La terre tremblait sous l'impact des explosions, chaque onde de choc soulevant des volutes de poussière et de cendres. Le ciel, autrefois d'un bleu éclatant, n'était plus qu'une voûte grisâtre, voilée par la fumée et les flammes des jutsus destructeurs. L'odeur âcre du sang et du métal en fusion emplissait l'air, alourdissant chaque inspiration.
Le champ de bataille, autrefois une étendue de verdure, n'était plus qu'un chaos ravagé par la guerre. Le sol, éventré par les combats successifs, ressemblait à une terre brûlée où seuls des cadavres jonchaient les ruines de ce qui fut jadis un terrain d'entraînement. Les corps des shinobi, alliés et ennemis confondus, gisaient sans vie, leurs visages figés dans une expression de douleur éternelle.
Chaque pas était un supplice, chaque mouvement lui arrachait un râle de souffrance. Sakura peinait à respirer, son corps meurtri par des heures de combat sans répit. Son souffle était rauque, ses muscles à bout, son chakra presque inexistant. Pourtant, malgré l'épuisement qui menaçait de l'engloutir, elle tenait encore debout, portée par un dernier sursaut de volonté.
Mais elle savait que la fin approchait.
Encore un peu... juste un peu plus longtemps, se répétait-elle en concentrant le peu de chakra qui lui restait dans son poing. Sa vision se troublait par moments, alternant entre des éclats de clarté douloureuse et des ombres inquiétantes.
— Tu ne tiendras plus longtemps à ce rythme, lui lança un shinobi ennemi avec un rictus moqueur. Abandonne, médic-nin.
Sakura serra les dents, son regard émeraude étincelant de détermination malgré la douleur.
— Tant qu'il me restera un souffle de vie, articula-t-elle entre deux respirations laborieuses, je protégerai les miens.
Elle frappa le sol de son poing, puisant dans ses dernières réserves. La terre se fissura sous l'impact, créant une diversion suffisante pour permettre à deux ninjas blessés de se replier. Une vague de vertiges la submergea aussitôt, et elle chancela.
Mon chakra... il est presque épuisé, pensa-t-elle en sentant la marque sur son front s'estomper progressivement. J'ai utilisé trop de réserves pour soigner les autres...
Autour d'elle, les cris des shinobi s'éteignaient un à un, comme des bougies soufflées par le vent. Les derniers survivants combattaient avec une détermination désespérée, mais face à la toute-puissance de Madara Uchiha et du Mugen Tsukuyomi, leur résistance n'était qu'une illusion.
Elle vit des amis tomber sous ses yeux, leurs corps disparaissant dans des éclats de lumière alors que l'illusion prenait possession de leur conscience. Un frisson d'impuissance lui parcourut l'échine. Elle voulait encore se battre, elle voulait continuer à protéger ceux qui restaient, mais son chakra s'amenuisait. Son corps, meurtri, refusait de suivre sa volonté.
— Je ne peux pas abandonner maintenant, murmura-t-elle en essuyant le sang qui coulait de sa tempe.
Tsunade-sama n'abandonnerait pas... Naruto n'abandonnerait pas…Le souvenir de son entraînement avec Tsunade lui revint brusquement. Les heures passées à perfectionner son contrôle du chakra, les leçons sur la persévérance, sur l'importance de tenir bon même quand tout semblait perdu. Elle avait juré de ne plus être celle qui regardait les autres se battre.
Plus jamais.
Un adversaire surgit sur sa droite. Par réflexe, elle pivota pour esquiver, mais ses jambes tremblantes ne suivirent pas le mouvement assez vite. La lame lui entailla le flanc, ajoutant une nouvelle blessure à la collection qui marquait déjà son corps. Une douleur fulgurante la traversa, lui arrachant un cri étouffé.
Trop lente... je deviens trop lente...
D'un geste automatique, elle pressa sa main auréolée d'une faible lueur verte contre la plaie, tentant de contenir l'hémorragie. Mais le chakra médical vacillait, instable, insuffisant.
— C'est inutile, souffla-t-elle, frustrée par ses propres limites. Je n'ai plus assez de…
Un éclair blond fendit son champ de vision. Naruto surgit à ses côtés, le visage marqué par l'épuisement et la rage. Son souffle était erratique, sa veste en lambeaux, son sang se mêlant à la poussière qui maculait son visage. Son regard, habituellement empli d'espoir, vacillait sous le poids du désespoir.
— Sakura-chan, tiens bon ! On va s'en sortir, je te le promets !
Elle le regarda, absorbant chaque détail de son visage. Même dans cette désolation, il y avait encore cette étincelle, cette indomptable volonté qui avait toujours défini Naruto Uzumaki. Mais elle voyait aussi ce qu'il essayait de cacher : la peur, l'épuisement, le doute.
— Tu mens très mal, Naruto, dit-elle avec un faible sourire. Tu l'as toujours mal fait.
Il parut désarçonné par sa franchise, puis son expression s'adoucit.
— Ouais, mais je ne mens pas quand je dis que je ne t'abandonnerai pas. Jamais.
— Je sais.
Un silence passa entre eux, lourd de tout ce qu'ils n'avaient jamais eu le temps de se dire. Dans le chaos environnant, cet instant semblait suspendu, presque irréel.
— Mon chakra est presque épuisé, avoua-t-elle finalement. J'ai essayé de... J'ai voulu être utile jusqu'au bout.
— Tu l'as toujours été, Sakura. Toujours.
Cette simple affirmation lui noua la gorge. Combien de fois avait-elle douté de sa valeur ? Combien de nuits avait-elle passées à se demander si elle méritait sa place aux côtés de Naruto et Sasuke ? Et voilà que maintenant, à la fin de tout, ces doutes semblaient tellement insignifiants.
— Regarde, dit-elle en montrant du menton l'horizon. Il est trop puissant...
Elle voulait y croire. Elle voulait se raccrocher à cette promesse, comme elle l'avait fait tant de fois auparavant. Mais cette fois-ci, il n'y avait pas d'issue. Elle voyait la fatigue dans les yeux de Naruto, cette lueur d'incertitude qu'il essayait de masquer sous un masque de détermination. Son chakra se consumait en vain, et l'ombre de la défaite s'étendait sur eux.
Elle se força à lever les yeux. Là, au loin, Madara Uchiha se dressait, impassible, insensible au massacre qui se déroulait sous ses ordres. Son regard écarlate brillait d'une lueur glaciale, implacable. C'était un monstre que rien ne semblait pouvoir arrêter.
— On aurait dû l'arrêter plus tôt, murmura-t-elle, une vague de regrets l'envahissant. Si seulement j'avais été plus forte…
— Ne dis pas ça, protesta Naruto. Tu as fait tout ce que tu pouvais.
— Ce n'était pas assez.
Une quinte de toux la secoua violemment, et elle sentit un goût métallique envahir sa bouche. Du sang. Ses organes internes étaient touchés, elle le savait. Son diagnostic médical était implacable : hémorragie interne, rupture de plusieurs vaisseaux vitaux, épuisement critique de chakra. État critique.
Ironie du sort, pensa-t-elle amèrement. Je peux diagnostiquer ma propre mort, mais je ne peux pas l'empêcher.
— Naruto… murmura-t-elle, le souffle court. Je suis désolée…
Ses jambes cédèrent sous son poids et elle s'effondra. Naruto la rattrapa de justesse, serrant son corps tremblant contre lui. Le sol était froid sous ses doigts, la chaleur de la vie s'échappait lentement d'elle.
— Sakura-chan ! cria-t-il, l'horreur déformant ses traits.
Elle voulait lui dire tellement de choses. Lui dire qu'elle avait toujours admiré sa force, qu'elle croyait en lui, qu'elle était fière d'avoir combattu à ses côtés. Lui dire qu'elle aurait voulu que tout se termine autrement. Mais les mots lui manquaient, sa voix s'étranglait dans sa gorge.
— Je... j'ai toujours voulu être comme toi, articula-t-elle péniblement. Ne jamais abandonner... toujours aller de l'avant…
— Et tu l'as fait ! répliqua-t-il avec véhémence. Tu es devenue incroyable, Sakura. Tsunade-baachan serait fière de toi... je suis fier de toi !
Le regard de Sakura se perdit un instant dans le vague. Les souvenirs affluaient en vagues désordonnées : son enfance à l'Académie, sa rivalité avec Ino, sa première rencontre avec Naruto et Sasuke, les missions de l'équipe 7, les moments de joie, de peur, de tristesse qu'ils avaient partagés. Tout ce chemin parcouru... pour en arriver là.
— Tu te souviens de notre première mission ? demanda-t-elle faiblement. Au Pays des Vagues…
— Bien sûr, sourit-il tristement. Tu étais la seule à avoir grimpé à l'arbre du premier coup.
— Contrôle parfait du chakra, murmura-t-elle avec un fantôme de fierté dans la voix. À quoi ça me sert maintenant que je n'en ai plus ?
Naruto secoua la tête, refusant d'accepter l'inévitable.
— Non… ne dis pas ça ! On va te soigner, tu vas t'en sortir !
Sa voix se brisa sur les derniers mots, étranglée par l'urgence et le déni.Ses mains tremblaient alors qu'il serrait Sakura contre lui, refusant de la lâcher, refusant de voir la réalité se dessiner sous ses yeux. Mais ils savaient tous les deux que c'était un mensonge.
Je vais mourir, réalisa-t-elle avec une étrange clarté.
Cette pensée aurait dû la terrifier, mais elle ressentait surtout une immense tristesse. Tristesse de devoir abandonner Naruto dans cette lutte. Tristesse de ne pas voir la fin de cette guerre. Tristesse de partir sans avoir pu dire au revoir à tous ceux qu'elle aimait.
— Sasuke... est-il...? demanda-t-elle, laissant sa question en suspens.
L'expression de Naruto s'assombrit.
— Je ne sais pas. La dernière fois que je l'ai vu, il combattait contre les clones de Zetsu.
Elle hocha faiblement la tête. L'équipe 7, dispersée jusqu'à la fin...
— Il faut que tu tiennes, Sakura-chan, insista Naruto. Kakashi-sensei va arriver, et ensemble, on pourra…
— Naruto, l'interrompit-elle doucement. Ne te mens pas à toi-même. Mon corps... il est en train de lâcher.
Sakura vit ses mâchoires crispées, la rage impuissante tordant ses traits. Son regard d'azur, autrefois incandescent d'espoir, vacillait comme une flamme sous l'orage. Il voulait croire qu'il pouvait encore la sauver, qu'il restait un miracle à arracher au destin. Mais il n'y en avait plus.
— J'aurais dû être plus rapide, marmonna-t-il, la culpabilité transparaissant dans chaque syllabe. J'aurais dû te protéger…
— Non, souffla-t-elle. C'était mon choix. Je suis un ninja médical... protéger les autres est ma mission.
Une explosion retentit non loin, illuminant brièvement leurs visages d'une lueur orangée. Quelque part, la bataille continuait. Implacable. Indifférente à leur drame personnel. La lumière autour d'elle s'amenuisait, les ombres s'étendant lentement à la lisière de sa conscience. Le vacarme de la guerre devint un écho lointain, un murmure indistinct perdu dans le tumulte de la mort.
Elle inspira faiblement, chaque souffle une bataille de plus contre l'inévitable. Son bras, aussi lourd qu'une pierre, se souleva dans un dernier effort. Ses doigts, froids et tremblants, vinrent effleurer la joue de Naruto, y laissant une traînée rougeâtre de sang mêlé à la poussière.
— Ne t'en veux pas, murmura-t-elle. Je ne regrette rien... pas une seule minute passée avec toi... avec notre équipe.
Son ami ferma les yeux un instant sous ce contact, comme s'il voulait le graver à jamais dans sa mémoire.
— Ne perds pas espoir… murmura-t-elle. Sa voix n'était plus qu'un souffle fragile, un battement d'aile sur le fil du néant.
Je crois en toi, Naruto. Je l'ai toujours fait, même quand je prétendais le contraire, pensa-t-elle, incapable désormais de formuler ces mots à voix haute.
Elle vit une larme rouler sur la joue de Naruto. Une seule, silencieuse, qui traça une ligne claire sur sa peau couverte de poussière et de sang. Il ne pleurait jamais. Il était celui qui souriait malgré la douleur, celui qui portait sur ses épaules l'espoir du monde, celui qui, même dans les ténèbres les plus profondes, trouvait toujours un éclat de lumière à suivre. Mais à cet instant, face à son impuissance, même Naruto ne pouvait plus masquer l'évidence.
— Ne pleure pas pour moi, voulut-elle dire, mais seul un faible gémissement franchit ses lèvres.
Sakura voulut lever la main, essuyer cette larme comme elle l'aurait fait en d'autres circonstances. Lui dire qu'elle croyait en lui, qu'il survivrait, qu'il ne devait pas se laisser briser par cette guerre. Lui dire qu'il était leur dernier espoir. Qu'elle était fière de lui.
Mais elle n'en eut pas le temps. Ses forces l'abandonnèrent, son souffle s'amenuisa, et dans le tumulte de la bataille, son monde s'évanouit. Un dernier battement de cœur, un dernier soupir et puis… Le silence. Tout devint noir.
Plus de douleur, plus de cris, plus de corps meurtris. Plus de ciel en flammes ni de terre déchirée. Juste un vide absolu, flottant, insondable, sans repères ni limites. Elle ne sentait plus rien. Son être, réduit à un fragment d'existence, dérivait dans l'obscurité, incapable de se mouvoir, incapable de comprendre.
Elle chercha ses mains, voulut toucher son visage, mais il n'y avait rien. Pas de corps, pas de membres, pas de peau. Juste une conscience perdue dans l'immensité du néant. Chacune de ses pensées résonnait dans le vide, comme un écho lointain qui se perdait dans l'infini.
Était-ce cela, la mort ? Une errance éternelle, privée de sensations et d'attaches, figée dans une nuit sans fin ?
Elle avait toujours imaginé quelque chose d'autre – une lumière peut-être, un passage, ou le visage souriant de ceux qui l'avaient précédée. Mais il n'y avait rien. Juste ce vide oppressant qui consumait peu à peu les derniers fragments de son identité.
Elle tenta d'appeler Naruto, mais aucun son ne franchit le néant. Son nom se dissipa dans l'obscurité, avalé par le silence oppressant qui l'entourait. Elle essaya de se souvenir de son visage, de ses yeux d'un bleu céruléen, de son sourire éclatant, de cette détermination inébranlable qui l'avait toujours défini. Elle s'accrocha à cette image comme à une bouée de sauvetage dans cet océan d'obscurité.
Naruto, Sasuke, Kakashi-sensei... m'entendez-vous ?
Des bribes de souvenirs flottaient dans sa conscience. Le village de Konoha baigné par le soleil couchant. Les entraînements sous la chaleur écrasante de l'été. Les missions accomplies, les combats gagnés et perdus. Le rire de ses amis autour d'un bol de ramen. Les larmes versées pour ceux qu'elle n'avait pu sauver.
Tout ce qui avait constitué sa vie semblait maintenant si lointain, si fragile, comme des fragments d'un rêve sur le point de s'effacer.
Le temps perdit toute signification.
Une seconde, une éternité. Impossible à dire. Tout ce qui avait existé n'était plus qu'un lointain souvenir, un écho vacillant dans le néant. Plus de guerre. Plus de douleur. Plus d'espoir non plus. Seulement un vide immense et insondable qui l'engloutissait, une obscurité glacée qui dissolvait son être peu à peu.
Elle se sentait disparaître. Ou peut-être qu'elle n'avait jamais existé.
La sensation était étrange, comme si l'essence même de son âme s'effilochait, fil par fil, se délitant dans l'immensité. Tout semblait se diluer dans le néant, comme de l'encre dans l'eau. Des fragments de sa personnalité se détachaient, emportés par un courant invisible. Son nom même – Sakura Haruno – commençait à perdre de sa substance, à s'évanouir comme une empreinte dans le sable balayée par la marée.
Est-ce ainsi que tout finit ? pensa-t-elle, alors qu'elle sentait les derniers vestiges de son être s'effriter. Est-ce ainsi que je disparais, sans laisser de trace ?
Une tristesse indicible l'envahit. Non pas pour elle-même – car que restait-il d'elle ? – mais pour ceux qu'elle laissait derrière. Pour Naruto qui avait juré de protéger tout le monde. Pour Sasuke qui avait finalement trouvé son chemin de retour. Pour ses parents qui attendraient son retour en vain. Pour tous ceux qui continueraient à vivre dans un monde qu'elle ne verrait plus jamais.
Pardonnez-moi, souffla-t-elle dans le vide. Je n'étais pas assez forte.
Puis, au cœur de ce néant silencieux, une vibration. Infime. Fragile. Une pulsation.
D'abord hésitante, comme un murmure perdu dans l'abîme. Puis plus nette, plus insistante. Une cadence régulière, rythmée, qui s'accrochait à l'existence. Comme un fil ténu reliant son être dispersé à quelque chose d'autre, quelque chose de vivant, de tangible. Un battement de cœur. Le sien.
Non, pas exactement le sien – différent, plus rapide, plus léger. Mais étrangement connecté à elle, comme si ce cœur qui battait était intimement lié à sa conscience. Elle tenta de se concentrer sur cette pulsation, de s'y raccrocher comme à une ancre dans la tempête. À chaque battement, elle sentait une force inconnue la tirer, l'attirer vers une destination qu'elle ne pouvait encore percevoir.
La pulsation s'accéléra, devint plus puissante, plus présente. D'autres sensations vinrent s'y mêler – une chaleur diffuse, un mouvement ondulant, des sons étouffés mais réguliers. Des voix, peut-être ? Des mots qu'elle n'arrivait pas à saisir, des intonations qu'elle ne reconnaissait pas. Quelque chose craqua, une faille invisible s'ouvrit dans l'obscurité.
Une force inconnue la happa violemment vers l'avant. Elle fut précipitée dans un flot de sensations brutes, trop intenses après ce vide absolu. La transition fut si brutale qu'elle aurait hurlé si elle avait eu une voix. C'était comme être arrachée à un état d'inexistence pour être projetée dans une réalité trop vive, trop dense, trop... présente.
Un cri perça l'obscurité. Son cri. Mais ce n'était pas sa voix. C'était un cri aigu, primitif, celui d'un être qui n'a pas encore appris à modeler les sons. Un cri qui venait de ses entrailles mais qu'elle ne reconnaissait pas comme sien. Un souffle court, paniqué. Une sensation de chaleur moite, d'enfermement. L'air était différent, épais, pesant. Un poids écrasant sur sa poitrine l'empêchait de respirer correctement.
Son corps… quelque chose n'allait pas. Il était là, elle le sentait, mais il lui semblait étranger, comme un vêtement qui n'aurait pas été à sa taille. Elle essaya de bouger, mais ses membres étaient lourds, engourdis. Ses mouvements, qu'elle avait autrefois maîtrisés avec la précision d'une kunoichi d'élite, étaient désormais désordonnés, chaotiques, comme si elle devait réapprendre les bases les plus élémentaires de la coordination.
Trop petits. Trop faibles. Cette réalisation s'imposa à elle avec une clarté terrifiante. Ce corps n'était pas celui qu'elle avait connu. Ces membres n'étaient pas ceux qu'elle avait entraînés pendant des années. Ces mains n'étaient pas celles qui avaient soigné des blessures, lancé des kunais, formé des signes pour concentrer son chakra.
La panique monta en elle, une vague implacable qui menaçait de la submerger. Où était son corps ? Qu'était-il advenu de sa force, de ses compétences, de tout ce qu'elle avait bâti au fil des années ?
Sakura ouvrit les yeux, mais tout était flou, indistinct.
Une lumière tamisée dansait au-dessus d'elle, filtrée par des draps soyeux qu'elle ne reconnaissait pas. Sa vision, autrefois aiguisée par l'entraînement, était maintenant trouble, incapable de distinguer les détails, les contours, les couleurs avec précision. Comme si ses yeux étaient neufs, inutilisés, devant encore s'adapter à la perception du monde.
Des silhouettes bougeaient lentement autour d'elle, des ombres qui semblaient vastes, immenses. Des géants peut-être, ou des créatures d'un autre monde ? Son esprit oscillait entre la rationalité et la terreur, incapable de donner un sens à ce qu'elle percevait.
Puis des voix.
Graves, douces, étrangères. Des voix qui parlaient une langue qu'elle comprenait et pourtant qui semblaient appartenir à un autre monde, à une autre réalité que celle qu'elle avait connue.
— C'est une fille.
Ces mots simples résonnèrent en elle comme un glas. Une fille. Comme si son identité se résumait désormais à ce seul fait, comme si tout ce qu'elle avait été – Sakura Haruno, élève de Tsunade, ninja médecin de Konoha, membre de l'équipe 7 – n'existait plus, effacé au profit de cette nouvelle définition : une fille.
Un frisson la traversa, la secouant de l'intérieur. Elle sentit son cœur s'emballer, un battement affolé qui résonnait jusque dans sa poitrine minuscule. L'angoisse lui noua la gorge, serrant sa trachée comme un étau invisible. Chaque souffle était un combat, chaque inspiration une victoire arrachée contre cette terreur qui menaçait de la paralyser.
Où était-elle ? Que s'était-il passé ?
La dernière chose dont elle se souvenait clairement, c'était la bataille. Le ciel déchiré par des éclairs, la terre tremblant sous l'impact des jutsus dévastateurs. Sa voix criant des ordres, des avertissements. Puis cette douleur lancinante, cette sensation de vide qui l'avait envahie alors que la vie s'échappait d'elle, goutte à goutte, comme un sablier dont le temps s'écoule inexorablement. Et maintenant... ceci.
Ce corps minuscule, impuissant. Cette réalité qui n'était pas la sienne. Elle chercha à parler, à prononcer un mot, à comprendre, mais sa bouche refusa de lui obéir. Sa langue était trop lourde, ses muscles incapables de répondre à ses ordres. Ses lèvres, autrefois capables d'articuler des jutsu médicaux complexes, ne pouvaient désormais former que des sons informes, primitifs, dénués de sens.
Elle voulut lever une main, sentir son visage, vérifier qu'elle était toujours elle-même… mais son bras, frêle et maladroit, ne fit qu'un geste faible, insignifiant. Une bouffée de panique la submergea, un raz-de-marée d'émotions brutes qui balaya le peu de contrôle qu'elle tentait de maintenir. Son chakra... où était son chakra ?
Cette énergie qui avait coulé en elle, qu'elle avait appris à maîtriser avec tant de précision, semblait avoir disparu. À sa place, il n'y avait qu'un vide béant, une absence qui la laissait plus vulnérable qu'elle ne l'avait jamais été. Pourquoi ? Pourquoi ne pouvait-elle pas bouger comme avant ? Pourquoi tout lui semblait si démesuré, si… étranger ?
Pourquoi son propre corps lui semblait-il être une prison plutôt que l'instrument affûté qu'elle avait forgé au fil des années ?
— Elle est magnifique, Kaito, murmura une voix faible, mais teintée d'une chaleur douce et apaisante.
— Elle a le regard d'une guerrière, Hanae.
Un rire discret.
— Elle ne les a même pas ouverts.
— Mais elle les ouvrira bientôt.
Un murmure de tissu froissé, un mouvement qu'elle devina lent et précautionneux.
— Laisse-moi la porter.
Sakura sentit des bras la soulever, avec une douceur qu'elle n'aurait jamais crue possible. Un battement de cœur, fort et régulier, vibra contre elle alors qu'elle était enveloppée dans une étreinte protectrice. L'odeur qui l'entourait était inconnue, mais familière à la fois. Chaleureuse. Sécurisante.
Mais la fatigue était plus forte qu'elle. Un poids invisible l'écrasait, l'empêchant de lutter davantage. Sa respiration se calma malgré elle, bercée par cette chaleur douce et inconnue qui l'entourait. Son corps cédait aux exigences de sa nouvelle condition, même si son esprit se révoltait.
Des bras la soulevèrent. Un contact rassurant, étrangement familier. Un battement de cœur tout proche, lent, posé, comme le tic-tac d'une horloge ancestrale.
Une odeur indéfinissable, mais instinctivement apaisante – un mélange de chaleur humaine, de parfum léger et de quelque chose d'autre, quelque chose qui parlait directement à ses instincts les plus profonds.
Son esprit, lui, continuait de refuser d'accepter l'évidence. Il se débattait contre cette nouvelle réalité, cherchant désespérément une explication, une échappatoire. Un genjutsu peut-être ? Une illusion créée par un ennemi pour la déstabiliser ? Ou peut-être était-elle tombée dans une technique spatio-temporelle, un jutsu interdit qui l'avait projetée dans ce corps étranger ?
Mais alors que son corps cédait à l'épuisement, une seule certitude s'imposa, implacable et terrifiante dans sa simplicité. Elle était vivante… Mais plus rien n'était pareil. La réalité telle qu'elle l'avait connue n'existait plus. Ou peut-être était-ce elle qui n'appartenait plus à cette réalité ?
La frontière entre le possible et l'impossible s'était effacée, laissant place à cette nouvelle existence qu'elle ne comprenait pas encore, qu'elle n'était pas prête à accepter.
— Sakura… bienvenue parmi nous.
Elle tenta une fois de plus d'ouvrir les yeux, puisant dans ses dernières réserves d'énergie. Cette fois, ses paupières s'entrouvrirent légèrement. Une lumière douce filtrait à travers ses cils, dessinant des ombres floues devant elle. Des silhouettes indistinctes se penchaient au-dessus d'elle.
— Regarde, Kaito, elle est réveillée, murmura la voix féminine, Hanae.
Sakura voulut parler, mais seul un gargouillement informe franchit ses lèvres. Sa gorge refusait de lui obéir, comme si elle n'avait jamais appris à former des mots. La panique l'envahit à nouveau, glaciale et paralysante.
— Doucement, petit bourgeon, dit Kaito. Tu as tout le temps.
Ces mots, prononcés avec tant de tendresse, la figèrent. Petit bourgeon ? Personne ne l'avait jamais appelée ainsi. Seuls ses parents avaient utilisé des surnoms affectueux, et c'était il y a si longtemps…
Elle essaya de bouger ses membres, mais ils semblaient lourds, maladroits, comme si elle ne savait plus comment les contrôler. Ses doigts se replièrent instinctivement, formant un petit poing, et ce simple mouvement parut demander un effort surhumain.
— Elle est forte, sourit Hanae.
— Comme sa mère, répondit Kaito.
Sa mère ? Mais sa mère était...
La vérité la frappa alors avec la violence d'un coup de kunai en plein cœur. Ce corps. Ces sensations. Cette impuissance. Cette absence totale de chakra circulant dans ses veines. Cette sensation d'être complètement neuve, vierge de toute technique ou entraînement. Elle n'était plus dans son corps de kunoichi aguerrie. Elle était...
— Notre fille, murmura Hanae en caressant sa joue d'un doigt léger comme une plume. Notre magnifique petite Sakura.
Le monde s'effaça à nouveau autour d'elle, emporté par une vague d'obscurité. Mais cette fois, alors qu'elle sombrait dans l'inconscience, une seule pensée résonnait dans son esprit : elle était revenue au commencement. D'une manière qu'elle ne pouvait comprendre, elle était redevenue un nouveau-né. Et quelque part, dans les replis les plus profonds de son âme, une question silencieuse : était-ce une seconde chance... ou une punition ?
Les jours qui suivirent se déroulèrent comme dans un brouillard pour Sakura.
Une succession d'états de conscience et d'inconscience, de moments où ses pensées étaient claires comme le cristal et d'autres où elle n'était qu'un amalgame confus de sensations primaires. Le cycle infernal du nourrisson : dormir, pleurer, manger, recommencer.
Son corps minuscule exigeait constamment d'être nourri, changé, bercé. Aucun contrôle. Aucune dignité. Elle qui avait maîtrisé des jutsus médicaux complexes, qui avait soigné des blessures mortelles d'un simple toucher, était désormais incapable de tenir sa tête droite.
Cette nuit-là, allongée dans son berceau en bois clair, Sakura fixait le plafond de ses yeux nouveaux, encore incapables de distinguer nettement les contours. La lune projetait des ombres dansantes à travers les rideaux légers. Dans ce moment de calme, son esprit adulte prenait le dessus.
Comment est-ce possible ? se demandait-elle pour la centième fois. Suis-je morte ? Est-ce l'au-delà ? Une technique de réincarnation ?
Mais surtout : Les Uchiha ? Comment puis-je être née dans le clan des Uchiha ?
Elle avait scruté chaque indice qui pourrait lui indiquer où – et quand – elle se trouvait. Les vêtements de ses nouveaux parents portaient l'emblème de l'éventail rouge et blanc. Des armes étaient accrochées aux murs, visibles même à travers sa vision trouble de nouveau-né. L'atmosphère était tendue, alerte.
Elle avait entendu des bribes de conversation : "patrouille de Senju", "embuscade", "Butsuma prépare une attaque"... Des noms qu'elle ne connaissait que par les livres d'histoire.
— Elle ne dort toujours pas, murmura Hanae en entrant dans la chambre.
La silhouette de sa mère se pencha au-dessus du berceau. Ses longs cheveux noirs, caractéristiques des Uchiha, formaient un rideau soyeux autour de son visage fin. Dans la pénombre, Sakura distingua son Sharingan activé, deux tomoe tournoyant lentement dans chaque œil. Hanae scrutait constamment les alentours, sur ses gardes même dans l'intimité de leur demeure.
— Tu réfléchis trop, petit bourgeon de cerisier, chuchota-t-elle en caressant sa joue. Je vois ces yeux qui pensent, qui cherchent. Tu es une vieille âme, n'est-ce pas ?
Le cœur de Sakura s'emballa. Pouvait-elle savoir ? Le Sharingan permettait-il de voir au-delà des apparences, de détecter cette anomalie qu'était son esprit adulte dans ce corps de nourrisson ?
Hanae la souleva doucement et la berça contre sa poitrine. Sous les couches de vêtements de protection, Sakura sentit la dureté d'une armure légère.
— Ton père dit que tu es spéciale. Que ton chakra ne ressemble à celui d'aucun autre enfant Uchiha. Il croit que tu pourras peut-être éveiller le Sharingan plus tôt que n'importe lequel de nos enfants.
Elle rit doucement, mais c'était un rire teinté d'inquiétude.
— Tajima-sama lui-même s'est déplacé pour te voir à ta naissance. Le chef du clan ne fait jamais cela, sauf…
Elle s'interrompit.
— Sauf pour les enfants prometteurs qui pourraient changer le cours de cette guerre interminable.
La porte s'ouvrit à nouveau, laissant entrer Kaito. Grand, les épaules larges, il portait la tenue de combat traditionnelle des Uchiha. Son Sharingan était activé, trois tomoe parfaitement développés tournoyant dans chaque œil. Contrairement à sa femme, ses traits étaient marqués, son visage buriné par le soleil et les batailles. Des mains de guerrier, calleuses à force de manier le katana. Ses yeux, lorsqu'il désactivait le Sharingan, révélaient une profonde couleur noire, caractéristique du sang pur des Uchiha.
— Elle ne dort pas ? demanda-t-il en s'approchant.
— Elle contemple les mystères de l'univers, sourit Hanae.
Kaito s'accroupit près d'elles et posa une main calleuse sur la tête minuscule de Sakura.
— J'ai terminé de préparer l'autel pour la cérémonie de reconnaissance, dit-il doucement. Tajima-sama et les Anciens viendront demain.
— Si tôt ? s'inquiéta Hanae. Elle n'a que deux semaines.
— Le prêtre et l'Oracle ont été clairs. Plus nous attendons, plus il sera difficile de cacher son potentiel aux Senju. Butsuma a des espions partout. Sakura sentit la tension soudaine dans le corps d'Hanae.
— Tu crois vraiment qu'elle peut être l'enfant de la prophétie ? Celle qui apportera le Mangekyō Sharingan sans connaître la perte ?
— Ce ne sont pas des superstitions, coupa Kaito, la voix soudain plus grave. Tu as vu comme moi les signes. Le cerisier qui a fleuri en plein hiver dans le sanctuaire d'Indra. Le corbeau blanc qui a survolé notre maison pendant sa naissance. Et son chakra... Il se tut, fixant intensément Sakura avec son Sharingan.
— Son chakra qui ne ressemble à rien de ce que nous connaissons. Même le jeune Madara n'a pas cette... étrangeté.
Un frisson parcourut l'échine de Sakura. Madara ? Le nom résonna dans son esprit comme un glas. Madara était encore un enfant ? Cela signifiait qu'elle était revenue à l'époque des guerres de clans, bien avant la fondation de Konoha, dans une ère où les Uchiha et les Senju s'entretuaient sans merci.
— Que crains-tu exactement ? demanda Hanae en serrant Sakura plus fort contre elle. Kaito resta silencieux un long moment, son regard perdu vers la fenêtre et la nuit au-delà.
— Je crains que notre fille ne soit trop précieuse pour le clan, Hanae. Tajima-sama voudra la placer sous sa protection directe... l'élever avec ses propres fils. Il baissa la voix encore plus.
— J'ai entendu les anciens parler. Ils veulent la fiancer à Madara dès qu'elle aura cinq ans. Hanae étouffa un cri.
— C'est un enfant ! Il doit avoir à peine…
— Dix ans, compléta Kaito. Mais il est déjà le plus prometteur de sa génération. Ils croient qu'une union entre lui et une enfant potentiellement aussi spéciale que Sakura pourrait engendrer une lignée d'Uchiha invincibles.
Il posa sa main sur l'épaule de sa femme.
— Mais ce n'est pas le pire. Si le don de Sakura s'avère aussi exceptionnel qu'ils le pensent, les Senju feront tout pour l'enlever. Ou l'éliminer.
Sakura sentait son cœur battre à tout rompre. Elle était tombée dans la période la plus sombre de l'histoire des shinobi. Et pire encore, elle était considérée comme une arme potentielle, un atout dans une guerre sans merci.
— Nous la protégerons, affirma Hanae, son Sharingan tournoyant plus rapidement sous l'effet de l'émotion. Personne ne touchera à notre fille.
Kaito acquiesça gravement, mais son regard trahissait son inquiétude.
— Demain, après la cérémonie, je dois rejoindre le front sud. Les Senju ont attaqué l'un de nos avant-postes.
— Si tôt ? Tu viens d'en revenir…
— Tajima-sama mène lui-même l'offensive. Il emmène Madara et son frère Izuna pour leur première grande bataille.
Il s'agenouilla et posa son front contre celui de sa fille, désactivant son Sharingan pour la regarder avec ses yeux d'un noir profond, identiques à ceux que l'enfant avait hérités.
— Je me battrai pour un monde où tu n'auras pas à connaître la guerre, petit bourgeon. Je le jure sur mon sang d'Uchiha.
Sakura sentit une larme couler sur sa joue minuscule. L'ironie était cruelle. Elle qui avait lutté aux côtés de Naruto et Sasuke pour mettre fin aux conflits, se retrouvait projetée à l'origine même de cette spirale de haine et de violence. Mais peut-être... peut-être était-ce là sa mission ? Changer le cours de l'histoire ? Empêcher que la rivalité entre Madara et Hashirama ne dégénère en cette obsession destructrice ? Une chose était certaine : elle ne serait jamais l'arme que le clan Uchiha espérait.
Elle utiliserait cette seconde chance, ce pouvoir inattendu, pour tenter d'infléchir le destin. Si elle devait être élevée avec Madara, elle ferait tout pour influencer le futur chef des Uchiha. Pour planter dans son cœur la graine qui, peut-être, empêcherait la naissance de l'organisation qui détruirait tout : l'Akatsuki.
Pour la première fois depuis sa renaissance, Sakura sentit une détermination familière l'envahir. Elle n'était plus seulement une victime du destin. Elle était Sakura Haruno – non, Sakura Uchiha désormais – et elle trouverait un moyen de maîtriser ce nouveau corps, ce nouveau pouvoir. Le monde shinobi dépendait peut-être de ce moment précis.
Le temps s'écoula différemment pour Sakura dans sa nouvelle vie. Les premiers mois furent une succession frustrante de sommeil, d'alimentation et d'impuissance. Son esprit adulte était prisonnier d'un corps qui refusait de lui obéir, développant chaque capacité avec une lenteur exaspérante. À six mois, elle parvint enfin à s'asseoir seule. À huit mois, elle commença à ramper, explorant la maison sous le regard attentif d'Hanae. À dix mois, ses premiers pas incertains furent accueillis par les exclamations de joie de ses parents.
— Elle est précoce, remarqua Kaito un soir, regardant sa fille se déplacer déjà avec une détermination inhabituelle.
— Elle est spéciale, répondit simplement Hanae.
Sakura comprenait tout ce qui se disait autour d'elle, absorbant chaque information sur ce monde qu'elle n'avait connu que par les livres d'histoire. Elle apprit que le clan Uchiha était continuellement en mouvement, établissant des campements temporaires dans les forêts du Pays du Feu, toujours sur ses gardes contre les attaques des Senju et d'autres clans.
Les premières années de sa vie furent paradoxalement paisibles malgré le contexte de guerre. Kaito partait régulièrement au combat, revenant parfois blessé mais toujours vivant, pour le plus grand soulagement de Sakura et d'Hanae. Sa mère, elle-même kunoichi accomplie, veillait sur elle tout en participant aux tâches défensives du clan.
À deux ans, Sakura prononça ses premiers mots, choisissant avec soin "chichi" (père) et "haha" (mère) plutôt que les habituels babillages enfantins. Ses parents échangèrent un regard surpris, puis fier.
À trois ans, alors que la plupart des enfants commençaient à peine à former des phrases complètes, Sakura s'exprimait déjà clairement, avec un vocabulaire qui dépassait largement celui attendu de son âge.
— Comment connais-tu ce mot ? lui demanda un jour Hanae, après que Sakura ait utilisé le terme "stratégie" lors du dîner.
— J'écoute, répondit-elle simplement.
Et c'était vrai. Elle passait ses journées à écouter, à observer, à apprendre tout ce qu'elle pouvait sur ce clan qui était désormais le sien. Elle apprenait les noms, les lignées, les techniques spécifiques aux Uchiha. Mais surtout, elle apprenait à se fondre dans son rôle d'enfant. À ne pas paraître trop éveillée, trop consciente. Car elle avait vite compris que sa différence attirait déjà suffisamment l'attention.
Le jour de ses quatre ans, alors que le printemps verdissait à nouveau les forêts, Kaito revint d'une mission avec un petit présent : un ensemble de kunai d'entraînement, aux pointes émoussées.
— Il est temps de commencer, déclara-t-il avec un mélange de fierté et d'appréhension. Tajima-sama a donné son accord.
Hanae fronça les sourcils.
— Elle est si jeune, Kaito.
— Madara a commencé à trois ans, répondit-il doucement. Izuna aussi. Et tu sais ce que l'Oracle a dit.
Sakura prit les petites armes dans ses mains, sentant leur poids, leur équilibre. Son corps était différent, plus petit, moins fort que celui qu'elle avait connu. Mais ses souvenirs musculaires étaient intacts, enfouis quelque part dans son esprit.
— Merci, chichi, dit-elle en s'inclinant respectueusement.
L'entraînement commença dès le lendemain. Chaque matin, avant même que le soleil ne se lève, Kaito l'emmenait dans une petite clairière à l'écart du campement. Là, il lui enseignait les bases du taijutsu, adaptées à son jeune âge.
Sakura devait constamment se rappeler de ne pas révéler trop de connaissances. Elle devait apprendre à tâtonner, à commettre des erreurs, à progresser à un rythme qui semblerait naturel pour une enfant prodige, mais pas pour une kunoichi adulte réincarnée.
— Ta posture, Sakura, corrigeait doucement Kaito. Les Uchiha ne s'abaissent pas à frapper comme des brutes. Nos mouvements sont précis, élégants, mortels.
Elle acquiesçait, ajustait sa position, recommençait.
Jour après jour, semaine après semaine, elle réapprenait les bases du combat, mais dans le style caractéristique des Uchiha : rapide, fluide, axé sur la prédiction des mouvements adverses, même sans le Sharingan.
Le soir, c'était Hanae qui prenait le relais. À la lueur des lanternes, elle lui enseignait les premiers rudiments du contrôle du chakra.
— Ferme les yeux, Sakura. Sens l'énergie qui coule en toi. Pour nous, les Uchiha, le chakra est comme une flamme. Il attend d'être nourri, guidé, libéré.
Sakura obéissait, fermant les yeux et se concentrant sur son flux de chakra. C'était à la fois familier et étranger. Dans sa vie précédente, son chakra avait été parfaitement contrôlé, précis comme un scalpel. Celui-ci était plus sauvage, plus puissant, mais moins docile.
— Concentre-toi sur ta respiration, continuait Hanae. Inspire le feu, expire la fumée.
Ces exercices rappelaient à Sakura ses premiers entraînements avec Kakashi, puis avec Tsunade. Mais ici, la philosophie était différente. Là où les médecins-nin cherchaient l'harmonie et l'équilibre, les Uchiha embrassaient la nature destructrice de leur chakra.
Le temps passa, et à cinq ans, Sakura maîtrisait déjà les bases du taijutsu et du contrôle du chakra à un niveau qui impressionnait même les Anciens du clan. Un jour, alors qu'elle s'entraînait seule à lancer ses kunai sur une cible qu'elle avait fabriquée, une voix la fit sursauter.
— Ta technique est bonne, mais ton poignet est trop rigide.
Sakura se retourna vivement pour découvrir Madara Uchiha, désormais un adolescent de quinze ans, l'observant avec un intérêt non dissimulé. Il avait grandi, ses traits s'affinant pour ressembler davantage à l'homme qu'elle avait connu dans son ancienne vie. Mais ses yeux n'avaient pas encore cette dureté, cette amertume qui les caractériseraient plus tard.
— Madara-sama, s'inclina-t-elle respectueusement, se rappelant son statut d'héritier du clan. Il s'approcha, prenant un kunai de sa main.
— Regarde, dit-il en le lançant d'un mouvement fluide. Le poignet doit rester souple jusqu'au dernier moment, puis se bloquer juste avant le lâcher.
Le kunai se ficha parfaitement au centre de la cible.
Sakura observa attentivement, gravant le mouvement dans sa mémoire.
— Essaie, ordonna-t-il en lui tendant une autre arme.
Elle s'exécuta, reproduisant le mouvement avec une précision qui sembla le surprendre. Le kunai atterrit à quelques millimètres du sien.
— Impressionnant, concéda-t-il. L'Oracle avait raison à ton sujet. Sakura se figea.
C'était la première fois qu'elle se retrouvait seule avec celui qui deviendrait un jour l'un des ninjas les plus puissants et les plus terrifiants de l'histoire.
— L'Oracle dit beaucoup de choses, répondit-elle prudemment.
Un léger sourire étira les lèvres de Madara, une expression qu'elle n'avait jamais vue sur le visage de sa version adulte.
— En effet. Elle a dit que tu possédais un talent naturel qui ne se manifeste qu'une fois par génération. Que ton approche du chakra pourrait ouvrir de nouvelles voies pour notre clan.
Il s'approcha, la scrutant de ses yeux noirs perçants.
— Es-tu vraiment si spéciale, Sakura Uchiha ?
La question la prit au dépourvu. Face à ce Madara adolescent, pas encore corrompu par la haine et le désespoir, elle sentit une opportunité s'ouvrir. S'il y avait une personne dont le destin pouvait changer toute l'histoire shinobi, c'était bien lui.
— Je ne sais pas si je suis spéciale, Madara-sama, répondit-elle lentement. Mais je sais que notre clan mérite mieux qu'une guerre éternelle.
Les yeux du jeune homme s'écarquillèrent légèrement, surpris par la maturité de cette réflexion venant d'une enfant de cinq ans.
— Tu parles comme Hashirama, dit-il à voix basse, presque pour lui-même.
Le nom résonna en Sakura comme un coup de tonnerre. Hashirama Senju, futur Shodai Hokage, celui qui fonderait Konoha avec Madara. Dans cette époque, il devait être un adolescent lui aussi.
— Qui est Hashirama ? demanda-t-elle, feignant l'ignorance.
Madara sembla hésiter, puis secoua la tête.
— Personne dont tu doives te préoccuper. Continue ton entraînement, petite cousine. Peut-être qu'un jour, tu seras suffisamment forte pour comprendre.
Il tourna les talons et s'éloigna, la laissant avec ses pensées tourbillonnantes. Cette brève interaction avait confirmé ce qu'elle soupçonnait : à cette époque, Madara et Hashirama se connaissaient déjà, peut-être même avaient-ils déjà formé leur amitié secrète.
Elle se remit à l'entraînement avec une détermination renouvelée. Si elle voulait avoir une chance d'influencer le cours des événements, elle devait devenir plus forte, plus compétente. Elle devait gagner le respect des Uchiha, et particulièrement celui de Madara.
Les mois passèrent, et sa réputation au sein du clan grandit. On murmurait sur son passage, parlant de son talent précoce, de sa maîtrise inhabituelle du chakra. Le jour de ses six ans, alors qu'elle s'exerçait à une technique de katon simple sous la supervision de son père, l'impensable se produisit.
Une vague de chakra différente, plus intense, parcourut son corps, se concentrant dans ses yeux. Sa vision changea soudainement, devenant plus nette, plus précise, les mouvements autour d'elle semblant ralentir. Kaito s'immobilisa, stupéfait.
— Sakura... tes yeux…
Elle porta instinctivement la main à son visage, sentant la chaleur qui émanait de ses pupilles. Elle n'avait pas besoin de miroir pour comprendre : elle venait d'éveiller le Sharingan. À six ans. Sans traumatisme. Sans perte. Exactement comme l'Oracle l'avait prédit.
La nouvelle de l'éveil précoce du Sharingan de Sakura se répandit dans le clan comme une traînée de poudre. En l'espace d'une journée, elle passa du statut d'enfant prodige à celui de phénomène, attirant l'attention de tous les Uchiha, des plus jeunes aux Anciens.
Kaito emmena immédiatement sa fille voir Tajima, comme l'exigeait la tradition. Le chef du clan était assis dans sa tente de commandement, entouré de cartes et de rapports de mission. Ses yeux se levèrent lentement lorsque père et fille entrèrent, s'inclinant respectueusement.
— Alors c'est vrai, murmura Tajima en observant Sakura. Approche, enfant.
Sakura s'avança d'un pas assuré, malgré la nervosité qu'elle ressentait. Elle avait délibérément désactivé son Sharingan, attendant la permission de le montrer.
— Active-le, ordonna Tajima.
Elle ferma brièvement les yeux, se concentrant sur cette sensation nouvelle qu'elle avait ressentie plus tôt. Canaliser son chakra vers ses yeux était étrangement intuitif, comme si son corps Uchiha savait instinctivement comment procéder. Lorsqu'elle rouvrit les paupières, le monde apparut à nouveau avec cette clarté surnaturelle, chaque détail devenant plus net, chaque mouvement plus prévisible.
Tajima se leva et s'approcha, s'agenouillant pour être à sa hauteur. Il activa son propre Sharingan, trois tomoe parfaitement formés tournoyant dans ses iris écarlates. Les deux doujutsu se fixèrent l'un l'autre, dans une connexion que seuls les Uchiha pouvaient vraiment comprendre.
— Un tomoe dans chaque œil, observa-t-il. Parfaitement formés. Et à seulement six ans.
Il se tourna vers Kaito.
— A-t-elle subi un choc ? Une peur intense ? Une perte ?
Kaito secoua la tête. — Non, Tajima-sama.
Elle s'entraînait simplement à la technique du Katon que je lui enseigne. Son chakra a fluctué, et ses yeux ont changé.
Tajima reporta son attention sur Sakura.
— Que ressentais-tu à ce moment précis, enfant ?
Sakura réfléchit soigneusement à sa réponse. Elle ne pouvait pas révéler que son esprit adulte, avec toutes ses expériences passées, avait probablement facilité cet éveil précoce.
— Je pensais à protéger notre clan, Tajima-sama, répondit-elle avec la déférence appropriée. À devenir assez forte pour que personne ne puisse nous faire de mal.
Ce n'était pas un mensonge. En s'entraînant, elle pensait effectivement à son nouveau rôle, à la façon dont elle pourrait peut-être infléchir le destin des Uchiha.
Un rare sourire étira les lèvres du chef de clan.
— Intéressant. La plupart des Uchiha éveillent leur Sharingan par la perte ou la peur. Mais toi... c'est par détermination. Par volonté.
Il se releva, sa décision visiblement prise.
— À partir de demain, ton entraînement sera intensifié. Tu viendras chaque après-midi au dōjō principal. Mes fils et moi-même superviserons personnellement ton développement.
Kaito s'inclina profondément.
— C'est un grand honneur, Tajima-sama.
— Ce n'est pas un honneur, Kaito, corrigea Tajima. C'est une nécessité. Le clan Uchiha ne peut se permettre de gaspiller un tel potentiel.
Il congédia Kaito d'un geste, mais retint Sakura d'une main sur son épaule.
— Désactive ton Sharingan maintenant, ordonna-t-il doucement. Tu dois apprendre à l'utiliser avec parcimonie. Il consomme beaucoup de chakra, surtout pour quelqu'un de ton âge.
Sakura obéit, laissant le flux de chakra se détourner de ses yeux. Sa vision redevint normale, mais la fatigue la frappa soudainement, ses jambes vacillant légèrement.
— Tu vois ? Une enfant ordinaire se serait évanouie après avoir maintenu le Sharingan si longtemps. Tu es exceptionnelle, Sakura Uchiha. Ne l'oublie jamais.
Sur ces mots, il la laissa rejoindre son père qui l'attendait à l'entrée de la tente.
Ce soir-là, la maison des Uchiha Kaito et Hanae fut plus animée que jamais. Des membres du clan, proches et éloignés, vinrent présenter leurs respects et observer la jeune prodige. Pour une famille de rang intermédiaire comme la leur, cette attention soudaine était à la fois gratifiante et intimidante.
Assise sur son futon, après que le dernier visiteur fut parti, Sakura sentit l'épuisement l'envahir. L'éveil et l'utilisation du Sharingan avaient drainé ses réserves de chakra encore immatures. Mais plus que la fatigue physique, c'était le poids des attentes nouvelles qui pesait sur ses épaules.
Hanae vint s'asseoir près d'elle, brossant doucement ses cheveux noirs.
— Comment te sens-tu, mon petit bourgeon ?
— Fatiguée, haha. Et... effrayée.
Hanae arrêta son geste, surprise par cette honnêteté.
— Effrayée ? De quoi ?
Sakura tourna son visage d'enfant vers sa mère, y mettant toute la vulnérabilité qu'elle ressentait réellement.
— De ne pas être à la hauteur. De décevoir le clan.
C'était une crainte authentique. Malgré son expérience passée, elle restait prisonnière d'un corps d'enfant, avec ses limitations. Et les attentes du clan Uchiha étaient impitoyables. Hanae l'attira contre elle dans une étreinte protectrice.
— Écoute-moi bien, Sakura. Tu n'as pas à porter ce fardeau seule. Ton père et moi serons toujours là pour te guider, te protéger. Quoi que le clan attende de toi, notre amour, lui, est sans condition.
Ces mots touchèrent Sakura plus profondément qu'elle ne l'aurait cru possible. Dans sa vie précédente, elle avait été adulte si longtemps qu'elle avait presque oublié ce sentiment : être un enfant aimé, protégé.
— Et puis, ajouta Hanae avec un sourire malicieux, je doute que tu puisses décevoir qui que ce soit. Tu as déjà accompli l'impossible.
Sakura sourit faiblement.
— Est-ce si rare ? D'éveiller le Sharingan si jeune ?
Hanae hocha gravement la tête.
— Les archives du clan mentionnent seulement trois cas similaires dans toute notre histoire. L'un d'eux était Madara-sama lui-même, qui l'a éveillé à sept ans. Et toi... à six ans. Sans traumatisme.
Elle caressa doucement la joue de sa fille.
— C'est pour cela que Tajima-sama s'intéresse tant à toi. Tu représentes peut-être une nouvelle voie pour notre clan, une façon d'obtenir la puissance du Sharingan sans passer par la souffrance.
Ces paroles firent réfléchir Sakura.
Dans sa vie précédente, elle avait connu la tragédie des Uchiha : un clan presque entièrement massacré, ne laissant que Sasuke et Itachi comme derniers héritiers. Et tout avait commencé ici, dans cette ère de guerres incessantes, où le pouvoir était valorisé au-dessus de tout. Pouvait-elle vraiment changer cela ? Offrir aux Uchiha une voie différente ?
— Repose-toi maintenant, murmura Hanae en bordant son futon. Demain sera un grand jour.
Sakura ferma les yeux, mais le sommeil tarda à venir. Son esprit bouillonnait de questions, de plans, de possibilités. Une chose était certaine : elle devait maîtriser ce nouveau pouvoir aussi rapidement que possible. Non pas pour devenir l'arme que le clan espérait, mais pour avoir la force nécessaire pour influencer son destin.
L'entraînement intensif commença dès le lendemain. Comme promis, Tajima attendait au dōjō principal, accompagné de ses deux fils aînés. Madara, désormais âgé de quinze ans, et Izuna, treize ans, observèrent Sakura avec un mélange de curiosité et de scepticisme lorsqu'elle entra, vêtue d'un simple gi d'entraînement aux couleurs du clan.
— Approche, Sakura, ordonna Tajima. Aujourd'hui, nous verrons ce que ton Sharingan peut réellement percevoir.
La séance fut éprouvante. Pendant deux heures, Sakura dut maintenir son Sharingan activé tout en suivant les mouvements de plus en plus rapides que Tajima et ses fils exécutaient. L'objectif était de développer sa perception visuelle, première étape essentielle dans la maîtrise du doujutsu.
— Les Uchiha sont des observateurs avant d'être des combattants, expliqua Tajima. Notre force réside dans notre capacité à voir ce que les autres ne peuvent percevoir. À anticiper. À mémoriser.
Sakura s'efforçait de suivre, ses yeux captant chaque détail avec une acuité surprenante. Le Sharingan lui permettait de distinguer les plus infimes variations dans les flux de chakra, les micro-expressions faciales, les tensions musculaires précédant un mouvement. Vers la fin de la séance, alors que sa réserve de chakra s'épuisait dangereusement, Tajima fit signe à Madara de s'avancer.
— Montre-lui la différence entre un Sharingan à un tomoe et un Sharingan pleinement développé, ordonna-t-il.
Madara hocha la tête et se plaça face à Sakura. Ses yeux virèrent au rouge, trois tomoe parfaitement formés apparaissant dans chaque iris. Il exécuta ensuite une série de mudras à une vitesse stupéfiante, si rapide que même avec son Sharingan à un tomoe, Sakura peina à suivre.
— Tu vois ? dit Tajima. À chaque tomoe supplémentaire, ta perception s'affinera jusqu'à ce que même les mouvements les plus rapides te semblent au ralenti.
Sakura hocha la tête, fascinée malgré elle. Elle avait déjà vu le Sharingan de Sasuke et Kakashi en action, mais en faire l'expérience elle-même était tout autre chose. À la fin de l'entraînement, ses jambes cédèrent sous elle, son chakra presque entièrement épuisé.
Madara fut à ses côtés en un instant, la rattrapant avant qu'elle ne s'effondre.
— Tu en as fait trop pour ton premier jour, dit-il, sa voix étrangement dénuée de jugement.
— Je voulais... prouver ma valeur, haleta Sakura.
Un sourire presque imperceptible étira les lèvres de l'adolescent.
— Tu n'as rien à prouver, petite cousine. Ton Sharingan parle pour toi.
Il l'aida à se relever et la soutint jusqu'à ce que Kaito vienne la chercher. Ce geste de gentillesse, venant du futur adversaire de Hashirama, du futur fondateur de l'Akatsuki, la surprit profondément. Ce Madara-là n'était pas encore le shinobi amère et vengeur qu'il deviendrait. Il était simplement un jeune homme talentueux, fier de son clan, soucieux de protéger les siens.
Rentrant chez elle ce soir-là, portée sur le dos de son père, Sakura eut l'impression qu'une porte s'ouvrait devant elle. Si ce Madara pouvait encore faire preuve de compassion, peut-être n'était-il pas trop tard pour influencer sa trajectoire. Pour lui montrer une voie où la puissance ne signifiait pas nécessairement isolation et ressentiment.
Mais pour cela, elle devait d'abord gagner sa confiance. Devenir non pas seulement une curiosité au sein du clan, mais une alliée, une confidente.
Les jours suivants suivirent le même schéma : entraînement matinal avec Kaito, séances au dōjō principal l'après-midi avec Tajima et ses fils, puis soirées consacrées à l'apprentissage théorique avec Hanae.
Chaque jour, Sakura poussait ses limites un peu plus loin, adaptant son corps d'enfant aux exigences de l'entraînement Uchiha. Un mois après l'éveil de son Sharingan, lors d'une séance particulièrement intense, elle sentit une fluctuation dans ses yeux. Le monde devint soudain encore plus net, les mouvements plus prévisibles. Madara, qui l'affrontait dans un exercice de taijutsu limité, s'immobilisa.
— Ton œil droit, dit-il, une note de surprise dans la voix. Regarde. Izuna lui tendit un petit miroir métallique.
Sakura y vit son reflet : dans son œil droit, un second tomoe était apparu, tournoyant lentement autour de sa pupille.
Une vague de murmures parcourut le dōjō. Développer un second tomoe si rapidement était presque sans précédent. Tajima s'approcha, son visage habituellement stoïque trahissant une satisfaction évidente.
— Impressionnant, murmura-t-il. À ce rythme, tu auras un Sharingan pleinement mature avant tes huit ans. Il se tourna vers ses fils.
— Observez bien, Madara, Izuna. Voici la preuve que notre sang peut encore se renforcer. Que le clan Uchiha n'a pas encore atteint les limites de son potentiel.
Sakura, épuisée mais fière malgré elle, regarda Madara. Pour la première fois, elle y vit non pas de la simple curiosité, mais un véritable respect. Et peut-être, quelque chose d'autre. Un intérêt plus personnel.
Cette nuit-là, alors qu'elle méditait avant de s'endormir comme Hanae le lui avait enseigné, Sakura réfléchit à tout ce qui s'était passé depuis son arrivée dans cette nouvelle vie. Les coutumes des Uchiha, leur dévotion au clan, leur quête incessante de puissance - tout cela commençait à prendre un sens différent, vu de l'intérieur.
Elle comprenait mieux pourquoi Sasuke avait été si profondément marqué par son héritage. Les Uchiha n'étaient pas simplement un clan parmi d'autres ; ils étaient une famille liée par le sang, la tradition et une vision commune. Une vision que Madara, dans sa version adulte, pousserait jusqu'à l'extrême. Si elle voulait changer cela, elle devait offrir une alternative. Non pas rejeter la force que les Uchiha valorisaient tant, mais montrer qu'elle pouvait servir à autre chose qu'à la guerre éternelle.
"Un pas à la fois," se dit-elle en s'endormant, épuisée mais déterminée. "Un jour après l'autre."
Ce qu'elle ignorait encore, c'est que le destin avait prévu de mettre son engagement à l'épreuve bien plus tôt qu'elle ne l'imaginait.
Les semaines suivant l'éveil de son Sharingan ne furent pas aussi triomphales que Sakura l'avait imaginé. Contrairement à ce que Tajima avait prédit, le développement de son doujutsu ne suivit pas une progression régulière.
Après l'apparition du second tomoe dans son œil droit, ses progrès stagnèrent. Chaque séance d'entraînement devenait une lutte contre les limites de son corps d'enfant. Si son esprit connaissait les techniques, ses muscles, eux, n'avaient pas la mémoire ni la force nécessaires. Sa réserve de chakra, encore immature, ne lui permettait pas de maintenir le Sharingan plus d'une heure sans ressentir des vertiges et des nausées.
Un après-midi particulièrement difficile, alors qu'elle s'entraînait avec Izuna au dōjō, sa vision se brouilla soudainement et elle s'effondra, son Sharingan se désactivant brutalement.
— Tu en fais trop, observa Izuna en l'aidant à s'asseoir. Même les prodiges ont leurs limites.
Sakura essuya la sueur qui perlait sur son front, frustrée par sa faiblesse.
— Je dois devenir plus forte, plus vite, murmura-t-elle.
Izuna, habituellement plus réservé que son frère, s'accroupit à son niveau.
— Pourquoi cette précipitation, petite cousine ? Tu as à peine six ans. Même Madara et moi avons mis des années à maîtriser pleinement notre Sharingan.
— Parce que…
Elle s'interrompit, incapable d'expliquer qu'elle savait ce qui attendait le clan si rien ne changeait. Qu'elle connaissait le destin tragique qui guettait les Uchiha.
— Parce que le clan a besoin de guerriers forts, finit-elle par dire.
Izuna sourit tristement.
— Le clan a surtout besoin de guerriers vivants, Sakura. À quoi bon développer ton pouvoir si c'est pour t'épuiser au point de ne plus pouvoir combattre ?
Cette remarque la frappa plus qu'elle ne l'aurait cru. Dans sa vie précédente, Tsunade lui avait enseigné une leçon similaire : un médecin-nin mort ne peut plus soigner personne.
— Je vais te montrer quelque chose, proposa Izuna en l'aidant à se relever.
Il la conduisit hors du dōjō, à travers le campement Uchiha, jusqu'à un petit ruisseau qui coulait à la lisière de leur territoire. S'asseyant sur une pierre plate, il l'invita à faire de même.
— Regarde l'eau, dit-il en pointant le courant. Que vois-tu ? Sakura observa attentivement.
— Un ruisseau. De l'eau qui coule.
— Observe plus attentivement. Utilise ton Sharingan, mais pas pour analyser. Juste pour voir.
Hésitante, elle activa son doujutsu et fixa l'eau. Au début, elle ne vit rien de particulier. Puis, progressivement, elle commença à distinguer les motifs complexes que formait l'eau en contournant les rochers, les petits tourbillons qui se créaient et se défaisaient, la danse infinie des courants.
— L'eau trouve toujours son chemin, expliqua doucement Izuna. Elle ne force pas les obstacles ; elle les contourne. Elle ne se précipite pas ; elle s'adapte. Et pourtant, à terme, elle peut éroder même la roche la plus dure.
Il désactiva son propre Sharingan et la regarda sérieusement.
— Notre pouvoir visuel est un don, Sakura. Mais comme l'eau, il doit s'écouler naturellement. Le forcer ne fait que créer des remous inutiles.
Cette leçon inattendue, venant du frère que Madara chérirait au point de sombrer dans la folie après sa mort, toucha Sakura profondément. Elle comprit qu'elle avait abordé son entraînement avec l'impatience d'une adulte, oubliant les limitations physiques réelles de son corps d'enfant.
— Merci, Izuna-sama, murmura-t-elle, sincèrement reconnaissante. Il ébouriffa ses cheveux avec une affection fraternelle qui la surprit.
— Appelle-moi simplement Izuna. Après tout, nous sommes une famille.
Cette conversation marqua un tournant dans son approche. Les jours suivants, au lieu de pousser son corps au-delà de ses limites, elle commença à travailler avec plus de méthode, plus de patience. Elle alternait les périodes d'utilisation du Sharingan avec des phases de repos, écoutant davantage les signaux de fatigue que son corps lui envoyait.
Hanae remarqua ce changement et en fut soulagée.
— Tu sembles plus... posée, observa-t-elle un soir alors qu'elles préparaient ensemble le repas.
Sakura, concentrée sur la découpe des légumes (une tâche qui demandait une précision frustrante avec ses petites mains), sourit.
— Izuna m'a donné un conseil utile.
— Ah ? s'étonna Hanae. Le jeune Izuna ? Il parle si peu d'habitude.
— Il a dit que je devais être comme l'eau. Patiente. Adaptable.
Hanae sourit, une expression nostalgique traversant son visage.
— Sa mère disait la même chose. Elle était une femme sage.
Mais avant que Sakura ne puisse en apprendre davantage, le son d'une corne retentit à travers le campement. Trois notes longues suivies de deux courtes. Un code que Sakura n'avait encore jamais entendu. Le visage d'Hanae se figea.
— Attaque imminente, murmura-t-elle en posant précipitamment son couteau. Elle attrapa Sakura par le bras et l'entraîna vers un coffre dissimulé sous le tatami. L'ouvrant d'un geste rapide, elle en sortit son équipement de combat : armure légère, tantō, pochette de shurikens.
— Reste ici, ordonna-t-elle. Quoi qu'il arrive, ne sors pas avant que ton père ou moi ne venions te chercher.
— Mais je peux aider ! protesta Sakura, son instinct de kunoichi prenant le dessus.
— Non ! Le ton d'Hanae était sans appel. Tu es encore une enfant, Sharingan ou pas. Ta place n'est pas sur le champ de bataille.
Dehors, les cris et les ordres se multipliaient. Des pas précipités résonnaient dans toutes les directions.
Kaito fit irruption dans la maison, déjà équipé pour le combat, son Sharingan activé.
— Les Senju ont franchi la ligne ouest, annonça-t-il brièvement. Une force importante. Butsuma lui-même mène l'attaque.
Hanae hocha la tête, terminant d'ajuster son armure.
— Combien sont-ils ?
— Au moins cinquante. Peut-être plus.
Un échange de regards entre les deux adultes, chargé d'une intensité que Sakura n'avait encore jamais vue. Puis Kaito s'agenouilla devant elle.
— Écoute-moi bien, Sakura. Si un ennemi entre dans cette maison, cache-toi. N'utilise pas ton Sharingan sauf en dernier recours ; sa lueur pourrait te trahir dans l'obscurité.
Il sortit un petit kunai de sa manche et le lui tendit.
— Seulement pour te défendre. Tu comprends ?
Sakura hocha gravement la tête, serrant l'arme dans sa petite main. L'ironie de la situation ne lui échappait pas : elle, qui avait combattu Madara Uchiha et des dieux extraterrestres dans sa vie précédente, réduite à se cacher comme une enfant effrayée. Mais elle comprenait aussi la réalité : dans ce corps, avec cette réserve de chakra limitée, elle ne serait qu'un fardeau sur le champ de bataille.
Ses parents échangèrent un dernier regard, puis partirent rejoindre le combat.
Le silence retomba dans la maison, pesant, oppressant. Sakura pouvait entendre au loin les bruits d'affrontement : explosions de jutsus, cris de guerre, chocs métalliques des armes. Elle s'approcha de la fenêtre, écartant légèrement le rideau.
La nuit commençait à tomber, mais l'horizon ouest rougeoyait – non pas du coucher de soleil, mais des techniques Katon que les Uchiha déployaient contre leurs ennemis. Pendant ce qui sembla une éternité, Sakura resta là, impuissante, écoutant la bataille faire rage. Chaque cri, chaque explosion lui rappelait la réalité brutale de cette époque : la guerre incessante entre clans, la mort omniprésente.
Puis, le bruit d'une porte qui s'ouvre la fit sursauter. Des pas légers, presque inaudibles. Pas ceux de ses parents. Serrant son kunai, Sakura se glissa sous le kotatsu, retenant sa respiration.
Un intrus était entré.
Une silhouette apparut dans l'embrasure de la porte, scrutant la pièce principale. À travers l'obscurité, Sakura distingua un homme de taille moyenne, portant l'armure caractéristique des Senju. Son visage était partiellement masqué, mais ses cheveux argentés luisaient faiblement dans la pénombre.
"Un éclaireur Senju," comprit Sakura.
Probablement chargé de trouver des informations ou des documents dans les habitations pendant que la bataille principale détournait l'attention. L'homme s'avança, ses mouvements calculés, silencieux. Il commença à fouiller méthodiquement la pièce, vérifiant chaque recoin avec une précision qui trahissait son expérience.
Sakura savait qu'il finirait par la trouver. Le kotatsu n'offrait qu'une cachette provisoire. Elle devait prendre une décision : rester cachée en espérant qu'il parte, ou agir. Prenant une profonde inspiration, elle choisit la seconde option. Son corps d'enfant était limité, mais son esprit, lui, avait l'expérience d'une kunoichi accomplie.
Elle activa son Sharingan, ignorant l'avertissement de son père. Immédiatement, sa perception s'accrut, lui permettant de distinguer clairement les mouvements de l'intrus malgré l'obscurité. Attendant le moment où il lui tournait le dos, elle émergea silencieusement de sa cachette et lança son kunai – non pas pour tuer, mais pour désarmer.
L'arme siffla dans l'air et frappa la main de l'homme, lui faisant lâcher le rouleau qu'il venait de trouver. L'intrus pivota instantanément, ses réflexes de shinobi prenant le dessus. Ses yeux s'écarquillèrent légèrement en voyant qu'il avait affaire à une enfant.
— Un bébé Uchiha, murmura-t-il avec un mélange de surprise et de dédain.Et avec le Sharingan, en plus.
Il fit un pas vers elle, mais Sakura ne recula pas. Elle se mit en garde, dans la posture défensive que Kaito lui avait enseignée.
L'homme eut un rire bref.
— Tu as du cran, petite. Mais tu n'es pas de taille. À une vitesse que même son Sharingan peina à suivre, il forma une série de mudras. Sakura reconnut la séquence : un jutsu Suiton de base, mais suffisamment puissant pour immobiliser un enfant.
Dans sa vie précédente, elle aurait contré avec un jutsu de terre ou esquivé facilement. Mais ici, ses options étaient limitées. Son corps manquait de vitesse, ses réserves de chakra étaient insuffisantes pour un contre-jutsu efficace.
L'eau surgit de nulle part – probablement extraite de l'humidité ambiante, une technique caractéristique des Senju – et fonça vers elle comme un fouet liquide.
Par réflexe, Sakura concentra le peu de chakra dont elle disposait dans ses pieds et bondit sur le côté, évitant de justesse l'attaque. Le fouet d'eau frappa le mur derrière elle, fissurant le bois.
— Intéressant, observa l'homme, visiblement surpris par sa mobilité. On dirait que les rumeurs sur un prodige Uchiha étaient fondées.
Il s'approcha, cette fois sortant un tantō de son dos.
— Rien de personnel, enfant. Mais un Uchiha capable d'éveiller le Sharingan si jeune est une menace que les Senju ne peuvent ignorer.
Sakura recula, comprenant avec horreur que l'homme avait l'intention de l'éliminer. Pas simplement de l'incapaciter ou de la capturer, mais de la tuer. La réalité brutale de cette ère la frappa de plein fouet. Ici, les enfants n'étaient pas épargnés. Ils étaient des cibles comme les autres, surtout s'ils montraient du potentiel.
Elle chercha frénétiquement une issue, mais l'homme bloquait la seule porte.
Son Sharingan lui permit d'anticiper la première attaque – un coup de tantō visant son épaule – mais l'esquive l'épuisa davantage.
"Je ne peux pas tenir longtemps comme ça," réalisa-t-elle. Son corps tremblait déjà, son chakra s'épuisant rapidement. L'homme le sentit aussi et sourit sous son masque.
— Ton doujutsu te vide de ton énergie, constata-t-il. C'est l'inconvénient du Sharingan : il demande plus qu'un enfant ne peut donner.
Il leva son arme pour un coup final, et Sakura sut qu'elle ne pourrait pas l'éviter. Son corps atteignait ses limites. Au moment où la lame s'abaissait, la porte vola en éclats. Une silhouette s'interposa entre Sakura et l'attaquant, parant le coup avec une force qui fit vibrer l'air.
— Touche à ma fille et je t'arrache le cœur, Senju, gronda la voix de Kaito, son Sharingan brillant d'une fureur meurtrière.
L'intrus recula précipitamment, reconnaissant visiblement la menace que représentait un père Uchiha protégeant son enfant.
— Kaito l'Éclair Rouge, murmura-t-il. Je ne savais pas que c'était ta maison.
— Maintenant tu le sais. Et ce sera la dernière chose que tu apprendras.
Ce qui suivit fut trop rapide pour que Sakura, malgré son Sharingan, puisse vraiment le percevoir.
Les deux shinobis s'engagèrent dans un combat d'une violence et d'une rapidité surhumaines, détruisant une partie de la maison dans leur affrontement. En quelques secondes, c'était terminé. L'intrus gisait au sol, un kunai profondément enfoncé dans sa gorge, ses yeux déjà vitreux. Kaito se tourna immédiatement vers sa fille, l'examinant avec anxiété.
— Tu es blessée ? demanda-t-il, sa voix trahissant une peur qu'elle ne lui avait jamais entendue.
Sakura secoua la tête, incapable de parler. L'épuisement et le choc la submergeaient. Son Sharingan se désactiva involontairement, et elle sentit ses jambes céder. Son père la rattrapa et la serra contre lui, son corps encore tremblant d'adrénaline.
— J'ai senti ton chakra fluctuer, expliqua-t-il. J'ai su que tu étais en danger.
Il jeta un regard au corps de l'homme.
— Tu as bien fait d'utiliser ton Sharingan. Sans lui, il t'aurait... Il ne termina pas sa phrase, la serrant plus fort.
— Où est haha ? parvint à demander Sakura.
— Elle combat encore. Ne t'inquiète pas, ta mère est l'une des meilleures kunoichi du clan.
Mais malgré ces paroles rassurantes, Sakura perçut l'inquiétude dans sa voix. Le combat n'était pas terminé, et le danger demeurait. Kaito la conduisit rapidement hors de la maison, évitant les zones de combat actif. Le campement Uchiha était méconnaissable. Des maisons brûlaient, des corps jonchaient le sol – Uchiha et Senju mêlés dans la mort comme ils ne l'avaient jamais été dans la vie.
Ils atteignirent un abri souterrain où d'autres enfants et quelques adultes blessés s'étaient réfugiés.
Kaito confia Sakura à une femme âgée.
— Veille sur elle, ordonna-t-il avant de se tourner une dernière fois vers sa fille. Reste ici. Je vais chercher ta mère.
Puis il disparut dans la nuit, retournant au combat.
Sakura resta là, assise parmi les autres enfants apeurés, ses yeux fixés sur l'entrée de l'abri. Pour la première fois depuis sa renaissance dans ce monde, elle réalisait pleinement l'horreur et la brutalité de l'ère des guerres de clans.
Ce n'étaient plus des récits historiques ou des légendes. C'était sa réalité. Une réalité où même les enfants étaient des cibles, où la mort pouvait frapper à tout instant, où chaque jour pouvait être le dernier. Et surtout, une réalité où son corps d'enfant, malgré tout son savoir antérieur, restait vulnérable et faible. Où ses connaissances futures ne suffisaient pas à compenser les limitations physiques de son âge.
Les heures passèrent, interminables. Les bruits de combat s'estompèrent progressivement, remplacés par des cris de recherche, des appels à l'aide pour les blessés. Finalement, l'aube pointa, et Kaito réapparut à l'entrée de l'abri. Son armure était couverte de sang, son visage marqué par l'épuisement. Mais ce qui glaça Sakura, ce fut l'expression dans ses yeux. Une expression qu'elle avait déjà vue, dans sa vie précédente, sur le visage de trop nombreux shinobis.
Le regard de quelqu'un qui a perdu un être cher.
— Où est maman ? demanda-t-elle, sa voix d'enfant trahissant sa peur. Kaito s'agenouilla devant elle, posant ses mains tremblantes sur ses épaules.
— Ta mère... a combattu avec honneur, commença-t-il, sa voix vacillante. Elle a protégé le clan jusqu'au bout. Sakura sentit son monde s'effondrer.
Pas Hanae. Pas sa mère, si douce et si forte à la fois. Pas cette femme qui l'avait accueillie dans sa nouvelle vie avec tant d'amour.
— Non, murmura-t-elle, les larmes coulant sur ses joues. Non, haha…
Kaito la serra contre lui, et pour la première fois, elle sentit des larmes mouiller ses cheveux.
Son père, ce guerrier stoïque, pleurait lui aussi.
— Elle a affronté Butsuma Senju lui-même, souffla-t-il. Pour protéger un groupe d'enfants piégés. Elle... elle a réussi à les sauver. Mais le prix…
Il ne put terminer, submergé par le chagrin.
Sakura s'accrocha à lui, son petit corps secoué de sanglots. La douleur était trop grande, trop réelle. Elle avait connu la perte dans sa vie précédente, mais jamais aussi personnelle, jamais aussi déchirante. Hanae était partie. Sa mère dans cette nouvelle vie, la femme qui l'avait élevée ces six dernières années, qui lui avait appris à être une Uchiha, qui l'avait aimée sans condition, n'était plus.
Ce jour marqua Sakura plus profondément que n'importe quel entraînement, n'importe quelle leçon. Ce jour lui enseigna ce que signifiait vraiment vivre dans cette ère de conflits incessants. Et au milieu de sa douleur, une conviction se forma, plus forte que jamais : ce cycle de haine et de vengeance devait cesser.
D'une manière ou d'une autre, elle trouverait un moyen de changer le destin des Uchiha, des Senju, et de tous les clans pris dans cette spirale destructrice.
Mais pour l'instant, elle n'était qu'une enfant en deuil, pleurant dans les bras de son père, au milieu des ruines fumantes de ce qui avait été leur foyer.
