Colorados Spring - Soir - Domicile du Major Carter
Allongé dans son lit en position fœtal, elle observait à travers la fenêtre, les branches dépourvus de feuille se mouvoir au rythme du vent hivernal. Dans le ciel, elle ne pouvait desceller le scintillement des étoiles, l'opacité des nuages dans le ciel se dressait entre elles tel un mur menaçant.
Ils avaient annoncé un orage plus tard dans la nuit, l'air était pesant, ou était-ce ses angoisses qui avait alourdit l'ambiance. Ses pensées dévièrent de nouveau sur son conjoint absent.
Hammond leur avait annoncé lors du briefing que le leader SG1 s'était fait porter pâle et qu'il rentrait chez lui pour se soigner. Sam avait discrètement vérifié son téléphone, aucun message. A la fin de la réunion, Sam s'était précipité à son laboratoire pour tenter de joindre le Colonel, mais la voix électronique lui avait informé que son interlocuteur l'avait transféré sur messagerie. Il filtrait ses appels. Elle se rassura, dans un premier temps, qu'il avait fait cela pour se reposer tranquillement et qu'il la contacterait lorsqu'il se sentirait mieux. Mais ce moment n'arriva pas. Elle avait fait de nouvelles tentatives, toutes résultant par un échec.
Wells s'était aperçut que le Major Carter n'était pas psychologiquement présente dans son travail, elle avait tenté de lui remonter le moral, sans succès. Elle savait que Carter s'inquiétait pour son père biologique.
Après une présentation scientifique, le Général Hammond avait demandé à Carter si elle sentait bien, Wells avait innocemment émis l'hypothèse que le Major Carter avait attrapé le mal dont souffrait le Colonel. Qu'elle-même commençait à sentir les prémices du rhume hivernal. Compréhensif, le Général avait décrété qu'elle devait rentrer à son domicile pour se reposer et ainsi éviter que l'intégralité SG1 soit tous hors service.
Laboratoire du Major Carter & Sergent Wells
Wells était entrée la première dans le laboratoire et avait posé ses affaires sur son bureau. Elle entendit Carter fermer la porte derrière elle. Elle se retourna surprise, Carter laissait toujours la porte ouverte, elle voulait s'assurer que tout le SGC sache qu'elle était toujours disponible pour aider en cas de besoin. Les seules fois où la porte du laboratoire était fermé c'était en son absence.
-Je peux savoir ce qui vous à pris Sergent ? Cracha Carter
Maya fronça les sourcils d'incompréhension.
-Je vous demande pardon ?
-Comment avez-vous pu me discréditer ainsi face au Général ? Insinuer que je ne suis pas capable d'effectuer mon travail.
-Je n'ai rien fait de tel Major. Se défendit Maya.
-Pourtant je viens d'être renvoyé à domicile par votre faute. Vous avez sous-entendu que le Colonel et moi étions suffisamment proche pour avoir attrapé sa maladie.
Maya ferma les yeux et soupira, elle leva les mains avant de les faire retomber contre ses cuisses. Elle abdiquait.
-Je suis fatiguée Major de devoir sans cesser me justifier. J'ai voulu vous donner l'opportunité de rentrer chez vous car vous sembliez fatigué et préoccupé. Oui j'ai menti au sujet de mon père mais c'était justement pour éviter ça. Dit-elle en la pointant du doigt.
-Ça quoi ?
-Le jugement constant. Ne pas être considéré. Je suis le Sergent Maya Wells, je ne suis pas mon père. Je suis épuisée de me battre contre mon équipe. Pour la moitié de cette base si je suis ici c'est pour rendre des comptes à mon père et pour l'autre je n'aurais jamais pu réussir sans lui. Personne ne s'inquiète de savoir ce que j'ai sacrifié pour être avec vous.
Maya s'approcha du placard et commença à sortir un par un les dossiers.
-Mais pas problème, je vais vous donner ce que vous voulez, je vais me comporter comme tout le monde s'y attend.
-Qu'est-ce que vous faîtes ?
-Je remplis ma mission d'espionne Major. Parce que c'est ce que je suis. C'est la seule chose que vous voyez.
Alors que Maya attrapait un nouveau dossier Carter s'écria.
-Sergent stop arrêtez !
Trop tard, les photos s'échappèrent du dossier s'éparpillant par dizaine sur le sol. Chacune représentait le Major Carter et le Colonel O'Neill, toutes dans des positions compromettantes pour leur carrière respective. Le Major se rua par terre pour les ramasser, Maya se baissa pour l'aider sans un mot, mal-à-l'aise d'avoir mis à nu le secret du Major.
-Ne touchez à rien. S'énerva Sam.
Maya se redressa et s'aperçut qu'elle tenait encore un document dans sa main. Un papier sur lequel on y avait collé des morceaux représentant des lettres tirés de livres ou de magazines. «Tic-Tac, je connais votre secret, surveillez vos arrières car je vous tiens». Elle ne tarda pas à comprendre que l'on faisait chanter sa supérieure. Elle comprit enfin la réaction de Sam quelques minutes plus tôt. Elle comprenait surtout que le Major la pensait responsable.
-Depuis quand ? Questionna Maya horrifié. Comment pouvait-on s'acharner ainsi contre quelqu'un.
-Faites pas l'innocente. Cracha le Major.
-Ce n'est pas moi ! S'indigna Maya.
-Vraiment ? Alors qui ?
- Comment voulez-vous que je le sache ? Ce qui est sûr c'est que ma position permet à se corbeau d'agir impunément. Pourquoi chercher un suspect quand le parfait coupable est sous nos yeux. Major je vous en supplie. Faîtes-moi confiance. Maya ferma les yeux pour retenir ses larmes. Je ne ferais jamais rien qui puisse vous nuire. Vous êtes ma seule famille.
Ces mots ne pouvaient être plus sincère, après tout Sam était la compagne de son père biologique. Sam la dévisagea. Son instinct lui criait de lui faire confiance, qu'elle était quelqu'un de louable mais les faits étaient contre elle.
Trois coups furent portés sur la porte du laboratoire avant que celle-ci ne s'ouvre, Maya arracha rapidement les photos des mains de Sam et les cacha dans son sac à dos.
-Tout va bien mesdames ? La voix du Général Hammond résonna dans la pièce.
-Mon Général ! Dirent-elles en cœur au garde à vous, surprise de le voir ici.
-Repos Soldat. J'étais étonné de savoir que le Major Carter n'avait pas encore quitté les lieux.
Sam resta muette, elle tentait tant bien que mal de garder la face.
-C'est ma faute Général. J'ai retenu le Major Carter, je dois avouer que j'avais un peu peur de me retrouver seule sans elle. Je lui ai demandé de revoir ensemble le protocole avant son départ. Je m'excuse.
Hammond fronça un instant les sourcils puis ses traits s'adoucir.
-Sergent, je n'ai aucun doute sur votre capacité à gérer les expériences scientifiques, laissez le Major Carter rentrer se reposer.
Maya baissa la tête.
-Oui mon Général. Je ferais de mon mieux Major pour être à la hauteur. Maya la regarda avec attendrissement.
Sam semblait sceptique puis hocha la tête.
-Je n'ai aucun doute la dessus Sergent.
Puis elle attrapa sa veste et ses affaires personnelles avant de quitter son laboratoire.
Sam eu des frissons mais ce n'était pas le froid la cause. Elle repensait aux mots de Maya : «Pourquoi chercher un suspect quand le parfait coupable est sous nos yeux». Elle soupira, son cerveau se mit en route. Elle devait avouer que Maya n'avait pas tort, dès qu'elle avait reçu les photos accompagnées de la lettre elle avait tout de suite suspecté Maya et sa seule faute pour l'instant était d'avoir un lien avec le Sénateur Kinsey. Un nouveau frisson la parcourut. Cette fois-ci elle avait peur, accuser Maya lui permettait d'avoir une cible qu'elle avait gardé à l'œil. Mais si ce n'était pas elle, alors tout le monde devenait coupable et il n'y a rien de pire pour un militaire que d'être pris au piège d'un ennemi invisible. Devait-elle en parler à Jack ? Pour cela elle devait savoir où il était, qu'il réponde à ses appels. Savait-il pour les photos ? Avait-il reçu la même lettre ? Maintenant en ébullition son cerveau ne semblait pas vouloir s'arrêter de tourner.
Elle entendit un cliquetis sourd suivit d'une porte qui se ferme. Jack ? Sam rabattit la couette et sortit de son lit. Elle frissonna en raison de la différence de température entre la chaleur des draps et l'air ambiant, mais elle ne s'en préoccupa pas. Elle descendit lentement les escaliers sans un bruit. De son recoin, elle avait vue sur le salon. Elle tenta de calmer la colère avant d'engager une conversation avec son conjoint.
Elle observa Jack, les traits tirés par la fatigue, celui-ci se dirigea vers la desserte à alcool et attrapa la bouteille de Whisky. Sam tiqua, Jack se servait de l'alcool fort uniquement dans des cas extrêmes où il se sentait impuissant ou sans issus. De la colère elle était immédiatement passé à l'inquiétude. Que s'était-il passé ? Cela avait-il un lien avec son absence. Jack retira sa veste avec un soupir et la jeta sans ménagement avant de se laisser tomber sur le canapé dans un profond soupir. Il se pencha pour attraper son verre, au lieu de le porter à ses lèvres, il resta là à regarder le fond de son verre.
- Où étais-tu ? Demanda-t-elle.
Un long soupir fendit le silence.
-Sam…Sa voix brisée résonna dans le silence de la nuit.
Le désespoir dans sa voix eu l'effet d'un coup de poing au creux de Sam. Elle fronça les sourcils et fit un pas de plus vers lui.
-Que s'est-il passé ? Son ton se voulait calme, rassurant. Pas de reproche ou de colère seulement l'inquiétude.
-Charlie…C'était tellement réel.
Elle s'accroupit face à lui et posa une main sur son visage. Elle verrouilla son regard dans celui de son conjoint. Elle pouvait y lire le désarroi, la frustration et la solitude.
-Parle-moi. Murmura Sam. Je t'en prie notre relation est trop fragile pour que tu te renfermes. As-tu changé d'avis nous concernant ?
Il la regarda surprise.
-Non mais je comprendrais que ce soit ton cas.
-Moi ? Elle eut un sursaut de recul. Je suis très bien là où je suis.
-Pour l'instant. Quand je t'aurais parlé tu changeras certainement d'avis. Il porta de nouveau son attention sur le verre de whisky qu'il tenait entre ses mains.
Le cœur de Sam se brisa en deux face au désarroi de Jack. Lui l'homme sûr, se tenant toujours droit qui ne se noyait jamais dans ses émotions se trouvait maintenant submergé.
-Où étais-tu ?
-Chez Sara…
-Il y a eu un problème ? Elle va bien ? S'inquiéta Sam.
Jack porta son regard sur la femme qui partageait sa vie. Il lui annonçait qu'il avait disparu chez son ex-femme sans lui donner de nouvelle et elle trouvait le moyen de s'inquiéter pour elle plutôt que de lui en vouloir. Comment pouvait-il la mériter ? Face au silence de Jack l'angoisse de Sam grandissait toujours un peu plus.
-Jack... est-ce qu'il est arrivé quelque chose à Sara ?
-Non elle va bien.
Sam ferma les yeux soulagés.
-Charlie est mort. Annonça Jack comme si cela venait tout juste d'arriver.
Sam fronça les sourcils d'incompréhension.
-J'ai rêvé de lui la nuit dernière. C'était si réel…Il tritura son verre. Je n'arrivais plus à savoir ce qui était réel et ce qui ne l'étais pas. Je devais vérifier. Je devais m'assurer qu'il ne m'attendait pas à la maison.
Les sanglots cédèrent. Après toute ses années à ses côtés professionnellement, Jack n'avait jamais été aussi vulnérable. Ils n'avaient jamais abordé le sujet de son fils même après qu'une entité extraterrestre ait pris son apparence. Depuis qu'il était en couple, soit 2 mois, Sam savait que leur relation était trop fragile pour aborder le sujet. Elle devait le laisser venir à lui.
Sam prit le verre de whisky des mains de Jack et le posa sur la table basse. Il revivait la douleur de la perte de son fils. Elle ne comprenait que trop bien cette sensation. Lorsque sa mère était morte, malgré les années, elle s'était surprise à rêver des moments partagés comme si c'était la réalité. Au réveil la douleur de la perte l'avait frappé comme au premier jour. Il lui avait fallu faire un deuxième deuil.
-J'ai cru être capable de l'oublier, ainsi que Sara. J'avais réussi à éteindre la douleur à faire comme si je pouvais t'offrir un homme fort sans faille. Avec toi c'est le renouveau, je suis surpris de l'amour que je suis encore capable de donner, c'est tellement naturel mais…Je n'arrive plus à faire semblant de ne pas être un homme brisé dont le passé le submerge parfois un peu trop.
Jack détourna son regard, il ne voulait pas voir la pitié dans le regard sa compagne. Ce n'était pas le sentiment qu'il voulait lui susciter. Il ne voulait pas qu'elle le voit comme un animal blessé, une victime. Sam tourna le visage de son compagnon délicatement vers elle. Elle caressa sa joue avant de se lever et s'installer a califourchon sur son conjoint. Elle plaqua son front contre le sien.
- Ne te caches pas de moi. Ne t'enferme pas dans ton mutisme et je t'interdis de croire que tes émotions ne pas légitimes. Je savais parfaitement dans quoi je m'engageais avec toi. Un homme divorcé et un père endeuillé. Je sais surtout quelque chose que tu n'as pas encore accepté. Tu aimes et tu aimeras toujours Sara.
-Quoi mais non ! C'est toi que j'aime.
Sam passa sa main dans les cheveux de Jack.
-Oui le Colonel Jack O'Neill, 50 ans, Commandant de SG1 et futur Commandant du SGC. Mais tu es également le Colonel Jack O'Neill des Black Ops marié a Sara et père de Charlie qui a divorcé à la suite de la perte de son enfant. L'homme que tu es ne peut exister sans l'autre. Aussi douloureux soit-il. Sara et toi vous ne vous êtes jamais vraiment «quitté». Vous avez tous les deux soufferts de la perte de Charlie, la manière de faire votre deuil a créé une distance entre vous qui a rendu votre relation insoutenable. C'est la tragédie qui vous a séparé, pas le manque d'amour.
Jack ferma les yeux et soupira. Comment faisait cette femme pour le connaitre mieux que lui-même.
-Chaque fois que je pense à Sara ou à Charlie j'ai l'impression de te tromper.
Jack avouait enfin avoir encore des sentiments pour son ex-femme et il se détestait pour ça. Il culpabilisait que son cœur ne soit pas entièrement dédié à Sam.
-La seule personne que tu trompes Jack c'est toi-même et te duper ne nous aideras pas à avancer dans notre relation. Nous devons être honnête l'un envers l'autre.
En disant cette phrase Sam eu un pincement au cœur. Après tout elle aussi, lui cachait des choses. Elle ne lui avait rien dit concernant les photos compromettantes qu'on lui avait envoyé.
C'est pour le protéger tenta sa raison.
-Il y a autre chose. Souffla Jack.
Le cœur de Sam rata un battement, elle lisait dans son regard que son dernier aveu allait chambouler leur vie.
-Sara m'a avoué avoir accouché d'une petite fille juste après mon départ pour Abydos.
Sam hoqueta de surprise mais ce fut sa seule réaction. Elle restait là, sur lui, sans bouger, le regard vide. Jack baissa la tête, il savait qu'il venait de lâcher une bombe le concernant et cette nouvelle changerait forcément la donne concernant leur relation.
-Mon dieu Jack ! Comment te sens-tu ? S'interrogea-t-elle.
-Horriblement mal, bon sang Sam j'ai une fille quelque part qui croit que je l'ai abandonné alors que je n'étais même pas au courant de son existence. S'emporta Jack. Et de l'autre je ne cesse de me dire qu'elle a eu de la chance, qu'elle mérite plus qu'un père comme moi.
Il poussa délicatement Sam sur le côté du canapé, il devait marcher, faire les cent pas pour que sa tête n'explose pas.
-Tu n'as pas le droit de dire ça ! De ce que je vois ou entends au sujet de toi et Charlie tu était un excellent père.
-Quel genre de père tue son enfant Sam ? Implosa-t-il.
Il n'était pas en colère contre elle mais malheureusement elle subissait le méandre de ses émotions.
-Veux-tu que l'on parte à sa recherche ?
-Je n'en sais rien. Il passa une main dans ses cheveux nerveusement. Je ne sais plus ce que je dois faire. Il appuya les paumes de ses mains sur ses paupières. Je veux seulement que cette journée se termine.
Sam se leva vers lui et l'enlaça férocement, il referma ses bras autour d'elle et s'accrocha à elle tel un noyé sur sa bouée de sauvetage.
