Chapitre 50 : Le Chapitre 50

Arno et Shael étaient assis non loin des Colonnes de Verre, un lieu entouré d'un silence mystique qui, jusqu'à présent, ne laissait rien présager d'extraordinaire. Les reflets des colonnes brillaient doucement sous la lumière lunaire, créant une ambiance presque irréelle. Arno, fidèle à lui-même, jouait distraitement avec une pierre tout en observant les alentours.

« Tu sais, Shael, cette ville a peut-être du potentiel pour devenir une destination touristique. Les ruines, l'ambiance mystique... Tout ce qu'il faut pour attirer des amateurs de frissons. Peut-être un petit hôtel, un restaurant qui sert de la soupe de scorpion, et voilà, le tour est joué. »

Shael sourit légèrement en entendant cette nouvelle boutade d'Arno. « Et tu te proposerais comme guide touristique, j'imagine ? » répliqua-t-elle avec un amusement à peine dissimulé.

« Évidemment. Qui ne voudrait pas d'un sorceleur sarcastique pour leur parler de pierres qui brillent et de légendes anciennes ? »

Leur discussion semblait légère, presque banale, mais une tension sous-jacente flottait dans l'air. Depuis qu'ils étaient arrivés près des Colonnes, Shael sentait que quelque chose se préparait. Elle ne pouvait pas encore dire quoi, mais elle avait appris à faire confiance à son intuition.

Et c'est alors que cela se produisit.

Sans prévenir, un éclat lumineux perça l'air devant eux. Les colonnes, qui jusque-là se contentaient de briller doucement, semblèrent absorber cette nouvelle énergie avant de la relâcher soudainement dans un éclair aveuglant. Arno et Shael se redressèrent, surpris, alors qu'un portail commençait à se matérialiser devant eux.

Le portail n'était pas un simple jeu de lumière. C'était comme une déchirure dans le tissu même de la réalité. Des étincelles de magie dansaient autour de lui, formant une spirale tourbillonnante d'énergies interdimensionnelles. Chaque couleur semblait se fondre dans une autre, créant une danse hypnotique qui n'appartenait à aucun monde connu. L'air autour d'eux semblait vibrer, comme si la réalité elle-même luttait contre cette intrusion.

Shael fit instinctivement un pas en arrière, ses instincts de Sagette la poussant à être sur ses gardes. Elle avait déjà vu des manifestations de pouvoir dans le Monde des Rêves, mais ce qu'elle voyait devant elle dépassait tout ce qu'elle connaissait. Elle fixa le portail, fascinée et légèrement méfiante, ses mains prêtes à saisir ses armes si nécessaire.

« Fascinant, » murmura-t-elle, plus pour elle-même que pour Arno.

« Oh, ça, c'est nouveau, » intervint Arno, un sourire en coin, comme si le phénomène n'était qu'un spectacle de plus dans sa vie déjà extravagante. « Est-ce que c'est là qu'on commande une pizza interdimensionnelle, ou bien c'est juste une pub pour une station balnéaire de l'autre côté ? »

Shael, malgré la tension, ne put s'empêcher de lever un sourcil en entendant la remarque d'Arno. Mais elle ne quitta pas des yeux la spirale d'énergie devant eux. La prudence restait de mise, surtout face à un phénomène aussi puissant.

Le portail continua de se former, ses contours devenant de plus en plus nets, comme si le tissu même de l'univers cédait à une force inéluctable. Une brise fraîche, chargée d'une magie ancienne, se mit à souffler depuis l'ouverture. Shael pouvait sentir le pouvoir pur qui émanait de cet étrange vortex.

« Tu crois que c'est pour nous ? » demanda-t-elle, sa voix emplie d'une curiosité prudente.

Arno croisa les bras, prenant une pose théâtrale, comme s'il était prêt à accueillir la situation à bras ouverts. « Si c'est un chèque géant ou une invitation à un banquet royal, je suis partant. Mais si c'est une autre créature venue de l'enfer, alors j'aurais peut-être besoin d'une épée plus grande. »

Soudain, la spirale lumineuse s'apaisa légèrement, ses contours devenant plus précis. Ce n'était plus une simple anomalie dans l'air, mais une véritable porte entre les mondes. Une silhouette commença à émerger du centre du vortex, sa forme devenant progressivement plus claire.

« Ça vient vers nous, » murmura Shael, plus alerte que jamais.

Arno, toujours aussi désinvolte, se pencha en avant pour mieux voir. « Génial, j'adore quand on me rend visite sans prévenir. »

Et ainsi, au milieu des ruines de Rhuidean, Shael et Arno se tinrent prêts, face à cette apparition soudaine, sans savoir encore qu'ils allaient bientôt retrouver une alliée aussi puissante qu'inattendue.

Le portail continuait de tournoyer alors qu'une silhouette émergeait de son centre. D'abord floue, elle devint progressivement plus nette, révélant une jeune femme à l'aura imposante. Ses cheveux argentés flottaient légèrement sous l'effet de la magie résiduelle, et ses yeux, d'un vert perçant, brillaient d'une détermination inébranlable. Ciri avait traversé les mondes pour retrouver Arno, et elle ne perdait pas une seconde en hésitations.

Elle sortit du portail avec une fluidité qui laissait entrevoir l'aisance avec laquelle elle manipulait ses capacités interdimensionnelles. Son regard balaya rapidement les environs, s'arrêtant brièvement sur Shael avant de se fixer sur Arno. Malgré la sérénité apparente de l'endroit, Ciri savait que chaque instant comptait.

Shael, toujours sur ses gardes, observa la nouvelle venue avec une prudence mêlée de curiosité. Elle ne comprenait pas encore l'étendue de la connexion entre Ciri et Arno, mais elle sentait que cette femme n'était pas une menace pour eux. L'énergie qui émanait de Ciri était différente, non agressive, mais terriblement puissante.

Arno, quant à lui, restait fidèle à lui-même. Son expression passa de la surprise à une sorte de satisfaction nonchalante en reconnaissant Ciri. « Eh bien, regarde ça ! Le service de téléportation intermondes fonctionne toujours à merveille ! » lança-t-il avec son sourire en coin habituel. Il croisa les bras, imitant un air faussement désinvolte, mais Shael put lire le soulagement dans ses yeux.

Ciri ne perdit pas de temps en fioritures. Son regard se durcit tandis qu'elle se dirigeait directement vers Arno, chaque pas résonnant comme une déclaration silencieuse. « Arno, il est temps de rentrer, » dit-elle avec une voix ferme, empreinte d'urgence. Elle n'avait pas l'habitude de tergiverser, et Arno le savait.

Arno leva les mains en signe de reddition, son visage affichant un mélange d'étonnement et de soulagement. « Oh, bien sûr, bien sûr. Mais tu sais, Ciri, ce désert a vraiment un petit quelque chose... la déco est sympa. On pourrait peut-être y rester un peu plus longtemps ? Tu sais, pour le tourisme ! » Il fit un geste théâtral, désignant les Colonnes de Verre autour d'eux.

Shael ne put s'empêcher de sourire face à cette plaisanterie, bien qu'elle ne comprît pas encore la dynamique entre ces deux personnages. Elle regarda attentivement Ciri, cherchant à deviner ses intentions, mais elle ne détecta aucune hostilité, seulement une détermination froide et inébranlable.

Sans même sourciller, Ciri répondit avec un calme tranchant. « Si tu ne veux pas venir, je peux toujours ramener Triss. Je suis sûre qu'elle se fera un plaisir de "réajuster" certaines parties de ton anatomie. » Son ton était neutre, presque nonchalant, mais l'effet fut immédiat.

Arno, figé par cette menace implicite, se figea soudain, ses mains se portant immédiatement à son entrejambe dans un geste dramatique. « Pas Triss ! Je me souviens encore de la dernière fois... mes pauvres... » Il baissa la voix, jouant avec un faux air de supplication. « Ciri, sois raisonnable, j'ai déjà assez souffert. »

Shael éclata d'un rire amusé, se détendant enfin. L'humour d'Arno avait toujours cet effet, désamorçant même les situations les plus tendues. Elle se tourna vers Ciri, qui, malgré le sérieux de la mission, esquissa un léger sourire.

« Je vois que vous vous connaissez bien, » dit Shael avec un ton plus léger.

Ciri hocha la tête. « On a déjà combattu ensemble et Triss est une sœur pour moi. »

hael observait Ciri avec une prudence mêlée de curiosité. La manière dont cette inconnue avait émergé d'un portail interdimensionnel, sans le moindre signe d'épuisement ou de désorientation, laissait entrevoir des capacités bien au-delà de ce qu'elle connaissait. Elle prit un moment pour rassembler ses pensées, puis s'avança vers Ciri avec un mélange de respect et d'intrigue.

« Je suis Shael, Sagette des Faucons des Dunes. » Sa voix était calme mais empreinte d'une certaine perplexité. « J'ai vu des choses étranges en ce monde, mais jamais quelqu'un capable d'ouvrir des portails à travers les dimensions. Comment est-ce possible ? »

Ciri, sans se départir de son expression concentrée, hocha la tête en signe de reconnaissance. Elle savait que les détails de ses pouvoirs pouvaient facilement troubler ceux qui n'étaient pas familiers avec le Voyage entre les mondes. Elle esquissa un léger sourire, bien que son ton reste pragmatique. « Je suis capable de voyager entre les mondes grâce à une capacité innée... Disons que c'est un don lié à mon sang. Je n'entre pas vraiment dans les détails de comment cela fonctionne, mais il y a des forces qui nous entourent, invisibles, que je peux manipuler. »

Shael fronça légèrement les sourcils, essayant de comprendre ces concepts abstraits. « Un don lié à ton sang... Ce n'est pas quelque chose que j'ai souvent entendu. »

Arno, qui observait la scène avec amusement, ne put s'empêcher d'intervenir. « Oh, tu sais, Shael, Ciri est comme une sorte de GPS intermondes. Elle entre les coordonnées, et hop, elle est là. Mais je te rassure, elle ne fait pas les pizzas. J'ai vérifié. »

Ciri jeta un regard mi-contrarié, mi-amusé à Arno, tandis que Shael éclatait d'un rire léger, brisant la tension du moment. Il était difficile de rester sérieux en présence d'Arno, avec ses remarques décalées et son sens de l'humour désinvolte. Même dans des situations aussi uniques, il semblait capable de relâcher l'atmosphère d'un simple mot.

« Vous êtes un sacré duo, vous deux, » déclara Shael, amusée. « Il est clair que vous vous connaissez depuis un moment. »

Arno fit un geste théâtral de la main, comme s'il passait à une révérence exagérée. « Oh, tu sais, Shael, il y a des gens qui te sauvent la vie, et d'autres qui te donnent envie de te la sauver toi-même. Avec Ciri, c'est souvent les deux à la fois. » Il lui adressa un clin d'œil, tandis que Ciri secouait la tête, un sourire en coin.

« Ne l'écoute pas trop, Shael, » répliqua Ciri avec une lueur de malice dans les yeux. « Si je le laissais faire, il resterait probablement ici à plaisanter avec les colonnes mystiques et à se demander pourquoi le sable ne sert pas à faire des pâtés. »

Arno se tenait face à Shael, les mains enfoncées dans ses poches, le regard légèrement détourné vers l'horizon désertique qui s'étendait derrière elle. Le moment du départ était venu, et il ne pouvait s'empêcher de ressentir une certaine mélancolie, même si, comme toujours, il choisissait de la masquer sous une couche épaisse d'humour. Le portail de Ciri scintillait derrière lui, prêt à les emmener loin de ce monde mystique et mystérieux, mais il lui restait encore un dernier adieu à faire.

« Alors, Shael, » dit-il, brisant le silence avec ce ton désinvolte qui le caractérisait. « J'imagine que c'est là qu'on se dit au revoir. Tu vas pouvoir retourner à ta petite vie tranquille de Sagette, à esquiver des scorpions géants et... oh, peut-être te battre contre un ou deux monstres de sable juste pour le plaisir. »

Shael lui adressa un sourire amusé, bien qu'une ombre de tristesse assombrissait ses yeux. Elle savait que ce moment allait arriver, mais cela ne rendait pas les adieux plus faciles. « Tranquille ? Dans ce désert ? » répondit-elle en levant un sourcil moqueur. « J'espère juste que les prochains voyageurs ne me feront pas traverser des tempêtes de sable ou réveiller d'anciennes forces mystiques. Mais oui, je suppose que la tranquillité est toute relative par ici. »

Arno hocha la tête, puis s'approcha d'elle pour une accolade. Il n'était pas homme à s'attarder sur les gestes d'affection, mais il se surprit à apprécier ce moment de sincérité partagée. Il avait trouvé en Shael une alliée improbable, et même si leurs chemins divergeaient désormais, il ne pouvait ignorer la gratitude qu'il ressentait à son égard.

« Merci, vraiment, » dit-il, un peu plus sérieusement que d'habitude. « Tu m'as aidé à traverser plus d'obstacles que je ne l'aurais imaginé. Je te dois une fière chandelle. Bon, évidemment, je ne t'enverrai probablement jamais de carte postale, mais c'est l'intention qui compte, non ? »

Shael sourit largement à cette remarque, un éclat de malice dans le regard. « Je n'attends pas de carte postale, Arno. Mais peut-être qu'un jour, nos chemins se croiseront à nouveau. Si c'est le cas, tu seras toujours le bienvenu dans mon désert... avec ou sans monstres. »

Ils se serrèrent une dernière fois dans les bras. Shael pouvait sentir la chaleur de la sincérité derrière les mots légers d'Arno, et elle apprécia ce moment de complicité, même si elle savait que leurs destins les menaient désormais sur des routes différentes. Elle recula légèrement, les mains posées sur ses hanches, observant son ami avec un mélange de tristesse et de fierté.

« J'espère que tu trouveras ce que tu cherches, Arno, » dit-elle avec douceur, son sourire toujours présent, bien que teinté d'une certaine gravité. « Tu es plus qu'un sorceleur en quête de retour. J'ai vu en toi quelqu'un capable de changer plus de mondes qu'il ne le pense. »

Arno éclata de rire, secouant la tête. « Eh bien, maintenant, tu me flattes. Ne me fais pas passer pour un héros, Shael, ça va finir par me coller à la peau. Mais t'inquiète, si je tombe sur des monstres plus laids que moi, je les botterai quand même, promis. »

Ciri, qui avait jusque-là observé la scène avec un sourire discret, s'avança légèrement, indiquant que le moment du départ approchait. « Arno, il est temps, » dit-elle d'une voix douce mais ferme. Le portail brillait derrière eux, sa lumière vacillant doucement comme un rappel du temps qui s'écoulait.

Arno acquiesça, prenant une profonde inspiration avant de se tourner vers Shael une dernière fois. « Bon, Shael, je te souhaite bonne chance. Je suis sûr que le désert est plein de surprises pour toi. Si jamais tu croises un scorpion géant... essaie de ne pas l'inviter à dîner, d'accord ? »

Shael laissa échapper un rire. « Je te promets de garder mes distances avec les scorpions. Prends soin de toi, Arno, et de Ciri aussi. » Elle lança un regard complice à Ciri. « Veille sur lui. Il a l'air coriace, mais je suis sûre qu'il pourrait se mettre dans une situation impossible si on le laisse faire. »

Ciri sourit en coin. « Oh, je sais. Ne t'inquiète pas, je veille. » Elle posa une main légère sur le bras d'Arno, l'incitant doucement à avancer vers le portail.

Arno se retourna une dernière fois vers Shael. « Allez, on se revoit peut-être de l'autre côté, qui sait ? D'ici là, tâche de ne pas trop t'ennuyer. » Il lui fit un clin d'œil avant de se diriger vers le portail, aux côtés de Ciri.

Shael les observa, ses yeux brillants d'émotion. Elle ne pouvait s'empêcher de se sentir honorée d'avoir participé à cette aventure, même si elle savait que sa place était ici, dans le désert, à veiller sur les secrets enfouis de Rhuidean. « Que les vents te soient favorables, Arno, » murmura-t-elle pour elle-même, alors que la silhouette d'Arno disparaissait peu à peu dans la lumière éclatante du portail.

Le scintillement du portail commença à s'intensifier, enveloppant Arno et Ciri dans une lueur presque éblouissante. Arno, juste avant de disparaître, leva la main en un dernier signe d'adieu, un sourire espiègle sur les lèvres.

« Et n'oublie pas, si tu te lasses du désert, appelle-moi. Je connais des endroits encore plus bizarres que celui-ci ! »

Puis, en un clin d'œil, ils disparurent dans le portail, la lumière se refermant derrière eux, laissant Shael seule avec le calme oppressant du désert. Elle resta immobile pendant quelques instants, savourant le silence qui s'installait. Bien que leur départ l'ait laissée avec un léger pincement au cœur, elle ne ressentait aucun regret. Elle savait qu'Arno était parti là où il devait être, et que, d'une manière ou d'une autre, leurs chemins se croiseraient peut-être à nouveau.

Le désert redevint silencieux, le vent soulevant doucement le sable autour des Colonnes de Verre. Shael, après un dernier regard vers l'endroit où le portail s'était ouvert, fit demi-tour et commença à marcher vers l'horizon, prête à affronter les prochains mystères que ce monde lui réserverait. La traversée du portail entre les dimensions était toujours une expérience déconcertante pour Arno, bien qu'il ne l'admettrait jamais. Les couleurs tourbillonnaient autour d'eux, un kaléidoscope de lumières, des ombres dansantes qui semblaient essayer de s'accrocher à eux tandis que l'espace-temps s'effaçait et se reformait. Chaque pas dans ce vortex donnait l'impression que ses membres devenaient légers comme l'air, tandis que la gravité perdait de son sens. Ciri, concentrée et sérieuse comme à son habitude, avançait avec une grâce habituelle, comme si ces voyages faisaient partie de sa routine quotidienne.

Arno, quant à lui, ressentait un malaise familier qui l'accompagnait à chaque traversée dimensionnelle. « Pas de chance, je pensais que cette fois on pourrait éviter l'effet "secouée dans un tonneau", » grommela-t-il en serrant les dents, s'efforçant de ne pas trébucher sur des sensations qu'il ne maîtrisait pas.

Et puis, aussi soudainement qu'ils étaient partis, ils en ressortirent. L'air changea instantanément, passant de l'étrange brume onirique à quelque chose de frais, de vivifiant. Ils débarquèrent en plein milieu d'une prairie ensoleillée, entourée de vignobles soigneusement entretenus. Un parfum de fleurs sauvages et de terre fraîchement retournée flottait dans l'air. Ils étaient à Toussaint, le paisible royaume aux paysages idylliques qui entouraient la demeure de Geralt.

« Ah... Toussaint ! » s'exclama Arno en s'étirant, sa voix remplie d'une fausse nostalgie théâtrale. « Les vignobles, les collines verdoyantes... je parie que je vais avoir une autre crise de rhume des foins avant la fin de la journée. » Il lança un coup d'œil amusé à Ciri, qui ne put s'empêcher de sourire légèrement, secouant la tête devant ses éternelles blagues, même dans un moment pareil.

« Toujours une remarque pertinente à faire, n'est-ce pas ? » répliqua Ciri, tout en vérifiant les alentours avec son regard perçant. Elle s'assura qu'ils étaient en sécurité, mais son visage trahissait un léger soulagement. Malgré les plaisanteries d'Arno, il y avait une gravité sous-jacente dans leur retour. Ciri le ressentait. Ils n'étaient pas revenus indemnes de ce voyage.

Arno leva les yeux vers le ciel, appréciant pour la première fois depuis longtemps la familiarité rassurante de ce monde. « Ça me fait presque regretter les déserts remplis de monstres... Non, en fait, c'est juste moi qui suis content d'être de retour là où la boisson est meilleure et les monstres ont la décence d'attendre que tu finisses ta sieste avant d'attaquer. »

Ciri haussa un sourcil. « Tu te rends compte que tu viens littéralement de traverser des dimensions, et la seule chose à laquelle tu penses, c'est le vin et les siestes ? »

« On a tous nos priorités, Princesse. Et ma priorité numéro un, en ce moment, est de vérifier si mes organes internes sont toujours à leur place. » Il tapa légèrement sur son ventre, feignant l'inquiétude. « Ah, tout va bien, tout est à sa place ! »

Le sourire de Ciri s'élargit cette fois-ci. Elle pouvait toujours compter sur Arno pour désamorcer une situation avec un commentaire sarcastique, même lorsque la tension flottait dans l'air. Ils étaient de retour, oui, mais cela ne signifiait pas que tout était terminé. Arno sentait que l'urgence de sa quête n'était pas encore derrière eux.

Lentement, il balaya du regard l'endroit où ils étaient. Le chemin serpentant dans la prairie menait tout droit à la résidence de Geralt, un lieu de calme et de répit, mais aussi d'actions décisives et de discussions sérieuses. Les collines de Toussaint, baignées dans une douce lumière dorée, n'étaient plus aussi rassurantes qu'avant.

« Tu penses qu'ils nous attendent ? » demanda Arno, soudain plus sérieux, ses pensées revenant à Triss. Il savait qu'elle serait là, et cette pensée, bien qu'elle le réchauffât, éveillait également une certaine appréhension. Cela faisait longtemps... trop longtemps. Des six mois perdus entre les mondes.

Ciri hocha la tête. « Je leur ai laissé un message avant de venir te chercher. Ils savent que nous sommes là. » Sa voix était calme, mais une certaine impatience laissait entrevoir la prochaine étape. « Viens, on n'a pas de temps à perdre. »

Arno hocha la tête, jetant un dernier coup d'œil au ciel avant de suivre Ciri vers la demeure de Geralt. Sa bravade habituelle dissimulait une anxiété croissante. Mais pour l'instant, il se raccrocha à l'humour. « Je parie qu'il y aura du vin à l'arrivée. Toussaint sans vin, c'est comme... moi sans blagues. Tout simplement impensable. »

Et avec cette dernière remarque, ils s'engagèrent sur le chemin qui les ramènerait à leurs proches.