XI Justice, confiance et proximité
[Jeudi 7 novembre, Remus]
Je lutte contre l'endormissement. Minerva m'a promis de prendre la suite vers quatre heures du matin au prétexte qu'on a moins besoin de sommeil à son âge. Un truc qu'Albus aurait pu dire, je pense. Ça m'a fait sourire et la remercier avec chaleur.
J'ai mis différentes alarmes sur la Carte pour signaler si quoi que ce soit se passait dans la tour des Serdaigles. Toute excitation et curiosité ont eu le temps de s'évaporer. Le devoir a cédé à la fatigue et à l'ennui. La vibration soudaine de mon miroir me redresse en alerte, avec un soupçon de culpabilité. Reconnaitre le visage de Dora, fatigué et curieux, suscite en moi un mélange de surprise, de soulagement et d'agacement.
"Tu ne dors pas ?", elle s'étonne ouvertement en repoussant sa mèche grenat de son visage en cœur.
"Toi non plus", je réponds, sans doute pas aussi gentiment qu'on pourrait le souhaiter. Je me suis fait une religion de faire de mon mieux pour que son activité professionnelle ne soit pas un problème pour notre couple. Ça passe notamment par m'abstenir de reproches inutiles ou de mouvements d'humeur concernant ses horaires et ses possibles prises de risque. N'a-t-elle pas adopté Harry et Cyrus ? Ne passe-t-elle pas les pleines lunes à mes côtés ? Ne m'a-t-elle pas donné deux autres enfants absolument merveilleux ?
"Non. Enfin, j'allais me coucher et je ne résistais pas à te laisser un message. Je ne pensais pas te parler. Tout va bien ?", elle s'inquiète.
"Les petits vont très bien", je promets. "Nous sommes passés à la phase de surveillance à distance du coffre du jeune Henley. C'est mon tour..."
"Quelque chose ?", s'intéresse Dora, soulagée sur le fond.
"J'ai la confirmation de certains couples de sixième et de septième année qui ne sont pas encore officiels", je souris. "Il faudrait sans doute aussi changer le mot de passe du passage de l'Horloge, trop de monde l'emprunte. Rien de très important, en définitive."
"Il n'est pas certain que votre voleur tombe dans votre piège", rumine Dora pensivement. Elle a les cheveux humides, je réalise, ce qui rend sa mèche colorée plus sombre. Une douche pour laisser sa journée derrière elle avant de se coucher. Son absence physique me coupe brusquement le souffle.
"Severus le répète à chaque opportunité", j'admets en ravalant ma frustration fébrile.
"Il sera peut-être davantage tenté ce week-end, votre voleur. Plus de temps devant lui", elle réfléchit.
"Mais plus de monde dans les dortoirs", j'objecte.
"Si votre voleur ne veut personne dans les lieux, vous pouvez aller dormir", elle remarque avec un demi-sourire.
"Tu arrêterais la surveillance, toi ?", je questionne avec sincérité - parce que si elle dit qu'on perd notre temps, oui, j'en tiendrai immédiatement compte.
"Non", elle admet sans détours et avec un sérieux total. "Non, vous ne pouvez pas prendre ce risque."
"Merci de la confirmation."
"Tu vas être pris tout le week-end", elle soupire ensuite.
"Toi aussi", je souligne, mais cette fois, j'ai essayé d'être dans la complicité.
"Pourvu que ça soit fini avant que Harry et Brunissande viennent", espère mon épouse sans avoir l'air d'y croire.
"Ils auront plein de gens différents à voir en dehors de nous", je me force à souligner. "J'ai prévenu Severus et Susan", je rajoute, espérant la voir sourire.
"Et Cyrus et Ginny ? Ils sont au courant ? Ils seront là ?", questionne Dora tout à sa propre logique.
"J'imagine. Ils ont dit qu'ils partaient ?", je lui retourne.
"Non, mais sont-ils au courant ?", elle insiste.
"Harry a dû leur dire", j'imagine.
"Remus, mon amour, est-ce que tu peux trouver le temps de vérifier ?", elle soupire en se retenant, je le vois bien, de me faire des reproches. Ses yeux ont quitté mon visage pour regarder le plafond. Je ne sais pas si elle a ce même geste quand ses subordonnés testent ses nerfs. Il faudrait que je demande à Dawn ou Carley.
"Évidemment", je m'empresse de lui promettre. "J'avoue que ça passe après cette histoire de vol pour l'instant, mais tu as raison, il faut vérifier."
"Je peux appeler Cyrus, moi aussi", elle décide de proposer comme un armistice. Ses yeux sont revenus sur moi.
"On peut l'appeler tous les deux", je souris.
"Ça va le faire flipper", elle prédit en retour, assez amusée par l'idée.
"Le premier qui y arrive prévient l'autre ?", je propose.
"Oui, faisons ça", elle accepte. "Dans les faits, je peux trouver le temps. Je passe pas mal de temps à attendre des rapports. Peut-être trop d'ailleurs. Je manque d'une vision globale", elle regrette à haute voix.
"Ça n'avance pas ?", je m'inquiète sincèrement.
"On sait qu'ils sont plusieurs. Au moins deux. Parfois trois. Deux hommes selon leurs victimes — même si peu les ont entendus parler. Jeunes. Et la troisième personne pourrait être une femme. Des pas plus légers d'après les plus attentifs - ou les plus imaginatifs, il faut rester prudent", elle raconte.
"Pas d'identité", je comprends.
"On sait aussi qu'ils emploient très peu de magie. Soit ils sont Cracmols ou presque, soit ils se méfient des traces magiques."
"Tu penches pour quoi ?"
"Pour rien du tout", elle affirme. "Ça peut très bien être un mélange des deux ou toute autre chose. Mais ce sont les hypothèses de mon équipe - qui a grossi : j'ai récupéré Dawn et Oliver Forrest."
"Tu n'as pas l'air contente", je tente.
"Je suis un peu frustrée", elle reconnait. "On avance, mais pas à un rythme utile aux politiques - Shacklebolt n'est pas loin de le dire clairement. Et en chemin, on se rend compte que dans certaines affaires, ce ne sont pas seulement les policiers qui ont été aveugles. Dawn et Oliver, notamment, ont été sur des enquêtes dans lesquelles celui qu'accuse la Justice a été écarté. "
"Dawn le vit mal ?"
"Plutôt. Surtout, qu'a priori, la Justice a raison ; sur ça aussi, on avance : on a eu deux aveux — le proxénète et la voleuse de bijoux", elle précise en fronçant les sourcils. "Quand j'y pense, Dawn a fait craquer le premier ; j'ai obtenu les aveux de l'autre."
"Vous êtes les deux plus expérimentées ?", je vérifie. Elle opine distraitement, tout à ses propres pensées. "Mais vous n'en parlez pas", j'imagine sans peine. Je les connais, après tout, toutes les deux depuis leur adolescence. Proches, solidaires, fusionnelles et pourtant en compétition l'une avec l'autre.
"Elle se met une pression un peu inutile pour être la parfaite adjointe, neutre et objective", me confirme la femme de ma vie. Sa frustration est patente.
"Elle se protège."
"Elle a peur que je lui dise qu'elle a merdé. Mais franchement, à ce stade, on ne cherche pas de boucs émissaires, on cherche les vrais coupables."
"Coupables ?", je relève.
Dora a un geste évasif de la main. "On cherche ceux qui se moquent de nous, ou qui nous font la leçon, c'est comme tu veux. Mais c'est bien eux qu'on cherche."
"OK, et tu penses que Dawn ne comprend pas ça ?"
"Je crois qu'elle le perd un peu de vue. Tu sais, Dawn a une vraie lecture politique des enjeux tant qu'elle n'est pas réellement impliquée. Du moment qu'il y a une conséquence pour elle, elle perd une partie de ses moyens. Et là, je crois que c'est un peu le cas", elle estime en secouant la tête.
Son analyse ne me surprend pas totalement. Je suis depuis longtemps, et sans doute avant d'autres, convaincu des compétences de ma Dora. Je sais aussi ses fragilités. Quand elle était une jeune Auror, elle s'était construit une armure rose bonbon comme pour éviter de prendre la vie trop au sérieux. On en est aujourd'hui à un plus sobre grenat. Cette armure lui va très bien. Mais elle n'est pas toujours assez épaisse.
"Tu penses que tu serais plus détachée à sa place ?", je questionne donc avec curiosité.
"Je peux me tromper, mais oui. Si j'étais à sa place, je voudrais certainement savoir quelle est la lecture politique de ce qui se passe. Et ce n'était pas comme si je n'allais pas lui répondre !", elle s'agace presque.
"Peut-être qu'elle se l'interdit", je suppose.
"Et c'est bien dommage."
"Il faut probablement que tu l'autorises à le faire." Ma remarque finit de lui faire lever les yeux au ciel. "Je veux dire, propose-lui un moment sans trop de monde autour. Rassure-la. Dis-lui que tu as besoin d'elle, qu'elle a un coup à jouer, ce que tu veux, mais ouvre la porte. C'est toi qui es en position d'autorité."
Elle rumine cette dernière idée. J'attends en retenant un bâillement. Tenir jusqu'à quatre heures va être difficile.
"J'ai prévu d'aller relire l'ensemble du dossier demain à l'aube. Je vais lui proposer de venir me rejoindre", m'annonce Dora. "On verra bien ce qu'elle fera de cette main-là."
[vendredi 8 novembre, Dora]
Je suis à la Division à 5h10. En arrivant, je suis plutôt contente que ce soit Osmond Nuttley, Rang Trois de l'équipe de Robards, qui soit de garde. C'est quelqu'un que je compte comme un de mes partisans sans trop d'arrière-pensées. Lui, par contre, est un peu bousculé par mon apparition non annoncée. Nuttley me demande trois fois s'il se passe quelque chose. Et, quand je lui réponds non, il veut savoir si j'attends un rapport de la nuit. Quand je lui explique que j'ai du travail, il dit qu'il comprend, mais je sens bien que je ne le rassure en rien.
Je prends juste le temps de me faire un thé, mais il est 5h30 quand j'arrive enfin à me plonger dans les dossiers dont j'ai ruminé les détails toute la nuit seule dans mon lit londonien. Dawn s'encadre dans l'ouverture de la porte à 5h40. Autant dire que je ne suis pas bien avancée dans ma relecture.
"Tu voulais me voir... Dora ?" est son ouverture. Peut-être pour les oreilles de Nuttley. Mais le choix de mon prénom et non de mon surnom, l'hésitation, tout me dit qu'elle n'arrive pas sereine, je mesure avec un petit pincement au cœur. Ouvrir la porte, a dit Remus. Déjà, elle ne m'a pas donné du "Lieutenante" au réveil !
"Je me dis sincèrement qu'on passe à côté de quelque chose", je tente donc l'approche directe et positive. "On avance, mais j'ai l'impression qu'on ne voit pas un truc pourtant gros comme une maison. Du coup, je voulais tout relire avant que l'équipe arrive. Et ton regard neuf est plus que bienvenu. Merci de l'effort matinal."
Dawn a des yeux bleus irisés de vert — pas faciles à imiter, vous pouvez me croire sur parole. Quand elle rit ou sourit, ils sont magnifiques, étincelants comme des pierres précieuses dans la lumière. Quand elle est en colère, ils sont intimidants. Là, ils sont dubitatifs. Elle prend visiblement sur elle pour fermer la porte derrière elle et venir me rejoindre.
"C'est Shacklebolt qui t'a demandé de me... donner une chance de plus ?", elle questionne assez bas, entre inquiétude et ressentiment, je dirais.
"Il n'a rien demandé de tel. J'ai pensé que ce serait bien pour toi de mieux t'approprier le dossier et, pour moi, d'avoir tes apports. Je ne te cache pas qu'on a un max de pressions sur cette affaire, si tu en doutes. Je suis contente de te voir arriver dans l'équipe", je lui assure en soutenant son regard de mon mieux. Elle fait, après tout, partie des rares qui peuvent généralement dire quand je triche.
"Merci de ta confiance", elle articule en détournant les yeux comme si elle ne voulait pas obligatoirement que j'en sache autant sur sa sincérité. Ou comme si elle avait honte. "Je ne sais pas si je la mérite vraiment... Rien de ce qu'on a appris hier pousse à penser que la Justice se trompe. Au contraire."
"Mais le truc est qu'on n'est pas là pour savoir si elle a raison, cette Justice, Dawn. Ça, c'est les juges qui le diront. On est là, toi et moi, pour savoir qui c'est", j'argumente.
"Bien sûr", elle admet avec un geste des épaules qui semble dire qu'elle estime que ma grande déclaration légaliste est une manœuvre d'évitement. "Mais... Shacklebolt pense qu'on a merdé, Oliver et moi. Il ne le cache pas", elle rumine. Faute de meilleures idées, j'attends et elle lâche le truc sur lequel elle a dû bloquer toute la nuit. "Il a dit qu'en rejoignant l'équipe, on aurait l'opportunité de... creuser là où on n'avait pas eu trop envie de creuser la première fois, Oliver et moi. "
"Ok", je mesure. Ce n'est pas comme si je ne savais pas de première main que Kingsley sait mettre la pression à ses subordonnés. Et j'ai bien vu hier qu'il était agacé. "Je ne savais pas qu'il avait été aussi..."
Je n'ai pas le temps de trouver un mot diplomatique qu'elle s'empresse, avec un coup de menton me défiant de lui donner tort, d'asséner son propre jugement : "Explicite dans son évaluation ?"
"Dawn, tu viens d'arriver dans l'équipe, mais tu peux tous leur demander. Je ne cesse de répéter qu'on ne m'a pas chargée d'une enquête interne, mais de démasquer cette Justice autoproclamée. Je ne suis pas plus naïve que toi. Il peut y avoir des contrecoups politiques sur ce chemin de vérité. Mais vous n'êtes pas pour l'instant en haut de la liste des plus menacés, Oliver ou toi. Vous pourriez être exposés pendant les procès. Mais si vous êtes sur la photo de l'arrestation aujourd'hui, ça ne pourra qu'aider."
"Merci de la confirmation, Lieutenante", ponctue Dawn avec une amertume qu'elle échoue à me cacher.
"Kingsley te met la pression, parce qu'il veut des résultats. Il la met aussi à moi, et Scrimgeour ne se prive pas non plus ", je tente avec obstination. Mais voir Dawn douter d'elle à ce point est insupportable. Quelles que soient nos places officielles respectives.
"Et eux craignent la presse qui va perdre patience si on n'a pas vite un truc à leur proposer", elle rajoute, tout à sa propre évaluation.
"Merlin, je ne veux même pas y penser", je gémis avec sincérité. Y a-t-il un match de Quidditch ce week-end qui pourrait nous sauver des éditorialistes désœuvrés ? Un couple connu qui divorcerait ? Un concert sulfureux qui occuperait les bien-pensants ?
On reste toutes les deux silencieuses, sans se regarder. Entre nous, les dossiers semblent me dire que je ne suis pas à la hauteur de la tâche : trouver les coupables, gérer mon équipe, définir une bonne stratégie pour la Division, rassurer les amis, être disponible pour ma famille...
"Et moi, je te fais perdre ton temps avec mes jérémiades", décide brusquement Dawn en posant une main sur mon bras. Je lève les yeux vers elle. Elle me sourit. "Tu ne m'as pas demandé de venir pour ça."
"J'ai besoin de toi, Dawn."
"Je suis certaine que tu arriverais à boucler cette affaire sans moi dans l'équipe", elle affirme avec un sourire encore plus large. Sa voix aussi a changé. Plus légère même quand elle utilise mon titre. "Mais puisque je suis là, Lieutenante, je commence par quoi ?"
"Hier soir, quand on a mis nos interrogatoires en commun, on a cherché les similitudes", je me lance, contente d'avoir l'occasion de penser tout haut devant quelqu'un en qui j'ai fondamentalement confiance. "Et on a établi une esquisse de mode opératoire récurrent. Cette nuit, je me suis répété ce que Maina Manta, ma voleuse de bijoux, avait pu nous raconter et ce qu'on avait mis en avant comme points communs et je me suis dit qu'il fallait maintenant chercher les différences, les déviances - les expliquer, les justifier ou les exploiter."
"Tu crois que c'est un groupe plus large qui aurait adopté un mode d'intervention commun ?", reformule Dawn.
"Tout est possible, mais comme le dit Kingsley, un groupe trop large n'arrive pas à être discret bien longtemps. Il finit par être trahi. Or cette histoire commence à avoir duré", je tempère.
"Charity a dit qu'elle pensait que les gamins Groves savaient sans doute qui faisait partie de ce groupe", se rappelle Dawn. "Peut-être que ceux qui savent veulent avant tout les protéger. Ça peut être un groupe nombreux, bien connecté avec la population du quartier et du coup bien protégé."
"C'est un peu ce que disent les policiers", je lui accorde, même si mes tripes continuent de penser comme Kingsley qu'un tel secret tient mal s'il est trop partagé.
"Mais à ce stade, tenir ça pour acquis, ce serait se fermer plein de possibles", elle commente.
"Je voudrais en effet qu'on élargisse notre perspective", j'abonde, soulagée que ça vienne d'elle.
"Tu veux que je lise votre rapport sur la voleuse de bijoux et toi, tu lis notre rapport sur le proxénète et on cherche les différences ?", propose Dawn avec une simplicité retrouvée qui me fait du bien.
"Ça me paraît un bon début", j'approuve en poussant vers elle le dossier sur Maina Manta, responsable de vols audacieux et élaborés grâce à un usage créatif du Polynectar. "J'ai eu l'impression qu'elle avouait par fierté au fond", je rajoute en lui tendant le dossier.
"Henry Hamnet, l'aubergiste proxénète, tu verras que lui a avoué par trouille de cette Justice de proximité", indique Dawn alors que je cherche le bon rouleau.
Le mot proximité m'arrête. Il me semble qu'une fois de plus mon cerveau voit des connexions implicites, mais peinent à les formuler clairement.
Quand l'équipe arrive - nombreuse et diverse, je le mesure -, elle nous trouve plongées dans les dossiers, mais entre nous, il y a une liste de choses qu'on a repérées et qu'on veut creuser. Et c'est ce que j'annonce à tous, soutenant leurs regards intrigués par la nouvelle géométrie - ça aussi, je le perçois nettement et je m'intime de ne pas l'oublier. D'assumer, mais d'être juste dans ma direction.
"Hier soir", je me lance donc. "Je n'arrivais pas à dormir parce que je me disais que je n'arrivais pas à prendre de la hauteur sur tout ce qu'on commence à savoir. J'ai décidé de revenir lire ça à l'aube. J'ai proposé à Dawn de me rejoindre dans l'espoir de ne pas avoir à signer des heures supplémentaires en plus", je décide de formuler. Ça déclenche plus de rires polis que ça ne devrait.
"Et la seconde d'une équipe doit connaître les dossiers", estime alors Charity dans son rôle de porte-parole impertinent du groupe. Mais je sais qu'elle veut vérifier la chaîne de commandement. Jusque-là, Perkins était parmi les plus gradés et je sais qu'elle attache de l'importance à ce genre de choses.
"Elle a intérêt, oui", je décide de poser. Je sens la nervosité ravalée de Dawn devant cette affirmation de son rôle. J'espère être la seule. "D'ailleurs, je vais laisser Dawn vous présenter les idées qui nous sont venues et qu'il va falloir évaluer maintenant."
Ma plus vieille copine se redresse et prend la liste dans ses mains, la parcourant une dernière fois avant de prendre la parole en regardant un peu au-dessus de nos subordonnés, je note presque à mon insu. Moi, j'aurais mis un point d'honneur à regarder Charity, voire chacun des membres de notre équipe.
"D'abord, il y a les lieux où les gens ont été enlevés par la Justice", se lance Dawn. "Hunter, Waverleigh et Manta ont été agressés chez eux ou tout près de leur domicile. On peut se dire que leur adresse pouvait être assez largement connue et qu'il est difficile d'en faire une piste. Par contre, deux ont été assommés ailleurs. Et ça semble plus intéressant. Hamnet, que nous avons interrogé hier, Ron et moi, évaluait les travaux à faire dans un bâtiment qu'il comptait acquérir pour agrandir ses activités. Il ne l'avait pas encore acheté. Le propriétaire lui avait laissé la clé pour qu'il visite une seconde fois. Qui pouvait savoir qu'il serait là, seul, à ce moment précis ? Ça mérite de creuser."
Toute l'équipe opine, saisie par l'idée qui s'est dessinée. Ron a l'air de se retenir de demander s'il doit immédiatement lancer l'enquête.
"Et Raven a reçu un message signé de son cousin qui la pressait de venir à un rendez-vous secret au cimetière", intervient Charity avec un nouvel entrain. "On sait que son cousin n'a jamais écrit ce message."
"Mais quelqu'un savait que Raven viendrait si son cousin, qui semble aussi plus ou moins son complice, lui écrivait", rajoute Dikkie, pas moins excitée que sa cheffe.
"Quelqu'un de proche", estime Runeson.
"Proche de qui ?", contre Oliver sur un ton fatigué. "Comment cette fameuse Justice pourrait être proche de toutes ces personnes ? Je sais qu'ils sont sans doute plusieurs, mais quand même !"
"Eh bien, c'est exactement ce qu'il faudrait qu'on découvre, Oliver", je lui annonce avec fermeté. Je le vois ravaler une protestation. "Je pense que mon équipe fera ça. Avec l'aide d'une partie des policiers. Mais on a eu d'autres idées", je rajoute avec un signe de tête pour Dawn.
"Un axe intéressant est cette fameuse troisième personne parfois présente selon les... personnes enlevées. Hamnet pense que c'est une femme et sans doute une de ses propres victimes. Ça, c'est une piste intéressante. Allez voir les femmes qui ont porté plainte contre lui depuis qu'il a été démasqué et voir ce qu'elles ont à dire sur la question..."
"Pour entendre encore des éloges sur la Justice Bafouée qui, elle, s'intéresse aux vraies victimes ?" soupire de nouveau Oliver Forrest.
"Sans doute", j'interviens. "Mais ce qui nous intéresse, nous, c'est comment la Justice Bafouée choisit ses victimes, Oliver. Ou ses coupables. Si une des victimes de Hamnet était proche de la Justice, ça expliquerait des choses et ça nous rapprocherait de ceux qui opèrent en son nom..."
"Ok, Tonks", admet Oliver, rappelant pas innocemment qu'il m'a vu arriver aspirante dans cette Division, "Mais si j'étais la fille victime d'Hamnet et proche de la Justice, est-ce que je me serais fait connaître en portant plainte ?"
"On n'est sûrs de rien tant qu'on n'a pas vérifié", je commente, "mais on sait aussi que souvent les gens essaient de savoir ce qui se passe... Porter plainte est un moyen d'obtenir des informations."
"Et puis sans plainte officielle, Hamnet aurait déjà été relâché", intervient Dawn.
"Tout à fait", j'abonde. "Ça fait plein de pierres à retourner, je vous l'accorde, mais c'est mieux que de n'avoir rien à faire."
Tout le monde opine et Charity conclut : "Et ça, c'est la piste que va creuser l'équipe de Dawn, c'est ça ? On peut choisir où vous avez déjà décidé ?"
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Merci pour l'avalanche de cartes postales en réponse au dernier chapitre. Je vais vous répondre de ce pas ! J'ai mis du temps à publier la suite mais je vous promets que la suite est bien écrite. Le prochainse penchera sur les modes opératoires...
