EPISODE 11 : Athos est grièvement blessé par Rochefort. Porthos et Aramis courent à son chevet.

A ce moment de la série, nous ne savons rien des motifs derrière le choix d'Aramis de devenir mousquetaire. J'ai donc gardé certains détails intentionnellement obscurs.

De bruits de pas rapides se firent entendre avant que la porte ne s'ouvre dans un fracas. Dans l'entrée de la salle commune réservée aux mousquetaires, la figure traumatisée de Monsieur Bonacieux apparu.

« C'est terrible! Oh! Messieurs Porthos! Aramis! Monsieur Athos est gravement blessé! » s'écria-il en tentant de reprendre son souffle.

Les deux mousquetaires s'étaient levés d'un trait. « Quoi?! » s'exclamèrent-ils à l'unisson. Leurs yeux grands ouverts témoignaient de leur affolement. Athos? leur camarade? Gravement blessé? Mais comment?

« On a tenté de le tuer! » ajouta le vieil homme, semblant deviner leurs pensées.

« Conduisez-nous vite à lui! » ordonna Porthos en contournant prestement la table où il était affairé quelques instants plus tôt.

« Il est chez moi… » articula Bonacieux.

« Quoi?! Vous l'avez laissé seul? »

« Je n'avais pas le choix! Je me devais de vous avertir, mais surtout de chercher l'aide d'un médecin! J'ai fait ce que j'ai pu pour le soigner, mais….»

« Comment va-t-il? »

« Plutôt mal… » souffla Bonacieux en baissant la tête. « Il a perdu beaucoup de sang… » Le tailleur avait pu garder son sang-froid alors qu'il soignait le mousquetaire grâce à ses talents de couturier, mais le fait que le soldat perdait souvent conscience l'inquiétait énormément.

« Je tuerai le salaud qui a osé! » rugit le géant en faisant craquer les jointures de ses poings.

« D'Artagnan s'est substitué à Monsieur Athos…aussi ces meurtriers croient-ils qu'il est déjà mort …et Jean a suivi ces assassins dans l'espoir de découvrir leur identité, » poursuivit le vieillard en jetant un regard par la fenêtre, constatant que le soleil débutait déjà sa course descendante.

« Les braves! Mais d'abord, nous allons requérir le médecin personnel de Tréville! Aramis, allez le chercher! »

« … »

« Aramis? »

Ce n'est qu'à ce moment que Porthos réalisa que son ami n'avait pas bougé ni dit un mot. Le visage blême, les yeux hagards et la lèvre tremblante du blond mousquetaire en disaient long sur le traumatisme qu'il vivait.

« Allons, Aramis! » fit Porthos en s'approchant de son ami et en secouant rudement son épaule. Dans un sursaut, Aramis se ressaisit en effet. Plongeant son regard mouillé dans celui de son partenaire, elle ne pu que murmurer « Athos est mort? »

Se retournant d'un bloc, Porthos jeta un regard désespéré vers Bonacieux.

« Pas encore, du moins… » fit-ce dernier en secouant la tête, navré de ne pas savoir mentir.

Le géant reporta son regard sur Aramis, lui sourit, et serra sa poigne sur l'épaule de cette dernière en signe d'encouragement. Avec une profonde inspiration, Aramis reprit alors un peu de son souffle et de sa détermination. « A-Allons-y, alors! »

Tandis que Porthos et Bonacieux se dépêchaient de retourner à la demeure du tailleur, Aramis avait tant bien que mal fait relayer la nouvelle à Tréville et à son médecin; elle aurait été incapable de parler à son supérieur. Le voulait-elle seulement? Le plus important, c'était de vite rejoindre Athos, de s'assurer qu'il était en vie…et qu'il le resterait!

….

Escaladant à la course les escaliers menant à l'étage, là où Athos était couché, Porthos fut le premier à entrer dans la chambre où Bonacieux l'avait caché. Sur le lit, Athos grimaçait de douleur. Entre deux gémissements échappés d'entre ses dents serrées, il respirait superficiellement et rapidement. Une fine couche de sueur ornait son pâle visage où étaient collées quelques mèches de ses cheveux noirs. Une fine rivière de sang coagulé parcourait son front et sa joue.

Le regard du vétéran s'illumina légèrement quand il vit son ami s'approcher de lui et lui prendre délicatement une de ses mains. « Dieu soit loué! » jubila le colosse.

« Porthos! » fit Athos d'une voix faible et rauque.

Plus loin derrière la forme massive de Porthos, il aperçu la frêle silhouette d'Aramis. Il voulait que ce dernier s'approche aussi! Pourquoi Aramis ne venait-il pas? Si c'était là ses derniers moments, Athos voulait, plus que tout au monde, les passer avec ses deux meilleurs amis à ses côtés! Une larme de douleur perla dans le coin d'un de ses yeux et l'étendue de son mal remasqua sa physionomie. Dans un ultime effort, il étendit donc sa main libre, toujours ensanglantée, en direction de son ami, mais ne parvint qu'à articuler un son étranglé avant que la souffrance ne s'empare à nouveau de ses forces.

« A..ar…a… !»

Sa dextre tomba, molle, sur le grabat tandis qu'il perdait à nouveau conscience. Ses yeux se fermèrent et sa tête tomba sur le côté.

« Athos! » s'écria Porthos en s'assurant nerveusement que son camarade n'était qu'évanoui.

Les yeux exorbités, Aramis plaqua fermement ses deux mains sur sa bouche afin de réprimer un violent haut-le-cœur, tourna les talons et quitta rapidement la pièce où elle n'avait même pas eu le courage d'entrer. Elle dévala l'escalier et se précipita vers l'arrière-cour, là où une écurie de fortune avait été aménagée pour la monture de d'Artagnan. Hyperventilant , elle s'appuya un instant sur une des poutres afin de ne pas fléchir, ses jambes flageolantes peinant à la maintenir debout. Elle ne put cependant s'empêcher de tomber à genoux et de se mettre à vomir avant de se laisser emporter par de faibles et silencieux sanglots.

Après tout ce temps, la douleur était aussi vive. Toutes ces années n'avaient pas effacé le souvenir de cette nuit maudite. La silhouette agonisante de François la hantait encore, tous les détails étaient aussi définis que si le meurtre avait eu lieu la veille : son souffle saccadé, sa main couverte de rouge tendue vers elle, ses lèvres qui peinaient à former des mots, ses yeux vides, sa vie qui s'enfuyait de son corps tandis que sa tête se penchait contre elle dans un dernier adieu… La nausée la reprit et elle vomit de nouveau. Tout de ce qu'elle venait d'entrevoir quelques secondes plus tôt lui rappelait le terrible assassinat dont il avait été victime.

Pourtant, ce n'était pas la première fois en six ans qu'elle voyait quelqu'un mourir. Toutefois, ces décès d'inconnus l'avaient laissée indifférente à chaque fois. Athos, par contre, était loin d'être un étranger. Serait-elle seulement capable de supporter la mort de son ami? Si elle avait eu quelques sentiments pour lui, ils s'étaient soudainement et complètement volatilisés : comment s'attacher à un homme qui pouvait, lui aussi, mourir atrocement?

Sourde au monde extérieur, elle n'entendit pas les voix de Bonacieux et du médecin qui arrivaient et qui s'empressaient près du blessé, ni le bruit des pas qui s'approchaient d'elle.

« Aramis? » fit doucement Porthos derrière elle. Prestement, elle se dépêcha d'essuyer ses yeux mouillés, remettre de l'ordre dans sa chevelure et de cacher se qu'elle avait régurgité avec un peu de paille.

« Ça va… » mentit-elle d'une voix cassée, tentant de prendre un ton aussi masculin et solide que possible.

La grosse patte de son ami se posa sur son épaule.

« Cela….cela vous rappelle de douloureux souvenirs, c'est ça? »

Fixant le vide devant elle, Aramis ouvrit la bouche pour répondre, mais devina rapidement que si elle parlait, elle allait se remettre à pleurer. Elle se contenta donc d'hocher la tête subtilement et de serrer les dents pour s'empêcher de gémir. Dans son dos, elle ne vit pas Porthos hocher lui aussi la tête, signe qu'il comprenait sa peine.

« Il va s'en sortir. » Sa voix tentait de se faire rassurante. « Vous connaissez Athos aussi bien que moi! »

Elle ferma les yeux et refoula ses larmes. N'importe qui, mais pas Athos, ni Porthos! Sa gorge se serrait à lui faire mal. Et s'il ne survivait pas, lui non plus?

« Je vous en prie…Vous devez venir! Si, par malheur, il… »

« C'est bon, je viens, » répondit-elle rapidement en se relevant. Puisant dans ses forces ultimes, elle tenta de substituer sa colère à sa peine, une tactique qu'elle employait chaque fois qu'elle sentait que le courage lui manquait : se rappeler les raisons pour laquelle elle était devenue mousquetaires; retrouver les mécréants responsables du décès de François; leur faire payer…. Son visage se fit soudainement froid et impassible. « N'en dites rien à personne, d'accord? » ajouta-t-elle en faisait référence à son moment de faiblesse.

Porthos leva les mains et hocha la tête en signe d'acceptation.

Lentement, Aramis retourna à l'intérieur et remonta l'escalier. Sois forte. Venge François. Venge Athos. Sois forte.

Hésitante, en se mordillant les doigts pour garder son flegme, elle refit face à Athos qui lui, avait repris connaissance. Il lui souriait faiblement.

Le regard de la jeune femme se fit vague et lointain alors qu'elle se perdait dans sa mémoire. Ce n'étaient plus le visage ni le timbre de la voix d'Athos qu'elle entendait. Par contre, les mots ne concordaient pas avec ceux de ses souvenirs.

Mon amie! Ne vous en faites pas! Le docteur m'a affirmé que je vais m'en remettre. J'ai eu beaucoup de chance, la lame de cet assassin ne m'a pas atteint mortellement…

Aramis ferma les yeux. Que n'aurait-elle donné pour entendre ces mots de la bouche d'un autre, six années plut tôt…