Le froid de février s'était installé sur Poudlard, enveloppant le château d'un manteau blanc et d'un silence pesant. Un mois s'était écoulé depuis l'explosion de colère de Yéléna près du Saule Cogneur. Un mois de regards évités, de conversations tronquées et de mots laissés en suspens entre elle et Rémus.
Pour la première fois depuis qu'ils s'étaient retrouvés, un fossé semblait les séparer, profond et infranchissable.
Les Maraudeurs, incapables de supporter cette tension, avaient décidé d'agir chacun à leur manière.
James avait été le premier. Il avait attendu Yéléna après son cours de Métamorphose, l'interceptant dans un couloir désert.
« Yéléna, on peut parler ? demanda-t-il d'un ton sérieux, inhabituel pour lui. »
Elle haussa les épaules, sans ralentir.
« Si c'est pour encore m'accuser, non merci.
_Non, ce n'est pas ça, insista-t-il, marchant à ses côtés. Écoute, je voulais juste dire qu'on a merdé. Tous On n'aurait jamais dû te pousser comme ça. »
Elle s'arrêta, le fixant, les bras croisés.
« Alors pourquoi il ne me le dit pas lui-même ? »
James soupira.
« Parce qu'il est têtu. Et parce qu'il a peur.
_ Peur ?
_Oui, peur de te perdre pour de bon. Il ne sait pas comment réparer ça, et franchement, nous non plus. Mais on tient tous à toi, Yéléna. »
Elle baissa les yeux, un mélange de colère et de tristesse dans le regard.
« Merci, James. Mais ce n'est pas aussi simple. »
Peter s'était approché d'elle un soir à la bibliothèque, où elle travaillait sur un devoir de Potions.
« Yéléna, je peux te parler ? »
Elle leva un sourcil, surprise. Peter n'était pas le plus audacieux du groupe.
« Vas-y, répondit-elle, un peu méfiante.
_ Je… je voulais juste dire que je suis désolé. Pour tout. Je ne savais pas que ça allait tourner comme ça, et je n'ai rien fait pour arrêter Sirius. »
Elle le regarda, déconcertée par sa sincérité.
« Merci, Peter, dit-elle finalement. Mais ce n'est pas toi que je blâme. »
Il hocha la tête, visiblement soulagé, avant de s'éclipser rapidement.
Sirius, quant à lui, ne cessait de multiplier les tentatives pour réparer les choses, bien qu'il soit moins doué pour les excuses que pour les blagues.
Un jour, il avait intercepté Yéléna dans le couloir, un grand sourire aux lèvres.
« Hey, j'ai entendu dire que la neige était ta meilleure amie. Alors, qu'est-ce que tu dirais d'une bataille dans la cour ? Juste toi et moi, pour rigoler ? »
Elle l'avait regardé d'un air blasé.
« Pas d'humeur, Sirius. »
Mais il n'avait pas abandonné.
Un autre jour, il était venu s'asseoir à côté d'elle dans la Grande Salle, lui tendant un morceau de chocolat.
« Paix ? demanda-t-il avec un sourire en coin.
_ C'est pas comme ça que tu vas arranger les choses, répondit-elle, mais elle prit quand même le chocolat. »
Chaque tentative de Sirius semblait maladroite, mais il persistait. Et plus il essayait, plus il passait de temps avec elle.
Au fil des jours, Sirius s'était retrouvé à partager des moments simples avec Yéléna. Ils travaillaient parfois côte à côte à la bibliothèque, échangeant des commentaires sarcastiques sur les professeurs. Parfois, ils se retrouvaient dans la salle commune, où il l'écoutait parler de la Russie et de son passé.
Un soir, alors qu'ils étaient assis près du feu, Sirius la regarda avec un mélange de curiosité et de regret.
« Tu sais, dit-il doucement, je crois que je ne t'ai jamais vraiment connue. »
Elle haussa les épaules.
« Peut-être que tu ne voulais pas. »
Il baissa les yeux, visiblement touché par ses mots.
« Peut-être. Mais je veux apprendre à te connaître maintenant. »
Un silence s'installa entre eux, mais pour la première fois depuis longtemps, il n'était pas inconfortable.
Malgré ces rapprochements, Yéléna sentait toujours le vide laissé par sa dispute avec Rémus. Chaque regard qu'ils échangeaient était chargé de non-dits, chaque moment passé dans la même pièce devenait une épreuve.
Elle savait qu'il lui en voulait, pas seulement pour ce qui s'était passé près du Saule, mais pour la peur qu'elle avait réveillée en lui. Et elle savait aussi qu'il avait raison. Mais la douleur de leur éloignement était difficile à surmonter.
Pourtant, un mince espoir subsistait. Si Sirius pouvait changer, peut-être que Rémus le pouvait aussi.
La salle commune des Gryffondor était étrangement calme ce soir-là. La plupart des élèves étaient partis se coucher, fatigués par une longue journée de cours. Seuls quelques crépitements dans la cheminée troublaient le silence, éclairant la pièce d'une lueur orangée.
Sirius était affalé sur le canapé, un bras jeté sur le dossier, l'autre tenant un livre qu'il feignait de lire. Yéléna était assise à l'autre bout, ses jambes repliées sous elle, plongée dans ses propres pensées.
Un silence confortable s'installa entre eux, jusqu'à ce que Sirius se penche légèrement en avant et brise l'instant.
« Tu es bien silencieuse, ce soir, remarqua-t-il, sa voix basse et douce, presque un murmure pour ne pas troubler l'atmosphère. »
Yéléna leva les yeux vers lui, hésitant à répondre. Elle haussa finalement les épaules.
« Je réfléchissais, c'est tout. »
Il lui adressa un sourire en coin.
« À quoi ? »
Elle sembla peser ses mots, son regard se perdant un instant dans les flammes.
« À tout ce qui s'est passé, ces derniers mois. À tout ce que j'ai dû cacher, à ce que j'ai révélé. »
Sirius hocha la tête, reposant son livre sur ses genoux.
« Ça doit être épuisant, de porter tout ça seule. »
Elle esquissa un sourire amer.
« Je suppose que je m'y suis habituée. Mais… » Elle marqua une pause, cherchant ses mots.
« C'est étrange. Maintenant que vous savez, j'ai l'impression d'avoir perdu une partie de moi. Comme si garder ce secret faisait aussi partie de mon identité. »
Sirius la regarda longuement, son expression plus sérieuse qu'à l'accoutumée.
« Ce n'est pas parce que tu as partagé ce fardeau que tu perds quelque chose, Yéléna. Au contraire. Ça te rend… plus réelle. »
Elle tourna la tête vers lui, surprise par la sincérité de ses mots.
« Plus réelle ? »
Il haussa les épaules, un léger sourire toujours présent sur ses lèvres.
« Tu es impressionnante, Yéléna. Pas seulement à cause de ta magie ou de ton nom. Mais parce que, malgré tout ce que tu portes, tu es encore là. Et tu trouves encore le moyen d'être… toi. »
Elle détourna les yeux, légèrement gênée par l'intensité de son regard.
« Merci, Sirius. »
Un silence s'installa à nouveau, mais cette fois, il était chargé d'une complicité nouvelle.
Sirius se leva soudain, disparaissant un instant derrière le canapé. Lorsqu'il revint, il tenait une bouteille de jus de citrouille et deux gobelets.
« Ça me paraît être une soirée où il faut porter un toast, » dit-il, un éclat malicieux dans les yeux.
Yéléna arqua un sourcil.
« À quoi ? »
Il versa une dose généreuse dans chaque gobelet et lui tendit le sien avant de s'asseoir à nouveau.
« À nous. À nos secrets. Et à cette étrange amitié qui semble se former malgré tout. »
Elle éclata de rire, touchée par sa tentative maladroite de détendre l'atmosphère. Ils trinquèrent, et pour la première fois depuis des semaines, Yéléna se sentit légère.
Alors qu'ils terminaient leur gobelet, Sirius parla à nouveau, d'une voix plus douce.
« Tu sais, je suis désolé pour tout ce que j'ai fait avant. »
Elle le fixa, intriguée.
« Tu t'excuses souvent ces derniers temps. »
Il passa une main dans ses cheveux, visiblement gêné.
« Peut-être que je devrais le faire plus souvent. Avec toi, en tout cas. J'ai été un idiot, et tu ne méritais pas ça. »
Yéléna resta silencieuse un moment, avant de poser une main sur son bras.
« On a tous des moments où on agit comme des idiots. Ce qui compte, c'est ce qu'on fait après. »
Sirius la regarda, et pour la première fois, elle vit une vulnérabilité qu'il ne montrait jamais. « Merci, Yéléna. »
Ils restèrent là, assis côte à côte, à regarder les flammes danser dans la cheminée, unis par une compréhension tacite.
La neige tombait doucement sur le parc de Poudlard, couvrant les lieux d'un calme presque irréel. Yéléna avait envoyé un mot discret à Rémus ce matin-là, l'invitant à la rejoindre près de la cabane de Hagrid après le dîner.
Quand il arriva, le jour déclinait, et les premières étoiles perçaient à travers le ciel. Devant la cabane, une petite table en bois était dressée. Deux tasses fumantes reposaient sur un plateau, et au centre, une lanterne dorée projetait une lumière chaleureuse sur la scène.
Rémus fronça les sourcils en s'approchant.
« Yéléna ? »
Elle sortit de l'ombre, les bras croisés, le visage fermé, mais ses yeux trahissaient une certaine nervosité.
« Merci d'être venu, dit-elle doucement. »
Il observa la table avec curiosité.
« C'est... original. C'est pour quoi ? »
Elle inspira profondément, cherchant ses mots. « Tu te souviens, quand on était petits, des soirées où on installait une lanterne et qu'on se racontait tout ce qui nous pesait ? »
Un léger sourire adoucit les traits de Rémus.
« Oui, je m'en souviens. C'était toujours toi qui allumais la lumière. Tu disais que c'était pour chasser les mauvaises pensées. »
Elle hocha la tête, les mains tremblantes.
« Je voulais recréer ça. »
Rémus s'assit en silence, prenant la tasse qu'elle lui tendait. Il attendit qu'elle parle, respectant son rythme.
Yéléna s'assit en face de lui, baissant les yeux sur la table.
« Je voulais te demander pardon. Pour ce qui s'est passé. Pour ce que j'ai fait, et pour ce que je n'ai pas dit. »
Rémus l'observa, son regard doux mais prudent.
« Tu sais que tu m'as fait peur, Yéléna. Ce que j'ai vu ce jour-là... Ce n'était pas toi. »
Elle hocha la tête, retenant ses larmes.
« Je sais. Et ça m'a fait peur à moi aussi. Rémus, je... je ne sais pas ce que je deviens. Cette magie, ce pouvoir... Je n'ai jamais appris à le contrôler. Normalement, j'aurais dû suivre une formation, comme mes ancêtres avant moi. Mais la guerre... Voldemort... tout a changé. »
Rémus posa sa tasse, se penchant légèrement en avant.
« Tu aurais dû me le dire. À moi, au moins.
_Je sais, murmura-t-elle. Mais j'avais honte. Honte de ne pas savoir me contrôler. Honte de te mettre en danger, toi et les autres. »
Il serra les poings, son visage durci par l'émotion.
« Tu sais ce que ça fait, d'avoir cette part de toi que tu ne contrôles pas. De vivre avec cette peur constante que tu pourrais blesser quelqu'un que tu aimes ? »
Elle releva les yeux, et pour la première fois, il vit toute sa vulnérabilité.
« Oui. Je sais exactement ce que ça fait. »
Ils restèrent silencieux un moment, la neige continuant de tomber doucement autour d'eux. Puis, Rémus tendit la main par-dessus la table.
« Alors, on apprend ensemble. »
Yéléna le regarda, hésitante.
« Quoi ?
_Tes colères, ta magie... Je veux t'aider à les maîtriser. Parce que je sais ce que c'est, et parce que tu m'as aidé bien des fois. »
Elle sentit un poids quitter ses épaules, et un mince sourire éclaira son visage. Elle posa sa main dans la sienne.
« Merci, Rémus. »
Rémus sortit sa baguette et, dans un geste plein de nostalgie, il traça un cercle dans la neige autour de la table.
« Tu te rappelles ce qu'on disait à la fin de nos soirées ? demanda-t-il avec un sourire en coin. »
Elle rit doucement.
« Que les ombres restent dehors. »
Ils prononcèrent les mots ensemble, leurs voix résonnant dans le froid hivernal. Ce simple rituel, hérité de leur enfance, sembla refermer la plaie qui les avait séparés.
Pour la première fois depuis des semaines, Yéléna sentit qu'elle n'était plus seule face à ce qu'elle était.
