NDA 28/07/23 : Bonsoir à tous, merci à Irra pour sa petite review du jour même, ça m'a vraiment fait plaisir! J'espère que ce chapitre, toujours court, vous plaira quand même.
Une bonne lecture à vous!
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Mercredi 31 Octobre 1944
Halloween. Une fête qu'il n'avait jamais appréciée. Il avait tendance à expédier le repas et retourner ensuite dans sa salle commune pour se reposer devant un bon livre de runes, ou encore dormir un peu, avant d'entraîner ses camarades à la magie noire une fois qu'ils seraient rentrés.
Pourtant, aujourd'hui, il comptait faire un effort. Certes, il n'avait pas dormi depuis près d'une semaine, hormis de micro coupures - qui l'avait hélas plongée dans des songes érotiques - de quelques secondes à peine. Mais il avait trouvé une parade. Infecte, mais efficace. Boire du café toutes les heures. Le traitement ne durerait pas, mais le gardait éveillé un minimum.
Les bouquins que lui avait apporté Malfoy n'avait rien donné. Mais il ne pouvait se résoudre à croire qu'il désirait l'ancienne pleurnicharde. Oui, elle était belle, ça il l'avait compris lorsque les garçons de son dortoir en parlaient, mais il se fichait éperdument du physique. Ce n'était pas le genre de chose qu'il cherchait. Et encore moins le contact avec les filles.
Une seule avait eu l'audace de l'embrasser un jour, et Tom lui avait jeté un oubliette après l'avoir torturé pendant une heure. La fille, une Serdaigle, avait ensuite eu énormément de mal à étudier et pratiquer la magie. Preuve étant qu'il y était allé beaucoup trop fort. Mais elle avait récolté les semences de son outrage.
Le fait est. Il rêvait en boucle de cette personne. Une jeune femme, aux cheveux sombres, et à la peau très pâle, et douce… Non, pas douce, lisse. Mais il était incapable de mémoriser le visage. Comme s'il y avait… Un sortilège de confusion dessus. Il fallait qu'il reprenne l'ensemble des éléments d'un point de vue logique.
L'entièreté du songe étant en noir et blanc. Il n'y avait jamais de paroles entre eux, seulement des soupirs. Mais il entendait parfois, en arrière-plan, une sorte de chant étrange, féminin… D'une langue inconnue, mais qui avait des consonnances slaves. Fermant les yeux, alors qu'il continuait pourtant de noter les éléments de ses rêves – et non le cours de défense contre les forces du mal théorique auquel il assistait – Tom se remémora un autre détail.
Cette fille sentait bon… Pas les parfums chics sorciers comme beaucoup de ses camarades de Serpentard exhibaient, mais le grain de sa peau… Fleurit et sucré, très légèrement musqué. Un peu comme un mélange de fleurs et de fruits. Un jardin à la fin de l'été. Quelque chose de chaleureux et bien étrange pour lui, qui n'était pas habitué à devoir réfléchir de cette façon.
Un grain de beauté sous le sein droit.
Tom grimaça amèrement. Il n'allait pas déshabiller toutes les filles de Poudlard pour vérifier leur parfum et le grain de beauté non plus. Il fallait procéder par élimination.
Le sort était là pour lui donner envie de cette personne. C'était évident. Cette femme était donc forcément amoureuse. Non. Ce point n'aidait pas du tout. Il savait pertinemment que la majeure partie du genre féminin de cette école était à ses pieds. Y compris certains professeurs.
La personne le connaissait assez pour connaître son point faible. Oui. Mais là, ça réduisait le nombre trop important à… Personne. Justement.
Personne ne pouvait savoir qu'il détestait ça. Les relations humaines, les contacts… Il avait toujours mis un point d'honneur à être poli, souriant, charmeur, à faire une pression sur l'épaule de quelqu'un, une main apaisante pour d'autre. Il manipulait les gens à sa convenance. Quelqu'un l'avait donc observé à son insu, et s'était fait assez discret pour qu'il ne s'en rende pas compte.
Cette personne devait forcément être très douée. Probablement les meilleures notes en dessous des siennes, car il fallait être puissant pour jeter un charme d'une telle envergure sans qu'il n'y ait de trace. Non. La magie laissait forcément des traces, c'est uniquement qu'il ne les avait pas encore trouvés. Oui, voilà.
Enfin, l'individu en question devait forcément être dans le même état que lui, puisqu'elle devait maintenir le sortilège constamment sur sa personne. Il fallait donc qu'il trouve une sorcière avec assez de magie pour lancer un sort manipulateur d'une telle envergure, et qui soit épuisée dans tous les sens du terme. Lui aussi, il était vraiment épuisé. Il voulait dormir. Tom avait besoin de dormir.
Mais il ne fallait surtout pas !
Se plantant le bout de sa plume dans la paume de la main, la douleur le rendit plus alerte. Et pourtant, il constata que le filament carmin qui sillonnait les lignes de sa main était fascinant. Oui, vraiment fascinant. Somnolant de plus belle, le jeune homme se sentit à peine partir. Ignorant que sa volonté avait prit le pas sur son corps. Et c'est en pleine crise de somnambulisme que le serpentard se leva quelques instants après la sonnerie annonçant la fin du cours de défense
Il rangea ses affaires dans son cartable avec soin, bien que ses gestes fussent empreints d'une lenteur nouvelle, et se dirigea vers la sortie. Ignorant les appels de ses congénères dans les couloirs, ou même la voix d'Abraxas lui demandant où en était sa recherche, il avançait sans voir. Sans entendre. Aucun bruit venant de l'extérieur ne le troubla, pas même son arrivée dans le grand hall aux escaliers mouvants. Il s'avança, un pied après l'autre, dans une démarche gracile, mais toujours plus lente…
Son pied droit rencontra le vide.
oOoOoOo
Il était impossible d'arrêter.
Là encore, d'un mouvement discret, suivit de quelques murmures, elle avait relancé l'envoutement en sentant la conscience de sa victime s'étioler et glisser vers l'absence de contrôle. Un autre rêve, en plein jour, ce qui allait sûrement le mettre de méchante humeur au réveil, surtout s'il était entouré.
Bien sûr, elle avait remarqué que Tom Riddle était de plus en plus éreinté. Bien sûr, elle avait vu qu'il peinait à tenir certaines classes, notamment la première et la dernière heure de la journée. Et oui, elle avait vu sa main trembler lors des cours pratiques en défense et sortilège. Elle l'avait vu stagner sur leur livret de potion, oubliant de noter les ingrédients qu'elle venait de rajouter.
Mais Tom n'était pas encore tombé sous son charme. Il ne la cherchait pas désespérément dans toute l'école. Il n'avait pas encore le désir au bord des lèvres, comme le sortilège l'avait indiqué. Le bougre, il était puissant. Le livre de magie ancienne que lui avait léguée leur mère supérieure précisait qu'il fallait environ un mois pour que le sujet soit totalement fiévreux pour le lanceur du sort. Les rêves se mêlant à la réalité, et le désir imprégnant le moindre de ses gestes.
Elle avait posé le premier charme le 8 septembre.
Cinquante-trois jours plus tard, Tom était encore libre de ses pensées. Certes, dès qu'il dormait, elle contrôlait ses rêves, mais il refusait désormais de dormir, le sommeil le surprenant à tout moment, et l'obligeant elle-même, à faire des nuits blanches et s'épuiser. Et ça, ce n'était pas prévu. Evidemment, elle savait qu'il n'était pas un sorcier lambda… Elle savait très bien qui il était. Trop bien, même.
Elle s'était attendue à de la résistance. Mais pas autant. À ce train-là, l'un d'eux allait faire tomber l'autre, et elle n'était pas certaine d'être celle qui resterait debout à la fin. Mais il fallait tenir. Heureusement, elle avait commencé les cours de l'après-midi plus tard, n'ayant pas gardé l'histoire de la magie ni l'étude des moldus, sinon elle aurait sombré, c'était évident. Aussi, alors qu'elle grimpait les escaliers mouvant pour rejoindre la salle de métamorphose, en compagnie de Soraya et Adelaïde Prewett, la silhouette sombre, deux escaliers plus loin, attira son attention.
Tom dormait. Elle le savait, elle l'avait senti, il avait sombré, et elle avait activé les runes écarlates qui était peinte sur sa poitrine en quittant sa salle commune. Elle contrôlait le rêve depuis, se voyant guider ses mains sur son corps, l'amener à l'embrasser. Elle dirigeait ses pensées, bon sang ! Alors comment pouvait-il être endormi et en mouvement, deux escaliers plus hauts ? Ce n'était pas possible, elle avait dû foirer ses calculs !
Non.
Tom dormait. Elle le savait. Elle l'avait senti. Sa magie ne pouvait mentir. Mais il avait tellement lutté que, malgré l'envoutement, malgré le sommeil, il continuait d'avancer. Et si une part d'elle trouvait cette capacité plus qu'admirable, et preuve de sa puissance. L'autre était horrifiée. Car si Tom dormait, Tom ne voyait pas le vide vers lequel il se dirigeait. La jambe du jeune homme se tendit, les élèves autour le pointèrent du doigt en poussant des cris. Il n'y avait pas d'escalier prêts à le réceptionner pour l'emmener au palier suivant.
Son cœur rata un battement.
Le corps chuta. Evelyn ignora les hurlements de ses camarades de classe et se jeta elle aussi dans le vide. Le choc entre Tom et elle fut violent. Leur atterrissage, au palier intermédiaire, déclencha une série de jurons douloureux, tandis qu'ils roulaient pêle-mêle, percutant un mur et chahutant les habitants des tableaux au-dessus d'eux.
Cette fois, Tom était bien réveillé. Une lueur de panique le saisit une seconde, alors qu'il prenait pleinement conscience de son environnement. L'instant d'avant, il était en cours, puis le rêve l'avait saisi. Il l'embrassait, les yeux clos, entraînant son ensorceleuse sur un lit et faisant courir ses mains sur sa peau. Glissant ses doigts sur les bourgeons dressés de sa poitrine, descendant sur son ventre, se glissant ensuite entre ses cuisses. Il écrasait son corps gelé, prenant possession d'elle, savourant son souffle erratique contre sa bouche et son parfum autour de lui.
Et là, il était vautré sur quelqu'un, son corps tout entier lui faisait mal, et un parfum intense se mêlait à l'odeur du sang. Il s'était passé quelque chose entre le cours de défense, et l'incident duquel il sortait visiblement, mais il était incapable de savoir quoi.
Crispé et douloureux, il tenta de prendre appui sur le sol pour se relever et ne pas plus écraser le corps sous le sien, corps qui était irrémédiablement féminin. Corps qu'il connaissait – reconnaissait – avec une précision effroyable. Son souffle se bloqua dans sa gorge lorsqu'il inspira de nouveau l'air. Ce parfum… Mélange savant d'iris et de framboise… De musc léger et de verveine. L'odeur du fer.
Relevant difficilement la tête, il chercha d'abord à comprendre sa localisation, tandis que le brouhaha inquiet lui parvenait au loin. On avait prévenu les professeurs de ce qu'il s'était passé, et la cavalerie arrivait enfin. Il avait bougé en dormant, il était tombé… On l'avait rattrapé. On l'avait sauvé. Quelqu'un avait sauté des escaliers pour le sauver. Quelqu'un était prêt à donner sa vie pour le sauver. N'arrivant pas à assimiler cette information - qui n'était pas du tout normale pour lui – Tom reprit son observation, et chercha l'identité de la personne assez folle pour un tel geste.
Parce qu'il fallait être fou pour se jeter dans le vide comme ça.
Les perles saphir croisèrent les obsidiennes, et il se sentit brusquement très mal à l'aise. Il écrasait son ensorceleuse. Il n'en doutait pas. La même courbe du menton, le même parfum, la même fraicheur étrange sous ses vêtements, leurs jambes entremêlées par la chute, il reconnaissait ce corps. Il reconnaissait le souffle douloureux qui soulevait son torse. Sauf que si, pour lui, le souffle exprimait un orgasme quelques secondes plus tôt, c'était ici, une douleur atroce.
Il réalisa l'urgence en comprenant que le corps sous le sien était brisé. Les côtes n'étaient plus symétriques. Le souffle erratique et sifflant impliquait qu'une des côtes s'étaient sûrement planté dans un poumon. Evelyn Snow lui avait sauvé la vie. Evelyn Snow était en train de souffrir le martyr pour lui. Et Tom le réalisa avec effarement.
S'il se relevait, alors qu'elle faisait clairement une hémorragie, et que son corps compressait le sien, il allait la tuer. Après tous ces horribles rêves qu'elle lui faisait subir, ce serait pourtant mérité. Il ne dormait plus depuis deux mois, sans être hanté, et il ne supportait pas l'idée que quelqu'un se soit insinué dans sa tête. Cette fille l'avait manipulé au-delà de tout ce qu'il pouvait imaginer, avec une magie qui lui était encore inconnue. La laisser mourir ne serait que justice. D'autant que rien ne pouvait l'incriminer, elle s'était faite ça toute seule.
Et pourtant, alors qu'il continuait de la fixer, maintenant qu'il avait compris… Il ne pouvait s'empêcher de se demander pourquoi ? Pourquoi lui faire voire des choses aussi indécentes et inutiles ? Pourquoi le laisser la voir nue, et la posséder ainsi à chaque songe ? Si elle voulait le torturer, pourquoi s'était-elle jetée dans le vide pour lui ? ça n'avait pas de sens ! Et il savait que seul, il n'aurait jamais la réponse. Tom Riddle était, certes, l'élève le plus rancunier de tout Poudlard.
Mais il était aussi le plus curieux.
