Avec son corps transcendant de loin les ultimes limites humaines, au point de même dépasser sa propre capacité de rendement, Arashi s'interdit de ralentir malgré la douleur qui commençait à ronger son cerveau. Le fait qu'il puisse continuer à étouffer le son et l'onde de choc générés par sa seule vitesse, tout en maintenant cet état de renforcement extrême, constituait un exploit, témoignant de son immense maîtrise de la force occulte.
Alors qu'il approchait de la montagne, sa perception sensorielle détecta l'explosion d'une force occulte titanesque. Il n'eut pas besoin de déployer davantage ses capacités de détection, n'ayant aucun mal à reconnaître cette énergie comme étant celle de son jumeau. Satoru combattait le Tueur d'exorcistes. Il pouvait le sentir, à la façon dont son énergie occulte bougeait et pulsait, alimentant sa technique. Et celui-ci paraissait être un adversaire difficile.
Une chose cependant faisait naître le trouble dans son esprit. Sa perception sensorielle ne pouvait détecter le Tueur d'exorcistes, lui donnant l'absurde impression que son frère se battait contre quelque chose d'invisible.
Il atteignit le parking quand soudain, la force occulte de Satoru s'éteignit brusquement, le laissant figé d'incrédulité, d'incompréhension... et de crainte.
C'était impossible. Cela n'avait aucun sens ! Satoru était le Plus Fort !
Insensible à la douleur brûlant son cerveau, il reprit sa course sans prendre la peine cette fois de contenir la rupture du mur du son, son inquiétude pour son frère éclipsant tout le reste. Il ressentit à peine la sensation visqueuse de la barrière de Tengen alors qu'il s'engouffrait dans l'enceinte de l'école ; ses yeux, eux, ignorèrent totalement la masse complexe et raffinée des innombrables fils d'énergie occulte tressés les uns avec les autres qui constituaient la première couche du Sanctuaire du Pavillon des Étoiles Mortes.
Un shinobi était, après tout, entraîné depuis le plus jeune âge à ne rien laisser le distraire en combat, car le moindre instant d'inattention pouvait signifier la mort.
Après un laps de temps pourtant très court, mais qui lui parut durer des heures, il arriva enfin à l'endroit où il avait senti la force occulte de son frère disparaître.
La zone était une pure représentation de la dévastation. Là où il se souvenait que des bâtiments construits il y a des siècles et épargnés des effets du temps grâce à de puissants talismans s'alignaient, il ne restait plus que quelques décombres broyés par une force primordiale et un large cratère qui ne pouvait avoir été créé que par une seule technique. Au centre se dressait un fragment de sol préservé de la destruction sur lequel reposait un corps. Un cadavre... Un cadavre encore chaud, baignant dans son propre sang et entouré de Têtes de mouche, tels de véritables insectes attirés par une charogne.
Comme ces mêmes insectes, ces pitoyables fléaux n'avaient pas la force de ne serait-ce que blesser un humain. La cause de la mort était tout autre.
Le cadavre avait le front perforé, d'où suintait un écœurant mélange entre son sang et ce qui était très possiblement du liquide cérébrospinal. Sa gorge était transpercée, tout en étant le point de départ d'une profonde et large lacération s'étendant jusqu'à l'abdomen et ayant déchiré des couches entières de muscles et de graisse, atteignant potentiellement même la cage thoracique. Sa cuisse droite présentait des plaies extrêmement profondes qui avaient entaillé os et artères.
C'était un cadavre dont il émanait encore des résidus d'une force occulte incommensurable et dont les yeux vides perdaient progressivement de leur lueur éthérée. Un cadavre dont l'uniforme et les cheveux blancs comme la neige, identiques aux siens, étaient imprégnés de sang. Un cadavre dont il partageait tout ce sang et cette chair lacérée...
Son expression reflétant encore la stupeur et l'horreur provoquées par la vue de cette scène épouvantable, il fit un mouvement pour repousser les mèches ensanglantées collant à la peau du visage de l'être qu'il aimait plus que tout, tandis ses yeux écarlates gravèrent impitoyablement de manière autonome l'image de ce corps mutilé dans son esprit.
« Satoru... »
Pour la première fois après huit années, des larmes commencèrent à couler de ses yeux. Son attention était si concentrée sur la dépouille de son jumeau que, si le meurtrier avait surgi pour l'abattre lui aussi, il aurait été bien incapable de réagir.
Le choc initial ayant muté rapidement en horreur, celle-ci se transforma alors en colère, puis en une rage dévastatrice qu'il parvint à peine à contenir. Sa mâchoire se contracta, serrant sa dentition avec force. Ses yeux brillèrent d'une lueur plus intense et restèrent figés dans un écarquillement raidi. Son énergie occulte, plus transcendante et sinistre encore que celle de son frère, se déchaîna, repoussant avec une violence inouïe l'air autour de lui. Elle était, à cet instant, si immense et agitée qu'elle rayonnait d'une lueur bleu sombre entourant sa silhouette.
« Arashi ? »
Il se tourna vers la source de la voix, rencontrant les silhouettes tremblantes de Shoko et de leur camarade de première année, Kento Nanami, tous deux très affectés par l'incommensurable pouvoir qui irradiait de lui.
Shoko se tenait à quelques mètres à peine d'Arashi, son expression affligée, inquiète et craintive, la respiration haletante, semblant à peine capable de tenir debout. Nanami avait un genoux à terre, à quelques pas de la guérisseuse, les yeux écarquillés et son visage reflétant l'effroi et la méfiance. Contrairement à elle, il n'arrivait même pas à respirer.
Leur peur s'accrut considérablement lorsque ses yeux écarlates brûlant de haine se posèrent sur eux, mettant fin à la lutte de Shoko pour tenir sur ses jambes.
Soudain, le son d'une explosion violente retentit vaguement et la terre sous leurs pieds trembla, détournant son attention de Satoru pour la première fois depuis longtemps.
Sans un mot, il se précipita à une vitesse fulgurante vers le bâtiment qu'il savait mener au domaine de Tengen, abandonnant ses camarades derrière lui.
En principe, pénétrer de force dans ce même domaine, le Pavillon des Étoiles Mortes, aurait dû être impossible, à moins de posséder une maîtrise des techniques de barrière et des talismans comparable à celle de Tengen elle-même, celui-ci étant protégé par la barrière du Sanctuaire qu'il constituait et un sort intégré à celle-ci qui faisait que sur les mille portes se déplaçant continuellement, une seule permettait d'accéder au domaine. Toutefois, Arashi Gojo, grâce à sa technique innée permettant notamment l'intangibilité par le transfert d'une partie ou de l'ensemble de sa forme physique hors de l'espace tridimensionnel, put pénétrer dans le Pavillon des Étoiles Mortes, simplement en activant sa Dématérialisation. Avant même que la doyenne des exorcistes n'ait le temps de lever sa barrière.
Dès lors, la signature d'énergie occulte de Suguru se chargea de le guider à travers le vaste complexe souterrain, vers l'endroit où il savait que le meurtrier de son frère se trouverait. Il s'engouffra dans le dernier couloir, ne remarquant même pas le cadavre encore chaud de Kuroi, la gardienne d'Amanai, dans sa course et atteignit enfin le Pavillon.
C'était une immense salle, aussi haute qu'une cathédrale, au centre de laquelle se dressait un arbre gigantesque entouré d'un réseau de bâtiments anciens. Quelques uns étaient endommagés, voire détruits. Ses sens aiguisés perçurent la force occulte de Suguru qui pulsait de manière irrégulière, lui indiquant que son ami était blessé, mais aussi deux autres ; l'une, faible et primitive, appartenant à une entité maudite de classe inférieure, et l'autre, étonnamment lourde et épaisse mais inanimée, lui confirmant qu'il s'agissait d'un objet maudit particulièrement puissant.
Ses aptitudes physiques renforcées à leur paroxysme par son énergie occulte, Arashi s'engouffra dans le complexe labyrinthique à une vitesse bien trop immense pour que le Tueur d'exorcistes, qu'il repéra facilement grâce à la signature d'énergie de son fléau et de son arme, ne puisse réagir à temps, sa garde baissée par son triomphe sur les Plus Forts.
Le puissant coup de pied latéral d'Arashi atteignit le Tueur d'exorcistes au visage avec suffisamment de force pour pulvériser la tête même d'un sorcier de Classe Un, créant une onde de choc et projetant ce dernier au travers de dizaines de fusuma et autres structures. Sans perdre un instant, il se rua dans le passage creusé dans le réseau de bâtiments, avec la ferme intention d'infliger au meurtrier de Satoru la mort la plus atroce et cruelle possible, mais le retentissement de plusieurs coups de feu, suivi de quatre balles filant plus vite que le son vers sa position l'obligèrent à interrompre sa course.
Il réagit instinctivement, s'écartant de la trajectoire, mais l'un des projectiles parvint à l'atteindre au bras, bien que la rage et la haine qui bouillonnaient en lui, associées à l'adrénaline courant dans ses veines, l'empêchèrent de ressentir une réelle douleur. En raison des propriétés de son énergie occulte et de la quantité qui imprégnait actuellement chacune de ses cellules, rendant son corps au moins aussi résistant que l'acier, la balle avait également tout juste réussi à percer sa peau.
Il la détruisit d'une simple pensée en la surchargeant d'énergie occulte directement au niveau atomique.
« Eh bien, si ce n'est pas la Terreur Blanche de la famille Gojo... »
La silhouette imposante de Toji Zenin s'extirpa calmement du nuage de poussière, ses mains massant sa nuque tout en étirant ses épaules musclées ; un léger filet de sang coulait de sa lèvre et quelques contusions mineures ornait sa joue droite, mais autrement, il paraissait indemne. Un esprit maudit à l'apparence d'un long et gros vers violet doté d'un visage de nourrisson était enroulé étroitement autour de son corps.
Sans réfléchir un cinquième de seconde de plus, un flot de paroles viscérales ne demandant qu'à être crachées coincé derrière ses lèvres et ses dents serrées, Arashi fit jaillir de ses pupilles à une vitesse fulgurante une énergie occulte porteuse de pas moins de trois illusions distinctes. Celle-ci se faufila dans le corps de l'homme sans parvenir à trouver la moindre once de force occulte à laquelle s'accrocher, s'en échappant finalement plus vite encore qu'elle n'y avait pénétré.
« Je m'attendais pas à ce que tu me retrouves si vite, gamin » dit Toji en s'avançant de quelques pas, sans se douter que le combat aurait pu se terminer en un instant.
La rage d'Arashi se calma l'espace d'un instant lorsqu'il comprit pourquoi le traître Zenin lui semblait familier ; la vérité étant que les Yeux de Samsâra avaient déjà rencontré les yeux du Tueur d'exorcistes et vu son visage balafré. Il s'agissait du même homme qui s'était infiltré sur les terres du clan Gojo huit ans plus tôt et les avait pris en filature, lui et Satoru, avant d'être repéré. Un homme qu'il avait immédiatement su être plus fort que son aïeul ou trois maîtres des fléaux de Semi-Classe Un réunis, en dépit de l'absence totale de la force occulte en lui.
Il accepta la prétendue impossibilité de la situation sans même y réfléchir – son état émotionnel ne le permettait pas. Cela expliquait pourquoi le genjutsu avait échoué.
La tenue de l'homme, composée d'un haut noir moulant et d'un pantalon ample de couleur grise maintenu par une ceinture d'apparence traditionnelle, donnait, en particulier son vêtement supérieur, une vue parfaite à Arashi des muscles surhumains définissant son physique puissant.
« Rien à dire ? » ajouta Toji avant qu'un sourire cruel ne se dessine sur ses lèvres. « Voir le cadavre de ton frère chéri a été trop dur ? »
Son sourire disparut lorsqu'il fut forcé de parer le poing renforcé d'Arashi avec son bras, se retenant à peine de grimacer de douleur sous la puissance du coup tandis que son corps était repoussé de quelques mètres, ses pieds raclant le plancher du couloir.
Brûlant d'une haine sans égal et d'une rage meurtrière comme Toji ne se souvenait jamais en avoir vu, les Yeux de Samsâra rayonnaient de toute leur puissance. L'aura émise par la force occulte de leur porteur était écrasante et sinistre, imprégnée d'une volonté indomptable et d'une ardente intention meurtrière, mais le Tueur d'exorcistes ne paraissait pas s'en préoccuper. Au contraire, il semblait carrément trembler d'excitation à l'idée du combat à venir.
« C'est bien toi qui l'as tué, misérable ? »
Il ne réalisa que ces mots étaient les siens que lorsque son ennemi lui lança un regard surpris. La surprise céda cependant vite la place à l'amusement, accompagné d'un sourire sauvage.
« Tu es donc venu jusqu'ici pour venger la mort de Satoru Gojo ? J'imagine que c'est une raison valable comme une autre... »
Et le Tueur d'exorcistes bougea.
Sa vision fut momentanément obscurcie par le clignement de ses yeux, puis la plus grande partie de son champ visuel se retrouva soudain couverte par un avant-bras. Il fut forcé d'admettre qu'il avait sous-estimé la vitesse du traître Zenin, mais ce dernier avait fait l'erreur de sous-estimer ses yeux.
Bien que son absence d'énergie occulte, associée à son immense vitesse et sa maîtrise du combat rapproché, rendait les mouvements de Toji imprévisibles pour un exorciste ordinaire, et assez difficiles à anticiper pour Arashi, les deviner n'avait rien d'impossible. Les Yeux de Samsâra, comme le Sharingan avec le chakra, devinaient les mouvements d'un adversaire à la fois par la lecture du flux de l'énergie occulte et par l'observation de la plus infime pulsation de force parcourant le corps à la moindre tension musculaire, mais aussi en octroyant également à leur porteur une faculté unique : la précognition. Depuis l'éveil de ses yeux à la suite du déclenchement du Rayon Noir, Arashi avait acquis le pouvoir de percevoir les fluctuations de l'âme ; celle-ci se mouvant avant le corps, la lecture de ses oscillations lui permettait de prédire avec une exactitude rigoureuse chacun des mouvements de n'importe quelle créature en étant dotée : humain, esprit maudit, et marionnette occulte.
Ainsi, malgré son bref étonnement due à la nature déstabilisante du Tueur d'exorcistes, il se pencha en arrière avec agilité, l'attaque violente passant sans danger au-dessus de son visage crispé.
Se redressant en un instant, il pivota sur lui-même et arma son poing, le dirigeant directement vers la colonne vertébrale de son adversaire, y canalisant une grande quantité d'énergie qu'il se prépara à relâcher à l'impact. Cependant, Toji stoppa brusquement son élan dans une démonstration de force et de réaction remarquable, en écrasant son pied sur le sol avec bien assez de puissance pour le fissurer. Avec célérité et agilité, il tordit ses hanches et décrocha un coup de pied sur le flanc d'Arashi au moment précis où le poing renforcé de ce dernier le frappa à l'abdomen.
Arashi fut projeté sur le côté, traversant plusieurs murs fragiles, tandis que son poing envoya le Tueur d'exorcistes voler en arrière, l'énergie occulte relâchée se propageant dans tout le corps surhumain de l'homme, telle une onde, et faisant vibrer très désagréablement ses organes internes.
Toji se retint de poser un genoux à terre, empoignant son abdomen endolori et toussant quelques fois. En une fraction de seconde, Arashi revint dans le couloir, indifférent à sa côte meurtrie, et se rua sur le Tueur d'exorcistes, cherchant à lui asséner une multitude de frappes aussi précises que mortelles. Encore déstabilisé par la puissance du coup et ne s'attendant visiblement pas à ce que l'adolescent récupère si vite, ce dernier ne put rien faire d'autre que se défendre en parant ou en esquivant imparfaitement, incapable de contre-attaquer. Il avait cependant suffisamment de contrôle sur son corps pour empêcher les coups qui traversaient sa garde de frapper ses points vitaux, mais les centaines d'attaques d'Arashi lui causait néanmoins de la douleur.
Le Tueur d'exorcistes sourit soudain sauvagement.
Arashi pencha brusquement la tête à gauche pour esquiver la lame tranchante qui sortit à une vitesse alarmante de la bouche du fléau enroulé autour du torse de son ennemi. En conséquence, il fut contraint de lever sa garde pour empêcher le poing de Toji de lui briser le crâne. Cette fois, il sentit la douleur éclater dans ses bras désormais contusionnés ; ses os vibrèrent, et la partie rationnelle de son cerveau l'informa qu'il était très probable que ses membres présentent plusieurs fractures, mineures mais pas inexistantes.
Le traître Zenin était extrêmement rapide et résistant – sa vitesse brute dépassait la sienne, tandis que sa résilience physique n'avait presque rien à envier à l'immense durabilité accordée à son corps par son énergie occulte singulière –, tout en étant doté d'une force monstrueuse qui agitèrent dans son esprit en proie à la haine et la fureur des souvenirs aussi palpitants qu'angoissants d'Hashirama Senju et de Gaï Maïto.
Face à lui, l'homme balafré brandissait dans sa main un poignard à deux dents, ressemblant vaguement à un épais sai brisé qui paraissait avoir été originellement conçu pour être la pointe d'une lance. Il souriait d'un air narquois.
Ses yeux l'avertirent immédiatement de la nature maudite de l'arme.
« Allez, amène-toi, gamin. »
Parvenant à peine à contenir sa rage, Arashi obligea la force occulte qui bouillonnait en lui à pénétrer l'essence même de son être, le renforçant au-delà de ses ultimes limites. La douleur brûlante qui pulsait dans son cerveau s'accrut, lui permettant de rester fragilement ancrer à la lucidité malgré son état émotionnel.
Alors, il chargea.
Toji Fushiguro, du nom de son épouse défunte Hikari Fushiguro, était aussi satisfait que extatique. Malgré quelques erreurs de calcul, sa mission d'assassinat pour le compte du Culte Astral s'était déroulée mieux que prévu ; il avait atteint chacun de ses objectifs : assassiner le Plasma Stellaire, tout en écrasant un des apprentis les plus prometteurs de l'École d'exorcisme ainsi que l'un des trois exorcistes de Classe Spéciale dont disposaient la Société Occulte.
Eux qui étaient bénis par une force occulte immense et dotés de puissantes techniques gravées dans leur chair depuis leur naissance... Eux dont le talent inné leur avait accordé une place au sommet du monde de l'exorcisme, massacrés par un simple primate sans une goutte d'énergie occulte en lui...
C'était ainsi que son propre père l'avait considéré durant toute son existence, même lorsqu'il lui broya le crâne entre ses mains encore couvertes du sang répugnant de dizaines de fléaux. C'était ainsi que la plupart des membres de son clan le définissaient, bien que chacun d'eux tremblait de peur à la simple idée qu'il revienne pour se venger.
C'était si euphorique et satisfaisant d'humilier de la sorte la Société Occulte et les Trois Grands Clans. Certes, la lignée des Gojo ne lui avait rien fait, mais Toji savait que l'influence et le pouvoir du clan descendant de Michizane Sugawara s'étaient considérablement accrus à la naissance des petits-fils de Takarô Gojo. Et il en tirait un certain plaisir d'avoir brisé l'un des piliers soutenant le piédestal sur lequel ces derniers se dressaient.
Et voilà que le jumeau de l'Honoré, porteur des Yeux de Samsâra et de la puissante mutation de l'Infini, se présentait pour qu'il puisse parfaire l'humiliation infligée à la Société Occulte.
L'enfant maudit aux yeux rouges n'avait pas quitté son esprit depuis le jour où leurs regards s'étaient croisés pour la première fois. Ce jour-là, il s'était introduit sur la terre sacrée des Gojo, avec l'intention de voir de ses propres yeux à quoi ressemblaient le Sixième Œil, rendu célèbre par les légendes, et les Yeux de Samsâra, un pouvoir entièrement nouveau, même si le premier l'attirait davantage, et il n'avait pas été déçu. Ce fut aussi la première fois qu'une personne parvint à détecter sa présence, malgré sa force occulte inexistante censée le rendre comme invisible. Et alors que le regard de l'aîné n'avait reflété que curiosité puis indifférence, celui du cadet, empli de méfiance et de détermination, l'avait marqué ; il avait vu la souffrance cachée dans ses yeux écarlates. Des yeux qui connaissaient intimement la douleur, l'horreur et la mort. Des yeux qui avaient vu les ténèbres les plus sombres et profondes, et qui lui rappelaient ceux des vétérans de la Seconde Guerre mondiale. Le regard de l'enfant n'avait jamais été celui d'un enfant. Il avait initialement supposé que la mort brutale de leur gardienne en était la cause, mais lorsqu'il entendit d'une source sûre que le garçon, alors âgé de tout juste sept ans, avait violemment agressé trois membres de son clan, tuant l'un d'eux et s'apprêtant à faire subir le même sort, sous les yeux de tous, à un autre, il avait cessé de douter de son instinct.
Il avait alors patienté, suivant l'ascension de celui qui gagna le surnom de la "Terreur Blanche" et attendant le jour où il pourrait l'affronter avec impatience. Pas dans l'intention de l'abattre pour discréditer la Société Occulte et le clan Gojo, mais bien pour le simple fait de se voir offrir un combat des plus exaltants. Arashi Gojo l'intéressait bien plus que son jumeau.
« Tu as pris la vie de mon frère. »
La déclaration, pourtant calme, fut prononcée avec tant de froideur et d'hostilité que, mêlée à l'aura meurtrière du Gojo, elle envoya un léger frisson le long de la colonne vertébrale de Toji, mais il ne se sentait pas suffisamment menacé pour douter de sa victoire ou perdre son plaisir de combattre l'exorciste le plus fort de sa génération.
« Honnêtement, je pensais que ce petit merdeux me résisterait un peu plus longtemps. »
Son adversaire ne donna aucun signe de l'avoir même entendu, faisant naître en lui une légère déconvenue qu'il n'ait pas répondu à la provocation.
« Tu le paieras de la tienne. Un seul d'entre nous quittera ce tombeau vivant. »
Le sourire de Toji s'agrandit, et son excitation s'accrut.
« Ah oui ? Alors viens, gamin. Je t'attends. »
Et le Gojo chargea, sa vitesse atteignant des niveaux supérieurs à ceux affichés moins d'une minute plus tôt. Son étonnement ne dura qu'un dixième de seconde avant qu'il ne s'élance à son tour. Comme nouvelle attaque d'ouverture, Toji tenta un coup montant avec sa lame que le garçon esquiva habilement et sans effort apparent. Nullement découragé et refusant de laisser un autre coup de poing l'atteindre, il inversa sa prise sur le poignard maudit et pivota sur lui-même avec célérité avant de frapper à nouveau.
Ce fut sa première erreur... De croire que l'énergie occulte incommensurable de l'adolescent ne faisait qu'accroître sa vitesse de course et sa force physique.
Son instinct s'agita, et ses yeux s'écarquillèrent lorsqu'il aperçut Arashi derrière lui, son poing bougeant plus vite que le son dirigé directement vers sa propre gorge. Il leva immédiatement sa garde, parant le coup puissant avec son avant-bras. Grimaçant de douleur, il contracta ses jambes pour éviter d'être repoussé. Cependant, le garçon ne lui laissa aucun répit, enchaînant coups de pied et frappes mortellement précises avec une agilité et une rapidité qu'il n'avait jamais vues ailleurs.
Ce combat était – et resterait probablement – le plus difficile de sa vie.
Il sourit à cela, son extase brûlant tandis qu'il parait et esquivait des frappes dont chacune avait suffisamment de puissance pour tuer un exorciste ou un fléau moyen.
« Heureusement que j'ai pu m'échauffer avec les deux autres avant de tomber sur lui... Sinon, il m'aurait déjà cassé un bras, quelques côtes et rompu plusieurs organes. »
Le garçon était puissant, plus que son frère. Son contrôle de l'énergie occulte surpassait celui de n'importe quel exorciste qu'il ait jamais pu affronter – le renforcement de ses aptitudes physiques à un niveau comparable au sien le montrait bien –, et sa maîtrise des arts martiaux était tout aussi impressionnante.
« Avec son âge, j'en reviens pas qu'il soit meilleur que moi en combat rapproché ! »
Un coup de pied circulaire l'atteignit au visage, lui fendant la lèvre. Il passa sa langue sur la petite déchirure, savourant le goût de son propre sang, puis riposta au moyen de plusieurs frappes armées. Encore une fois, le Gojo esquiva pratiquement sans effort la lame qui visait sans cesse son larynx, son cœur, ses reins ou ses poumons, commençant à se mouvoir avant même qu'il n'ait totalement initié son mouvement.
Il semblait que ces yeux écarlates lui offrait la possibilité d'anticiper chacune de ses attaques, ce qui rendait l'avantage que représentaient sa force et sa vitesse légèrement supérieures obsolète. Il en déduisit que cette capacité prédictive devait venir de l'observation de ses tensions musculaires.
C'était une impasse.
Alors que le prochain coup de poing du garçon allait s'écraser contre son foie, il lui saisit fermement le poignet, l'empêchant de fuir – pas que ce dernier aurait fait ce choix dans son état actuel ; sa fureur, même s'il la contenait pour ne pas perdre sa concentration et gaspiller son énergie occulte, obscurcissait tout de même son jugement. Le fait qu'il ne se soit pas écarté pour éviter à son membre d'être saisi le prouvait.
Souriant, Toji tenta un coup horizontal perçant, dans l'intention de lui perforer la gorge. Cependant, sa lame maudite fut parée par une multitude de pieux métalliques, aussi noirs que la nuit la plus sombre, jaillissant de la peau du cou du Gojo, amenant la surprise dans son regard. Le poignard et les pieux s'entrechoquèrent avec la résonnance d'un grincement aigu dans une pluie d'étincelles.
Son instinct lui hurla dessus, et il s'empressa de lâcher le poignet du Gojo alors que trois pieux émergeaient à une vitesse alarmante de la partie de peau sur laquelle ses doigts étaient refermés moins d'une demi-seconde plus tôt. Le garçon se faufila sous son prochain coup, tel un court d'eau filant à travers les rochers, et ouvrit sa paume. Les yeux de Toji s'écarquillèrent ; il balança sa tête sur la droite, esquivant de justesse le pieu jaillissant de la main de son adversaire, l'extrémité tranchante laissant une coupure propre sur sa joue.
Les pieux disparurent ensuite en un instant, l'énergie occulte les constituant revenant dans le corps du garçon.
« Une force occulte dotée de propriétés métalliques... » songea-t-il.
Leurs regards se croisèrent, sa surprise cédant la place à un sourire prédateur tandis que les yeux rouges du Gojo brûlait toujours de rage meurtrière et de la même haine ardente qui ne pouvait avoir d'égal.
« Je comprends mieux pourquoi ton corps est aussi résistant et pourquoi tes coups font si mal, gamin ». Il massa sa mâchoire endolorie. « C'est un peu comme si tu me frappais avec un gant en fer. »
Sa motivation principale à converser était naturellement de gagner un peu de temps pour parfaire sa tactique ou élaborer une stratégie. Le garçon ne comptait pas lui laisser le moindre répit. Et l'écart de force entre eux n'était pas assez grand pour que l'issue du combat puisse se jouer avec de la simple puissance pure.
Cette fois armé d'un pieu dans chaque paume, le Gojo se précipita à nouveau sur lui. En réponse, Toji dégaina de son fléau un long sabre dépourvu de garde mais orné de fourrure et dont la large lame était décorée de motifs anciens ; leurs armes se rencontrèrent dans une nouvelle pluie d'étincelles avec un grand bruit tout en repoussant l'air autour d'eux. Il fut momentanément surpris que son arme, le Sabre des Âmes, en dépit de sa capacité à couper tout, ne puisse trancher les pieux de son adversaire lorsqu'ils se retrouvèrent dans une brève lutte de force, leurs membres et leurs armes tremblant sous l'effort.
Cependant, son sourire revint presque aussi vite qu'il l'avait abandonné. Ces pieux étaient littéralement de l'énergie occulte brute sous forme solide ; ils constituaient une anomalie aussi grande que leur créateur, n'étant ni un sort ou de la matière à part entière. Il n'était donc pas si surprenant ou choquant que son sabre et son poignard ne puissent les détruire.
Profitant de son agilité supérieure, le Gojo commença à exécuter de multiples acrobaties, bondissant et tournoyant dans une démonstration impressionnante autour de Toji tout en faisant pleuvoir un véritable déluge de frappes mortelles sur lui. Son cœur battait de plaisir et d'amusement, en opposition totale à son adversaire dont l'aura meurtrière était presque palpable, alors qu'il parait et contrait chaque coup cherchant à transpercer ces points vitaux.
Autour d'eux, murs et piliers s'effondraient, tranchés ou brisés, face à leur puissance tandis que leurs vêtements arboraient plusieurs coupures et déchirure.
Toji balança violemment son sabre dans une frappe horizontale, obligeant le Gojo à se pencher en arrière pour laisser la lame passer à quelques maigres centimètres de son visage, la moitié supérieure de son corps semblant alors parallèle au sol, preuve de sa souplesse. Avant que le garçon ne puisse se redresser, il empoigna plus fermement son poignard maudit et visa directement la gorge exposée de ce dernier qui riposta en faisant jaillir de son torse plusieurs pieux pour empaler le sien. Toji déplaça sa jambe la moins en avant pour esquiver avant d'y transférer son poids pour décrocher un puissant coup de pied montant directement à l'arrière du crâne de son adversaire.
Arashi se redressa en un instant, évitant le coup qui souleva l'air, et se prépara à enfoncer le pieu dans le cœur de Toji qui inversa immédiatement la trajectoire de son coup de pied. Le Gojo recula, laissant son talon fracasser le plancher, ce qui souleva des dizaines de débris de bois dans les airs.
Saisissant l'occasion, Toji lâcha son sabre et, repoussant ses limites, frappa du doigt chaque débris, les projetant vers Arashi à une vitesse comparable à celle d'une balle de revolver. Cependant, le Gojo chargea à travers la salve sans s'en préoccuper et, à l'incrédulité de Toji, passa au travers comme s'il était un fantôme. Le choc l'empêcha de réagir correctement à la prochaine attaque du garçon ; ainsi, bien qu'il parvint à détourner chaque pieu de ses points vitaux, il ne réussit pas à empêcher le second de pénétrer sa cuisse.
Grognant sous la douleur, il profita de la satisfaction de l'avoir blessé qu'il entrevit dans les yeux d'Arashi pour saisir son poignard maudit et frapper de sa première arme, puis de la seconde. Le Gojo esquiva habilement le poignard, mais ne parvint pas à empêcher la lame du Sabre des Âmes d'infliger une coupure dangereusement proche de sa carotide à son cou. Du sang s'en écoula, bien que l'entaille n'était pas assez profonde pour être mortelle.
Sans même sembler prendre conscience de sa blessure, Arashi saisit l'occasion et se rua à nouveau sur Toji, sa main gauche tendue visant son abdomen. Son instinct s'alarma alors que ses sens aiguisés, grâce à la perception des mouvements de l'air, lui permirent d'en déduire que le Gojo accumulait une grande quantité d'énergie occulte au bout de ses doigts.
Ces mêmes sens et son instinct l'avertirent également que si cette attaque à venir, quelle que soit sa nature, le touchait à l'endroit visé, les conséquences seraient terribles. Il fit donc le choix de préparer son prochain coup, se retenant d'esquiver ou de bouger jusqu'au tout dernier instant pour empêcher les Yeux de Samsâra de prédire ses mouvements.
Ce fut un pari risqué mais payant... L'attaque d'Arashi l'atteignit au flanc ; les premiers doigts du Gojo parurent traverser sa chair, comme son corps l'avait fait avec les débris lancés précédemment, mais l'effet fut bien différent : ils transpercèrent et tranchèrent sa chair sans la moindre résistance ou même un réel bruit, tel un couteau chauffé pénétrant un morceau de beurre, tâchant son pantalon clair de sang. Toji retint un léger cri de douleur, préférant perforer le cerveau du garçon de son poignard maudit alors que les yeux de ce dernier était fixé sur sa blessure.
Prévenu par son instinct et ses sens aussi inhumains que ceux de Toji, Arashi se hâta de reculer pour échapper à la lame maudite, mais il ne fut pas assez rapide pour empêcher celle-ci de lui taillader le torse . Ce fut à cet instant que du sang jaillit soudainement de son nez, amenant pour la première fois une émotion autre que la colère sur son expression : l'incompréhension et le choc.
Avec un sourire sauvage, Toji abattit avec force le Sabre des Âmes sur le Gojo dans l'intention de le couper en deux. Ce dernier réagit cependant plus vite qu'il ne l'aurait cru possible, à en juger par la surprise se lisant sur son visage. L'impact de son attaque provoqua le soulèvement d'un important nuage de poussière, altérant sa vue, et la destruction d'une bonne partie du plancher.
Une fois la poussière retombée, la Terreur Blanche était introuvable, bien que le sang sur l'extrémité de la lame du Sabre des Âmes confirmait le fait que son dernier coup l'avait néanmoins blessé.
Serrant son flanc saignant d'une main, Toji pivota plusieurs fois sur lui-même, tournant la tête dans chaque direction et forçant ses yeux à s'agiter avec frénésie dans leurs orbites pour distinguer jusqu'au plus infime mouvement des grains de poussière se déplaçant dans l'air.
Arashi Gojo avait disparu. Il ne sentait plus sa présence, et n'entendait pas le moindre son ou ne percevait le moindre mouvement qui pourrait l'aider à le localiser. Il doutait sérieusement que le garçon ait pris la fuite pour si peu, même s'il avait certainement compris la faculté de son poignard maudit, la Lance du Ciel, désormais.
Il retira le pieu métallique encore logé dans sa cuisse sans même grimacer, et se mit en chasse du Gojo, certain que son corps spécial parviendrait à guérir ces dommages en peu de temps.
« Je sais que tu es là, gamin ! » dit-il d'une voix forte, un sourire prédateur ornant ses lèvres. « Allez, montre-toi. »
Caché dans la charpente d'un des innombrables bâtiments du complexe labyrinthique entourant l'arbre gigantesque, Arashi respirait lourdement et difficilement, une épaisse traînée de sang coulant de son nez. Ses muscles, eux, donnaient l'impression d'être en feu. Sa tête lui semblait si lourde, et la douleur brûlante rongeant son cerveau était plus forte que jamais. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas ressenti de douleur physique.
Il se sentait honteux d'avoir été si stupide, de s'être laissé dominé par ses émotions alors qu'il savait fort bien que la colère et la rage n'apportaient pas réellement plus de pouvoir et rendait le contrôle de son énergie occulte plus difficile. Transcender de la sorte et sur une si longue durée ses propres limites finirait inéluctablement par avoir des répercussions ; les dommages cérébraux responsables de son état d'affaiblissement l'ayant obligé à fuir le Tueur d'exorcistes en constituaient la preuve.
Entendre la voix de l'homme balafré exiger qu'il se montre raviva aussitôt sa rage, mais il se força à prendre une respiration silencieuse et apaisante. Le traître Zenin était bien plus fort qu'il ne l'avait imaginé ; l'absence de la force occulte en lui paraissait être une infirmité, mais paradoxalement, c'était ce qui le rendait si puissant.
L'équilibre était l'un des principes fondamentaux de l'occultisme ; c'était la raison pour laquelle le sacrifice d'une chose se voyait récompenser par l'obtention d'une autre. C'était là le principe même du serment et de la condition ; révéler délibérément le fonctionnement d'une technique permettait d'en accroître la puissance, tout comme fragiliser volontairement l'intérieur d'une barrière en renforçait l'extérieur.
Les Restrictions Célestes, plus communément appelés serments innés, obéissaient également à cette règle. À la différence des autres serments, ils étaient imposés au corps dès la naissance indépendamment de toute volonté et il était impossible pour ceux qui les recevaient de s'y soustraire. Le tribut d'une Restriction Céleste était particulièrement lourd, mais le bénéfice l'était tout autant. Et Toji Zenin constituait un parfait exemple de ce rare type de serment. En échange de la force occulte, il fut doté d'un corps surhumain, lui octroyant une puissance rivalisant avec celle des plus grands des exorcistes et une certaine immunité aux techniques occultes.
Naître et grandir dans le clan Zenin, où la force occulte et les sorts innés comptaient plus que tout, y compris la morale, avait certainement dû être difficile...
Si sa haine pour l'homme balafré n'était pas si profonde et ardente, peut-être aurait-il pu éprouver de la pitié pour le Tueur d'exorcistes, mais ce dernier lui avait volé Satoru, son frère, son jumeau, la dernière famille qu'il lui restait... Et pour cela, il mourrait de sa main dans ce tombeau !
Il savait que les sens de l'homme étaient développés à un niveau surhumain, ce qui constituait la seule explication possible à sa présence dans le Pavillon : il avait suivi Suguru et Amanai à leurs odeurs corporelles ; associés au sang coulant de ses blessures, il ne faudrait pas beaucoup de temps à Toji Zenin pour le débusquer. Son énergie occulte pouvait étouffer le son de ses pas et de ses mouvements, mais pas masquer son odeur.
Il lui fallait réfléchir vite.
Le poignard utilisé par son ennemi était très probablement la Lance du Ciel, un objet maudit de Classe Spéciale perdu il y a des siècles. Imprégnée d'un sort alimenté par une énergie occulte étrangère, elle possédait le pouvoir unique d'annuler n'importe quelle technique occulte avec laquelle elle entrait en contact.
« J'imagine que c'est comme ça qu'il a transpercé l'Infini... Face à un tel artefact, ma technique ne me protégera pas. La moindre éraflure désactivera la Dématérialisation et neutralisera ma force occulte. »
Il se rappelait encore très distinctement de cette horrible sensation provoquée par la pénétration de l'objet maudit dans sa chair... Il avait senti toute son énergie occulte l'abandonner, disparaître comme si elle avait tout simplement cesser d'exister. Ces yeux n'en avaient pas été affectés, étant un trait occulte passif ne nécessitant aucun apport en énergie pour fonctionner, mais sentir de la sorte tout son pouvoir le quitter si soudainement, ne laissant qu'une froide sensation de vide avait été terrifiant. Pour la première fois depuis des décennies, il avait ressenti de la peur.
La manière dont ce salaud avait pu entrer en possession d'un tel objet, bien que méritant d'être étudiée, n'avait aucune importance. Le savoir ne l'aiderait pas à le vaincre.
Seule son immense maîtrise de la force occulte lui avait permis de réactiver son état de renforcement si vite, et d'esquiver de justesse le coup de sabre du Tueur d'exorcistes.
Cette lame était tout aussi dangereuse que la Lance du Ciel, et pas seulement parce qu'elle pouvait percer sa peau renforcée. Il n'avait pas de réelle hypothèse quant à la nature de l'arme maudite, mais il était certain d'une chose : ce sabre n'avait pas tranché que sa chair. Il pouvait sentir que les blessure infligées à son cou et à son bras étaient spéciales...
« Cette lame aurait-elle le pouvoir de nuire à l'âme ? »
C'était une possibilité à la fois fascinante et effrayante, car cela signifiait que les blessures de cette arme étaient, en principe, impossible à guérir.
« Si j'utilise le sort d'Inversion pour me régénérer, il saura que je suis capable de produire de l'énergie positive. Et dans ce cas, il ne me laissera aucune chance de me soigner... Soit en me perforant le cerveau avec son objet maudit ou bien en me décapitant. Mieux vaut conserver cet atout pour l'instant... »
Sa décision prise, il arracha aussi silencieusement que possible les restes de sa manche déchirée afin d'en faire un lien pour empêcher davantage de son sang de s'écouler de sa blessure. La coupure sur son cou et l'entaille sur son torse n'étaient pas préoccupantes, leur traitement pouvait attendre.
La rage et la haine bouillonnaient en lui, menaçant d'exploser et de briser sa maîtrise de soi à tout instant. Il serra le poing jusqu'à s'en faire saigner. Il lui fallait se calmer. Seul un enfant se jetterait imprudemment dans une fureur aveugle sur le meurtrier de son frère adoré... Or, il n'était pas un enfant, et ce depuis bien longtemps.
Son appartenance et son nom avaient peut-être changé, mais il était, et resterait à jamais, Madara. C'était sa première existence en tant que guerrier du clan Uchiwa qui l'avait façonné en l'homme qu'il était : un ninja de légende, le plus fort des shinobi. Un shinobi ne pleurait pas. Un shinobi ne se laissait pas dominer par ses émotions. Un shinobi traversait l'obscurité alors que le monde entier fuyait cette obscurité, avec la conscience qu'il ne reverrait peut-être pas la lumière. Un shinobi endurait la souffrance jusqu'à l'accomplissement complet de son devoir. Telle était l'essence des shinobi.
« Je pleurerai... mais seulement après avoir accompli mon devoir. »
Arashi rejeta son inconfort et son affaiblissement comme une illusion, se rappelant que la douleur, comme toute chose, était éphémère, et qu'un shinobi était celui qui endurait. Les enseignements de son père, ses réflexions avec son seul et unique ami, Hashirama, les convictions forgées au cours de ses voyages et de sa vie... De toute ses deux existences, il n'avait perdu que deux batailles parmi les milliers... non, dizaines de milliers qu'il avait menées, dont seulement une face à un adversaire supérieur.
Il prononça ces prochains mots avec une détermination sans égal :
« Je gagnerai, pour mon frère. »
Et il laissa à nouveau son énergie occulte affluer en lui, s'autorisant à la ressentir... Cette puissance incommensurable dont son sang béni et la réincarnation de son âme l'avaient doté, et qu'il avait cultivée tout au long de cette seconde vie, pour protéger Satoru et se tenir à ses côtés au sommet du monde de l'exorcisme. Pour lui épargner le fardeau et la solitude qui accompagnaient un pouvoir inégalé.
