Chapitre 4

Lundi 1er septembre 1944
22h.

Alors qu'elle rangeait ses affaires dans l'armoire qui lui était destiné, Evelyn sentie trois regards piquant dans son dos. Ses anciennes camarades de chambre.

« Tu es revenu. » Constata Marie, une belle blonde aux yeux bleus couverte de tache de rousseur.

« Changée. » ajouta Roxane.

« Comme toute chenille, je suis devenue un joli papillon, n'en déplaise. » Se permit de répondre Snow en se retournant pour faire face aux trois filles.

L'asiatique, Lucy Jinko, fronça les sourcils.

« Changer ton apparence ne fera rien. Tu étais une ratée, tu le seras toujours. » Et sur ce commentaire plein d'intelligence, les deux autres filles se mirent à rire. La jeune femme roula des yeux, avant de rire légèrement à son tour, ce qui les laissa perplexe.

« Et vous, visiblement, que ce soit à 11 ans, ou à 17, vous êtes toujours aussi évoluée que des véracrasses. »

« Je te demande pardon ? » Elle voulut dire autre chose, mais Snow leva la main et d'un geste négligent, referma le poing, comme en musique. À partir de cet instant, plus aucune des filles ne put ouvrir la bouche, ces dernières ayant les lèvres scellées magiquement.

« Bien, c'est plus agréable quand vous vous taisez… Où est Soraya ? Oh pardon, j'avais déjà oublié. Vous ne parlez plus. Et bien montrez-là moi, et je vous libèrerai… Peut-être. »

Furibonde, mais clairement consciente qu'elle n'était plus la petite Evelyn qui pleure dés qu'il y a un problème, suite à cet enchantement sans baguette et silencieux, Roxane lui montra la salle de bain du doigt. Evelyn perdit légèrement en couleurs, avant de repousser les trois filles d'un revers, pour passer entre elles de force.

Elle ouvrit la petite porte, et entendit l'eau couler en continu avec les fenêtres ouvertes. La pièce était gelée. Un frisson la parcouru, remontant le long de sa colonne, alors qu'elle avançait, fouillant une à une les cabines. La noiraude finit par trouver ce qu'elle cherchait.

Dans la dernière cabine, ligotée par un sort, et vêtue d'un uniforme trempé, il y avait une jeune fille. Le teint doré des égyptiennes, bien que bouffi par des pleurs silencieux, les paupières lourdes et gonflées sur des yeux noirs. Elle avait quelques marques de coups sur le visage, probablement des gifles. Mais surtout, elle devait mourir de froid.

Se jetant dans la cabine pour venir éteindre l'eau, Snow attrapa ensuite une serviette, et vint jusqu'à la petite brune couchée sur le carrelage trempé.

« Pardonne-moi, Soraya, j'aurais dû me douter qu'elles t'avaient déjà coincée… » Sortant sa baguette, elle usa d'un finite sur la sorcière qui pleurait, avant de la recouvrir de la serviette et l'entourer de ses bras pour la frictionner.

« Tu… Tu es… Re-Revenue… » Bégaya l'égyptienne. Un baiser atterrît sur son front mouillé.

« Oui. Et je ne t'abandonnerai plus. Je te le promets. » Soraya leva ses yeux noirs comme l'obsidienne sur elle, et, toujours brillants de larmes, elle voulut croiser les orbes pâles de son ancienne meilleure amie.

« Tu… Tu es… B-Belle… Très… Quitter Pou-Poudlard t'as fait du bien… C'est... » Mais Evelyn la fit taire en lui tapotant gentiment la tête.

« Je ne suis pas plus belle qu'avant, je suis juste plus confiante. Soraya. Et toi aussi, tu le seras. » La brune secoua la tête.

« Non… Je… Je peux pas… Qui-Quitter Poudlard. J'y… J'y arriverai pas. Je… Être dans une-une nouvelle école… ça m'a toujours fait peur… Ici c'é-était déjà assez dur… Comme ça. »

Par habitude, Evelyn avait toujours laissé Soraya parler. Finir ses phrases pouvait être long, mais contrairement à elle, la jeune femme était vraiment Beg, et ce n'était pas uniquement de la timidité. De fait, par respect pour celle qui avait été son amie, elle laissa le temps lui délier la langue sans l'interrompre.

Mais Evelyn était différente désormais. Elle était confiante. Elle avait reçu du soutient. On lui avait montré à quel point elle pouvait être puissante si elle forçait. Si elle arrêtait d'écouter les critiques, et les remarques sur son apparence. Si elle acceptait de s'aimer elle, avant que les autres ne l'aiment.

Mais Soraya, elle, l'aimait bien avant qu'elle ne devienne belle. Elle l'avait aimé comme une sœur, se fichant de son apparence, et la soutenant de son mieux malgré sa propre fragilité. Soraya était terriblement intelligente. Elle le savait. La sorcière était probablement même supérieure à tous les serdaigles et serpentards réunis.

Mais Soraya n'était pas n'importe qui non plus. La jeune femme était la première héritière Shafiq issue d'Egypte depuis prés de 13 générations. Cette branche parallèle de la famille ayant subit une lourde malédiction lancée par un sorcier noir, la magie avait quitté leurs veines pendant deux siècles. Ainsi, en rentrant à Poudlard, elle était aussi naïve qu'une née moldue, quand bien même son nom soit illustre.

Mais sur ses épaules reposait la pression de ses ancêtres. On s'attendait à ce qu'elle reprenne le flambeau, qu'elle soit forte et tenace. On ne cessait de l'écraser sous des devoirs et des obligations à tenir. Tous le faisaient, même les enseignants du collège.

« Tu as conscience que tu es bien plus courageuse que quiconque ? Tu es revenue à Poudlard, toute seule, tu as subi ces deux années terribles, et je sais, grâce à tes lettres, que tu as toujours les notes les plus hautes à l'écrit. Tu n'as pas quitté Poudlard c'est vrai, mais tu as tenu là, toute seule. » Evelyn sourit à son ancienne amie. « Tu n'auras pas besoin de quitter Poudlard pour être plus confiante, je t'assure. Et à partir de maintenant, je ne te lâcherai plus. Tu verras. Tout ira bien. »

Et c'était une promesse qu'Evelyn Snow comptait bien tenir.

oOoOoOo

Dans la salle commune de serpentard, quelqu'un d'autre se faisait une promesse. Il n'y avait plus personne sur place. Et le feu dans l'âtre apportait une touche d'épouvante au grand salon. La lueur jaune se reportant sur le mobilier sombre et vert. Tout ici, était lugubre, il faisait bien froid dés qu'on s'éloignait d'un mètre de la cheminée, et les élèves avaient déjà regagné leur dortoir.

Mais lui, il s'en fichait.

En tant que préfet en chef, il savait qu'il pourrait patrouiller à l'extérieur et se coucher aussi tard qu'il le désirait, à condition de ne pas faire descendre ses notes. Et là-dessus, aucun risque. Tom n'aimait pas les bavardages inutiles, et comptait bien profiter de l'avantage de sa nouvelle chambre. Mais pour le moment, il réfléchissait. Evelyn Snow, il s'en souvenait à peine, une pleurnicharde chez les blaireaux, à peine intéressante en magie.

Mais aujourd'hui, il avait assisté à quelque chose qu'il ne comprenait pas. Cette fille était partie traumatisée, il le savait, pour avoir arrêté ses camarades féminines afin de leur éviter les heures de retenues. Et là, elle revenait complètement changée. Physiquement, mentalement. Elle l'avait regardé avec cet air revêche qui ne lui plaisait pas du tout.

Elle avait osé l'impensable. Personne n'essayait de lui tenir tête. Personne. Et elle l'avait fait. Elle s'était jouée de lui lors du trajet. S'était moquée, même, avec son clin d'œil. Oh, Evelyn Snow ne perdait rien pour attendre.

Il allait la faire repartir en pleurant. Si ce n'est les pieds devant. Personne n'avait le droit de se payer sa tête. Tous devraient en subir les conséquences. Et ce n'était pas les changements fait sur sa personne qui allait l'arrêter.

Oui. Tom se jurait de mettre la jeune femme au plus bas, jusqu'à ce qu'elle rampe pour obtenir son pardon. Il ignorait encore, qu'elle avait les mêmes motifs que lui, en revenant à Poudlard. Et lorsqu'il se coucha, deux heures plus tard, dans cette nouvelle chambre qui lui était offerte, c'est avec rage qu'il se rappela du regard azuréen de sa nouvelle adversaire, en fermant les yeux.

Et il se promit de l'écraser…