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Mercredi 5 décembre 1944
« Et n'oubliez pas, je ne veux aucun pli sur ces draps. Recommencez ! Miss Jenkins, c'est mieux… » La voix rocailleuse de madame Pervenche rendait Snow de plus en plus fébrile.
Si Soraya était revenue dans leur dortoir la veille au soir, elles n'avaient pas pu réellement discuter depuis son retour. Et cette classe, bien que plus agréable à suivre en compagnie de sa meilleure amie, allait lui faire rendre son petit déjeuner.
« Miss Snow, qu'est-ce que c'est que cette horreur ?! » L'air pincé sur ce visage émacié et couvert de ride la fit grimacer.
« Un couvre-lit… » Fut le murmure tout bas de l'étudiante de Poufsouffle.
« Oh non, miss Snow. Ceci n'a rien d'un couvre lit. Ceci est un torchon ! Même les elfes de maison n'en voudraient pas pour faire une serpillère. Jetez-moi ça et recommencer tout de suite votre repassage. » Les ongles de sa main entaillèrent sa paume sous l'intimité de sa table. Elle déglutit finalement et baissa la tête.
« Oui professeur Pervenche. » L'enseignante s'éloigna de leur rangée et vint s'en prendre à une autre demoiselle.
« ça…ça v-va aller… ? » Demanda finalement Soraya en chuchotant.
« Oui, ne t'en fais pas, j'ai juste hâte de la fin de ce cours. »
L'égyptienne lui murmura des encouragements, avant de lui montrer la gestuelle adéquate pour réussir son repassage à la perfection. Le problème venait hélas du fait qu'Evelyn n'avait aucune envie de réaliser ce sort. Et lorsqu'elle fermait les yeux, elle imaginait leur enseignante en train de se noyer au fond du lac.
« Par Merlin, je n'ai jamais vu une immondice pareille ! » L'exclamation horrifiée sortit la jeune femme de ses rêves morbides. L'enseignante pointait sa baguette sur l'immondice en question. Le repassage avait littéralement cramé les bordures du drap, plus encore, il s'était racorni sur les bords, et des trous apparaissaient un peu partout.
« Je suis désolée, professeur. » Murmura Evelyn. Elle n'avait qu'une envie, c'était de partir de cette classe et s'enfoncer dans les ténèbres pour la journée. Non, la semaine.
« Non, vous n'êtes pas désolée. Je le sais. Vous êtes une honte pour vos camarades et moi-même. Aucune femme digne de ce nom ne me sortirait ce genre d'excuses après un tel massacre. »
Evelyn se tendit. Elle était prête à mettre sa vengeance à exécution, elle avait surmonté l'humiliation public la plus terrible pour une adolescente, et ce, après avoir vu son cœur brisé par le garçon qu'elle aimait depuis plus de cinq ans. Elle ne pouvait pas craquer à cause d'un professeur exécrable. De nouveau, elle s'entailla la paume de la main en y enfonçant ses ongles. A sa gauche, Soraya perdit des couleurs en captant les perles rouges qui coulaient le long de son poing.
« Vous jetez l'opprobre sur vous et vos proches. Je n'ose imaginer la déception qui s'abattra sur votre famille lorsqu'ils comprendront que personne ne voudra jamais vous épouser ! »
Ce fut le coup de trop.
Evelyn savait déjà tout ça. C'était difficile malgré tout, de prévoir une vengeance de cette envergure en oubliant ses parents. Son père potioniste était l'homme le plus affable qu'elle connaisse, et il croyait chacun de ses mensonges, parce qu'il ne pouvait que lui faire confiance. Il était prêt à tout pour la rendre heureuse, même l'envoyer dans un couvent étrange en France, parce qu'elle pleurait. Sa mère lui avait toujours dit qu'elle devait être sa propre force. Qu'en dépit des insultes et des amitiés, la seule personne capable de la relever, ce serait toujours elle-même. Que c'était à elle de se trouver belle, avant d'écouter les autres.
Et son frère, surprotecteur avec elle, mais pas moins doux et sévère. Sans lui, elle aurait raté sa première année d'étude des runes. Il avait rattrapé les bourdes du professeur Black et lui avait expliqué avec bien plus de précision, comment ces lettres fonctionnaient et pourquoi. C'était lui qui avait planté l'allée de roses dans le jardin à sa naissance, alors qu'il n'était encore qu'un enfant. Pour fêter la bienvenue à la petite princesse qui serait la sienne. Sa première amie envers et contre tout.
Et tous leurs domestiques, ces gens de diverses origines qui voyaient en elle une fabuleuse lady, celle qui succèderait à la première sorcière de leur famille en termes de beauté et de talents. Elle allait tous les décevoir. Elle leur mentait déjà. Depuis sa première rencontre avec Tom, elle mentait.
Elle leur parlait de lui, de ses progrès en magie, de son travail acharné. Son père en avait déduit qu'ils étaient proches, à l'époque, et elle n'avait pas démenti. C'est pourquoi il avait été surpris qu'il ne soit pas avec elle lorsqu'il était venu la chercher après son agression. Elle avait dit qu'il ne pouvait pas, qu'il était occupé ailleurs.
Mais Tom était le monstre qui avait tout déclenché.
Et la vengeance qu'elle avait mit plus d'un an à préparer en compagnie des autres filles brimées venant du monde entier était déjà en route. Toute l'école voyait un rapprochement entre eux deux et pensait ça naturel. Le vilain canard devenu un élégant cygne plaisait au sorcier le plus charmant. Après tout, elle lui avait sauvé la vie. Il fallait dire que son excès de conscience avait bien aidé à ce que toute l'école les pense amoureux.
C'était de ça dont elle avait besoin. Une croyance populaire. Et Tom allait devenir son pion. Puisqu'il l'avait placé dans cette mauvaise position depuis le début, c'était à lui d'en payer le prix. Elle ne serait jamais une épouse parfaite, mais elle n'aurait pas à le devenir. Parce qu'elle ne ferait pas ses premiers pas dans la société sorcière comme une jeune fille à marier. Elle sera déjà prise. Oui. Il ne restait peut-être qu'une vingtaine de jours avant cette horrible soirée, mais elle comptait bien faire taire la noblesse avant l'heure.
Le cours de défense qui suivit était purement théorique. Et il ne lui permit absolument pas de se défouler. Pourtant diable ce qu'elle en avait besoin. Car écouter distraitement les anecdotes terribles de l'ancien auror avait beau être agréable la plupart du temps. Evelyn n'avait qu'une seule envie depuis le cours d'éducation familiale. Celle de hurler de tout son saoul. Soraya lui avait proposé un peu de baume pour ses plaies, mais la sorcière avait refusé. Arguant qu'elle en avait bien plus besoin qu'elle, puisqu'il lui restait encore une semaine de traitement avant d'être totalement rétablie.
« Comme je vous le disais, certaines créatures dangereuses ont une peau qui résiste naturellement à la magie. Le grapcorn, par exemple, dont la charge est si rapide qu'aucun bouclier ne peut l'arrêter. Si vous maitrisez un patronus, vous savez chasser les ténèbres, mais pas uniquement. » La voix rauque du professeur de défense marqua une pause. Il était doué pour le suspens. « Comme vous le savez, le sortilège du patronus prend la forme d'un animal qui vous correspond, cet animal va, non seulement chasser les ténèbres, mais il peut aussi servir d'appât. Car si vous le voyez, les bêtes le voient aussi. » Une main se leva. « Oui, monsieur Potter ? »
« Si notre patronus est un petit animal ? Un furet ou une souris. » Le professeur Evermore leva un sourcil amusé.
« J'espère qu'il vous tuera vite, car agoniser après la charge d'une telle créature doit être infernal. » Et les rires fusèrent de part et d'autre de la classe.
oOoOoOo
Les Serpentards quittèrent la tour de divination en grimaçant. La bouffée d'encens du jour s'était composée de ylang-Ylang et de citronnelle. L'odeur acide de la fumée piquait autant les yeux que le nez.
Si Tom avait les yeux rouges, c'était là, le seul signe qu'il était autant irrité que les autres. Il ne se plaignait pas et continuait sa descente à travers les nombreux couloirs de l'école d'un pas serein. Il fallait qu'il mange. Ne cessant de travailler sur des projets en parallèle, et tenant au passage, l'une des réunions des chevaliers, il en avait sauté le petit déjeuner. Mais il fallait bien réfléchir, car le départ de Travers avait entrainé une perte dans le groupe. Certes, peu importante, mais il désirait garder le nombre 7 intact. Et ils n'étaient plus que six depuis trop longtemps.
Son ventre grogna, alors qu'ils atteignaient les escaliers mouvants. Aucun de ses camarades n'osa dire mot à ce sujet.
Tom avait songé, un petit moment, à en parler à Evelyn, avant de se rappeler que malgré sa puissance, ses intentions n'en étaient que trop noble, trop gentille, et surtout. Surtout. Elle le tenait prisonnier. Même si ça aurait peut-être permit qu'elle relâche la bride, il n'allait pas prendre le risque de lui fournir plus d'informations contre lui.
L'arrivée dans la grande salle lui fit marquer un tout petit temps d'arrêt. Evelyn était à la table des blaireaux, son amie beg en face d'elle, et toutes deux discutaient. La période d'approche de sa cible était terminée, puisqu'elle n'avait plus le manque de son amie à combler. Lui et ses camarades de Serpentards pouvaient retourner à leur table directement, et il devrait de nouveau trouver un point commun pour l'approcher. Tom compta dans sa tête. Un. Deux. Trois…
Et traça jusqu'à la table qu'il avait occupé pendant prés d'une semaine, suivit par Nathaniel et Alphard.
« Bonjour, Evelyn. Shafiq, je suis ravi de voir que tu vas mieux. Comment se sont passé vos cours, ce matin ? » Et alors que l'Egyptienne le fixait comme s'il lui avait poussé une seconde tête, il s'installa à gauche de la noiraude, posant ses affaires sous la table, et entreprit de se servir en légumes et saucisses.
Si Alphard prit place à droite d'Evelyn sans qu'elle ne paraisse intimidée, Nathaniel s'installa en face, et de fait, à coté de Soraya, qui se crispa toute entière. Cependant, ayant vu que leur prince avait quitté le navire, d'autres en profitèrent. Et bientôt, une masse de vert et argent se trouvait au milieu des jaune et noirs.
« Qu'est-ce que c'est que cette assiette, Shafiq ? » S'énerva brutalement une voix féminine, dans le dos de la demoiselle.
« Je… Je ma-Mange… Juste… »
La voix appartenait à une des filles Rosiers. Mais contrairement à sa sœur, Druella possédait un charme certain, le visage en cœur, des yeux vert amandes et une chevelure châtaine bouclée. Bien qu'elle soit plus jeune d'un an, et rarement d'accord avec les filles de son année ou supérieure, elle était connue dans tout Poudlard comme la maitresse des sorts de castration.
« Tu manges ? C'est une blague ? »
« Rosier… » L'avertit Evelyn Snow, prête à défendre son amie. Mais elle n'eut pas besoin de faire quoi que ce soit. Car Druella Rosier n'était pas mauvaise, juste particulièrement autoritaire, et surtout, très maternelle. Avec un petit coté naturellement amazone. Elle proclamait d'ailleurs qu'elle choisirait son mari et n'aurait aucun enfant de sexe masculin, en réponse aux nombreuses pressions sur les femmes de sangs-purs pour donner un héritier mâle.
« Tu te fiches de moi ? Tu sors de l'infirmerie, t'as des cernes sous les yeux et les joues creuses. Dégage-moi cette salade et prends de la viande. Tu dois refaire du muscle ! Aller ! » Et sans attendre l'accord de personne, elle avait poussé Malfoy d'un coup d'épaule, s'était glissé entre lui et la Poufsouffle, et avait commencé à servir cette dernière de divers mets sur la table.
« Mais je… Je vais… Il… »
« Il faut que tu manges, t'es maigre comme un clou. L'année dernière ne t'a pas suffi ? Il faut te renforcer, et vite, sinon ces animaux ne feront qu'une bouchée de toi ! »
« De qui parles-tu, Rosier ? » Demanda la maléficienne, à la fois curieuse et soulagée de voir que la serpentarde ne menaçait pas son amie.
« Des sangs-purs ! Ces chiens en costume prêts à tout pour nous sauter dessus. Toi aussi, fait gaffe, t'es en tête de ligne, cette année. » Cette tirade eu pour effet de crisper et Evelyn, et Tom.
« C'est gentil de t'en faire pour moi. Mais j'ai déjà un plan. » Druella leva un sourcil inquisiteur.
« Et bien j'espère qu'il est solide, parce que j'ai entendu mon frère ainé et mon père en parler. Ton retour fait beaucoup de grabuge, et certains ont espoir de te voir courber l'échine rapidement. »
« Potter nous a déjà montré l'étendu de ses talents de séduction. » Annonça Tom en se composant un visage impassible. Comme s'il ne se sentait pas concerné par la situation. La réponse de la sixième année lui fit le même effet qu'un seau d'eau gelée.
« Potter n'est pas le seul à vouloir épouser Snow. Mon frère, les Beurk, les Moon, cet imbécile d'Alphard… »
Le garçon pâlit à la mention de son nom et tourna brutalement sa tête vers Tom, histoire de se dédouaner.
« Je n'ai rien voulu du tout, c'est mon père qui a voulu me convaincre, et j'ai repoussé l'idée, je le promets. » Tom ne répondit pas, jetant juste un bref regard sur Evelyn, qui écoutait désormais sans plus manger. « Et comment tu sais ça, toi ? » Finit par demander le garçon black. Le sourire carnassier de la fille lui donna des sueurs froides.
« Ma mère est marieuse pour les sangs-purs. Je sais absolument tout de ce qui nous pends au nez. Shafiq est la première de sa branche familiale à être une puissante sorcière depuis la malédiction, elle est vue comme un trésor parmi toute la société sorcière. Un miracle. Quant à Snow… » Elle marqua l'arrêt, avant de croiser les perles saphir de l'étudiante. « Tout le monde sait que sa famille n'est pas aussi pure que les nôtres, et qu'un mariage leur permettrait de grimper les échelons directement. Ajoutes à ça son retour en fanfare et la fortune colossale de sa dot. Tu obtiens une proie facilement manipulable et alléchante. »
« Je ne laisserai personne d'indigne, m'épouser. Rosier. Soit sans crainte pour moi. » Fut la réponse d'Evelyn, désormais plus froide que l'arctique après avoir subi une telle description. Ça ne l'empêcha pas, pourtant, de glisser sa main dans celle de Tom, sous la table, et d'y laisser un morceau de parchemin vide.
oOoOoOo
Tom avait passé tout le cours de métamorphose à essayer de déchiffrer le message que lui avait passé la demoiselle. Ayant réussi du premier coup à transfigurer sa main en patte de loup, il avait dû attendre que les autres élèves parviennent à un résultat probant. Et comme ses devoirs étaient déjà tous faits, il s'était permit de faire totalement autre chose. Mais ça n'avait pas été simple.
Il avait d'abord testé Revelio, se disant qu'elle avait sûrement fait le message à la va vite avec de l'encre magique. Mais se retrouvant devant un échec cuisant, il avait dû changer de méthode. Evelyn Snow était compliquée, même quand il y avait des moyens simples et courts de parvenir à ses fins, elle prenait toujours des détours. Et s'il voyait ça comme une grosse perte de temps, il se devait de reconnaître qu'elle avait des idées parfois très intéressantes.
Se rappelant de leurs échanges en cours de rune, il avait tenté de placer Kenaz en haut du parchemin, mais là encore, rien n'était apparu. Plusieurs enchainements de rune plus tard, il en était au même point. Avait-elle pu faire semblant de lui envoyer un mot ? C'était tout à fait possible, connaissant le phénomène, le futur mage noir avait conscience qu'elle jouait très bien la comédie. Bien plus que quiconque hormis lui.
Prit d'un bâillement soudain, il avait essuyé les perles salées aux coins de ses yeux, avant de replacer sa main sur le bout de papier vierge qui le torturait. Et son contenu s'était alors révélé. Il avait fallu un bout de lui…
Et avant même de lire les mots écrits par la main d'Evelyn Snow, il avait compris jusqu'où elle pouvait encore aller. Car pour qu'un sort de propriété fonctionne sur une autre personne que le lanceur, il fallait que cette personne possède un bout du propriétaire en question et l'inscrive dans le sortilège. Un cheveu, un ongle ou du sang, faisait généralement l'affaire. Snow possédait donc définitivement quelque chose qui lui appartenait.
La thèse de la groupie l'effraya une seconde.
Le fait est qu'elle lui donnait rendez-vous dans les toilettes du second étage peu avant minuit, là où plus personne n'osait aller depuis deux ans à cause du meurtre de Myrthle Warren. Là où se trouvait l'ouverture de la chambre des secrets. C'était… Scénique de lui demander de venir à cet endroit. Bien que le fantôme de l'étudiante n'y soit pas souvent, puisqu'elle suivait essentiellement Olive Hornby pour lui pleurer dessus, Tom les avait évités avec force depuis ces évènements.
Il n'avait même pas rendu visite à Sétis malgré sa promesse de revenir souvent pour lui tenir compagnie. Craignant d'être vu par Dumbledore qui le surveillait étroitement. Et le retour de Snow ainsi que sa malédiction menaçant de tout dévoiler sur ses actes n'avaient pas aidé à ce qu'il repasse dans le coin.
Cette fois, il n'avait pas le choix.
Lorsqu'il fut l'heure de se mettre en route, Tom quitta la salle commune de serpentard et songea qu'il aurait probablement dû prévenir l'un de ses hommes de son départ, ou du moins, de sa destination. Mais il était trop tard. Il espérait seulement que Snow ne ferait pas n'importe quoi. Il avait jusque-là, réussi à esquiver toute idée de relation possible. Et ce, malgré son ordre de la conquérir publiquement. Peut-être était-ce justement, le motif de cette rencontre ? Le presser d'agir ? C'était possible, surtout vue la situation relationnelle de Snow. Les hommes lui courraient désormais après.
« Tu es venue… » Souffla la voix qu'il reconnaissait désormais entre mille, lorsqu'il passa la porte des cabinets des filles.
« Avais-je le choix ? »
« Oui et non. Je ne t'en aurais pas voulu si tu n'avais pas réussi à déchiffrer mon mot. » Tom frissonna, comprenant qu'elle avait dû en plus, marquer le parchemin d'un sort pour être alertée une fois qu'il aurait été décrypté. Jusqu'où cette fille pouvait-elle encore aller ? Non de non… Jetant un sort autour d'eux pour que personne ne puisse les surprendre, Evelyn se tourna finalement vers lui.
Tom recula d'un pas en constatant sa tenue. Il l'avait déjà vu, en début d'année dans le Poudlard Express. Mais là, sur elle et alors que la pièce était plongée dans la pénombre, tout lui donnait un air dangereux. Maléfique. Bien plus que lui. La robe de patineuse rouge s'accompagnait d'une cape du même coloris. Et le col claudine ainsi que les bordures de manches en dentelles blanche ressortaient autant que la tulipe en rubis sur sa poitrine. Si le rouge était la couleur de Gryffondor, ce rouge là était de la même teinte que le sang.
Il déglutit.
« Qu'attends-tu de moi… ? » Serrant sa baguette, bien tenue dans son poing, Tom n'était pas à l'aise du tout.
« Je veux que tu annules tes vacances chez les Malfoys. » Annonça Evelyn sans ciller.
« Je dois rester à Poudlard ? » Il ne pouvait pas, il avait des recherches à mener dans la bibliothèque d'Abraxas. Mais si elle l'obligeait, il y serait contraint, à cause de cette foutue malédiction. L'endroit choisi pour leur rendez-vous était un rappel de ses obligations envers elle. Une vague de fureur s'empara soudainement de lui, et dans les yeux noirs, un éclat carmin dansa.
« Surtout pas ! » La fureur se calma tout aussi rapidement qu'elle n'était montée.
« Ah non ? »
« Non. Tu viendras avec moi.»
« Avec toi… ? Chez toi ? »
« Oui, chez moi. À Elvaston castle. » Rien qu'au nom, Tom sut qu'il n'y avait pas que la dot qui devait posséder une fortune colossale.
Mais si Snow n'était pas d'un sang aussi pur que tous ses camarades de serpentard, ça ne signifiait qu'une chose. Une chose qu'aucun sorcier n'aurait compris, mais que lui, en tant qu'orphelin ayant grandi à Londres et ayant survécu uniquement grâce aux dons de la noblesse, oui. Evelyn Snow était issue de la noblesse moldu. Une famille de comte, si sa mémoire était bonne.
« Mais pourquoi ? » Oui. Pourquoi ? Il n'était pas stupide, elle n'était peut-être pas de sang-pur, mais maintenant qu'il savait qu'elle était noble et riche, en plus d'être intelligente et puissante. Pourquoi ? Comment avait-elle-même put être cette pleurnicheuse fragile toutes ces années ? Et pourquoi lui demander de venir, alors qu'elle cherchait clairement à l'humilier et le briser depuis la rentrée ?
« Allons… Tu n'as vraiment aucune idée… ? » Baissant les yeux pour croiser les siens, Tom fut contraint de reculer jusqu'au lavabo central et grimaça lorsque le robinet s'enfonça dans son dos. Malheur, c'était l'entrée de la chambre, juste là. Elle savait…
Evelyn plaça une main de chaque coté de son corps, se tenant au lavabo derrière lui et le coinçant sans honte. Elle était petite, oui, et menue, aussi. Et pourtant, alors qu'elle approchait son visage de lui, et qu'il se pliait à cause de la douleur dans ses reins, contraint de rapprocher le sien. Son cœur rata un battement. Est-ce qu'elle allait… ? Les souvenirs de ses nuits, honteuses et forcées, lui revinrent en force. Il se rappelait des gémissements, de la fraicheur de sa peau sur la sienne, des frissons causés par ses baisers, de la brûlure dans ses reins et des fourmillements d'extase juste avant la jouissance.
Entre la peur de devoir subir un contact physique imposé par la malédiction qui le retenait, la colère d'être justement retenu contre son gré, et ses doutes sur les réelles intentions d'Evelyn, Tom sentait aussi l'excitation grimper en lui. Et c'était la pire chose qui puisse lui arriver. Il se haïssait pour avoir ressenti des choses durant ces rêves, pour avoir cédé au plaisir charnel, à l'envie, à tout. Il se haïssait pour vouloir le contact gelé de ses lèvres autant qu'il le redoutait. Il ne pouvait pas ressentir ce désir, c'était malsain. Il le savait, de la pure manipulation.
Un frisson remonta le long de son échine pourtant douloureuse, lorsqu'Evelyn caressa sa joue du bout des doigts. Elle ne l'avait pas plus touché que ça, et pourtant, il avait mal au cœur.
« Voyons, réfléchis… Personne ne voudra me demander en mariage, si en arrivant à cette soirée, je suis déjà fiancée. » Mais si l'information parvint jusqu'à son cerveau, Tom fut incapable de bouger. Une personne normale aurait déjà subi divers sorts de torture pour l'avoir collé ainsi, mais il ne pouvait rien lui faire tant que la malédiction était en place. Et rien que pour ça, Evelyn méritait de mourir dans d'atroce souffrance.
Parce que oui, Tom venait de le réaliser.
Elle pourrait tout aussi bien lui ordonner de reproduire ce qu'elle lui avait fait voir en rêve, et il n'aurait pas le choix. Parce qu'ils étaient devant l'entrée de la chambre des secrets, et qu'elle l'avait maudit.
« Ne me touche pas… » C'était sorti tout seul. Il était à sa merci. Elle pouvait abuser de lui, il ne pourrait pas lever le moindre doigt pour que ça cesse. Il n'avait plus aucun pouvoir. Comme à l'orphelinat. Rien. Il n'était plus rien. L'angoisse le submergea.
Et tout fut noir.
NDA 09/02/24 : Bonsoir à tous, j'espère que vous allez bien? J'espère que ce chapitre 16 vous a plu? Comme d'habitude, c'est une tranche de vie, et vous avez eu les deux points de vues, bien qu'Evelyn reste encore très mystérieuse sur ses habilités et intentions.
Une surprise attends les lecteurs assidus qui comprendront ce que je prévois de faire! Alors n'hésitez pas et lâchez des reviews ~
