Bonsoir à tous,

Tout d'abord, merci aux personnes qui ont pris le temps de lire le prologue, je suis vraiment contente de voir qu'il a attisé la curiosité de certains. J'espère qu'il vous a suffisamment plu pour vous donner envie de continuer. Comme annoncé mardi, je poste le premier chapitre ce soir. Considérez qu'il s'agit du réel commencement de cette histoire, le prologue n'était qu'une mise en bouche.

Avant de commencer le chapitre, je pense qu'il serait intéressant pour vous de savoir comment cette fanfiction va se dérouler. Sachez qu'elle se développera en trois parties, il y aura donc deux ellipses. La première partie suivra nos deux protagonistes alors qu'ils sont enfants. Je compte suivre leur évolution jusqu'à leurs trente ans (comme dans la série). Je pense que la plus grande difficulté se trouve également dans l'écart d'âge qu'ils ont avec Powder et Vi (Pow n'est même pas encore née dans les premiers chapitres). J'espère gérer les ellipses correctement pour ne pas que ça paraisse incohérent (n'hésitez pas à me le faire savoir si vous en voyez une, d'ailleurs). Concernant les lemons, je ne sais pas encore si j'en mettrai (au départ, je n'étais même pas sûre d'écrire un jayvik alors xD). Si l'occasion se présente ou que l'alchimie est propice à ce genre de scène, alors pourquoi pas ! Je le ferai savoir en début de chapitre. Je mets la fanfiction en mature pour des mentions d'automutilation (je signalerai à l'avance quand il y aura ce genre de scène). Les chapitres feront entre 5000 et 10000 mots (plutôt 10000 en ce moment d'ailleurs xD), j'adore écrire des chapitres longs !

Voilà, je pense avoir tout dit ! Bonne lecture ;)

Chapitre un

Deux semaines plus tard:

«Chéri, il faut que tu te lèves, maintenant.»

Sa mère s'était assise sur son lit, à ses côtés. Jayce ne répondit pas. Il se contenta de faire glisser sa couette sur son visage. Comprenant qu'une fois de plus, elle ne parviendrait pas à le convaincre de quoi que ce soit, Ximena Talis soupira. Elle partit, accablée à l'idée de ne rien pouvoir faire pour le tirer de ses transes. Quelques jours plus tôt, le garçon l'avait entendue dire à son père qu'il lui fallait une aide psychologique pour le forcer à sortir de sa chambre. Ce dernier n'ayant pas une bonne opinion du domaine avait immédiatement manifesté son refus. Et puis dans l'état actuel des choses, rien ne fonctionnerait. Comment faire comprendre à sa mère qu'il n'avait pas dix ans, mais trente en réalité? Que la dernière chose qu'il avait vue avant de remonter le temps n'était qu'un monde de désolation et de guerre créé par la faute de ses ambitions? Que quoi qu'il arrive, rien ni personne ne pourrait être vraiment sauvé?

Il se souvenait de ses bonnes intentions quand il avait vu Viktor sur la montagne, mais n'avait agi que sous une vague d'émotion. Rien de tout ça n'était réel. Une fois son ami parti, Jayce avait pris conscience de sa solitude et du poids qui lui pesait sur les épaules. A présent, il faisait simplement face à ses propres décisions et la manière dont elles impacteraient le monde dans un futur prochain. Et si elles ne venaient pas de lui, elles viendraient de Viktor, car rien n'arrêterait son ami.

Oui, à présent, Jayce en était certain: s'il racontait toutes ces choses à sa mère, ce ne serait pas un simple psychologue qui viendrait lui rendre visite, mais l'internement en hôpital qui l'attendrait. Et même là-bas, il doutait que quelque médecin puisse faire quoi que ce soit pour lui venir en aide. Hormis, peut-être, le mettre sous médicaments pour apaiser sa conscience rongée par le remord et la culpabilité. Peut-être qu'ils étaient la solution, finalement. Les médicaments. Prendre tous ceux qui lui passeraient sous la main et en finir tout de suite. Jayce ne voulait pas affronter cette nouvelle réalité. Il n'en avait plus la force.

Ses pensées se tournèrent vers ses proches. Ils lui manquaient terriblement. A vrai dire, il se languissait tant d'eux qu'il avait hésité à déroger aux conseils de Viktor et à retourner dans sa dimension d'origine. Mais cela signifiait qu'il lui faudrait recréer de l'Hextech et risquer de provoquer une nouvelle guerre. Il ne pouvait jouer avec l'équilibre de deux espace-temps par simple égoïsme. Il avait déjà fait bien trop de mal.

Jayce pensait également énormément à Mel. Il était désespéré à l'idée de ne jamais plus la revoir. Toute leur histoire avait été balayée comme une brindille sous le vent. Il aimait profondément la jeune femme. Mais leur idylle avait pris fin à l'instant même où il avait disparu. L'écart entre eux était trop grand à présent, il le comprenait: jamais il ne pourrait retrouver la relation qu'ils avaient eue. Si seulement elle pouvait se souvenir de lui comme il se souvenait d'elle…

Il changea de côté sur son lit, vide d'énergie. Alors qu'il s'apprêtait à se rendormir, il entendit la sonnette retentir et sa mère accourir sur le palier. Elle avait fait appeler un médecin, finalement? Cette idée exaspéra profondément le garçon. Il se redressa faiblement et parvint à poser son dos contre le mur. Le regard dans le vide, il attendit qu'on entre dans sa chambre. Il n'aurait pas la force de lutter, de toute manière. Mais à son grand étonnement, il crut reconnaître la voix de l'invité de l'autre côté du couloir de son appartement. Il ne l'avait pas entendue depuis plus d'un an. Mais il n'y avait à cela rien d'étonnant. Cassandra Kiramman avait été tuée dans l'explosion provoquée par Jinx. Une explosion dont il était indirectement responsable. Jayce ne voulait pas la voir. Il n'était pas prêt à affronter un fantôme du passé. L'idée qu'elle s'immisce dans cette chambre lui sembla soudain bien plus effrayante que n'importe quelle visite médicale. Finalement, l'énergie qu'il avait déployée pour se redresser redescendit d'une traite. Cassandra Kiramman, cette femme qu'il avait respectée et adulée toutes ces années et qui lui avait donné à tort sa confiance, pour finalement mourir par sa faute, se trouvait actuellement dans son appartement. Non, ça, il ne pouvait l'envisager. Il se réfugia de nouveau sous sa couverture. Mais ce fut sans compter sur sa mère qui toqua à la porte.

«Jayce, nous avons des invités. Prépare-toi pour le déjeuner et rejoins-nous, veux-tu?»

Dans l'état actuel des choses, le garçon se moquait bien des convenances. Il ne pouvait tout simplement pas accepter une telle requête. Sa mère revint une ou deux fois, mais comprenant qu'il ne viendrait pas, elle n'insista plus. Il les entendit discuter dans la salle à manger, très certainement à propos de leur incident en montagne ou de la politique de Piltover.

Alors qu'il sentait ses yeux se fermer, proche de l'endormissement, Jayce entendit la porte grincer. On allait le forcer à sortir? Mais ce ne furent nullement des pas d'adultes qui retentirent sur le planché. Soudain, il sentit une grande tape sur sa couverture.

«Cahuète?», fit une voix enfantine.

Le garçon se retourna, légèrement intrigué. Le visage curieux, une tétine à la bouche, Caitlyn l'observait. Elle devait avoir à peine deux ans.

« Va-t'en, Cait», réclama-t-il.

«Cahuète», répéta la petite avant de déposer les arachides sur son lit.

Jayce prit une cacahuète entre ses doigts. Face à lui, Caitlyn suçotait sa tétine l'air de rien.

«Merci.»

Il cassa la coquille du fruit et en mangea le contenu. Quand il vit la plus petite en mettre un à la bouche, il le lui prit précipitamment des mains de peur qu'elle ne s'étouffe. Surprise et vexée, l'enfant se figea l'espace d'un instant avant que de petites larmes ne se mettent à couler. Puis elle se mit à sangloter.

«Oh non, non non non! Je suis désolé, Cait», s'alarma Jayce, qui ne voulait surtout pas alerter les adultes. «On va aller te chercher quelque chose que tu pourras manger, d'accord? Mais s'il te plaît, ne pleure pas.»

Mais rien ne semblait consoler la petite. Désespéré, le garçon fit la première chose qui lui passa par la tête: il se mit à faire des grimaces dans l'espoir de la faire rire. Cela sembla fonctionner car bientôt, elle le regarda fixement avant de se mettre doucement à rire. Quand il le remarqua, il s'arrêta, rassuré.

«Enco'!»

Alors, Jayce lui tira de nouveau la langue et Caitlyn éclata de rire. Quand elle en eut assez, elle se mit naturellement à déambuler dans sa chambre à la recherche de trésors. Elle fouilla un peu partout et mit la pièce en pagaille. Le garçon la laissa faire, légèrement amusé. Quand elle prit un livre mêlant écrit et illustrations, il lui en proposa la lecture. L'enfant hocha la tête et s'installa à côté de lui. Jayce jeta un œil au titre. C'était le récit historique de Shurima. Trop long et trop complexe pour une enfant de cet âge. Sachant que quoi qu'il fasse, elle ne comprendrait pas grand-chose, il lui raconta l'histoire sans la lire, lui montrant les images et faisant de grands gestes qui la firent éclater de rire.

L'espace d'un instant, il oublia ses malheurs passés. Caitlyn avait toujours eu un sourire contagieux quand ils étaient enfants. Aujourd'hui, il avait la chance d'en faire de nouveau l'expérience. Ce moment partagé l'apaisa. Quand il la sentit s'endormir contre son épaule, il la coucha dans son lit et la couvrit. De son côté, il s'installa sur une chaise et entama la lecture du livre tout en tendant l'oreille pour écouter ce que faisaient les adultes à côté. Comme personne ne venait, il pensa qu'on ne les avait pas entendus, ou qu'on voulait au contraire les laisser tranquilles. Que personne ne recherche Caitlyn le fit pencher vers la seconde option, car elle était la prunelle des yeux de Cassandra Kiramman. Finalement, Jayce se laissa bercer par cet instant de paix et se plongea dans sa lecture.

Quelques dizaines de minutes plus tard, pourtant, Ximena entra de nouveau. Le garçon fut brutalement ramené à la réalité. Il jeta un œil à sa mère, qui le jaugea avec sévérité, mais lui fit comprendre de ne pas faire d'histoires maintenant. Il ne fallait pas réveiller Caitlyn.

Une peur vive lui étreignit soudain le cœur. Si sa mère était dans sa chambre, alors celle de Caitlyn ne tarderait pas à les rejoindre. Il se crispa quand, en effet, il entendit le son de la voix de la matriarche Kiramann quelques secondes plus tard:

«Eh bien, en voilà, un garçon bien malpoli. Ta mère t'a élevé mieux que ça, il me semble.»

Elle était là, à la porte. Jayce baissa les yeux. Il ne voulait pas la voir.

«Regarde-moi quand je te parle.»

Il prit son courage à deux mains et leva la tête. Elle était là. Plus jeune, brune et sans la moindre ride, mais toujours vêtue d'une de ces robes austères qui faisaient sa réputation. Elle aussi le fixait sévèrement. Il voulut s'excuser, mais les mots se bloquèrent dans sa gorge. L'espace d'un instant, il se sentit flotter comme s'il se trouvait dans un autre monde. Son rythme cardiaque s'accéléra, de même que sa respiration. Ne comprenant pas ce qu'il lui arrivait, il prit sa tête entre ses mains. Des larmes de frayeurs mêlées à l'incompréhension dévalèrent ses joues. Il était comme paralysé.

«Jayce?», s'affola sa mère.

Elle se précipita à ses côtés. Il se rendit à peine compte de sa présence. Il se sentait piégé dans une bulle émotionnelle de laquelle il ne pouvait plus sortir.

«Il fait une crise d'angoisse», avança Cassandra.

Elle s'agenouilla calmement en face du garçon et lui prit les mains.

«Jayce, concentre-toi sur le son de ma voix», dit-elle doucement. «Respire profondément. Inspire et expire par la bouche. Voilà, comme ça, exactement. Allez, on recommence.», ajouta-t-elle en mimant le geste. «Bien, très bien.»

Peu à peu, Jayce commença à faire le vide dans son esprit. Il se concentra sur la voix jusqu'à retrouver une respiration calme. Quand il sentit que la crise partait, il se retrouva complètement épuisé. Il fut pris de sanglots.

«Je suis désolé.», murmura-t-il. «Je suis désolé, je suis désolé, je suis désolé.»

«La prochaine fois que nous viendrons manger, j'espère te voir au repas. Il est inutile de t'excuser, à présent. Je sais que tu peux faire mieux. Tu es un brave garçon.», répondit Cassandra, qui ne connaissait pas la véritable raison de ses excuses.

Jayce hocha la tête.

«Bien, nous allons partir, Ximena. Caitlyn est encore petite, je ne tiens pas à ce qu'elle veille trop tard. Et puis, je suis certaine que vous avez beaucoup de choses à vous dire tous les deux.»

«Repassez quand vous le voulez, vous êtes les bienvenues chez nous, tout naturellement», répondit sa mère.

Cassandra prit Caitlyn dans ses bras. La petite dormait toujours. Quand elles passèrent le pas de la porte, pourtant, elle ouvrit un œil somnolent et lui fit au revoir de la main avant de reposer sa tête sur l'épaule de sa mère.

Les deux invitées parties, Ximena retourna voir Jayce. Ce dernier n'avait pas bougé de sa chaise. Elle s'assit sur le lit avant de prendre la parole:

«Que t'arrive-t-il, mon chéri? Je sais que notre incident en montagne a dû t'effrayer, mais nous sommes en vie. Cette mésaventure est derrière nous, à présent. N'y aurait-il pas autre chose?»

Le garçon resta tête baissée, ne sachant que lui dire.

«J'ai besoin que tu me parles. Je ne t'en veux pas pour aujourd'hui, tu sais? Cassandra non plus. Tu sais que tu peux tout me dire.»

«Je me sens seul…»

«Seul? De quelle manière? Nous sommes là, pourtant.»

«Je suis désolé, maman. Mais tu ne peux rien y changer. J'ai ce creux dans le cœur que personne ne réussira à combler. Et tout l'amour du monde ne changera rien à ce fait. Je me sens comme… mort de l'intérieur. C'est comme si on avait arraché une partie de mon âme. Je suis las et épuisé.»

«Ce n'est pas ce qu'est censé ressentir un enfant de dix ans…»

«Je le sais. Mais je n'y arrive pas…»

«Que t'est-il réellement arrivé, ce jour-là? Tu n'es plus le même. A ta manière de t'exprimer et de penser, on dirait que tu es une autre personne.»

«Je…»

Jayce réfléchit à toute vitesse. Il ne pouvait définitivement pas lui dire qu'il venait du futur. Elle ne supporterait pas l'idée que son fils avait en vérité trente ans, qu'il n'était plus un enfant, et que ses inventions avaient fini par les détruire tous. Il devait trouver les bons mots sans mentir.

«J'ai vu quelqu'un… Un ami. Mais il a disparu et… il ne reviendra pas.»

«Un ami?»

«La personne qui nous a sauvés. Je le connaissais et… il est parti, définitivement.»

«Tu veux dire qu'il est…»

«On peut l'interpréter de cette manière.»

«Qui était-il?»

«Un camarade.»

Ximena se leva et prit Jayce dans ses bras. Elle l'embrassa sur la tempe.

«Tu l'aimais beaucoup, ce garçon?»

«Enormément.»

«Sa famille est au courant?»

«Il n'en avait pas.»

«Pourquoi ne m'en as-tu jamais parlé?»

Le garçon haussa les épaules, alors elle n'insista pas.

«Eh bien, tu sais quoi? Nous allons lui faire une cérémonie digne de ce nom, ainsi il ne sera pas oublié et son âme pourra rejoindre les plaines célestes. Ça te dit?»

Jayce hocha la tête. Sa mère le reprit dans ses bras en déposant une multitude de petits baisers sur ses cheveux. Le garçon se laissa bercer. Tout n'était peut-être pas si mal, finalement, quand on avait de nouveau dix ans.

Le lendemain fut un autre jour. Jayce sortit finalement de sa chambre et construisit un petit bateau en bâtonnets de bois muni d'un mécanisme d'horloge lui permettant de circuler sur l'eau, comme il en faisait beaucoup étant petit. Dessus, il ajouta deux bonhommes en bouchons de liège et en cures dents, censés les représenter, Viktor et lui. Il ajouta également une fleur de lys blanc, symbole de l'aurevoir à Piltover. Satisfait de sa création, il la montra à sa mère, qui la trouva très jolie. Il savait qu'il pouvait faire bien mieux. Il aurait même pu construire un vrai bateau, s'il avait eu les ressources nécessaires. Mais il aimait penser que la simplicité était ce qui avait défini leur relation. Un amour platonique allant au-delà de n'importe quelle convenance ou faux-semblant. Et le voyage, qu'il soit à travers les dimensions ou leurs recherches, était devenu leur symbole.

Ensemble, Jayce et Ximena se rendirent jusqu'au canal. Là, le garçon activa le mécanisme et déposa le bateau sur l'eau. Sa petite construction vogua loin, très loin. Sa mère et lui restèrent jusqu'à ce qu'elle ne soit qu'un point dans l'horizon. Le garçon retint ses larmes, ne voulant pas inquiéter Ximena plus qu'elle ne l'était déjà.

«Rentrons, maintenant.», fit cette dernière.

«Je peux rester encore un peu? Je saurai retrouver la maison, de toute façon. Je te rejoins ce soir pour manger, d'accord?»

Elle hésita un instant, mais comprenant que son fils en avait besoin, elle finit par accepter. Il ne risquait rien dans ce quartier, et des Pacifieurs se trouvaient à chaque coin de rue au moindre problème.

«Tu as jusqu'à 19h30, sans faute.»

«Merci, maman.»

Puis elle partit. Jayce, pour sa part, s'assit au bord de l'eau. Dans sa poche se trouvait la rune léguée par Viktor. Il la prit et joua avec un moment. Il devrait s'en débarrasser. Le plus tôt serait le mieux. Elle était à l'origine de tous les malheurs qui finiraient par arriver. Il savait que ce n'était pas la solution, car le Viktor de ce monde créerait certainement l'Hextech par un moyen détourné, mais ce serait déjà un bon début. Pourtant, à l'instant présent, il ne se sentait pas la force de la jeter. Elle était la seule chose qui le reliait à son passé. Le jour où il se sentirait de dire adieu à sa vie perdue, il la jetterait dans ce même canal. Ce soir-là, Jayce s'en fit la promesse.

A présent se posait la question de ce qu'il allait faire. Se jeter dans ces eaux, et mourir pitoyablement? L'idée lui parut soudain alléchante. Il observa les flots paisibles. Ils semblaient l'appeler à eux. L'espace d'un instant, il envisagea sérieusement cette possibilité, laissant les vaguelettes lécher ses pieds, comme s'il allait se jeter dans le canal. Mourir était si simple, finalement. Il n'aurait plus à penser à aucun de ses problèmes. Mais le visage de sa mère, qui lui avait fait promettre de rentrer avant le dîner, apparut dans son esprit. Elle ne s'en remettrait jamais. Et lui, pouvait-il supporter de provoquer une telle peine chez sa mère adorée? Quel fils odieux il faisait, de penser à la mort alors qu'elle faisait son possible pour le soutenir. Jayce chassa cette idée de son esprit. Il ne devait pas penser à ça.

Autrement, il pouvait tout aussi bien attendre que les choses ne passent? Mais sa conscience et son ego ne s'y feraient pas. Il s'était toujours considéré comme particulièrement fort. Un peu trop, même, le rendant arrogant aux yeux des gens. Arrogant, il l'était sûrement. Mais quelque part, se dire qu'il était capable de tout et que ses décisions étaient les bonnes, voire qu'elles étaient meilleures que celles des autres, l'avait toujours mené loin. «Jusqu'au jour où elles ont causé la fin du monde», pensa-t-il alors. Jayce ramena sa tête dans ses genoux. Il était idiot. Il ne pourrait rien changer. Il n'était qu'un homme. Un garçon, qui plus est. Et que pouvait faire un enfant, face à l'immensité du monde?

Soudain, une idée lui traversa l'esprit. S'il était enfant, alors Viktor l'était lui aussi. Bien que ce constat parût risible tant il était évident, il permit à Jayce de réaliser une chose: l'enfant portait en lui le précieux atout de la jeunesse. C'était un avantage considérable dans un processus de guérison. Et s'il était possible de traiter les symptômes de la maladie de son ami à tempspour l'en sauver ? Viktor avait actuellement vingt ans devant lui. C'était largement suffisant pour lui trouver un traitement. Si tel traitement pouvait exister. S'il parvenait à soigner Viktor, ce dernier n'aurait peut-être pas besoin de l'Hextech? Bien que ce soit sa vision du monde qui l'eût poussé à entreprendre ses recherches, c'était bien à cause de sa maladie que le processus de fusion avait commencé, avant l'explosion du Conseil. La clef pour sauver Runeterra se trouvait sûrement là. Mais pour cela, Jayce se heurtait à deux problèmes: premièrement, il n'avait aucune idée d'où pouvait se trouver son ami actuellement; deuxièmement, il n'était qu'un enfant sans aucun pouvoir. Quel adulte irait le prendre au sérieux? Mais une seconde idée fusa dans son esprit.

Jayce se redressa, rangea la rune dans sa poche et quitta la berge à vive allure. C'était certainement une idée plus que stupide et irréalisable. Pourtant, elle valait la peine de prendre le risque. Le garçon traversa les rues de Piltover à toute vitesse. Il manqua de renverser une dame âgée sur son passage, fila dans une ruelle, sauta par-dessus une barrière, jusqu'à arriver à son but.

L'imposante maison des Kiramman le surplombait. Son portail en or plaqué lui parut si immense qu'il fut légèrement intimidé. Il ne se souvenait pas qu'il était si haut. Fébrile, il appuya vigoureusement sur la sonnette. Constatant que personne ne venait, il martela l'objet avec vigueur. Finalement, c'est une servante qui ouvrit les grandes portes dorées.

«Monsieur Talis? Y a-t-il un problème?», demanda-t-elle, étonnée.

«Je dois voir votre maîtresse, puis-je entrer?»

«Bien entendu, vous êtes le bienvenu ici, mais est-ce que tout va bien?»

Jayce ne lui répondit pas et franchit hâtivement le portail. L'espace d'un instant, il se sentit légèrement coupable. Il avait sûrement affolé la pauvre domestique pour rien. Mais, trop obsédé par ses nouveaux plans, il décida qu'il s'excuserait plus tard.

Il entra en trombes dans le salon en faisant claquer la porte, essoufflé et pantelant. Cassandra Kiramman était assise avec grâce sur le sofa, une tasse de thé à la main. A côté d'elle, son mari, Tobias Kiramman, lisait tranquillement un livre. Caitlyn jouait à leurs pieds avec une poupée. Quand elle vit Jayce débarquer, Cassandra ouvrit des yeux ronds.

«Il me semble avoir été particulièrement indulgente à ton égard hier, mais ce n'est pas une raison pour t'inviter chez moi de la sorte. Ma patience a des limites, petit Talis.»

«Veuillez m'excuser, madame.», répondit Jayce en faisant une légère courbette. «Loin de moi l'idée de vous importuner.»

«Que veux-tu?»

«J'ai une requête à vous faire part.»

«Une requête? Et de quelle sorte?»

«Permettez-moi d'entrer à l'Académie.»

Cassandra fronça les sourcils avant de faire un rictus quelque peu moqueur.

«L'Académie? Eh bien, tu verras cela une fois majeur. Pour le moment, concentre-toi sur l'école. Si tu te comportes mieux, peut-être t'écrirai-je une lettre de recommandation, mais tu pars bien mal.»

«Je ne peux pas attendre d'être majeur. Il faut que je l'intègre maintenant.»

«Insolent!», fit Tobias, outré. «Tu te permets d'entrer sans autorisation et tu manques de respect à ma femme? Ta mère ne t'a donc pas appris la politesse?»

«Du calme, Tobias. Jayce, qu'est-ce qui te pousse tant à vouloir aller à l'université si jeune? Tu sais que tu ne pourras y accéder. Tu n'as ni l'âge, ni le niveau.»

«J'ai un projet. Et j'ai le niveau.»

«Ah oui?»

«Je peux vous le prouver, si c'est ce que vous attendez de moi.»

«Pas particulièrement, non. Je pense plutôt t'inviter à rentrer chez toi de ce pas, avant de sérieusement me fâcher.»

«Mais… !»

«On ne dit pas «Mais» à une grande personne quand on est un enfant poli.»

Jayce se renfrogna face à cette remarque. Il détestait être traité en enfant. Mais voilà, c'était sa nouvelle réalité.

«Marianne!», appela Cassandra. «Vous raccompagnerez Jayce chez sa mère. Je m'entretiendrai avec elle dans la semaine afin de parler de l'insubordination de son fils.»

«Bien, madame.»

La servante ramena Jayce chez lui. Frustré, ce dernier garda la tête rivée sur ses pieds durant tout le trajet. Il fallait absolument qu'il trouve un moyen de convaincre la cheffe de clan. C'était son unique espoir de changer le cours des choses.

Quand il rentra chez lui ce soir-là, Jayce se fit sermonner par sa mère. Il avait plus d'une heure de retard et elle était folle d'inquiétude. Il s'excusa distraitement avant de partir se coucher, sa discussion avec Cassandra encore en tête. Le lendemain matin, il se leva aux aurores. Il avait été incapable de trouver le sommeil.

Ximena Talis se trouvait dans la cuisine.

«Tu es bien matinal, aujourd'hui.»

«Je n'arrivais pas à dormir.»

«Et donc? J'imagine que tu ne me diras pas ce que tu faisais chez Cassandra hier soir à cette heure?»

«Je…»

Jayce hésita. Il craignait d'avouer son envie d'intégrer l'Académie à sa mère. Si la matriarche l'avait renvoyé de manière catégorique, alors il n'imaginait pas la réaction de Ximena Talis…

«Je suis allé la remercier pour hier.», dit-il, le regard fuyant.

« as les oreilles qui rougissent.»

Jayce se les cacha inconsciemment et sa mère éclata de rire. Le garçon soupira face à sa propre bêtise: elle lui faisait constamment le coup quand il était petit. Apparemment, il se faisait toujours avoir, même à trente ans passés.

«Alors? Tu vas me dire la vérité, maintenant?»

«J'aimerais intégrer l'Académie de Piltover.», avoua Jayce, résigné.

«L'Académie? Bien sûr mon chéri, nous en avons déjà beaucoup parlé. Je ne vois pas ce qui t'inquiète, tout à coup.»

«Non, maman. Je voulais dire… il faut que j'y aille dès maintenant!»

«Hein? Comment ça?Mais tu n'as que dix ans à peine!»

«Mais j'ai un projet et je dois le commencer maintenant.»

«Eh bien tu attendras ta majorité.»

«Non, maman! Je ne peux pas attendre, il faut que je le débute le plus tôt possible.»

«La discussion est close, jeune homme. Qu'est-ce que tu comptes y faire, là-bas? Tu as certes de très bons résultats scolaires, ce n'est pas suffisant pour intégrer une école de ce niveau. Et puis, tu serais entouré d'adultes! Il faut que tu te construises normalement, avec des enfants de ton âge.»

«Mais c'est trop facile pour moi, ce qu'on apprend à l'école. J'ai déjà sauté deux classes et ça me paraît encore trop simple. En plus, j'ai aucun ami, alors…»

«Alors il est temps que tu t'en fasses. Ne me parle plus de ça et concentre-toi sur tes cours actuels, tu veux?»

Jayce souffla. Bien entendu, il ne pourrait pas la convaincre si facilement. Ça le forçait à sortir de chez lui en douce. Mais il n'avait pas le talent de Vi pour arpenter les toits de la ville, en particulier dans ce corps. Bien qu'il eût réussi à gravir une falaise après des mois passés dans une crevasse, peu de temps auparavant. Jayce chassa rapidement cette image de son esprit. Le traumatisme de son séjour dans le monde apocalyptique créé par Viktor était loin d'avoir disparu. Il fit mine d'avoir abandonné l'idée et but son lait chaud.

«Comme c'est les vacances, je pourrai aller à la bibliothèque, aujourd'hui?»

«Oui, tu le peux. Mais si j'apprends que tu m'as menti et que tu te rends chez Cassandra en douce, tu seras privé de sortie pendant une semaine. Tu m'as bien comprise?»

Jayce fit une moue boudeuse.

«Je me suis bien fait comprendre?», répéta Ximena.

«Ok…»

Pourtant, Jayce avait bien l'intention de désobéir malgré l'avertissement de sa mère. Une fois dans sa chambre, il rassembla des documents à la hâte, créa des exercices du niveau de l'Académie auxquels il avait l'intention de répondre, puis partit chez les Kiramman.

Une fois devant le portail, il sonna. Mais avec calme, cette fois-ci. Il attendit patiemment qu'on vienne lui ouvrir.

«C'est du harcèlement, à ce stade.», fit Cassandra, une fois Jayce dans le salon.

«J'ai de quoi prouver mon niveau!», jura le garçon.

«Je n'ai pas le temps pour tes sottises. Rentre chez toi. Tu me fais perdre un temps précieux et je ne peux pas m'occuper de toi aujourd' , vous donnerez ce mot à sa mère pour lui expliquer la situation. Malheureusement, je ne pourrai me rendre chez elle avant jeudi. J'espère que Jayce ne viendra pas sonner à ma porte tous les jours.»

Puis il fut renvoyé chez lui et comme promis, sa mère le punit à peine rentré. Il ne pouvait plus quitter sa chambre. Alors, il consolida un peu plus le dossier qu'il était en train de préparer pour prouver sa valeur. Le lendemain matin, il passa par la fenêtre de sa chambre tout en priant de ne pas se casser le cou. Il descendit de manière maladroite jusqu'à parvenir au sol puis se rendit chez les Kiramman en courant.

Cassandra fut furieuse de le voir débarquer de nouveau devant sa porte et ne le laissa pas entrer. Marianne le raccompagna immédiatement. Cette fois-ci, Ximena le menaça de mettre des barreaux à sa fenêtre s'il continuait. Pourtant, elle ne rendit pas visite à la matriarche.

Inconsciemment, la femme était soulagée de voir son fils reprendre vie. Lui qui avait passé des semaines enfermé semblait animé d'un nouvel objectif. En tant que mère, il y avait là quelque chose de précieux. Aussi ne le retint-elle pas forcément le lendemain, quand Jayce repassa par sa fenêtre. Comme les trois jours précédents, il se rendit devant le portail des Kiramman. Cette fois-ci, Cassandra le laissa entrer, lasse.

«Je vais finir par faire venir les Pacifieurs.», prévint-elle.

«Laissez-moi vous montrer ce que j'ai fait!», supplia Jayce, ses documents en main.

«C'est hors de question. Je ne veux plus te voir sur mon palier.»

«S'il vous plaît!»

Agacée, Cassandra se pinça l'arête du nez.

«Tu m'énerves, vraiment tu m'énerves.», marmonna-t-elle.

Jayce ne répondit rien, collant son dossier contre lui. Il déglutit. Finalement, elle se pencha sur sa table basse, sur laquelle étaient entreposés des tas de documents, avec irritation.

«Bon.», fit-elle en s'emparant d'un morceau de parchemin et d'un magnifique stylo à plume. «Si tu sembles si sûr de toi, laisse-moi te proposer une équation à ré je te préviens, elle est bien au-dessus du niveau de l'examen d'entrée de l'Académie. Si tu parviens à t'en défaire, alors peut-être, et je dis bien peut-être, que j'envisagerai de te faire passer un test de plus grande envergure. Si tu le réussis, ton accès à l'université sera considéré par la directrice et les professeurs, et ton acceptation ne sera plus de mon ressort. Me suis-je bien fait comprendre?»

«Vous me dites ça sérieusement?»

«Je tiens toujours parole.»

Elle avait un petit sourire narquois sur les lèvres. Jayce comprit alors que ce n'était pas une réelle proposition, mais un piège. Elle allait lui donner une équation volontairement compliquée pour le faire échouer et faire en sorte qu'il la laisse tranquille. Le fait qu'elle n'ait même pas envisagé de consulter son dossier en était la preuve.

«Je n'ai besoin que d'une feuille et d'un stylo.», répondit pourtant Jayce, sûr de lui.

Elle hocha la tête. Quand elle eut terminé d'écrire, elle lui tendit l'exercice. Il y jeta un rapide coup d'œil.

«Je veux que tu décomposes, expliques, et résolves cette équation. Ton raisonnement devra être aussi juste que ta solution.»

Le garçon se concentra un instant sur l'exercice, mais bien vite, il fronça les sourcils.

«Elle est insoluble.»

«Ah oui?»

«Il y a une erreur dans cette équation, je ne peux pas y répondre.»

Cassandra ouvrit des yeux ronds: elle semblait impressionnée. Un sourire étira alors ses lèvres.

«Et où se trouve cette erreur?», demanda-t-elle.

«Vous l'avez faite volontairement.», comprit soudain Jayce.

«Tu me pensais si bête?»

«Loin de moi cette idée.»

Cassandra soupira. Elle paraissait à la fois agacée et épatée de l'avoir vu réussir. Elle ne s'était pas préparée à une réponse juste, il le voyait.

«Alors, vous tiendrez parole?»

«Bien entendu, pour qui me prends-tu? Je suis sincèrement impressionnée, Jayce Talis. Sincèrement. A vrai dire, tu m'as paru si pitoyable l'autre jour que je pensais qu'on ne pourrait jamais rien tirer de toi. Mais aujourd'hui, je te trouve quelque chose de changé. J'espère simplement que tu n'agis pas sur un coup de tête, comme tu le fais un peu trop souvent. Être une tête brûlée a ses avantages, mais attention à ne pas t'éparpiller. Dans une semaine, j'aimerais que tu me fasses un exposé de ce fameux projet que tu as mentionné l'autre jour et que tu présentes un objet de ton invention dans un même temps. Tu devras détailler le processus de création de cet objet. Comme la plupart des matériaux sont difficiles d'accès, je te permettrai exceptionnellement d'utiliser l'un de mes laboratoires. Tu seras sous surveillance, bien entendu. Je n'accepterai aucune casse. Si ta présentation est suffisamment satisfaisante, je déposerai ton dossier à l'Académie et tu seras alors sous ma tutelle. Attention cependant, car je peux très vite changer d'avis au moindre faux pas. Et si je m'aperçois que tu me manques de respect de quelque manière que ce soit, tu perdras systématiquement mon soutien.»

«Merci infiniment.»

«Bien. Maintenant, j'aimerais que tu rentres chez toi. Marianne te conduira jusqu'à ton appartement. Tu es attendu demain matin à huit heures tapantes dans ce même salon. Je ne tolèrerai aucun retard.»

«Oui, madame.»

«Au revoir, Jayce.»

«Au revoir.»

Ce soir-là, le garçon expliqua à sa mère ce qu'il s'était passé chez les Kiramman. Il lui raconta toute la scène et les attentes de la matriarche. Ximena l'écouta attentivement.

«Tu es sûr de toi, quand tu dis que tu veux intégrer l'Académie dès maintenant?», s'inquiéta-t-elle.

«Oui. Je n'ai même jamais été aussi motivé pour quoi que ce soit.»

La femme soupira, les mains tremblantes. Elle semblait réfléchir sérieusement à la requête de son fils.

«C'est d'accord.», accepta-t-elle finalement. «Tu pourras aller voir Cassandra demain. Si tu veux vraiment aller à l'Académie et que tu arrives à prouver ta valeur, alors pourquoi pas. Mais je demanderai à ce que leurs services s'adaptent à ton âge, et s'il se passe la moindre chose, tu rentreras de ce pas à la maison. Est-ce que je me suis bien fait comprendre?»

«Merci, maman.»

Elle l'embrassa sur le front et le prit dans ses bras frémissants. Jayce se fit alors la promesse de tout faire pour la rassurer. Il en était certain, dans quelques temps, elle serait fière de lui.

OoOoO

«Tu es prêt?»

Jayce approuva d'un signe de tête, alors la matriarche lui demanda de la suivre. Elle l'emmena jusqu'à un laboratoire situé au sous-sol. Lorsqu'il y entra, le garçon fut subjugué par l'envergure de la pièce. Elle était tout simplement immense. Partout se trouvaient soigneusement rangés des objets de toutes sortes. Des cadrans, des bocaux pleins de pierres précieuses, des engrenages… Jayce avait l'impression de se trouver dans la caverne aux merveilles. Mais ce qui l'impressionna le plus fut le magnifique bureau en bois de chêne ciré qui se tenait au centre de la pièce. Au-dessus se tenait une énorme loupe qui lui serait très utile pour la fabrication de son objet.

«Tu peux prendre place.», l'invita Cassandra. «Marianne restera avec toi le temps de tes recherches. Fais très attention à mon matériel.»

«Oui.», répondit Jayce, des étoiles pleins les yeux.

Puis la Kiramman partit et Marianne le rejoignit très vite. Le garçon s'attela à sa tâche. Il savait déjà ce qu'il allait faire. En une semaine, il n'aurait pas le temps de créer quoi que ce soit de révolutionnaire, mais ce qu'il avait prévu suffirait amplement à impressionner la cheffe du clan.

Jayce resta travailler jusqu'à très tard, ce jour-là. Ses repas furent amenés par Marianne, qui jetait souvent un œil à ce qu'il faisait. Elle avait ouvert des yeux ronds quand il lui avait expliqué ce qu'il comptait fabriquer. Le garçon avait organisé un emploi du temps très cadré: les trois premiers jours seraient destinés à concevoir le design et le plan de son objet. Il devrait faire l'inventaire de tous les matériaux nécessaires et travailler sur le fonctionnement de sa création. Les trois jours suivants, il passerait à l'étape de fabrication tandis que le dernier serait dédié à trouver les éventuelles failles et défauts pour s'assurer que tout fonctionnerait comme il fallait pour la présentation du lendemain.

Le second jour, Jayce comprit qu'il était trop compliqué de rentrer dormir chez lui le soir. Cela lui faisait perdre un temps fou, et cela forçait également Marianne à se coucher plus tard que prévu pour qu'elle puisse le raccompagner en toute sécurité. Il demanda alors à ce qu'on installe un matelas directement dans le laboratoire, ainsi il n'aurait pas à quitter son lieu de travail. Le garçon dormit très peu cette semaine-là. D'abord parce qu'il passait son temps à travailler, mais également parce qu'il souffrait d'insomnies. Il était incapable de trouver le sommeil, assailli par le doute et les fantômes du passé qui s'amusaient à le harceler. Il revoyait Mel et son regard culpabilisant. Il se disait alors qu'il l'avait abandonnée. Il revoyait Cassandra dans son cercueil. Il se revoyait trahir Heimerdinger. Il se revoyait tenter de sauver Viktor avec l'aide de l'Hextech. Il se revoyait tuer un enfant, son corps s'écrasant sur le sol de l'usine. Il ne voulait pas que tout cela se reproduise.

Quand il devenait impossible pour Jayce de s'endormir, il recommençait à plancher sur ses travaux. Il n'avait que ça pour le maintenir en vie, actuellement: son projet de changer les choses. Pour autant, son profond désir d'en finir n'avait pas disparu. Il y pensait souvent. Trop souvent. Parfois, il s'imaginait avaler l'un des produits du laboratoire et ne plus jamais se réveiller. Et bien souvent, cette pensée fugace lui faisait du bien. Ce n'était absolument pas normal, il en avait conscience. Alors, si cette même pensée prenait trop de place, il prenait du temps pour écrire le projet qu'il devrait présenter à Cassandra en plus de l'objet. Le rédiger lui permettait d'en faire une image mentale plus concrète et lui donnait la sensation que tout n'était pas perdu, qu'il y avait encore de l'espoir. Alors il s'acharnait comme un idiot.

Le troisième jour, Cassandra vint lui rendre visite, en partie pour le forcer à prendre l'air. Jayce la remercia mais lui expliqua que c'était impossible. Quand elle regarda son travail de plus près, elle eut un sourire et lui souhaita bonne chance. Elle lui laissa également des petits biscuits à la cannelle et une lettre d'encouragements de la part de sa mère. Jayce prit le temps de la lire et se promit de tout faire pour la rassurer, une fois rentré.

Finalement, la semaine passa très vite. Il avait même réussi à prendre un peu d'avance et avait gagné douze heures de plus pour tester le fonctionnement de sa création. Il en était plutôt fier et était certain que cela suffirait à convaincre Cassandra Kiramman. Il préféra passer la toute dernière nuit au laboratoire plutôt que de rentrer chez lui. Cela lui permit de veiller tard pour peaufiner encore un peu. L'exposé aurait lieu le matin à neuf heures. Il se sentait légèrement nerveux.

Cette nuit-là non plus, il ne parvint pas à s'endormir.

Le lendemain matin, il se leva un peu groggy. S'il n'avait pas dix ans, il aurait apprécié boire une grande tasse de café. A la place, il prit une douche glacée dans l'espoir de faire disparaître la fatigue. Il prépara ses différents documents pour l'exposé, et déposa sa création dans une jolie boîte en étain offerte par Cassandra. Puis il se rendit dans le salon dix minutes à l'avance. Cassandra se trouvait là, sa fameuse tasse de thé à la main.

«Bonjour», dit-elle avec un sourire. «Tu as bien dormi?»

«Pas vraiment…»

«J'espère que tu es suffisamment en forme pour ta présentation.»

«Je le suis, ça ne devrait pas poser de problème.»

«Bien. Nous ne serons pas seuls aujourd'hui, quelqu'un a voulu participer à ton exposé. Tu permets?»

«Bien entendu.»

A peine ces paroles furent-elles prononcées que la porte s'ouvrit. Jayce jeta un œil sur le nouvel arrivant et dû baisser la tête pour l'apercevoir. Ses minuscules pieds claquant sur le sol, le professeur Heimerdinger entra dans la pièce.

«Bonjour bonjour.», annonça-t-il d'une voix chantante.

Voilà le premier chapitre de terminé, j'espère qu'il vous a plu ! N'hésitez pas à laisser un commentaire ;) La suite jeudi prochain !

Des bisous :3