Ron roula des yeux, alors que Hermione hochait la tête avec conviction, visiblement ravie à l'idée d'une année scolaire apaisée. Ginny adressa un petit clin d'oeil à Harry et prit sa main, comme pour le réconforter ou lui montrer son soutien.

Harry n'eut pas besoin de partir à la recherche des Serpentard. Ron avait entraîné Hermione à la recherche du chariot de friandises tandis que Neville et Luna étaient repartis, une fois Trevor attrapé. Avec la porte de leur compartiment grande ouverte, Ginny et lui voyaient leurs camarades aller et venir, jusqu'à ce que Pansy Parkinson apparaisse remorquant un Drago Malefoy réticent et maussade.

Tout le monde se figea et autour d'eux le silence se fit : il semblait que l'intégralité du wagon observait la rencontre entre les deux anciens rivaux, attendant de voir comment ils allaient interagir, probablement en pensant que cet incident donnerait le ton de l'année à venir.

Ginny se rapprocha de Harry, jusqu'à le toucher, épaule contre épaule, tandis que Parkinson les dévisageait avec une grimace, visiblement déchirée entre l'envie de s'en prendre à eux tout en étant consciente que ce serait s'aliéner une grosse partie des élèves de Poudlard.

Harry soupira et son regard passa sur Malefoy, ignorant la jeune fille maussade.

Contrairement à ses anciennes habitudes, le Serpentard se tenait en retrait et semblait déterminé à se faire aussi discret que possible. Il avait perdu sa belle assurance d'autrefois et son expression hautaine, se dissimulant de son mieux derrière son amie. Harry nota qu'il avait perdu du poids et qu'il était terriblement pâle. Pansy lui tenait le poignet, l'enserrant fermement, comme pour l'empêcher de fuir.

Harry essaya de croiser son regard, mais Malefoy fixait obstinément ses pieds, silencieux, la mâchoire crispée.

Ginny donna un vague coup d'épaule à Harry et il s'éclaircit la gorge, maladroitement.

– Parkinson.

La Serpentard fit une grimace amère et elle hocha la tête brusquement, en lui lançant un regard haineux. Harry ne savait pas si elle le détestait parce qu'il avait tué Voldemort ou si elle le détestait parce qu'elle se sentait coupable d'avoir tenté de le livrer à l'ennemi pour sauver sa vie.

Après un long silence gênant, elle soupira.

— Potter.

Harry eut un sourire crispé, mais ses yeux ne cessaient de revenir sur Malefoy. Le manque d'interaction avec le Serpentard lui semblait étrange et il ne savait pas comment commencer une conversation. Voyant Parkinson se préparer à avancer, il interpella brusquement le jeune homme.

— Malefoy !

Harry avait oublié qu'ils n'étaient pas seuls et il ne fit pas attention aux hoquets de stupeur et au soudain silence dans le couloir du train à son exclamation brutale.

Drago Malefoy sursauta comme s'il avait été frappé et il leva la tête, les pupilles dilatées, avec l'expression de quelqu'un prêt à fuir. Harry cligna des yeux et lui adressa un sourire un peu crispé, en se sentant comme un idiot complet. Finalement, il marmonna, mal à l'aise.

— Tu vas bien ?

Cette fois, le couloir explosa en chuchotements fébriles, mais Harry ne quittait pas Malefoy des yeux, essayant de lire chacune de ses réactions. Avant, il pouvait prévoir chaque geste du Serpentard, parce qu'il le connaissait parfaitement. En cet instant, il avait l'impression d'être devant un étranger.

Le Serpentard le dévisagea avec stupeur, figé, une veine sur son cou palpitant à toute vitesse. Son hochement de tête fut saccadé et il resta silencieux, mais Harry n'insista pas, observant juste le jeune homme sans un mot.

Il entendit Ginny grogner à côté de lui et elle le bouscula, l'arrachant à son immobilité soudaine. Harry tourna la tête, un peu perdu, pour noter que Parkinson entraînait Malefoy au pas de charge.

Le cœur de Harry bondit dans sa poitrine lorsque Malefoy tourna la tête et que leurs regards se croisèrent une fois de plus.

Ginny renifla et le bouscula une fois encore. Harry allait se plaindre de sa brutalité, mais elle l'interrompit, lui brandissant le doigt sous le nez, ses yeux bruns brûlant de colère.

— Ça, c'était quoi ?

Harry cligna des yeux, abasourdi.

— Quoi ?

Ginny roula des yeux, avant de renifler.

— Je croyais que tu voulais faire la paix avec les Serpentard, pas déclencher une bataille directement dans le Poudlard Express !

Hébété, Harry secoua la tête.

— Mais non ! Je voulais juste être… gentil.

Ginny se figea et laissa retomber son bras tendu, avant de soupirer.

— Oh par pitié, Harry ! Ce pauvre Malefoy était sur le point de se pisser dessus ! Tu étais obligé d'attirer l'attention sur lui ?

Harry se passa la langue sur les lèvres, avant de protester mollement.

— Drago Malefoy n'a pas peur de moi, Ginny.

La jeune fille laissa échapper un rire incrédule, puis elle expliqua avec une pointe d'agacement.

— L'ancien Malefoy n'avait pas peur de toi. Mais il a une marque sur le bras qui… peut le conduire à Azkaban.

Harry plissa les yeux. L'hésitation de Ginny ne lui avait pas échappé et il savait parfaitement qu'elle estimait que Malefoy aurait dû être emprisonné.

— C'est stupide ! Tout le monde sait qu'il a juste fait de son mieux pour protéger ses parents et rester en vie !

Ginny le fixa d'un air moqueur, un sourcil levé, et Harry se frotta le visage.

— Merde. Je devrais peut-être aller…

Seulement Ginny l'interrompit.

— Même pas en rêve. Pas alors que la moitié de Poudlard observe. Tu lui parleras à un autre moment, lorsque vous serez seuls.

Harry secoua la tête, incrédule.

— Ginny Weasley ! Est-ce que tu t'inquiètes pour Malefoy ?

La jeune femme roula des yeux et donna un coup dans l'épaule de Harry, le faisant glapir d'indignation.

— Ce n'est pas pour Malefoy que je m'inquiète ! C'est pour un idiot qui fonce tête baissée sans réfléchir ! Tu as conscience que la majorité de nos camarades ont un compte à régler avec les Serpentard ? L'année dernière, avec les Carrow…

Ginny frissonna et son regard se perdit dans le vide. Harry l'attira dans ses bras, en se mordillant la lèvre, la culpabilité habituelle venant le frapper. En apprenant ce qui s'était produit à Poudlard pendant qu'il se cachait dans le monde magique, il avait regretté d'avoir abandonné ses camarades et de n'avoir rien fait pour les protéger. Il savait que se présenter à Poudlard aurait signé son arrêt de mort, mais il ne pouvait pas s'empêcher de penser qu'il aurait peut-être pu faire quelque chose…

Ils restèrent enlacés un long moment, puis Ginny secoua la tête.

— Même si la guerre est finie, tout ça… c'est encore tellement présent. Je sais qu'ils étaient autant des victimes que nous, mais ils… n'avaient pas à subir les doloris de ces monstres. Et ils n'ont jamais hésité à lancer les impardonnables, alors que nous résistions de notre mieux en endurant les punitions.

Harry grimaça, mais il resta silencieux. Finalement, Ginny laissa échapper un rire fatigué.

— L'année ne va pas vraiment être tranquille, n'est-ce pas ?

Après un long moment, Harry finit par murmurer.

— Ça sera probablement différent de tout ce qu'on a connu. On devra juste… s'habituer aux changements.

Les pensées de Harry dérivèrent vers Malefoy et il se rendit compte avec un peu de surprise qu'il avait hâte de lui faire face. En fait, il voulait retrouver le Malefoy combatif d'autrefois, celui qui ne craignait pas de le contredire ou de le bousculer.

Harry ne voulait certainement pas être traité comme un héros ou regardé avec admiration. Il voulait se fondre dans la masse des élèves, être un étudiant parmi d'autres et poursuivre son année sans se faire remarquer.