Chapitre 3
« La colère décuple ta puissance, mais si tu la laisse te dominer, elle va te détruire »
M'avançant lentement dans la lumière, j'analysais chaque membre de ce groupe assez étrange en soit.
Le plus proche, le magicien, Gandalf. Je connaissais son nom car Saroumane avait raconté leur affrontement. Il était apparemment très proche de la reine de Lothlorien, Galadriel, mais ses pouvoirs, bien que puissants, ne m'effrayaient pas. Son vêtement gris reflétait à mes yeux sa déchéance. Il me regardait avec un air indéchiffrable.
Alzena se trouvait à ses côtés. Elle avait changé psychologiquement, et cela se reflétait sur son physique. Elle avait pris des formes, son visage était bien moins pâle, ses yeux verts brillaient d'une lueur que je ne lui avais jamais connu. Elle me regardait avec un immense sentiment de culpabilité.
Elle avait vu les hématomes, et me connaissais assez pour savoir que je me déplaçais avec précaution.
A ses côtés, un homme que je reconnu également du fait de son histoire. Aragorn. Il semblait protéger Alzena, et si je me fiais à ce que je savais de l'histoire, par nos ancêtres nous étions liés.
L'autre homme qui se trouvait non loin de Alzena était un elfe. Grand, très mince, avec de longs cheveux blonds et des yeux gris, je ne connaissais pas son nom, mais je savais qu'il était le prince héritier du royaume de la Forêt Noire. Son père, Thranduil, avait la réputation d'être particulièrement bon combattant.
Pour finir, il y avait un autre homme à leurs côtés, Boromir, le fils aîné de l'intendant du Gondor. Lui aussi je le connaissais, ce n'était d'ailleurs en soit pas la première fois que je le voyais. Il avait mené des batailles contre nos forces à plusieurs reprises.
Le nain, et les quatre hobbits étaient dissimulés derrière les autres, même si j'entendais clairement le premier bougonner dans sa barbe.
Mes yeux se reposèrent sur Alzena qui ne m'avait pas quitté du regard, analysant mes réactions.
- Alzena, la saluais-je en utilisant volontairement la langue noire du Mordor. Je suis sincèrement heureuse de voir que tout va bien pour toi.
- Si je suis ici, c'est pour toi, répondis-je dans la langue des Hommes, tentant de m'en faire faire de même. J'ai…
- C'est très beau, coupais-je, froidement en colère. Mais un peu dérisoire au vu de ce que j'ai dû endurer à cause de ta trahison.
Je frémis intérieurement au souvenir des journées et des nuits cauchemardesques que j'avais subis, et à toutes celles qui suivraient. Je n'avais guère d'espoir. Jamais le Roi Sorcier d'Angmar ne pardonnerait sa fille. Et comme il ne pouvait pas lui faire payer à elle, j'étais la cible de choix.
D'autant plus qu'il avait toujours été profondément énervé que je me révèle plus forte et plus puissante dans l'art d'utiliser la magie que sa fille.
Mon regard repassa sur ses amis, avant de tomber sur le porteur de l'anneau, qui me fixait, caché derrière Aragorn. L'anneau était dissimulé, mais je sentais sa présence. Il m'appelait. M'attirait.
- Tu avais raison, reprit Alzena avec prudence, détournant mon attention. Il existe un monde meilleur en-dehors du Mordor.
- Tu m'en voie ravie, fis-je avec indifférence.
Qu'est-ce que cela changerait puisque ce ne serait pas moi qui en profiterait ? Ma vie s'était terminée à l'instant où Sauron avait découvert la trahison d'Alzena. A partir de là, tous mes espoirs s'étaient effondrés, et je ne vivais plus que pour servir une cause qui ne me sauverait pas. Mon seul objectif était d'éviter le plus possible de souffrir.
Soudain, je me tendis, sentant l'agression de mon esprit avant de la subir. Grimaçant, je posais de nouveau les yeux sur Frodon, avant de laisser contre mon gré le champ libre à mon oncle.
Je sentis Alzena et le magicien se tendre, ayant sentis la menace approcher.
- Alzena, votre amie n'est pas totalement elle, lança Gandalf. Elle ne vous rejoindra pas de son plein gré.
- Larishka, clama Alzena en levant les mains dans une tentative dérisoire de me rassurer. On peut enfin se libérer de l'emprise du Mordor, et faire en sorte d'avoir une vie meilleure comme tu le souhaitais. Il suffit…
- … De trahir Sauron ? Termina le Roi Sorcier d'Angmar tandis que je reposais les yeux sur elle.
J'entendis Alzena siffler et tous ses compagnons se mirent en position de combat, prêts à en découdre. Gandalf leva son bâton, prêt à parer la magie que je pourrais utiliser. Savait-il seulement qu'il ne faisait pas le poids contre un sorcier aussi puissant ?
Repoussée au plus profond de moi par ce dernier, je devins une nouvelle fois spectatrice d'un corps que je ne contrôlais plus.
- Tu pensais peut-être que je la laisserais m'échapper comme tu as pu le faire ? Clama son père en langage noir, mais d'une voix si inhumaine que j'entendis des couinements de peur. Tu as peut-être gagné ta liberté, mais je ferais payer le prix à ton amie. Elle ne connaîtra jamais le repos, même après vous avoir tous tué et repris l'anneau.
- Je ne te laisserais pas la reprendre, menaça Alzena utilisant à son tour la même langue. Je vais la sauver de tes griffes, et lui offrir la même chance que l'on m'a donné.
- Tu sais aussi bien que moi que la puissance de tes pouvoirs est bien moindre que la mienne, ricana l'autre. Même Larishka ne peut y résister, alors qu'elle est bien plus forte que toi à ce jeu-là. Mais peu m'importe. Elle va tous vous tuer, parce que je vais l'y obliger. Et quand tu rendras ton dernier souffle ma fille, assure-toi bien de te rappeler que tu as condamné ton amie à un sort bien pire que la mort.
Malgré moi, je sentis mon cœur se serrer à ses propos. Je savais tout cela, je savais que je ne serais jamais libre et que je souffrirais tout le temps qui me serait donner de vivre. Et quand on était une sorcière, on savait que ce temps-là était long. Mais en entendre la confirmation ne faisait que rendre plus réel cette triste réalité.
Dans ma tête, le Roi Sorcier d'Angmar recula juste assez pour me forcer à combattre. Réunissant mes pouvoirs, amplifiés par les siens, je frappais.
Seuls Alzena et Gandalf, qui avaient sentis la magie affluer, se baissèrent à temps pour éviter d'être projetés contre le mur.
Je n'attendis pas plus, et attaquais Alzena qui avait commis l'erreur de jeter un coup d'œil à ses compagnons.
Nos épées se heurtèrent, et je me battis avec l'énergie du désespoir.
Je lui en voulais, profondément. Pour être libre, pour m'avoir condamnée éternellement aux ténèbres, pour avoir la chance que je n'avais pas et dont j'avais pourtant tant rêvé.
Pour son absence à mes côtés dans ce qui était devenu le pire enfer sur Terre. Pour toute cette éternité qui m'attendait et que je passerais seule à souffrir.
Je me battais et les affrontais tous sans l'ombre d'une hésitation. Intérieurement, je savais qu'une fois que le Roi Sorcier aurait quitté mon esprit, je souffrirais le martyr d'avoir utilisé sans précautions des zones de mon corps gravement blessées, mais avais-je finalement vraiment le choix ?
J'étais une tueuse née, j'avais été élevée pour ça, et les entraînements intensifs des dernières semaines n'avaient fait que renforcer cela. Aucun d'entre eux ne parvenaient à m'atteindre, et même Alzena, pourtant meilleure combattante que moi, ne parvenait pas à prendre la main sur le combat.
Renvoyant une nouvelle fois les deux humains contre le mur, je vis du coin de l'œil Gandalf arrêter Alzena qui s'apprêtait une fois de plus à se jeter sur moi.
- Vous ne pouvez la vaincre par la force, lui expliqua-t-il. Il va falloir la contenir par la magie. Mais d'abord, il va falloir forcer le Roi Sorcier d'Angmar à quitter son esprit.
- Comment ? Demanda Alzena, alors que je restais hors d'atteinte de l'elfe et du nain qui tentaient de m'atteindre. Il est trop fort. Si même Larishka ne parvient pas à lutter contre lui, comment pourrait-on y arriver ?
- La volonté jeune femme, fit Gandalf et je vis son bâton s'illuminer. Vous êtes avec moi ou pas ?
Dans ma tête, le Roi Sorcier se prépara à contrer l'attaque, mais la volonté du magicien et de la sorcière qu'était Alzena étaient étonnamment puissantes.
S'il parvint au départ à repousser leur attaque, le fait que je doive me défendre physiquement finit par l'affaiblir. D'autant plus qu'il n'était pas là à proprement parlé.
Sentant une douleur aigue dans ma tête quand ils s'affrontèrent, je clignais des yeux et grimaçais. Des éclairs lumineux passaient devant mes paupières, et j'avais l'impression que l'on m'avait plaqué un tissu sur le nez qui m'empêchait de respirer correctement.
La douleur était telle que j'en perdis le fil des combats, et reculais en serrant les poings.
Mon oncle tenta de reprendre la main avec rage, et je me mis à marmonner des formules. Habituellement, ni lui, ni moi n'avions besoin de formuler à voix haute nos sorts, mais la puissance de Gandalf et d'Alzena réunie était trop forte pour qu'on fasse autrement.
Le sort prononcé envoya de nouveau tout le monde voler dans les airs, et je raffermis ma prise sur mon épée, tentant de reprendre le contrôle sur mon corps pour me défendre. Mais le Roi Sorcier était trop occupé à affronter Gandalf, et je ne parvins pas à faire mieux que de voir Alzena me regarder avec inquiétude.
Ils étaient forts, mais de façon assez impressionnante, mes compétences magiques, secondées par celle de mon oncle, étaient apparemment inégalables.
Je sentis qu'on allait prendre le dessus, sans savoir si c'était une bonne ou une mauvaise chose, quand je sentis brutalement un bras se refermer autour de ma taille, et un autre autour de ma gorge.
Immédiatement, Gandalf parvint à s'introduire dans mon esprit, tandis que la personne qui me tenait me serrait tellement fort que l'air ne parvenait plus à mes poumons.
Je serrais avec violence le bras qui encerclait ma gorge, mais avec effroi, je constatais petit à petit que ma vision devenait de plus en plus sombre.
Je sentis une douleur brutale dans la tête, j'entendis le cri de rage du Roi Sorcier d'Angmar, puis ce fut le noir complet.
oOoOo
Je repris connaissance sans savoir combien de temps j'étais restée inconsciente. J'avais navigué entre les méandres de la douleur, de la peur et de la rage, des sentiments qui n'étaient pas tous les miens. Puis un calme plat et impressionnant s'était imposé, et je l'avais accueilli avec soulagement, avant de me rappeler où j'étais et ce qui m'attendait.
Alors je m'étais obligée à repousser l'inconscience.
Avant même d'ouvrir les yeux, je sentis les cordes autour de mes poignets, réveillant la douleur de ces derniers. Les chaînes que j'avais porté pendant des journées et des nuits entières et qui avaient laissés ma peau à vif. Je portais toujours mes gants, en conséquent, aucun d'entre eux n'avait pu voir que j'étais déjà bien blessée à cet endroit-là.
Je sentis également qu'un bâillon se trouvait sur mes lèvres. Serré suffisamment fortement pour que je ne puisse même pas émettre un son. Et tout autour de moi, je sentais la magie de Gandalf qui mettaient sous verrou mes pouvoirs.
Ouvrant les paupières, je clignais des yeux avant de les laisser passer sur le groupe qui m'entourait. J'étais désarmée, ma magie était bridée et j'avais sacrément mal à tout mon corps.
Mais cela n'avait aucune importance.
- Larishka, appela prudemment Alzena et je tournais les yeux vers elle. On va te libérer. Tu as lutté pour moi toutes ces années, je vais le faire pour toi désormais. Tu vas t'en sortir.
Ne pouvant pas répondre, je me contentais de détourner le regard. Si elle croyait encore à quelque chose, ce n'était plus mon cas. Mais sous son regard insistant, je me décidais à lui répondre par l'esprit.
- Tu sais aussi bien que moi que personne n'est suffisamment fort pour lutter contre lui, fis-je lentement.
- Fais-moi confiance, je t'en prie, supplia-t-elle de la même manière. Je vais t'aider et...
- Je ne veux pas d'aide, coupais-je furieusement en vrillant mes yeux aux siens. C'est écrit comme ça, je ne veux plus lutter contre.
- Larishka, tenta-t-elle. Tu dois…
- Je ne dois rien du tout, sifflais-je. J'ai payé le prix de ta trahison. Ils m'ont torturée pendant des journées et des nuits entières. J'ai été enfermée, noyée, poignardée, frappée. J'ai entendu pendant des heures les hurlements et les supplications des prisonniers dans les cachots. Il a pris possession de mon esprit. Je n'ai plus aucun repos. Je ne dors plus, il hante tous mes cauchemars. Alors si toi tu es libre, grand bien te fasse, mais ta liberté m'a condamnée à jamais. Pendant que tu vivais confortablement, moi je vivais l'enfer. Un enfer que je vivrais désormais à jamais. Alors ne me dis pas ce que je dois faire, tu en as perdu le droit lorsque tu m'as ordonnée de t'abandonner pour les rejoindre. J'aurais préféré mourir.
Fermant brutalement mon esprit, je laissais Aragorn m'attraper par le bras pour me faire me relever. La douleur cisailla tout mon corps, et je luttais pour ne pas laisser échapper un gémissement.
Je sentis l'emprise de Gandalf se renforcer sur moi, et celle d'Alzena s'y rajouta, m'ôtant tout espoir au vu de mon état actuel de me libérer.
Fusillant celle que j'avais tant considéré comme ma sœur, je suivis le pas d'Aragorn quand on se mit en marche dans la Moria.
Le sort qui m'attendait m'importait peu. A la vérité, si je pouvais mourir dans ces mines, ce serait un sort enviable. A l'instant où le Roi Sorcier d'Angmar et Sauron mettraient la main sur moi, ce que j'avais vécu jusqu'à présent serait dérisoire à côté de ce qu'ils me feraient subir.
Et je n'étais pas sûre de pouvoir en encaisser encore beaucoup.
