Musiques : Kumo to rôba to shôjo (Jigoku Shôjo, OST 1), Lurking et Mist (FMAB, OST 1), Nocturne of Amestris (FMAB, OST 2)
Note : Ce chapitre est sans nul doute l'un de mes préférés. Il ne s'y passe pas forcément grand-chose, mais j'aime beaucoup l'atmosphère qui s'en dégage. Je ne sais pas trop pourquoi… sans doute que ça me rappelle quelque chose, à moi aussi ! D'ailleurs, je vous conseille fortement d'écouter la première musique suggérée pour la première moitié du texte. Je trouve que ça ajoute vraiment quelque chose.
Chapitre 17 : Retour aux sources
« Descends. »
Pride n'hésita qu'un bref instant avant d'agripper la poignée de la portière. Il inspira un grand coup et sortit de la voiture. Il frémit lorsque ses pieds, partiellement nus, entrèrent en contact avec les pierres humides qui pavaient le trottoir.
Le jeune homonculus huma l'air frais porté par une brise tremblante. Puis, il leva les yeux et les posa sur la maisonnette qui se dressait face à lui dans l'obscurité – toute relative, puisque des réverbères éclairaient la rue baignée de nuit.
La propriété était composée de deux étages, auxquels s'ajoutait un grenier, à en juger par la hauteur de la façade. L'endroit paraissait inhabité ; « abandonné » aurait même été plus juste, compte tenu de l'état misérable du jardin, où poussaient pêle-mêle pissenlits, chardons et herbes folles. Naguère, cette maison avait dû être emplie de lumière et de rires… de chaleur et de réconfort.
À présent, elle n'était plus que silence. Que souvenirs.
Pride se sentait perdu. Tout, ici… lui semblait familier. En dépit de sa mémoire, qui lui assurait le contraire, ses sens, eux, ne pouvaient le tromper. De plus, quelque chose en lui lui murmurait qu'il n'était pas étranger à cet endroit.
Un jour, le garçon en avait la certitude, l'atmosphère de ces lieux oubliés avait été tout à fait différente.
« Alors ? » lança Envy après avoir fermé la voiture à clef.
Il contourna le véhicule pour venir se poster aux côtés de son puîné. Il embrassa du regard l'habitation, avant de le reporter sur la tête blonde près de lui.
Pour toute réponse, l'Orgueilleux haussa les épaules, mal à l'aise. Il n'avait jamais aimé partager ses sentiments, même avec Envy, et surtout pas lorsqu'il était aussi troublé.
« Bah, ça viendra ! Allez, entre », l'invita le polymorphe en sortant le trousseau que lui avait confié leur père pour déverrouiller la grille, qui céda ensuite sous sa poussée dans un petit grincement.
Pride se raidit un instant à l'écoute de ce son, mais se mura en un éclair derrière son masque d'indifférence. Sans répondre au regard interrogateur de son chaperon, qui avait perçu sa tension, il pénétra dans la propriété.
Envy préféra laisser son camarade inspecter le jardin avant de leur donner accès à la demeure en elle-même, mais jeta tout de même un œil méfiant aux alentours ; personne ne devait les voir. Alors, et quoiqu'il se fût assuré de leur sécurité, le brun ne tarda pas à siffler son compagnon pour le garder de trop flâner. Une fois celui-ci à ses côtés, il ouvrit la porte de l'habitation, puis ouvrit la marche.
Pride hésita de longues secondes sur le seuil avant de s'engouffrer à la suite de son guide. Là, un cocktail d'odeurs indéfinissables, mais étrangement réconfortantes, explosa à son nez. Les sens en alerte, il avança d'un pas plus pressé jusque dans l'entrée, tournant la tête en tous sens.
« Je suis déjà venu ici… », souffla-t-il, désorienté.
Même dans le noir, le jeune homonculus reconnaissait certaines choses. La sensation était presque… pénible. Mais paradoxalement si enivrante…
Des bribes de souvenirs indistincts émergeaient successivement.
D'une mémoire qui n'était pas la sienne.
Tantôt le son d'une latte de parquet qui grinçait sous les pas lourds de son compagnon, tantôt le brillant du vernis d'un meuble ou un parfum aux notes surannées… Malgré son égarement, Pride ressentit l'impérieux besoin d'en savoir plus. Ainsi, passé le malaise des premiers instants, il se prit rapidement au jeu. Qui disait « nouvel environnement » disait « découvertes » ; le nouveau-né qu'il était adorait ça. Il s'engagea donc plus avant dans la pièce dans laquelle ils avaient atterri et s'amusa à essayer de deviner ce que cacherait chaque recoin de celle-ci.
Plus qu'un simple hall, c'était un salon. Face à la porte, un canapé en cuir sombre et deux fauteuils étaient disposés en cercle sur un large tapis rouge à franges. Autour d'eux, deux bibliothèques pleines à craquer de vieux ouvrages s'étiraient jusqu'au plafond, telles des cerbères prêts à fondre sur ceux qui auraient eu l'audace de troubler leur repos. Un buffet, non loin, témoignait lui aussi des temps révolus de ce lieu endormi. Au travers de ses vitres, on distinguait, nonobstant les ténèbres, de la vaisselle d'un goût douteux. À en croire l'épaisse couche de poussière qui la recouvrait, fort était à parier qu'elle avait été prévue pour accueillir du monde, mais qu'elle n'avait jamais eu le temps de servir avant que les occupants de la demeure ne s'évaporassent dans la nature.
Une fois qu'il eut fait le tour de la pièce dans le noir le plus total – et qu'il se fût mangé au moins deux meubles à force de garder le nez en l'air – Pride, porté par sa mémoire, décida d'explorer seul cet endroit qui avait un jour été son foyer.
« Hey ! Où tu vas ? » s'enquit aussitôt Envy alors que son disciple filait par l'arcade en bois reliant l'entrée au reste de la demeure.
Le blond n'eut cure de l'appel de son frère ; celui de la maison était plus fort. En déboulant dans ce qui paraissait être une salle à manger, il eut là encore l'impression de faire un bond dans un passé… qui n'était pas le sien. L'endroit avait été comme figé dans le temps. Une immense baie vitrée y laissait pénétrer les quelques derniers rayons de lune. Ceux-ci éclairaient une grande table décorée d'un vase dans lequel croupissaient une eau malodorante et ce qui avait dû un jour être des fleurs, à présent fanées.
« Pride ! » insista Envy, plus fermement, alors qu'il le voyait contourner le meuble pour filer vers l'escalier tout proche.
Le petit blond s'immobilisa et lui accorda enfin son attention.
« Tu attends », se fâcha l'androgyne.
Sitôt assuré de son autorité par l'expression contrite de son élève, Envy alluma la lumière. Bon, certes, ce n'était pas très prudent alors qu'ils étaient censés se faire discrets, mais c'était l'affaire d'à peine quelques minutes par pièce. Histoire de repérer plus aisément des éléments compromettants comme… OH ! Comme cette photo, juste là, qui ornait le buffet à même pas un mètre.
Dessus, on y voyait Edward, en uniforme militaire, flanqué de son frère. Le cliché avait certainement dû être pris le jour où le garçon avait été promu et qu'il avait daigné revêtir, pour la première fois, sa tenue réglementaire. Comment l'Envieux le savait-il ? Tout simplement car le jeune alchimiste affichait une moue embarrassée à la vue de ses manches, trop grandes, qui ne laissaient même pas apparaître ses mains. La parfaite ménagère qui lui servait de petit frère n'avait donc pas encore eu le temps de lui faire des ourlets à ce moment-là.
Mais bon. L'heure n'était pas aux moqueries, mais plutôt à l'urgence : ni une ni deux, le brun attrapa le cadre et le planqua à l'intérieur du meuble sous les yeux fort intéressés de Pride.
L'éphèbe plissa les siens. Son compagnon était curieux, d'accord, mais pas au point d'aller fouiller partout, si ?
Si. Bien sûr que si.
Bon, O.K. Il enlèverait cette photo en temps voulu, mais pour l'instant, il la confiait aux bons soins du bois et des acariens.
Envy retourna vers son camarade et lui indiqua :
« Je monte en premier. Toi, tu me suis. »
Pride, s'il ne souhaitait pas contredire son professeur, n'en pensa tout de même pas moins et fit la moue. Tandis qu'il suivait son guide à l'étage, il se promit de faire un tour plus approfondi de la maison lorsqu'il serait seul. Il avait entrevu une cuisine, au rez-de-chaussée. Il comptait bien la visiter aussi.
Au premier, les deux homonculi découvrirent un couloir qui s'étendait sur toute la longueur de l'habitation. Il desservait trois pièces, toutes alignées sur la droite : deux chambres et une salle de bain, tout au bout.
Envy fit signe à Pride de l'attendre sur le palier et s'élança vers les chambres pour vérifier laquelle était celle d'Alphonse – c'était une chose d'épier les gens de l'extérieur ; c'en était une autre de resituer les pièces dans le bon ordre une fois à l'intérieur. Il passa ainsi la première porte qui vint, actionna l'interrupteur et fila inspecter l'armoire qui se trouvait au fond de la pièce. Les habits qu'elle contenait le renseignèrent sans mal : vu leur taille, cette chambre-ci était celle d'Edward.
Le brun eut un léger sourire à cette constatation… qu'il perdit bien vite en sentant un regard insistant braqué sur son dos.
Il tourna la tête et vit dans l'encadrement de la porte une paire d'yeux bien curieux.
« Priiiiiiide… Qu'est-ce que j'ai dit ? »
Envy lui fit les gros yeux.
Bordel, mais pire qu'un gosse, quoi !
Le jeune chenapan sursauta puis disparut, retournant s'installer sur le palier. Tout du moins, c'était ce qu'il espérait faire croire à son aîné. Mais Envy vit clair dans son jeu. Silencieusement, il se déplaça en crabe pour attraper l'un des coussins qui décoraient le lit, et attendit.
Un.
Deux.
Trois.
Et la petite tête blonde réapparut au même endroit.
Envy, ravi, lui balança illico l'oreiller en pleine face. Sa précision était redoutable : l'espion n'eut même pas le temps de réagir qu'il tomba à la renverse dans un cri plaintif. Son tortionnaire éclata de rire sans retenue, peu soucieux de ménager l'ego de son protégé, qui lui adressa un regard courroucé. L'androgyne s'en moqua royalement :
« Eh ouais ! Ça t'apprendra à désobéir. Allez, ouste ! Retourne là-bas. »
Vexé comme un pou, Pride poussa un soupir court pour condamner l'affront que venait de lui faire Envy, mais se plia à son injonction malgré tout.
Après avoir inspecté la pièce et dissimulé ce qui était susceptible de perturber son disciple, Envy fit de même pour la chambre du petit frère collant ainsi que pour la salle de bain. À ceci près qu'une fois la deuxième pièce vérifiée, il la ferma à double tour. Remarquant l'air interrogatif de Pride, l'Envieux s'expliqua :
« Tu ne rentres pas là. Et non, tu me demandes pas pourquoi. Tu n'y vas pas, c'est tout. »
Pride lui lança un regard par en dessous qu'il connaissait bien. Ce regard qui voulait dire : « S'il te plaît ? »
Envy crut fondre. Mais…
« C'est non », asséna-t-il, catégorique.
Il envoya une pichenette sur le front à son cadet, histoire de le punir de sa fourberie. Le sale petit vicieux ! Il savait, en plus, dilater ses pupilles juste comme il le fallait pour augmenter ses chances de réussite. Mais ça ne marcherait pas ce coup-ci. Et pour s'en assurer, Envy changea de sujet : il entraîna Pride dans la chambre qu'il avait un jour habitée. Sous une autre identité et dans un tout autre état – d'âme –, il est vrai, mais cela l'occuperait suffisamment pour qu'il ne se souciât plus de la pièce adjacente, désormais condamnée.
« Alors ? » s'enquit le polymorphe.
Pride fit le tour du propriétaire, puis se posta à la fenêtre avec cet air songeur qui l'éloignait du monde. Il resta silencieux de longues secondes dans l'obscurité qu'Envy n'avait pas pris la peine de chasser cette fois, puis souffla :
« J'ai comme une impression… de déjà-vu. C'est tout. »
Et, de nouveau, le blond se tut. Il avait déjà trop parlé.
Envy soupira avant de se laisser choir sur le lit. Pride était-il une cause perdue ? Arriverait-il seulement à quoi que ce fût avec lui un jour ?
L'intéressé partageait ses craintes. Une part de lui s'était attendue à une épiphanie, il devait l'avouer. Or, tout ce qu'il avait trouvé entre ces quatre murs n'était que…
« Quel beau ciel... »
Pride s'arracha à ses idées noires pour admirer les dernières étoiles timides qui constellaient le ciel où, à l'horizon, le soleil se levait déjà. Il émit un petit son d'approbation. C'est vrai que l'aube était splendide.
« T'as dit quelque chose ? » releva Envy, qui sauta du lit pour le rejoindre. Pride se tourna vers lui et fronça les sourcils, perplexe. Il s'apprêtait à répondre, lorsqu'il entendit :
« Regarde ! »
Son attention fut de nouveau captée par une voix, qui n'appartenait manifestement pas à son frère. Et cette voix, si familière, n'avait rien à voir non plus avec celle qu'il avait déjà entendue à plusieurs reprises, logée au fond de sa tête. Elle était beaucoup plus douce. Plus aiguë, aussi. Et elle l'attirait inexorablement vers ce firmament où la nuit déclinait dans le lointain.
« Tiens ? Une étoile filante… », fit Envy, à peine surpris. En deux cents ans d'existence, il avait eu le temps d'en admirer, des étoiles ; filantes comme statiques, du reste. Alors, ça ne l'étonnait qu'à moitié d'en voir une, même si tôt dans l'année, et aux aurores.
Pour Pride, par contre, c'était un spectacle fascinant. C'était la première fois qu'il en voyait une. Il ne put s'empêcher de suivre du regard, bouche bée, la traînée vaporeuse du corps céleste mouvant qui disparaissait déjà, emporté par le bleu profond du ciel. Pour un peu, on eût dit que le jeune garçon espérait passer à travers la vitre afin d'observer le phénomène de plus près, ou qu'il se demandait : « Mais attends… ça bouge, les machins dans le ciel ?! ».
Envy, amusé par cette réaction qu'il trouvait disproportionnée, s'apprêtait à lui en faire la remarque pour le taquiner quand son cadet se tourna vers lui et lui demanda à brûle-pourpoint :
« Tu as fait un vœu ?
— Un vœu ? Pour quoi faire ?
— Je ne sais pas… », avoua le blond, interloqué lui-même par sa propre question.
Pourtant, quelque chose lui disait que c'était l'occasion rêvée pour confier une prière au ciel. Alors, si Envy ne voulait pas se prêter au jeu, lui, il le ferait. Il ferma les yeux, formula son souhait muet, puis les rouvrit… et se retrouva nez à nez avec le brun, bien plus proche de lui qu'avant.
Pride discerna, malgré l'obscurité, une lueur particulière dans les yeux de son aîné, dont les pupilles étaient rétractées comme rarement. Il sentit le bras d'Envy, qui s'était enroulé autour de lui le temps qu'il se coupât du monde, exercer une pression légère mais insistante sur son torse, alors qu'il se penchait vers lui.
Un peu perdu, le jeune homonculus se figea.
Que devait-il faire ?
Choix 1 : (bouger)
Choix 2 : (rester immobile)
…
À vous de choisir ! ~
White Assassin
