10 ans plus tard, nous y voilà. Lorsque j'avais marqué le point final de ma fic "Le cœur entre deux camps", je m'étais mise à écrire des spin-off sur les différents personnages que j'avais inventé au fil des chapitres. Puis le temps a passé, et sans jamais cessé d'écrire, j'ai arrêté de vouloir poster ces fictions parce que forcément, au cours des 10 années écoulées, mon style d'écriture s'est beaucoup modifié, mais également mes idées. Puis, il y a quelques mois, je me suis convaincu que ces fictions valaient le coup d'être mises en ligne, et aujourd'hui, je m'y jette.

Pour ceux qui ont lu la fiction sur Alzena, celle-ci se passe donc en parallèle puisqu'elle concerne sa meilleure amie. Premier changement par ici d'ailleurs, le prénom Jorika change en Larishka qui sonne mieux à mes oreilles. De même, je reprends en parallèle ma fiction sur Alzena pour la faire correspondre car vous noterez au fil des chapitres de gros changements effectués sur le personnage de Larishka par rapport à la fiction de base.

En conclusion, si vous avez lu la fiction précédente, vous retrouverez la trame et les idées principales, mais effectivement, il y aura de nouveaux éléments et quelques changements (qui n'affectent pas l'histoire d'Alzena, mais celle de son amie).

Je tiens également à préciser que, contrairement à certains autres univers, je ne suis absolument pas calée dans celui de Tolkien, mes connaissances se maintenant seulement aux films. En conséquent, il peut y avoir des incohérences ou des erreurs, j'en ai conscience, mais ce n'est pas grave, ma fiction ne se voulant pas être conforme à l'œuvre originale mais seulement un moment de partage.

Je vous souhaite à tous une belle lecture.


Prologue

« Toutes les familles heureuses le sont de la même manière. Les familles malheureuses le sont chacune à leur manière »

A cheval depuis plusieurs longues journées, je gardais les yeux ouverts par je-ne-savais quel miracle. Nous avions quitté le Mordor près d'une semaine auparavant, et les seules fois où nous avions pu mettre pied-à-terre avaient été les moments où nous avions eu besoin de répondre à certains besoins naturels. Le paysage aride et chaud avait depuis quatre jours cédé sa place à de la verdure et à de la forêt, ainsi qu'à un climat plus humide et ensoleillé. Et depuis le début de l'après-midi, moment où nous avions pénétré à l'intérieur de la Comté, nous progressions à travers de grandes vallées et des chemins terreux.

Le paysage qui nous entourait était magnifique, je ne pouvais pas le nier, mais j'avais peu de temps pour m'abandonner à de la contemplation. Me trouvant derrière les neuf Nazguls qui ne ressentaient aucune émotion humaine, voir aucune émotion du tout, je me tenais aux côtés de Alzena. Fille unique du chef de ces créatures infâmes qui nous avaient entraînées à leur suite dans ce long voyage éreintant, elle se trouvait être ma cousine et ma meilleure amie, et certainement la seule personne pour qui je donnerais ma vie sans même réfléchir. Elle me connaissait par cœur, et je pouvais me vanter d'être la seule à pouvoir lui rendre la pareille.

Si elle était fille de roi, je ne lui étais en rien inférieure puisque j'étais moi-même la descendante de souverains. Je possédais du sang elfique dans les veines, signe que je devais donc en avoir dans ma famille, mais mes parents n'en n'étaient pas. J'étais plus petite et plus en forme qu'Alzena, et nous ne nous ressemblions physiquement pas. La seule chose que nous possédions en commun était la couleur mate de nos peaux ainsi que la longueur de nos chevaux qui atteignaient nos hanches. Mais je possédais des cheveux très blonds et raides alors que les siens étaient roux et ondulés. Quant à mes yeux, ils étaient d'un bleu tellement pâle qu'ils en paraissaient parfois translucides, bien loin de l'éclat de ses iris verts.

Pourtant, si d'apparence je paraissais plus froide et réservée qu'elle, nous étions bien loin de la vérité. En tant que fille du chef des Nazguls, elle avait appris à se comporter sans la moindre pitié et elle était capable d'une cruauté qui n'équivalait pas la mienne. Tout comme moi, elle avait vu sa mère se faire tuer par son propre père, elle avait grandi en apprenant à se battre dès son plus jeune âge. Et contrairement à moi, elle avait abandonné tout espoir de fuir le Mordor. En vérité, elle n'avait même jamais nourri cet espoir.

Ça va ? me demanda-t-elle justement alors que je grimaçais sur ma selle en me positionnant autrement.

Je vais bien, répondis-je en ne souhaitant pas attirer l'attention de mon père qui chevauchait quelques mètres devant nous.

La nuit était tombée depuis quelque temps déjà, et j'appréciais la fraîcheur qu'elle apportait. Nous étions en plein été, et si j'étais habituée à supporter la chaleur aride du Mordor, je n'étais pas contre un peu d'humidité. Le ciel était entièrement dégagé, et à lui seul, il m'émerveillait, moi qui ne le voyais jamais à travers l'épaisse fumée qui sortait de la Montagne du destin. Les étoiles scintillaient, et la pleine lune éclairait la route de ses rayons pâles.

Le nez levé vers le ciel, je sursautais légèrement quand je constatais qu'un village se dressait en contrebas, éclairé par des lanternes magiques et par les fenêtres des premières habitations. J'entendais de la musique un peu plus loin, ainsi que des rires et des chants. Ralentissant l'allure de mon cheval en même temps que les autres, je m'engageais dans le sentier menant à l'entrée du village, mais le Roi Sorcier d'Angmar s'arrêta brutalement, et je me forçais à l'imiter et à éviter de jeter des regards émerveillés autour de moi.

Arrêtez-vous, siffla le Nazgul, et je repris un visage froid et dénué de toute émotion. On se sépare, et trouvez-moi ce Sacquet ! Alzena, tu viens avec moi.

Bien père, répondit mon amie en échangeant avec moi un regard surprit avant de talonner sa monture pour ne pas perdre son père de vue.

Habituellement, les Nazguls se déplaçaient ensemble, et Alzena et moi-même effectuions nos missions toutes les deux. Mais depuis peu, il semblait lui accorder plus de responsabilités, et cela ne me plaisait pas. Elle avait déjà bien assez enduré, je ne voulais pas la voir devenir entièrement inhumaine.

Larishka, on y va, siffla mon père, et je le suivis à mon tour. Ouvre tes yeux, nous devons retrouver ce Sacquet...

Ce Sacquet, c'était un hobbit. Une petite créature qui ne vivait quasiment qu'en Comté avec les autres de son espèce. Ils ne se mêlaient pas au reste de la civilisation, et ils vivaient assez simplement, habitués à se débrouiller par eux-mêmes.

Habituellement, on se fichait bien de leur sort. Mais la semaine dernière, une créature infâme répondant au nom de Gollum avait lié le sort du dénommé Sacquet à l'anneau sacré après de longues heures de torture. D'après lui, ce hobbit possédait l'anneau appartenant à Sauron, à qui les Nazguls vouaient leur existence.

A cheval, je ricanais quand je vis plusieurs hobbits rentrer en catastrophe dans leurs maisons, effrayés. J'ignorais s'ils se pensaient en sécurité derrière une porte en bois, mais je savais parfaitement que si nous décidions de mettre le village à feu et à sang, cela ne suffirait pas à les sauver.

Cependant, ce n'était pas l'objectif de la mission. Mon père tentait d'arracher une information à un hobbit qui n'avait pas eu le temps de se réfugier chez lui, et je grimaçais quand ce dernier répondit qu'il ne connaissait aucun Sacquet. Il était blafard, mais ce ne fut pas cela qui le trahit. Il jeta un regard fugace vers le village qui s'étendait à nos pieds, signe qu'il savait très bien de qui nous parlions.

Je ne me répéterais pas, fit mon père d'une voix menaçante qui trancha avec la quiétude de la nuit et qui fit frémir de terreur le hobbit. Où se trouve Sacquet ?

Il n'y a aucun Sacquet ici, répondit l'autre en abandonnant une quelconque tentative de protéger le hobbit concerné. Ils se trouvent tous au village !

Si tu mens, nous reviendrons, menaça mon père sans rien ajouter de plus avant de talonner sa monture.

Il n'avait pas besoin d'en dire plus. Une vague odeur d'urine me heurta et je fronçais le nez, jetant un regard dédaigneux sur le hobbit en question qui me fixait avec effroi. Il ne voyait rien à travers ma capuche, mais je me doutais que ma carrure plus droite et humaine que celle de mon père lui faisait croire que j'étais plus apte à ressentir de la pitié.

Et il n'avait pas tort. Je ressentais de la pitié pour ces gens. Pour tous ceux qui se faisaient torturer dans le Mordor. Pour tous ceux qui mourraient sous les assauts des Nazguls et des orcs. Et pour être honnête, ce n'était pas dans un souci de préserver ma vie que je ne me rebellais pas. Mais dans le seul objectif de protéger Alzena. Car elle était incapable de faire la différence entre le bien et le mal, et elle agissait parfois avec une cruauté qui me faisait froid dans le dos. Mais c'était ma meilleure amie, ma sœur, et je ne pouvais pas l'abandonner entre les mains de ces monstres.

Soudain, alors que nous nous apprêtions à rentrer dans le village où résonnaient toujours des rires et des musiques enjouées, l'appel de l'anneau résonna à travers tout l'espace qui m'entourait. Je le sentis au plus profond de mon âme qui nous appelait. Loin de ce village, à l'intérieur de la forêt qui se tenait derrière nous.

Sur son cheval, mon père poussa un hurlement strident qui fut reprit par les autres Nazguls qui entouraient le village sur plusieurs kilomètres. Je sentis les poils de mes bras se hérisser, mais je talonnais ma monture, la poussant au galop dans le seul objectif de rattraper l'anneau sacré.

Trouve l'anneau, siffla mon père dans la nuit, et je le doublais pour prendre sur ma droite et gagner l'intérieur de la forêt.

Le chemin était terreux, signe qu'on ne devait pas l'emprunter régulièrement, et plusieurs fois, je sentis les branches basses des arbres me balayer le visage. Mais je ne me souciais de rien d'autre que de l'anneau dont l'intensité diminuait rapidement, comme si son possesseur s'éloignait.

Au détour d'un chemin, j'entendis un bruit sourd et je sortis mon épée. Mais je vis alors un cavalier à cheval apparaître à ma gauche, et je plissais les paupières avant de reconnaître Alzena.

Où peut-il bien se cacher ? demandais-je en échangeant avec elle un regard incrédule. Il ne sera jamais en sécurité avec l'anneau, nous finirons par le trouver !

Peut-être ignore-t-il la menace réelle qui plane au-dessus de lui, fit Alzena, mais je secouais la tête, absolument pas convaincue par sa théorie.

Alors pourquoi prend-il la fuite ? questionnais-je en levant un sourcil interrogateur.

Elle haussa les épaules et avança sur ma droite. Talonnant à nouveau mon cheval, j'empruntais un étroit sentier où je pouvais jeter un regard en contrebas. Des rochers tranchants si trouvaient, mais je scrutais néanmoins les lieux. Je n'oubliais pas que je poursuivais des hobbits, des créatures qui pouvaient se cacher n'importe où.

Contrairement aux Nazguls et à Alzena, je ne possédais pas de vue nocturne supérieure à la normale. Je m'orientais donc grâce à mon ouïe et grâce aux rayons de la lune. C'était cette faiblesse qui me faisait paraître inférieure aux yeux des Nazguls. Contrairement à mon amie, je ne bénéficiais d'aucun talent particulier, en-dehors de celui d'être la fille du frère du Roi Sorcier d'Angmar. Cela me protégeait d'à peu près tout, sans m'octroyer aucune autre faveur. Je passais toujours après Alzena, et cela avait fini par devenir une habitude que je ne lui enviais pas. En revanche, je possédais la magie, une magie très puissante qui m'avait toujours semblé bridée. Cloisonnée.

Soudain, je sentis la présence de l'anneau se mettre à résonner à nouveau dans le silence de la forêt et je me figeais sur ma selle. Il n'était pas loin, je le sentais si près. Après le ravin de rochers tranchants ! Talonnant à nouveau mon cheval qui bondit en avant, je me dépêchais de gagner la zone.

Frodon ! cria soudainement quelqu'un à quelques mètres de moi alors qu'un cheval hennissait.

Donne-moi l'anneau, siffla la voix glaciale de Alzena à travers les cris de frayeur des autres hobbits. Semi-homme, maintenant !

Fuyez Frodon ! hurla quelqu'un d'autre et j'entendis le sifflement furieux de Alzena s'élever dans l'air.

Devinant que le dénommé Frodon porteur de l'anneau avait réussi à s'enfuir, je surgis à travers les arbres et tombais sur mon amie dont le visage furieux était pâle.

Rattrape-le ! m'ordonna-t-elle et je lui obéis sans réfléchir. Ne le laisse pas fuir !

Lançant mon cheval au galop, je ne me souciais pas de savoir si Alzena me suivait. Je n'avais plus qu'une seule idée en tête : rattraper ce hobbit et récupérer l'anneau. Sa présence était si forte dans ma tête que je ne ressentais plus rien d'autre. Ni la fatigue, ni la douleur d'autant de journées et de nuits passées à cheval. Tout ce que je voulais, c'était avoir cet anneau au creux de ma main.

Mais en arrivant à l'orée de la forêt, je vis un grand fleuve s'étendre devant nous, et une barque où se trouvaient déjà trois semi-hommes et où Frodon courrait à toutes jambes. Comprenant que je ne parviendrais pas à le coincer avant qu'il n'ait atteint la barque, je m'élançais vers le pont le plus proche. J'entendis derrière moi Alzena siffler à nouveau de colère quand elle se heurta à l'eau, mais je ne me préoccupais même plus d'elle.

Entièrement focalisée sur l'anneau dont je sentais la présence presque de façon permanente, quoi que fortement diminuée depuis que nous avions perdu Frodon de vue, je n'échangeais aucun mot avec le reste de mon groupe. De toute manière, nous avions cessé d'exister aux yeux des Nazguls à l'instant même où ils avaient senti la présence de l'anneau aussi proche d'eux.

Pourtant, malgré cela, je ne pu m'empêcher de constater en jetant un coup d'œil au visage de Alzena que celle-ci semblait préoccupée. Ses yeux restaient fixés droit devant elle, mais elle était pâle, et par magie, je la sentais sonder les alentours. Je l'imitais pendant quelques secondes, mais ne perçus absolument rien en-dehors de la présence noire des Nazguls et celle, toujours aussi sombre, de mon amie. Hormis eux, il n'y avait strictement aucune fluctuation dans l'air. Et pourtant, elle semblait préoccupée.

Avant que je ne me sois décidée à lui poser la question, la présence de l'anneau se fit à nouveau très puissante, et cette fois-ci, je passais dans une autre dimension visuelle. Je distinguais clairement Frodon et je pouvais admirer chacun de ses traits alors qu'il se trouvait à des kilomètres de moi. Il avait enfilé l'anneau ! Ce qui signifiait qu'il était désormais visible par toutes les créatures servant l'anneau. Et par Sauron lui-même.

Il est terrifié, constatais-je malgré moi à voix haute.

Comment le sait-tu ? demanda Alzena, et je lui jetais un regard surprit et inquiet.

Je le vois, répondis-je lentement. C'est limpide comme de l'eau de roche. Ses yeux vont bientôt sortir de leurs orbites si ça continue...

Elle ne répondit rien, mais je la vis plisser des yeux, me confirmant ainsi que quelque chose n'allait pas. Normalement, elle n'aurait pas dû avoir à plisser les paupières. Étant bien plus puissante que moi magiquement, elle aurait même dû voir bien mieux que moi les traits de Frodon et la terreur que ce dernier ressentait.

Tu ne peux te cacher, siffla alors brutalement la voix de Sauron dans les ténèbres, détournant brièvement mon attention de Alzena quand je posais les yeux sur son œil qui venait d'apparaître à nos côtés, et l'habituel frisson glacial me parcouru la colonne vertébrale. Je vois tout. Il n'y a pas de vie dans le néant. Il n'y a que la mort...

La communication fut brutalement coupée quand Frodon disparu. Il avait visiblement retiré l'anneau, ce qui ne lui sauverait cependant pas la vie. Il avait donné sa position à toutes les créatures du mal, et il avait plutôt intérêt à ne pas traîner dans les environs. D'autant plus qu'à présent qu'il l'avait enfilé une fois, il était lié à l'anneau. Et en conséquent, il était lié à nous.

Il est à Bree, lâcha la voix sifflante de mon père dans la noirceur de la nuit alors que la pluie commençait à tomber de plus en plus fortement. Dépêchez-vous !

Talonnant encore plus fermement le flanc de mon cheval, je le sentis se tendre d'autant plus qu'il était à présent sacrément fatigué. Contrairement aux chevaux des Nazguls qui étaient également des spectres de ce qu'ils avaient été auparavant, nos chevaux à Alzena et moi-même étaient des chevaux ordinaires. Ils commençaient à souffrir de ce manque de repos.

Le village se dessina sous nos yeux une heure plus tard, et je plissais le nez en sentant l'odeur qui s'en dégageait alors que nous n'étions même pas encore rentrés à l'intérieur. Une odeur d'alcool, de sueur et d'urine. Visiblement, il s'agissait d'un village d'ivrognes et de gens peu recommandables.

L'entrée était fermée par une grande porte qui pouvait laisser passer un cheval monté. Aucun d'entre nous n'eus besoin de frapper au battant puisqu'une petite fenêtre s'ouvrit pour laisser apparaître le visage de ce qui devait être un homme. Je n'en eu jamais confirmation car à cet instant, les Nazguls perdirent patience et défoncèrent la porte. Aux odeurs déjà repoussantes se mêla celle du sang.

A l'instar de Alzena, je m'arrêtais quelques mètres plus loin, laissant les spectres gagner l'intérieur du village. Ils avançaient, guidés par leur lien avec l'anneau, et je ne trouvais pas cela nécessaire d'être présente lorsqu'ils l'obtiendraient.

C'est lugubre, ne pu-je m'empêcher de lâcher en tentant d'apercevoir autre chose que la pluie diluvienne qui s'abattait à présent sur nos têtes.

Alzena ne répondit rien, mais je la sentis à nouveau étendre sa magie pour percevoir une présence qui n'était pas là. Je ne comprenais pas ce qui lui prenait, et je m'apprêtais à lui poser la question quand les hurlements stridents des Nazguls retentirent dans le silence de la nuit. Comprenant instantanément qu'ils n'avaient pas trouvé ce qu'ils cherchaient, je me jetais sur le côté pour ne pas me retrouver sur leur passage lorsqu'ils sortiraient en furie de l'auberge où ils étaient entrés.

Je sentis alors le regard de quelqu'un posé sur moi. Pivotant sur mes talons, je jetais un regard vers l'établissement qui faisait face à la maison où étaient entrés les Nazguls. Je ne distinguais rien, mais je me sentais toujours observée. Toutes les lumières étaient éteintes à l'intérieur, mais je sentais grâce à la magie la présence des habitants terrifiés qui n'osaient même plus bouger dans leurs lits.

A cet instant, les Nazguls sortirent rapidement de l'auberge et passèrent à côté de nous en continuant de pousser des hurlements lugubres. Remontant à cheval, je jetais un dernier regard autour de moi avant de les suivre au-dehors. A présent, je ne sentais plus l'anneau. Où qu'il soit, il était silencieux.

*0*0*

Les jours suivants furent terrifiants et éreintants. Les spectres poursuivaient inlassablement l'anneau dont seule la présence magique nous permettait de savoir qu'il était toujours à notre proximité. Alzena et moi-même n'avions pu nous reposer qu'une seule fois, à cheval et tous les sens en alerte. Quant à la faim, même elle qui était pourtant plus résistante que moi grâce à sa condition elfique commençait à en souffrir.

La nuit était à nouveau tombée sur la Terre du Milieu, et j'aurais bien été incapable de dire où nous nous trouvions. Je suivais de façon automatique la présence de l'anneau sous le regard inquiet de Alzena. Contrairement à elle qui semblait lui résister sans que je ne comprenne comment, moi, j'étais bel et bien attirée par sa puissance.

Je ne sais pas pourquoi je suis moins attirée que toi, m'avait-elle répondu quand je lui avais posé la question, et j'avais sentis l'inquiétude dans sa voix. J'ai entendu une voix dans ma tête quand on poursuivait l'anneau, elle me disait de résister. Je ne sais pas qui s'était Larishka, mais elle a franchi la barrière de mes défenses mentales sans la moindre difficulté !

Je n'avais rien trouvé à répondre à ça. Je savais seulement qu'elle disait la vérité, et je m'inquiétais de savoir qui s'en était pris à elle. Mais nous n'avions rien dit aux Nazguls.

Perdue dans mes pensées, je fus surprise quand on s'arrêta soudainement en bordure d'une forêt qui n'avait rien d'accueillant. Relevant les yeux, je vis les cagoules des spectres qui étaient tournées vers la forteresse au pied de laquelle nous nous trouvions.

Au premier abord, elle paraissait vide. Puis, en forçant mes yeux à s'adapter à la vue, je constatais qu'un feu brûlait en hauteur. La bêtise de la situation me parut tellement énorme que je clignais plusieurs fois des paupières pour être sûre de ce que je voyais.

Autour de moi, une brume épaisse se diffusait sur le sol et les alentours, et les nuages se mirent à cacher la lune. Les spectres avancèrent de façon silencieuse, et je les suivis sans un mot en dégainant mon épée. Coincés qu'ils étaient en hauteur, ils n'avaient plus aucune chance. Il n'était pas dans notre nature de laisser des survivants.

Arrivée en hauteur, je distinguais immédiatement les quatre hobbits que nous poursuivions depuis déjà plusieurs semaines à présent. Frodon se trouvait le plus éloigné de nous, protégé par ses trois amis. Ces derniers avaient dégainé leurs épées qui paraissaient ridicules à côté des nôtres. La terreur se lisait sur leurs visages, mais ils paraissaient également résignés et prêts à se battre.

Arrière démons ! cria l'un d'entre eux avant de se précipiter sur nous, suivit des deux autres tandis que Frodon reculait en arrière, effrayé.

Mais il n'y avait que le vide derrière lui, et une mort assurée devant lui. J'écartais d'un revers de l'épée l'un des hobbits qui s'était jeté sur moi, et il manqua de peu de mourir transpercé par celle de l'un des Nazguls.

Soudain, alors que je m'avançais en compagnie de Alzena pour attraper Frodon dont le dos venait de heurter le mur derrière lui, mon amie s'arrêta brutalement, et je la heurtais avec surprise.

Qui êtes-vous ? demanda-t-elle à voix haute et je lui jetais un regard anxieux.

Revenant dans le monde réel, elle m'adressa un regard effrayé, mais nous n'eurent pas le temps de dire quoi que ce soit qu'un hurlement de pure douleur retentit. Pivotant sur mes talons, je constatais que le roi sorcier d'Angmar venait de transpercer de son épée l'épaule de Frodon qui avait enfilé l'anneau.

Brutalement, j'entendis Alzena pousser un cri de surprise alors qu'elle était précipitée sur le sol plusieurs mètres plus loin, et je pivotais sur mes talons juste à temps pour parer le coup d'épée d'un homme qui venait d'apparaître de je-ne-sais-où.

Je fus écartée par un Nazgul qui hurla bientôt quand l'homme fit s'enflammer sa cape grâce à la torche qu'il tenait dans sa main gauche. Sous mes yeux effarés, je le vis à lui seul repousser les neuf Nazguls. Plaquée contre le mur opposé, je tournais les yeux vers Alzena, et constatais avec effroi que l'homme avait positionné sa lame contre sa gorge et la maintenait ainsi immobile. Je ne distinguais que les yeux verts de mon amie à travers son capuchon et l'écharpe qui couvrait le reste de son visage, et j'y lu l'ordre de l'abandonner. Ce que je refusais net.

Je m'avançais alors d'un pas en positionnant mon épée en avant, prête à me battre jusqu'à la mort pour sauver et protéger mon amie.

Non, va-t'en ! hurla-t-elle alors à travers les cris des Nazguls en contrebas et les gémissements de Frodon toujours au sol.

Elle avait également insufflé de la magie dans son ordre, et je m'arrêtais net sous le choc. Elle n'avait pas le pouvoir de m'obliger à faire quelque chose, mais habituellement, on ne s'infiltrait pas dans les pensées de l'autre sans son autorisation.

Rejoint les cavaliers noirs, continua-t-elle. Ta mort ne mènera à rien !

Je ne te laisse pas ! refusais-je alors qu'elle était contrainte de se redresser en position assise par l'individu. Je préfère encore mourir !

Tu les traqueras et tu les tueras, fit-elle, et je sentis mon cœur se déchirer. Tu feras en sorte que ma mort ne soit pas impunie, mais tu dois fuir !

Je m'apprêtais à répondre à la négative quand un sifflement dans l'air provenant des Nazguls nous ordonna de les rejoindre. Les yeux de Alzena se firent implorants, et je grimaçais de douleur sous ma propre écharpe. Elle tentait de sauver ma vie, alors que la sienne était à présent entre les mains de cet homme. Savait-elle seulement à quoi elle me condamnait ?

Mais je n'avais pas le choix. Je devais partir et la laisser là. J'aurais pu mourir à ses côtés, mais l'ordre de mon père dans mon crâne se fit plus insistant, plus menaçant. Je n'avais pas le choix. Alors je tournais les talons, jetais un dernier regard douloureux à ma meilleure amie, et disparu dans le noir.