NDA 09/10/24 : Bonjour à tous! Oui, il est tôt, mais ça m'arrive de me lever avant le soleil. Ou de ne pas me coucher du tout, surtout. Voici le chapitre du jour, un poil plus court que d'habitude, mais j'espère qu'il vous plaira, car si nous sommes dans des moments de douceur, ça ne va pas durer, Niark niark niark!

En attendant, je vous souhaite une bonne lecture!


24

Vendredi 21 décembre 1944

Tom observait avec attention depuis la fenêtre de la bibliothèque du château, les nombreux serviteurs allant et venant avec des couronnes de houx, des branches de gui, et des bougies, le long des jardins et de la cour principale. N'ayant toujours que fêté Noël - ou rien du tout à l'époque de l'orphelinat - y compris chez les sorciers de sangs-purs, Tom était curieux.

Il avait remarqué que les foyers de ses camarades sorciers se battaient pour le nombre de bougies allumées, mais cela avait toujours été le 24 au soir. Yule était donc pour lui à la fois un mystère et une incompréhension. Frissonnant sous son manteau, il reporta son observation sur le grimoire posé devant lui à sa table de travail.

La bibliothèque du château Elvaston ressemblait assez à celle de Poudlard finalement. Bien que se composant d'une seule et immense pièce, les murs étaient recouverts de livres sur au moins trois étages, et de petits escaliers en colimaçon se trouvaient prés des portes battantes afin de rejoindre les diverses balustrades permettant l'accès aux ouvrages supérieurs. Heureusement, il avait une baguette et une échelle à portée de main, sinon, même ceux de son étage lui seraient inaccessibles.

Pour autant, l'endroit était divisé en trois sections bien distinctes. Du coté de la statue de l'ours - cette famille avait visiblement une obsession pour les animaux de la forêt - il s'agissait de tout ce qui touchait de prés ou de loin, le domaine du comte Harrington. Que ce soit les archives sur les anciens lords, en passant par le nombre de terrains possédés, leur métayer, et les rentes annuelles. Il y avait aussi énormément de recueil politique, et politico-magique.

Parce que non, les Snow ne séparaient pas la magie et le monde moldu. Comme si ces deux choses étaient complémentaires! Il avait envie de vomir, rien que d'y penser, et pourtant, il ne pouvait nier ce qu'il voyait depuis trois jours. Excepté Burrows, les moldus, les cracmols et les sorciers s'entendaient parfaitement bien et vivaient en harmonie. Les agriculteurs étaient venus se plaindre pas plus tard que la veille - il sortait juste du labyrinthe, après quatre heures de perdition forcée - de la présence de gnomes et autres créatures fouinant pour voler les pommes de terre.

L'ancien lord et son valet, M. Mouse s'était rendu sur place et avaient littéralement joué ensemble à chasser les créatures sous les yeux reconnaissant du fermier. Valet visiblement sorcier, d'ailleurs. Mais il était persuadé que la demoiselle de compagnie d'Evelyn était soit moldue, soit cracmol. En faisant quelques recherches dans la matinée - après s'être vu gentiment offrir l'entrée de la pièce par sa geôlière, repentante - il avait découvert que ces gens là avaient toujours travaillé pour le domaine depuis des générations, et que l'apparition de feu la grand-mère, Lady Eva Elisabeth Carrington, première sorcière de cette lignée en épousant Charles Stanhope, le comte Harrington, avait donné une nouvelle vision du monde aux gens sur place.

Tous les enfants suivants étaient nés sorciers, en conséquence de quoi les agriculteurs autour y avaient vu un signe de bon augure. Puisque les sorciers étaient à leurs yeux des miracles, repoussant les animaux sauvages pour les protéger, et gardant leur terre fertile quoi qu'il arrive. Tom était presque sûr que le code du secret était bafoué en long, en large et en travers, par cette cohabitation, mais il était contraint de reconnaitre qu'elle était harmonieuse. A son grand désarroi.

De fait, la partie centrale de la bibliothèque, englobant une immense cheminée en pierre et bois de frêne, taillé pour ressembler à une armée de cervidés, correspondait littéralement à la connaissance. Il y avait des ouvrages d'arithmancie, de mathématiques, de sciences, de potions… L'Histoire de la magie côtoyait l'Histoire moldue, des traités sur la compagnie des indes, les guerres Gobelines. Tout était mélangé.

Bien que rangé par ordre alphabétique. Evidemment!

Et à gauche de la cheminée - ou droite si on y faisait face - gouverné par une statue d'écureuil, se tenaient les étagères de loisirs. Poésie, romans, pamphlets et contes sorciers comme moldus. Il ne s'était pas intéressé à cette partie, bien qu'il ait vu sa geôlière y prendre un ouvrage de Victor Hugo. Il ne voyait aucun intérêt pour la poésie, ni pour les contes de fées, c'était ridicule. Les romans d'aventure ne le touchaient guère non plus, à moins qu'il s'agisse de biographie de sorciers célèbres contant leurs épopées dans des contrées magiques reculées. Ça restait un apprentissage utile pour diverses formes de magie inconnues.

Tom avait des projets en politique, et il espérait vraiment se faire une place dans la société sorcière, pour rétablir des droits convenables pour les sorciers de naissances. Il n'y aurait plus de nés-moldus, ces derniers seraient retirés de leurs géniteurs pour être placés chez des sorciers méritants, et ainsi, redorer la société sorcière qui se mourrait très clairement. Ils avaient besoin de sangs neufs, et les moldus étaient trop barbares pour accueillir de jeunes sorciers. Il le savait. IL LES CONNAISSAIT.

Oui, mais le château dans lequel il logeait depuis le début des vacances montrait le contraire… Foutue avait le don de foutre en l'air absolument tous ses projets.

Ceci dit, heureusement qu'il avait plusieurs plans d'avenir. Car s'il ne parvenait pas à se faire une place dans la politique dû à son nom moldu… Il l'avait d'ores et déjà changé auprès de ses fidèles. Il songeait à l'enseignement, la défense surtout. Poudlard était sa maison, quoi que les autres en pensent, et enseigner aux nouvelles générations, c'était s'assurer de les avoir dans la poche. Toute l'école l'adorait, à quelques exceptions prés, comme Potter et sa clique de sorciers blanc à la solde de Dumbledore.

Et si l'enseignement était impossible dès l'obtention de son diplôme, à cause d'un contrat à durée déterminé, comme il en existait beaucoup… Il pouvait tout aussi bien se tourner vers le domaine des briseurs de sorts. Il avait le talent et la puissance pour se faire, sans compter que cela lui permettrait de voyager dans des endroits inconnus gratuitement, et découvrir de nouveaux arcanes magiques. Oui. C'étaient de beaux projets d'avenir. Mais aucun ne prenait en compte la présence d'Evelyn Snow et leurs fiançailles. Et il n'avait aucune idée de quoi faire à ce sujet.

Il était piégé, ça il en avait plus que parfaitement conscience. Et les aveux de la veille avaient confirmé qu'il était seul et unique responsable de ce fait. Elle l'avait pris au mot. Et il n'avait aucunement l'envie ni le besoin de garder un boulet pareil au pied. Il ne voulait pas d'une femme, d'enfants… Bon, visiblement, elle non plus, ne semblait pas encline à devenir mère. Mais… Le fait est que s'encombrer d'une épouse pouvait gâcher TOUS ses plans. Surtout avec une épouse le faisant chanter pour qu'il soit aux petits soins sous peine d'être dénoncé à la confédération magique internationale.

Mais il devait reconnaître qu'elle était la première sorcière, toute personne confondue dans sa scolarité, à l'avoir soumis en retour. Avec une magie qui lui était inconnue, qui plus est. Un talent pareil, il n'aimait pas l'idée qu'il puisse être gâché par un mariage idiot et la marmaille qui l'accompagne.

Runes antiques et mésusages modernes ne l'aidait pas à comprendre le fonctionnement de la malédiction qu'elle lui avait jeté. Le grimoire était plus lourd et complet que beaucoup d'autres sur le même sujet, mais il paraissait seulement effleurer la surface du travail d'Evelyn. Il avait compris que pour que certaines malédictions runiques fonctionnent, l'intention était primordiale, mais ils ne disaient pas en quoi, ni quelles intentions. Tout comme ça ne donnait pas non plus les procédés pour maudire correctement sa victime.

Et pire que tout, aucune des runes dessinées sur les pages de ce grimoire, ne ressemblait à celles qui s'étaient trouvés sur les bras et le buste de la demoiselle.

Soupirant de frustration, Tom se pinça l'arête du nez, avant de fermer les yeux. Il était fatigué, vraiment très fatigué. La nuit blanche précédente avait entamé sa lourde dette de sommeil, et il ne se sentait pas en confiance, à l'idée que Burrows puisse aller et venir dans sa chambre. Même si Lord John lui avait précisé que la trace ne fonctionnait pas dans le manoir, et qu'il pouvait allègrement faire de la magie. À condition de ne pas se trouver devant les étudiants de Derby.

Ceux-là…

Bien qu'ils soient clairement tous savants dans leurs matières respectives, aucun n'avait su se tenir devant Evelyn, ni même sa mère, Lady Giselle. Ils bafouillaient, complimentaient et rougissaient honteusement. Serrant les poings au souvenir du petit-déjeuner, alors que les garçons s'étaient perdus dans les couloirs du château, les croisant par hasard, et qu'ils s'étaient presque battus pour baiser la main de sa geôlière, Tom émit un léger son de gorge digne d'un fauve.

C'était dégradant. Et il détestait cette situation. Était-elle si belle pour que tous se pâment devant elle? Pourquoi avait-il l'impression que TOUT était faux chaque fois qu'elle entrait dans une pièce? Il n'aimait pas Evelyn, non, c'était purement impossible. Mais il détestait que quiconque pose ses yeux sur elle. Snow valait mieux qu'eux tous réunis, moldus et sorciers dans le lot. Elle était puissante et déterminée. Oui, voilà pourquoi il ne supportait pas qu'on l'approche. Il avait du respect pour ses talents, c'est tout.

C'était bien plus facile de se mentir en lui-même, plutôt que d'admettre que la tirade du labyrinthe l'avait ébranlé jusque dans la moelle. Et qu'à chaque fois qu'il la faisait fuir, ou la voyait avec un autre, il ressentait un pincement.

Un pincement dans un endroit où il n'était supposé rien y avoir.

oOoOoOo

Un peu plus tard dans la journée, alors que Tom avait atteint les deux tiers du contenu du grimoire sur les runes antiques, la porte de la bibliothèque s'ouvrit. Il n'y fit pas attention, imaginant que c'était Burrows qui venait demander s'il avait besoin de son aide, comme l'homme avait fait à plusieurs reprises depuis son entrée dans la salle. Il attendit la tirade du nouveau valet, poursuivant sa lecture, même s'il avait renoncé à l'utiliser pour défaire la malédiction de Snow, le grimoire n'en était pas moins intéressant.

Il se trompait.

Quelque chose fut posé sur la table de travail qu'il utilisait, un plateau. Au-delà de l'apparence délicatement ouvragée de la plaque de métal, c'était le fumet alléchant qui s'en échappait, qui l'obligea à relever la tête. La moldue au service de Snow, et ladite Snow juste derrière, étaient responsables de cette apparition culinaire.

«Ça ira, Charlotte, Tu peux retourner aux cuisines pour une pause bien méritée.» Annonça Evelyn.

«Vous êtes sûres, mademoiselle?» demanda la rouquine, avec un regard plein d'espoir.

«Sûre et certaine, ne t'en fais pas. Je ne crains absolument rien, avec Tom.» L'adolescente rougit en leur jetant un coup d'œil, avant de s'échapper de la bibliothèque, presque en courant.

Tom soupira, plaça le ruban de soie rouge sur sa page de lecture, et referma l'énorme grimoire. Il n'allait pas cacher ses recherches à sa geôlière - c'était ridicule, elle savait très bien qu'il cherchait à se défaire de son sort - mais s'ils devaient goûter ensembles, il préférait mettre le livre à l'abri. Même s'il mangeait très proprement, un accident était si vite arrivé. Surtout avec cette fille dans les parages.

«Je me suis dit que tu aurais faim, tu as à peine grignoté, ce midi.» L'observait-elle vraiment tout le temps? La question ne se posait plus vraiment depuis son aveu. «C'est un goûter spécial Charlotte, depuis qu'elle a découvert le chocolat, elle en est devenue la maitresse incontestée, tu vas voir.» Et sans plus de cérémonie,Snow approcha le plateau, dévoilant deux tasses de porcelaines avec des soucoupes, une grande théière parfumée au Darjeeling, et deux assiettes de gâteaux qui ressemblaient à un fondant du chaudron, en plus haut. Il y avait d'ailleurs, un petit pot de crème, juste à côté des tasses.

Tom ne pouvait nier qu'il avait faim, et que le gâteau lui faisait cruellement envie. Mais savoir qu'Evelyn le surveillait au point de vérifier son assiette le dérangeait vraiment.

«Ecoute… Je suis désolée pour hier.» Il tiqua et releva la tête pour croiser les saphirs qui servaient d'iris à la sorcière. «Je n'aurais pas dû te laisser dans le labyrinthe, c'était idiot et dangereux.»

Tom ne put s'empêcher de noter qu'elle ne s'excusait pas pour la gifle. Mais au vu de sa propre gueulante, il ne pouvait pas le lui reprocher. À vrai dire. Même si les fiançailles imposées étaient en train de gâcher ses plans d'avenirs, il était responsable d'elle. Il avait gâché ses plans scolaires et sociaux, l'avait forcé à quitter l'école en laissant ses camarades de serpentard s'en prendre à elle, alors qu'elle avait toujours été à ses cotés dans l'ombre.

Evelyn n'avait pas retourné sa veste, comme tous l'avaient fait, en constatant qu'il était doué, intelligent ou séduisant. Elle l'avait aimé alors qu'il était misérable, à son entrée dans l'école. Et il s'en voulait de ne rien avoir vu. Ou plutôt, de ne pas y avoir prêté attention. Car il avait vérifié ses souvenirs, et elle disait vrai. Un regard jeté dans sa direction à chaque fois qu'ils se croisaient, quelques mots échangés avec d'autres élèves, et comme par hasard, ces mêmes élèves lui portaient les livres qu'il cherchait. Cette main qui se baissait instantanément lorsque la sienne se levait.

Tom aurait pu lui reprocher cette surveillance accrue. Elle le mettait carrément mal à l'aise. Mais il avait réalisé que c'était exactement le comportement qu'elle avait adopté avec Shafiq lors de son retour. Elle la poussait vers le haut. Parce qu'elle tenait à elle, et que c'était sa manière d'aimer les gens. Et ça le dérangeait autant que ça le touchait.

Parce que la malédiction posée sur lui n'était là que pour l'obliger à s'ouvrir et regarder la vérité en face. Il était quasiment certain désormais, que jamais elle ne se mettrait en place. Evelyn Snow en gardait un contrôle accru. Le sort qui le forçait à rêver d'elle et de choses innommables s'était arrêté dés qu'elle avait posé cette malédiction, elle ne l'avait donc utilisé que pour attirer son attention de force.

Ce que lui faisait depuis des années lorsqu'il voulait quelque chose, elle l'avait retourné à son encontre. Mais c'était uniquement de sa faute. Et il culpabilisait, un peu, de ne pas l'avoir vu auparavant.

«Je ne t'en veux pas…» Les saphirs croisèrent les obsidiennes, perplexes. «Non, c'est vrai, ne fait pas cette tête. Je me targue d'être observateur et de tout savoir sur Poudlard, j'ai ignoré le plus important pendant des années. Je n'ai jamais fait attention à tout ce que tu faisais pour moi à l'époque, et je me suis même demandé pourquoi les gens mettaient soudainement autant de temps à m'apporter ce que je voulais, lorsque tu es parti. Je pensais que c'était la période, à cause de la guerre de Grindelwald en Europe. J'étais aveugle. Et c'est moi qui suis désolé… Evelyn.» ça lui arrachait la gorge de présenter de telles excuses, mais il savait que c'était à lui de le faire.

La lueur brumeuse qui passa dans le regard de la Poufsouffle le perturba une seconde. Qu'elle se rapproche finalement de lui et pose sa main sur le dossier de son fauteuil le fit froncer les sourcils. Mais ce fut le baiser à la commissure droite de ses lèvres qui l'acheva.

Pourquoi, par Merlin, Salazar et Morgane, avait-il tourné la tête comme un abruti?

Et pourquoi est-ce qu'il avait envie qu'elle recommence?