NDA 09/08/24 : Bonjour à tous, merci de suivre cette histoire! Ce chapitre a failli ne pas voir le jour, j'ai longtemps procrastiné et tout bouclé il y a quelques minutes à peine. Je vous offres un contexte digne de l'époque édouardienne, j'en ai bien conscience, mais j'espère que cet entre-deux mondes nobles vous plaira.
Je vous souhaite une excellente lecture!
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Jeudi 20 décembre 1944
7h.
Jamais un lit n'avait été aussi confortable, même celui de sa chambre de préfet paraissait désuet, et pourtant, il lui avait semblé magique à côté du premier qu'il avait eu dans les dortoirs de Serpentards. Grand, même trop pour lui qui avait toujours dormi seul, le sommier juste assez dur pour satisfaire ses lombaires, et le matelas doux et conservant la chaleur. Une énorme couette lestée – il découvrait tout juste ce que c'était – l'avait maintenu au chaud et sa housse, soyeuse, n'avait pas démangé sa peau comme ça pouvait arriver après quelques lavages à Poudlard.
La chambre en elle-même sentait bon le pin, le feu de cheminée, et une odeur florale qu'il n'avait pas su reconnaitre. Et s'il n'y avait pas de baldaquin avec rideau pour le cacher du soleil, ceux de la fenêtre étaient tirés. Des rideaux double, ça non plus, il n'en avait jamais vu, même chez les Malfoy. Il y en avait deux sortes, des blanc translucides avec des sortes de broderies au sommet, et des longs, opaques et vert empires retenus en journée par d'épaisses cordes à pompons.
Les murs étaient beiges, en relief, avec des motifs incroyables et un immense tapis persan recouvrait le plancher en croix, partant du lit et allant jusqu'à la petite banquette centrale. Trois fenêtres, une grande armoire, un petit office au fond de la pièce, juste à côté d'une mini bibliothèque, et un grand miroir à pied près du bureau. Une chambre digne d'un prince. Il n'aurait jamais pu croire que les moldus, sans magie, puissent disposer d'un tel confort. Et pourtant…
Tom n'avait pas dormi de la nuit.
Il en avait été purement et simplement incapable. Son esprit carburant au maximum pour établir les rapports de forces entre les membres de la famille Snow, leurs serviteurs moldus, mais aussi étudier la situation dans son ensemble et les dangers encourus en vivant chez eux.
Comme ils étaient arrivés tard dans la soirée, ils avaient eu droit à un léger souper dans le salon, composé d'un velouté de potimarron et d'une part de cake au jambon fumé. Leurs hôtes ayant déjà mangé, restèrent cependant pour prendre une tisane en leur compagnie. Camomille, s'il avait reconnu l'odeur. Il avait remarqué que trois personnes se tenaient toujours en retrait dans le petit salon, et en avait conclu qu'il s'agissait des serviteurs attitrés. Les valets. Monsieur Mouse, l'homme en charge du père d'Evelyn était costaud et bien peigné, avec des pattes blanches sur les tempes, mais rien qu'à ses yeux noisette, il avait su qu'il s'agissait d'un nounours trop gentil pour son bien. Ça expliquait les conflits ouverts avec Burrows.
A côté, s'était tenu le jeune homme blond qui avait ouvert à la Poufsouffle. Hugues, si ses souvenirs étaient bons, et qui paraissait être le valet du frère. Et enfin, une femme, avec une longue robe noire, un tablier blanc, et une sorte de bonnet sur ses cheveux relevés en chignon. Elle était d'une beauté passée, mais propre à la tendresse. Et si elle avait surveillé la plupart du temps, la mère d'Evelyn, il avait surpris quelques regards aimant vers le valet du père. La présence d'une alliance à leurs deux mains était équivoque.
Tom s'était vu attribué Burrows comme valet pour l'aider durant son séjour, et si l'homme était apparu ravi de changer de rang, même de façon provisoire, lui, n'avait pas vu ça d'un bon œil. Il s'était senti méfiant dés qu'il l'avait croisé, et pourtant, sa description dans la voiture l'avait fait compatir à son sort.
À présent qu'il allait devoir le subir, il ne compatissait plus du tout. Tout son être lui criait « danger » à son approche.
Evelyn avait demandé des nouvelles d'une certaine madame Dowson, et on lui avait affirmé qu'elle et le bébé se portait bien. Tom avait compris que la servante attitrée n'était plus disponible pour la servir, compte tenu de sa maternité. Mais l'une des cuisinières s'était porté volontaire pour l'assister en attendant le retour de leur autre employée - d'où son absence lors de leur souper de fortune, puisque c'était elle qui le leur avait préparé.
Evelyn était apparue ravie d'avoir affaire à une certaine Charlotte Pendrick. Argumentant qu'elle aurait peut-être droit à un petit déjeuner colossal au lit comme elle en rêvait. Et le non tonitruant de son frère lui avait presque fait recracher sa soupe. Silencieux comme une tombe, concentré sur les discussions autour, il avait donc appris que les femmes de la noblesse n'étaient autorisées à petit déjeuner dans leur chambre qu'une fois mariée. Privilège de l'épouse. En somme.
Il avait compris le « non » du frère.
Il n'avait pas cependant pas fait attention au regard pétillant de malice du père qui s'était porté sur lui dès le commentaire d'Evelyn.
Soupirant d'épuisement, il se tourna dans le lit immense et fixa les rayons pâles du soleil qui filtrait au-dessus de la fenêtre à rideau tiré. De nuit, il n'avait pas pu voir grand-chose de l'extérieur du domaine. Renonçant pour de bon à s'endormir, et refusant d'être sorti du lit par Burrows - tout empestait le poison chez cet homme - Tom quitta sa précieuse couette chaude et enfila la robe de chambre noire de haute facture qui avait été posé sur la commode prés du lit.
Le feu dans la cheminée s'était éteint. Il ne savait pas s'il avait droit de faire de la magie en dehors de l'école dans cette maison. Les serviteurs étaient-ils tous au courant à propos du secret magique ? Il n'en savait rien, aussi, il n'osait pas y remédier, ni même appeler une servante, même s'il avait compris que certaines n'étaient là que pour ça, chauffer la maison et les pièces à vivre.
Saisissant d'une main le rebord du tissu de velours - plus ostentatoire ce n'était pas possible - il tira dessus pour dévoiler un pan de fenêtre. Il ne fit pas un geste pour ouvrir le suivant. Sous ses yeux noirs s'étendait à perte de vue, un immense labyrinthe enneigé. Outre les grandes fontaines dont l'arrivée d'eau était coupée pour la saison, il y avait aussi de grands chênes tout autour du domaine, et, au centre du labyrinthe, ce qui ressemblait à s'y méprendre, à une serre.
La réalisation le mit mal à l'aise.
Personne ne savait. Ils avaient vaguement conscience de la richesse moldue d'Evelyn, mais personne n'était allé voir. C'était l'évidence même. Aucun sang-pur n'était au courant de son véritable rang. Malfoy et Potter habitaient dans une grange, à côté. Combien de serviteurs, palefrenier et autres, travaillaient pour le domaine Harrington ? Combien servaient la famille Snow comme s'ils étaient des rois ? La fillette qui pleurait dans ses robes pour son affection l'avait caché au monde entier.
La jeune femme qui était revenue n'en avait pas plus parlé non plus. L'évidence le frappa avec la même force qu'un cognard. La fragile Evelyn Snow l'avait roulé avant même d'être drapée de confiance. On ne se méfiait jamais assez des Blaireaux. Et il venait d'en avoir la preuve.
S'interdisant de sursauter aux coups retentissants à la porte malgré les réflexions poussées sur sa geôlière, Tom ordonna d'entrer. Burrows s'avança, vêtu du costume riche qu'il avait vu sur les deux valets présents dans le petit salon la veille, et les mains cachées par des gants à boutons, blancs. Il inclina brièvement de la tête, une main sur le cœur, avant de se redresser. Les yeux verts jetant à tout-va, des regards de convoitises.
« Bonjour, Monsieur. J'espère que vous avez trouvé le repos cette nuit après le long voyage d'hier soir. »
« Tout à fait, merci. » Mentit Tom.
« Tant mieux. Puis-je vous aider à vous vêtir, monsieur ? » Reprit Burrows sans se départir de son attitude fausse.
Tom n'avait absolument aucune envie que cet homme fouille dans sa valise. Et si l'idée d'être servi lui plaisait grandement - car c'était là qu'était la place de ce moldu - le fait qu'il ne lui inspire aucunement confiance, ne l'arrangeait pas. Il ne voulait pas froisser ses hôtes, mais il avait parfaitement décelé le caractère de l'homme en face, et s'il devait avoir à peine dix ans de plus que lui, ça ne changeait pas sa méfiance. Les deux s'affrontèrent du regard, émeraude contre obsidienne.
Tom usa d'une pointe de légilimencie - un art qu'il s'évertuait à apprendre depuis trois ans à l'aide des livres prêtés par Abraxas - et effleura la surface de l'esprit de son valet. L'homme était ambitieux de nature, mais impulsif et surtout réfractaire à l'autorité des jeunes maîtres. Il détestait Anthony, qui lui avait refusé deux fois la promotion qu'il réclamait, et méprisait passablement Evelyn. La raison de cette aversion tenait en un mot.
Chantage.
L'élan de compassion pour l'homme revint. Une seconde. Le temps de comprendre ce sur quoi sa propre geôlière le faisait chanter. La seconde suivante, il serrait les poings sous les manches de sa robe de chambre, se retenant d'attraper sa baguette pour le tuer. Il aurait pu le faire sans baguette, aussi, le désir de voir ce visage condescendant devenir rouge et manquer d'air… Voir ses yeux exorbités…
Il avait profité d'une jeune femme de chambre amoureuse de lui pour obtenir des informations compromettantes sur la famille Snow, allant jusqu'au bout de sa manœuvre en la déshonorant. Elle était tombée enceinte. Et, lorsqu'elle avait tenté de parler mariage, d'officialiser leur relation, il lui avait rit au nez, et avait trouvé le moyen de la faire virer. Le parallèle avec sa propre mère n'était pas difficile à faire, et malgré lui, Tom ressentit une bouffée d'affection pour Evelyn.
Elle tenait les preuves de ses méfaits, et l'obligeait à payer une pension à la jeune femme et à l'enfant, en usant de tout son salaire. S'il y avait eu quelqu'un de ce genre, dans la vie de Mérope Gaunt, aurait-il eu une toute autre enfance ? La question se posait.
« Je n'ai pas besoin de vos services. Disposez, Burrows. » L'ordre claqua avec une froideur à peine contenue.
« Bien, monsieur. »
oOoOoOo
Tom n'était cependant pas le seul à avoir fait nuit blanche.
Si leurs parents avaient clairement oublié les courriers d'Evelyn au sujet du garçon, Anthony, lui, les avait gardé et relu. Plus d'une centaine de lettres manuscrites de sa petite sœur parlaient du serpentard, depuis la première année jusqu'à son départ de Poudlard pour la retraite loin de tout. Et quelque chose lui déplaisait fortement dans leurs contenus.
Si les premières parlaient de discussions réciproques et de classes ensembles, les suivantes n'étaient qu'un composé de on dit et d'actions que le serpentard aurait commit pour aider ses camarades, sans noms précis, et sans qu'elle intervienne. Qui plus est, il avait toujours conservé des contacts à l'école, notamment le professeur Slughorn, qui collectionnait les élèves spéciaux. Et c'était ainsi qu'il avait su pourquoi Son père avait prit la décision de retirer Evelyn de Poudlard.
« La pauvre enfant s'est déclarée à l'un de mes serpents. Et vous savez comment sont les adolescents entre eux. Des camarades s'en sont prit à elle pour l'avoir fait. Oh rassurez-vous, ce n'était pas bien méchant, votre sœur est seulement émotive. »
Le jeune lord avait ignoré le reste du message à l'époque, à quoi bon parler politique avec un individu aussi lâche qu'incapable de contrôler ou protéger ses élèves ? Mais aujourd'hui, il se posait la question ultime. Où était le garçon lorsqu'ils étaient venus récupérer sa sœur ? S'ils étaient si proches ? Sans compter les lettres après son retour… Les interactions avaient changé de plus belle. Il l'avait accueilli dans le train. Il l'avait convié à plusieurs discussions. Il l'avait défendu en classe. Il voulait rencontrer leur famille.
Oh il n'était pas stupide. Personne n'aurait pu reconnaître facilement Evelyn à son retour de France, Physiquement, elle avait changé, son attitude même n'était plus la même. IL avait lui-même douté qu'elle soit sa cadette jusqu'à l'étreinte qu'elle s'était dépêché de lui offrir. Ce garçon n'aurait pas pu la reconnaître. Non. C'était évident.
Il en avait après elle et sa dot.
Et si son père était aveugle, lui ne l'était pas. Il avait pris la place dès ses 20 ans, succédant à John qui avait argumenté être trop fatigué à l'époque. Ce qui était en soi vrai, puisqu'il avait attrapé la dragoncelle - mais avait survécu par miracle. - Il était le Lord régnant. Et ce garçon n'avait aucune chance qu'il lui cède quoi que ce soit. Il allait le détruire jusqu'à ce qu'il n'approche plus de sa petite sœur.
Il lui avait déjà affecté Burrows, avec de la chance, le serviteur orgueilleux lui ferait payer son avidité sans qu'il n'ait à lever le petit doigt. Burrows détestait servir les gens qu'il considérait inférieur à sa personne. Et ce garçon était un orphelin sans le sou. Ce serait parfait.
oOoOoOo
« Tu es en retard. » Informa John en tartinant son scone avec un peu de crème.
Evelyn sourit à son père, vêtue d'une longue robe de velours à manches longues, resserrée sous la poitrine, d'un bleu nuit brodé de petits flocons sur l'encolure. Elle était coiffée simplement, pour ne pas dire que le chignon pendait un peu sur la droite. Derrière elle une rouquine à l'air affable mais toute tremblante, s'avançait vers le mur où patientaient déjà monsieur Mouse et Hugues. Elle lissa d'ailleurs trois fois sa robe en rougissant.
« Laisse Charlotte tranquille, c'est son premier jour. » Répliqua la noiraude.
« Mademoiselle je suis… » Voulut s'excuser la petite rousse. Tom prit conscience qu'elle devait avoir à peine quinze ans.
« Ne vous en faites pas, Miss Pendrick, ce n'était qu'une plaisanterie, tout va bien. » La rassura chaudement le vieux lord.
Evelyn embrassa son père, vint faire de même avec son frère - qui le fusillait du regard depuis son arrivée, vingt minutes plus tôt - et vint s'asseoir entre lui et son père. Elle entreprit avec une gestuelle pleine d'habitude, de sortir sa serviette de son trousseau, et la déposa sur ses genoux. Profitant du geste à couvert, pour frôler sa propre cuisse, et le faisant rougir.
Il resta cependant de marbre, et se contenta de siroter sa tasse de thé. Il y eut quelques bruits de couverts, tandis que le valet de pieds, un grand homme chauve, se penchait sur son assiette pour la servir. Les gestes de ce dernier étaient plus maniérés que Malfoy père, et c'était peu dire.
« Tom, tu ne manges pas ? » Surprit d'être interpelé, Tom s'humecta les lèvres, cherchant à trouver une parade pour ne pas avoir à utiliser les trois sortes de couverts mis à sa disposition. Et dont il n'avait aucune idée de l'utilité. Quelle cuillère servait à la salade de fruits d'hiver ? Quelle fourchette pour les œufs brouillés, le bacon ? Il n'avait pas encore feuilleté le livre sur l'étiquette que la mère d'Evelyn lui avait fait parvenir tôt ce matin.
« J'ai déjà mangé. »
« Allons mon garçon, vous avez à peine touché aux scones ! Mangez ! Vous aurez besoin d'énergie pour visiter les jardins. » Traitre, le père était vraiment fourbe. « Moi à votre âge, j'engloutissait tout un bol de porridge aux fruits confits ! »
Et tandis qu'il écoutait d'une oreille distraite, les anecdotes sur la jeunesse de Monsieur le Lord passé, Evelyn le faisait servir en un peu de tout par l'homme en charge de la table, tout en lui montrant discrètement, quel ustensile utiliser pour manger. Il avait faim, certes, mais ça l'énervait tout de même de devoir dépendre d'elle. Une fois de plus.
« Merci, monsieur. » Fut sa réponse alors qu'on lui servait du thé à nouveau.
Les Blacks ne recevaient pas ce genre d'attention par les domestiques. Certes, il s'agissait d'elfes lépreux, mais d'aucun ne pouvait imaginer que la petite Evelyn Snow se faisait servir à tous les repas, et possédait une dame de compagnie pour l'habiller et la coiffer.
Et ce constat le fit frémir une seconde. Pourquoi, encore une fois, s'était-elle approchée de lui ? Un simple orphelin ? Certes, ses origines le menaient à Serpentard, mais il n'avait pas de nom, moins d'argent que le plus frêle de leur laquais, rien à apporter, si ce n'est sa puissance magique. Et Evelyn ne semblait pas vraiment portée sur l'idée de fonder une famille et avoir beaucoup d'enfants, même si elle avait clairement annoncé vouloir se servir de lui pour faire barrière aux autres nobles.
Ce n'était donc, pas pour du sang-neuf non plus. Sans compter qu'elle connaissait sa dangerosité. Même si elle lui servait gentiment un scone qu'elle avait elle-même tartiné, la noiraude savait qui il était. Il lui manquait des informations. Plus qu'à espérer qu'on lui laisse l'accès à la bibliothèque des lieux.
Parce qu'il devait bien y en avoir une, n'est-ce pas ?
