son panache, le service allait recevoir des fonds supplémentaires pour investir dans des outils de détections. C'est en tout cas, comme cela qu'il présentait les choses à Laureline, la jeune stagiaire du service durant la pause du midi.
Laureline venait à peine d'obtenir ses Aspics et d'entamer sa première année de droit à l'université magique de Cambridge. Pour la première année, on leur demandait déjà un stage, et grâce à son oncle elle l'avait obtenu au Département de la justice magique.
Dès le premier jour, elle avait remarqué son collègue. Et dès le deuxième jour, elle avait compris, en entendant certaines personnes du service à la pause-café, qu'elle n'était pas la seule à craquer sur ce grand blond aux yeux bleus. Elle avait même été surprise en entendant Cubert Ogdens, un vieux grincheux qui sentait un relent d'empestine et portait toujours un cardigan marron à pois vert, déclarer : « Ce jeune Malefoy est peut-être un malotru de la pire espèce, mais j'aimerais avoir le même cul que lui ». Laureline avait déjà parlé à ses amies de ce collègue incroyablement sexy, et il était arrivé, que la pause déjeuner dans la cafétéria du ministère soit envahi d'une horde d'étudiants venue admirer le charme ravageur du « collègue ».
Alors que Draco Malefoy continuait d'impressionner la jeune stagiaire en racontant comment à lui tout seul, il avait sauvé le service de la faillite, deux jeunes hommes le regardaient.
Harry Potter et Ronald Weasley, assis deux tables plus loin, buvaient leur café en fixant sans détour l'héritier Malefoy. Chacun d'eux portait l'uniforme attribué au bureau des Aurors. Harry Potter avait un de ses sourcils relevés, le menton posé fermement dans sa main gauche et l'autre main serrant l'anse de son mug. Il évaluait avec scepticisme le jeune Malefoy devant lui.
Ronald Weasley semblait, quant à lui, bouillir de l'intérieur. Ses oreilles d'un rouge soutenu, auraient pu tout aussi bien émettre de la vapeur dans un sifflement strident que le résultat eut été le même. Il avait entendu Draco s'attribuer les mérites de la réussite du service de son père. Et si Ron Weasley détestait bien une chose, c'était que l'on s'attribue le mérite des autres. Toute sa vie, il fut second, ou troisième, jamais premier. Il avait rêvé de reconnaissance et de gloire une grande majorité de son adolescence avant d'être confronté à la guerre et à la désillusion. Aujourd'hui Auror, il se battait pour la justice et combattait l'inégalité. Alors entendre Draco Malefoy dire que la réussite du service de son père n'était due qu'à sa merveilleuse personne rendait Ron fou de rage. D'autant plus que depuis l'école, il ne pouvait pas le sentir, surtout depuis qu'il avait entendu Hermione et d'autres filles de huitième année mettre Draco Malefoy en 2e place du classement des sorciers les plus sexy de l'école. Deuxième place, derrière Harry Potter.
La main de Harry serrant son avant-bras fut un espoir vain de le calmer, mais le sortilège de confusion doucement murmuré par le survivant eut le don de redonner le sourire à Ronald.
Draco vit le sourire niais de Laureline s'effacer et n'eut pas le temps d'esquiver la gifle magistrale qu'elle lui asséna, malgré ses réflexes d'attrapeur. Le claquement sec sembla résonner dans la cafétéria où tout le monde s'était tu pour regarder la scène. Seuls deux rires étouffés provenaient de la porte d'où l'on voyait s'échapper le bout de deux capes d'Auror. Draco Malefoy regardait le reste de la foule d'un regard noir, pendant que sa joue devenait chaude et brûlante et qu'une Laureline outrée s'enfuyait la tête haute en lui hurlant : "Goujat !".
Après la déconvenue du midi, Draco se réfugia dans son bureau jusqu'à 17 heures pour traiter la paperasse qu'il n'avait pas eu le temps de faire le matin et le jour précédent. Il enchanta sa porte et son bureau pour éloigner toutes notes ou individus qui auraient souhaité le déranger et se plongea ardemment dans le travail.
La journée terminée et les doigts tachés d'encre noire, il se couvrit de sa cape et n'oublia pas de mettre sa capuche. Il voulait passer inaperçu, l'épisode cuisant du midi avait apporté son lot d'émotions pour la journée. Surtout, qu'en se rendant dans le hall pour emprunter les cheminées, il s'interrogeait toujours sur ce qui avait bien pu se passer. En jetant un dernier regard dans le hall du ministère avant de disparaître dans les flammes, il croisa le regard noir de Laureline et se résolut à élucider le problème dès le lendemain.
