Bonjour, bonsoir !
Voici enfin le chapitre 5, un de mes préférés ! Je vous jure, j'ai réécrit un des passages plus d'une dizaine de fois, mais je voulais vraiment qu'il soit parfait, et que la progression soit naturelle ! Enfin bref je vais pas en dire trop non plus ! Juste, je tiens à prévenir que ce chapitre a des passages assez "triggering"...
Réponse à Elendil :
À vrai dire, presque tous les militaires savent ce qu'il se passe dans ces maisons de réconfort, c'est principalement eux qui les font marcher… Après il y en a beaucoup qui sont d'accord avec ça, ou indifférents, et malheureusement pas beaucoup qui sont vraiment contre. La plupart des sinayens pensent que les maraniens leur sont inférieurs de toute façon, alors oméga + maraniens ? Doublement inférieurs. La seule raison pour laquelle Livai n'était pas vraiment au courant c'est parce qu'il vient de débarquer et dans sa tête c'était juste des bordels militaires classiques, mais peut-être avec plus d'omégas qui le font par nécessité à cause de l'occupation. On va en savoir plus sur Farhad dans ce chapitre, je te laisse découvrir ! Voici la suite ! (Et encore un grand merci pour ta review !)
Chapitre 5 : Les traits sur la porte
"Attendez ici."
Livai et Hanji regardèrent la porte se refermer devant eux d'un air contrarié. On les avait prévenu que les brigades pouvaient se montrer… difficiles, et ils ne pouvaient que constater que c'était vrai. Ça faisait vingt minutes qu'ils poireautaient dehors sans qu'on les laisse rentrer et Livai commençait vraiment à en avoir marre. Il allait frapper à nouveau à la porte -avec un peu moins de délicatesse cette fois- quand le soldat qui les avait accueilli refit son apparition.
"Le Commandant Niles n'est pas là, mais vous pouvez le trouver au Parfum d'Orient si ça vous chante," marmonna-t-il avant de claquer la porte.
"Va te faire foutre également." répondit Livai avant d'interpeller un bêta qui passait dans la rue pour lui demander où se trouvait ce putain de Parfum d'Orient.
L'homme les regarda de travers et répondit qu'il n'en savait rien avant de détaler rapidement. Est-ce qu'il avait même compris la question, Livai n'était pas sûr de vouloir le savoir.
"Ça commence sérieusement à me gonfler là," marmonna-t-il en s'éloignant, Hanji sur ses talons.
"T'es sûr de vouloir y aller ?"
"On les avait prévenu de notre visite et ils sont pas foutus capables de nous accueillir convenablement," grogna-t-il en déambulant au hasard dans les rues.
Ils finirent par arrêter une alpha pour demander à nouveau leur chemin.
"Ouais c'est juste à côté," répondit la femme en sinayen en désignant un établissement au bout de la rue.
Ils la remercièrent rapidement et se dirigèrent vers le bâtiment. Les volets étaient clos, ne laissant aucun rayon du soleil pénétrer à l'intérieur et ils n'entendaient aucun bruit venant de l'intérieur.
"T'es sûre que c'est là ?" demanda Livai d'un air dubitatif et Hanji rigola.
"Évidemment que c'est là, c'est marqué en énorme."
En effet, un gigantesque panneau de bois surplombait la porte d'entrée, de grandes lettres maraniennes peintes d'une couleur douteuse donnaient le nom de l'établissement. Enfin sûrement.
Livai haussa un sourcil en direction d'Hanji et le regard de celle-ci s'éclaira.
"Hooo, c'est vrai que tu sais pas lire le maranien. D'ailleurs t'en es où dans ton apprentissage ?"
"Je comprends les bases. Parler, c'est plus compliqué."
C'était une des premières choses qu'il avait tenu à apprendre. En venant ici, il ne connaissait pas le moindre mot de maranien, mais Eld lui avait prêté des livres et Gunther avait déjà passé de nombreuses heures à lui apprendre les bases. Il s'était rapidement rendu compte que les deux langages étaient bien plus proches qu'il ne le croyait, et qu'il connaissait en fait pas mal de mots. Ça rendait l'apprentissage bien plus facile. Enfin, il avait encore pas mal de progrès à faire.
Livai poussa la porte du "Parfum d'Orient" sans plus hésiter et Hanji le suivit. L'air était lourd à l'intérieur, saturé d'encens, l'ambiance feutrée. Des tentures recouvraient les murs et fenêtres, seules des lampes à huile éclairaient la pièce de leur lueur chaude. Livai sut immédiatement qu'il détestait cet endroit.
"Je peux vous aider ?" demanda un homme derrière un comptoir en sinayen.
"Ouais. Dis à Niles de ramener son cul," répondit Livai sans prêter attention au ricanement amusé d'Hanji derrière lui. Plus vite il serait sorti de cet endroit, mieux ce serait.
"Et vous êtes ?"
"Caporal Livai et Capitaine Hanji Zoe. On a rendez-vous avec lui."
"Je vais le prévenir," répondit l'homme en s'inclinant rapidement avant de disparaître derrière une lourde tenture.
"Il a intérêt à vite se ramener."
Hanji haussa les épaules.
"Si on l'interrompt en plein milieu de ses "petites affaires", on peut encore l'attendre un petit moment si tu veux mon avis," marmonna-t-elle avant d'aller bavarder avec un standardiste qui avait l'air extrêmement mal à l'aise.
"Tch."
Il faudrait qu'on lui explique pourquoi il devait attendre un Commandant avec qui il avait rendez-vous dans un bordel. On était en plein milieu de la journée ! Livai alla s'adosser contre un mur et croisa les bras. Il espérait vraiment que l'attente vaudrait le coup, parce que pour l'instant, Niles était son seul espoir d'avoir quelque chose sur Traoma. Il parcourut la pièce du regard pour passer le temps, mais il n'y avait pas grand chose à voir. Il était en train de se faire la remarque que la tapisserie devant lui n'aurait pas pu être plus moche quand il entendit des chuchotements derrière le rideau à sa gauche. Il tendit l'oreille et parvint à discerner des mots maraniens murmurés qui se rapprochaient.
"...la pauvre a eu la marque de la Sina. Je ne sais pas ce qu'elle fait là."
"Des fois c'est mieux de ne pas résister. Elle est vraiment très belle, ce n'est pas impossible qu'il l'ait pardonnée," marmonna une deuxième voix et Livai, intrigué, vérifia que personne ne lui prêtait attention avant de passer derrière le rideau.
Deux femmes aux épaules découvertes et parées de bijoux s'éloignaient dans le couloir et Livai les rattrapa en quelques pas.
"Excusez-moi," dit-il en sinayen et elles se retournèrent d'un air surpris.
"Un client ?" demanda l'une d'elle en posant une main délicate sur son épaule et Livai discerna son odeur parmi l'air chargé de parfums. Une oméga.
Livai enleva sa main avec douceur et secoua la tête.
"Je veux juste savoir de quoi vous parliez."
"Oh," souffla-t-elle en jetant un coup d'œil hésitant à sa compagne. "C'est juste… il y a une nouvelle arrivante ici, et il se trouve qu'elle est marquée."
"Marquée ?"
L'oméga baissa les yeux.
"Quand un oméga est un peu… rebelle disons, on le marque au fer rouge de l'emblème de la Sina. Mais en général, ces omégas restent toujours dans des bordels de bas étage, c'est la première fois qu'on en voit un ici."
Livai serra les poings mais il n'eut pas le temps d'en demander davantage car l'employé du bordel apparut au bout du couloir, suivi de près par Niles.
"...pas mal du tout, je reviendrais sûrement la voir," finit-il en remettant sa chemise dans son pantalon. Les deux omégas s'inclinèrent sur son passage et Livai grimaça. "Ah tiens Livai, Matt m'a dit que tu me cherchais."
Livai inclina sèchement la tête, parce qu'il était quand même censé montrer un minimum de respect pour son supérieur, qu'il le ressente ou non.
"Il me semblait qu'on vous avait prévenu de notre visite concernant Traoma."
"Ah oui, Traoma c'est ça… Pas ici peut-être," répondit Niles et pour une fois, Livai était de son avis.
Il sortirent de l'établissement, Livai attrapant Hanji au passage et remontèrent vers les quartiers des brigades spéciales.
"J'aimerais bien savoir à quoi joue Erwin ?" marmonna Niles, "vous étiez pas censés être sur la faucheuse ?"
Ni Livai ni Hanji ne répondit, à la grande irritation du Commandant. Premièrement, il n'avait aucune foutu idée de ce qui se passait vraiment dans la tête d'Erwin, et même s'il le savait, il ne jugerait pas indispensable d'en informer Niles.
"On a quasiment rien à vous donner," les prévint-il, "Traoma n'est pas exactement une priorité ici."
Et c'était exactement pour ça qu'Erwin leur avait demandé de prendre le relais.
Ils arrivèrent aux quartiers et Niles les fit entrer avant de les conduire à une salle d'archives.
"Eh Hitch ! Donne à ces deux là tout ce qu'on a sur Traoma !"
La femme leva le nez du journal dans lequel elle était absorbé et haussa un sourcil.
"Ça va pas être énorme," répondit-elle en se levant.
"Ils feront avec," répondit Niles en commençant déjà à partir. Il avait fait quelques pas quand il sembla se raviser et fit demi-tour. "Une dernière chose : dites à Erwin de faire attention à ce qu'il fait. Pour cette fois ça passe, mais on aime pas trop qu'on interfère dans nos affaires, ici," les mit-il en garde avant de s'éloigner.
Livai et Hanji le regardèrent partir, pas impressionnés.
o O o
"Quel trou du cul," marmonna Eren en regardant un client sortir du Fi Malja avec une dernière insulte.
Ce genre de connard était malheureusement plus fréquent que ce qu'on pourrait penser. Il ramassa les débris de la tasse de thé que le client avait jeté par terre avec un soupir et grimaça quand il se coupa sur un éclat. C'était son jour tiens.
"Doucement," murmura un homme à son oreille et Eren leva la tête pour croiser le regard de Farhad. "Laisse-moi t'aider. "
Eren sourit fébrilement mais secoua la tête.
"Je peux m'en occuper, j'ai presque fini," répondit-il mais Farhad lui attrapa fermement le poignet.
"J'insiste," dit-il et Eren dégagea son bras et se releva. Il ne le retiendrait pas s'il y tenait à ce point mais ce serait sans lui. Il avait eu sa dose d'interactions sociales pour aujourd'hui. Il alla jeter les débris de faïence à la poubelle derrière le comptoir et Elena jeta un coup d'œil à ses mains ensanglantées. Il ne s'était pas coupé très fort mais le sang s'était vite étalé, donnant l'impression qu'il venait de tuer quelqu'un (ce qui, pour une fois, n'était pas vrai). Il se lava rapidement les mains et alla tendre la poubelle à Farhad avant de le remercier faiblement. Il en avait marre : il faisait le service depuis l'ouverture du Fi Malja, et si ce n'était pas ce connard de client qui lui avait lancé sa tasse à la gueule, c'est lui qui l'aurait fait.
"Je prends la relève," l'informa Elena en finissant d'attacher son tablier noir et Eren sentit la reconnaissance le parcourir.
"Bon courage," lança-t-il et elle lui répondit par un ok de la main, ponctué d'un clin d'œil.
Heureusement qu'il y avait des gens qui géraient dans cette maison.
Eren franchit le rideau et passa une main sur sa nuque raide. Il avait promis à Soraya une nouvelle leçon de magie aujourd'hui, mais il devait encore envoyer une lettre à Erwin et donner son bain à Aslan. Il défit son tablier et commença à le plier quand les perles en bois cliquetèrent derrière lui. Eren se retourna pour savoir ce qu'il avait oublié, mais ce n'était pas Marco, ni Elena qui se tenait dans le couloir faiblement éclairé.
Farhad vint jusqu'à lui avec un sourire sur les lèvres et Eren haussa un sourcil, le suivant des yeux jusqu'à ce qu'il ne s'arrête à moins d'un mètre de lui. Il le dépassait d'une demi-tête, le forçant à légèrement lever les yeux.
"Tu as fini ton service ?"
"Yep," répondit Eren en faisant un discret pas de recul. Farhad était juste un peu trop proche à son goût pour qu'il soit totalement à l'aise. "J'ai plus que fait ma part pour aujourd'hui, Annie m'en doit une."
"Elle pourrait peut-être te pardonner pour son plafond carbonisé ?" suggéra Farhad et Eren laissa échapper un petit rire amusé.
"Premièrement, il n'y a plus la moindre trace sur son plafond, j'ai tout réparé, et deuxièmement…"
Deuxièmement, il était techniquement encore le propriétaire de cet établissement, il pouvait le cramer s'il voulait. Mais ça, c'était censé rester secret, du moins pour les étrangers.
"Deuxièmement… ?"
"Deuxièmement, elle a sûrement déjà oublié cette histoire," répondit Eren en haussant les épaules.
Farhad leva un sourcil dubitatif, et quiconque ayant déjà rencontré Annie plus d'une fois serait sans doute aussi peu convaincu.
"Par contre cet espace est strictement réservé au personnel," expliqua Eren, "tu devrais retourner dans le salon de thé."
Le sourire de Farhad fléchit pendant une demi-seconde.
"Je voulais te parler."
"Euh...c'est urgent ? J'ai beaucoup de choses à faire ce soir, mais on pourra parler demain ? Je prends le service en début de soirée."
Farhad fit un nouveau pas en avant et Eren résista l'envie de l'écarter d'un coup de coude dans les côtes.
"Oui c'est urgent… et privé," murmura-t-il à son oreille et Eren fronça les sourcils, sentant son cœur s'accélérer légèrement.
Il écarta son visage pour le regarder dans les yeux d'un air suspicieux et jeta un coup d'œil nerveux en direction du rideau les séparant du salon de thé. Il ne savait pas de quoi Farhad voulait lui parler mais ils étaient un peu trop proches d'éventuelles oreilles indiscrètes à son goût. Mieux valait jouer la sécurité.
Eren ouvrit la porte de la cuisine et s'y engouffra après avoir vérifié que personne ne s'y trouvait, suivi de près par Farhad. Il jeta son tablier sur une chaise pendant que Farhad fermait la porte et croisa les bras.
"Dis-moi," demanda-t-il en feignant d'être détendu.
Farhad sourit et s'approcha, s'arrêtant à une dizaine de centimètres et Eren se força à ne pas bouger.
" J'ai vu comment tu me regardais," murmura l'alpha en jouant avec une mèche d'Eren du bout des doigts.
Celui-ci laissa échapper un rire gêné et écarta délicatement sa main de ses cheveux.
Il s'en doutait. Malgré les blagues d'Ymir, il avait bien vu qu'il lui avait tapé dans l'œil.
Il allait lui répondre qu'il n'était pas intéressé quand Farhad parla à nouveau.
"Les autres savent que tu es un oméga ?"
Eren se figea immédiatement. "Quoi ?" Ne put-il s'empêcher de balbutier.
Comment savait-il ?
Il renifla légèrement mais ses suppressants avaient l'air de toujours fonctionner correctement. Farhad laissa échapper un petit rire et fit un nouveau pas en avant, et cette fois Eren recula jusqu'à ce qu'il ne sente le bord dur de la table lui rentrer dans le bas du dos. Il n'aimait pas ça du tout.
"Ce ne sont pas tes phéromones qui t'ont trahi," dit-il en posant ses mains sur ses hanches et Eren se crispa, lui agrippant automatiquement les poignets.
Ho ho, il allait se calmer tout de suite celui-là.
Eren tenta de lui envoyer un coup de genou mais Farhad s'écarta à temps avec un rire.
"Du calme petit oméga," s'exclama-t-il avec un air malicieux mais Eren ne riait pas. Il ne parvenait pas à croire qu'il avait laissé ce sale type s'infiltrer dans le Fi Malja. "Toujours aussi fougueux."
Il allait lui faire comprendre ce qu'il pensait de ses manières quand l'alpha sortit une insigne pourpre de sa veste.
"Je te conseille de bien réfléchir à ce que tu vas faire, Eren. Tu ne veux pas qu'il arrive malheur aux gens d'ici n'est-ce pas ?" menaça-t-il et Eren se sentit pâlir. Cette insigne, c'était celle d'un gradé de l'armée sinayenne.
Son premier réflexe fut de porter la main à l'arrière de sa ceinture pour en sortir un talisman mais il se figea en plein geste. S'il faisait ça, il devrait tuer Farhad. Et il était prêt à le faire, s'ils n'étaient pas dans la cuisine du Fi Malja, et que des dizaines de personnes n'avaient pas vu Farhad s'y diriger. De plus, il doutait de pouvoir le tuer si facilement. Il n'avait pas son épée, et la magie noire était hors de question. Il ne connaissait pas le niveau de Farhad mais s'il était gradé, il devait savoir un minimum se battre et maîtriser la magie. Si Eren l'attaquait maintenant, il ne parviendrait pas à le faire discrètement, et ils attireraient forcément l'attention. Il ne pouvait absolument pas se défendre, réalisa-t-il en passant lentement de l'autre côté de la table. Et ça, Farhad le savait très bien.
"Qu'est-ce que tu veux ?" demanda-t-il finalement en essayant de ne pas laisser son inquiétude paraître, mais Farhad se contentait de l'observer avec curiosité.
"Je me demandais si tu m'avais reconnu," dit-il avec un air pensif avant de hausser les épaules quand Eren ne réagit pas. Même s'il savait qu'il l'avait déjà vu quelque part, retrouver où n'avait pas paru si important jusqu'à maintenant.
Farhad contourna la table et Eren recula automatiquement, ses yeux se posant une fraction de seconde sur la porte. Un nouveau pas en arrière le mit dos au mur et sa gorge se serra.
"Arrête de fuir Eren, je veux juste passer un peu de bon temps avec toi," dit-il en essayant de poser une main sur sa taille mais Eren lui attrapa le bras par réflexe. Non. Il s'était juré que plus personne ne le toucherait comme ça.
Farhad le regarda d'un air amusé, le mettant au défi de continuer à l'arrêter.
"Pense à Aslan," murmura-t-il et Eren sentit son coeur accélérer encore un peu plus. Il détourna rapidement les yeux mais il savait que Farhad avait pu y lire la panique qui s'emparait de lui.
Son regard passa de la tasse que Darya aimait tant, au bracelet de Soraya oublié sur le buffet, à la porte sur laquelle tout le monde avait tracé son trait de taille, même Mikasa qui n'avait pas grandi depuis qu'ils étaient arrivés ici. Il n'avait pas le choix. S'il ne laissait pas Farhad faire ce qui lui plaisait, il n'avait aucun doute qu'il utiliserait sa position pour tous leur faire du mal.
Il se força à desserrer ses doigts autour du poignet de Farhad, les yeux toujours fixés sur la dernière entaille faite par Aslan. Pitié, faites que ce soit rapide et que personne ne vienne.
Il sentit plus que ne vit le sourire satisfait de cet enfoiré et il dut se retenir de le faire disparaître d'un coup de talisman.
"Tu apprends vite…" murmura-t-il en passant sa main sous sa chemise et Eren eut envie de crier, de le repousser, d'appeler à l'aide. De faire quelque chose. À la place il ferma les yeux et serra les dents.
Pense à la mer, à la forêt sous la pluie.
Il n'entendait plus que son cœur dans ses oreilles, ne sentait plus que le mur dans son dos, la main de Farhad sur lui.
Eren laissa son esprit le mener vers un endroit plus sûr, loin de l'odeur familière d'alpha excité, comme il avait déjà fait maintes et maintes fois. La cuisine du Fi Malja n'était plus qu'un vague brouillard, laissant place à la forêt à côté de chez lui, à l'odeur de la terre humide.
"Ne t'inquiète pas, je ne vais pas te faire de mal, tu vas apprécier."
Tout était sombre et sale dans cette pièce. L'air était rance mais l'odeur des phéromones alphas écrasait tout le reste. Un soldat lui agrippa les cheveux et lui donna un coup de poing en plein visage, lui fendant la lèvre. Non. Un autre adossé contre un mur regarda son ami le pousser sans ménagement sur un vieux matelas en riant. Il ne voulait pas que ça recommence.
"C'est à mon tour maintenant," annonça Farhad en se décollant du mur. "Ne t'inquiètes pas, je ne vais pas te faire de mal, tu vas apprécier."
Eren revint à la réalité quand un hurlement déchira le silence de la cuisine. Il mit quelques secondes à se rappeler où il était et ce qu'il se passait. Farhad avait brusquement reculé et se tenait le visage dans les mains, plié en deux, hurlant de douleur. Eren le regarda quelques secondes d'un air perplexe, et l'homme se redressa, lui permettant de voir les plaques rouges qui se formaient sur son visage. Il baissa les yeux sur ses mains d'un air incrédule. Un nuage de vapeur s'échappait encore de sa main droite, et il pouvait sentir la chaleur dans sa paume. C'était lui qui avait fait ça ?
Eren releva les yeux et croisa le regard meurtrier du soldat, dont la douleur inscrite sur son visage s'était légèrement estompée, remplacée par la rage.
Il venait de signer son arrêt de mort.
"Espèce de petit con…"
Il devait fuir. Maintenant.
o
À l'intérieur du Fi Malja, les conversations allaient bon train, jusqu'à ce qu'un hurlement ne retentisse dans tout l'établissement. Les discussions moururent d'un seul coup, et les regards se portèrent vers le rideau de perles, d'où était parvenu le cri. Quelques secondes passèrent dans un lourd silence, avant qu'Eren n'en jaillisse en courant, manquant de renverser la table la plus proche sur son passage. Il se rua sur la porte de sortie sous le regard abasourdi des clients, bousculant au passage quelques personnes, alors qu'une voix furieuse retentissait du couloir.
"REVIENS ICI P'TITE PUTE !"
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Eren courait sans réfléchir. Peu importait où il allait, peu importait si les gens le regardaient bizarrement alors qu'il courait comme un fou dans la rue, son seul but était de s'éloigner le plus possible de cet homme.
Il croisa une patrouille sinayenne qui le regarda passer avec des regards incrédules et ne s'arrêta de courir qu'après le temple, lorsque son point de côté devint insoutenable. Il se força à respirer, mais son souffle était saccadé, son cœur battait trop vite. Et ce n'était pas qu'à cause de sa course. La panique lui embrumait l'esprit mais une chose était certaine : il devait continuer, il n'était pas encore assez loin.
"Ne crois pas que tu vas pouvoir t'en tirer aussi facilement," menaça une voix essoufflée derrière.
Eren fit volte-face, réalisant avec horreur que Farhad l'avait déjà rattrapé. Les traits assombris par la colère et la douleur, il s'approchait d'un air menaçant. Eren savait où est-ce qu'il l'avait déjà vu maintenant.
Je suis foutu.
Eren sortit un talisman barrière de sa ceinture mais celui-ci commença à lui brûler dans les mains avant qu'il ne puisse s'en servir.
Calme-toi Eren. Calme-toi putain ! C'est pas le moment !
Il savait qu'il paniquait, et il savait aussi qu'il ne pouvait pas utiliser de magie sans un certain niveau de concentration et de sang froid. S'il ne parvenait pas à se calmer, les choses allaient devenir très moches très rapidement. Son cœur battait toujours douloureusement fort et Eren avait l'impression qu'un étau lui enserrait la poitrine. Plus il essayait de réguler sa respiration, plus il paniquait en voyant qu'il n'y arrivait pas.
Oublie la peur Eren, tu peux le faire.
Il sortit son crayon khôl de sa poche intérieure et commença à tracer un talisman bouclier de ses mains tremblantes sur son avant-bras. Dans ces cas-là, mieux valait se rabattre sur de la magie moins puissante mais plus facile à exécuter. Il devait absolument se protéger.
Farhad ne le laissa pas faire cependant. Il s'était dangereusement rapproché sans même qu'il ne s'en rende compte, trop occupé à essayer de ne pas se laisser submerger par la panique. Le soldat se jeta sur lui avant qu'il n'ait le temps de finir son talisman et il eut à peine la présence d'esprit d'esquiver. Le crayon lui échappa des doigts et dévala la légère pente, jusqu'à ce qu'il ne soit hors de portée.
Et merde merde merde.
Fahrad laissa échapper un petit rire moqueur, comme s'il trouvait ses pathétiques essais de faire de la magie hilarants. Eren lui aurait bien foutu son poing dans la gueule s'il n'était pas totalement paralysé par la peur.
"Qu'est-ce qu'il t'arrive Eren ?" siffla Farhad d'un air menaçant, et celui-ci recula rapidement, "J'étais prêt à ne pas te faire de mal, mais tu as franchi la ligne…" dit-il et il avait vraiment réussi à le mettre en colère.
Des cloques s'étaient formées sur son visage, et elles étaient douloureuses -s'il se fiait aux grimaces fréquentes qu'il arborait. Farhad garderait sans doute des marques à vie.
Eren inspira profondément et commença à faire jouer des vaguelettes d'eau sur sa paume gauche. Ça, c'était Historia qui lui avait appris. Ça ne servait à rien, mais ça le calmait.
Il pouvait utiliser sa magie. Tout allait bien. Il n'était pas là-bas.
"Tu comptes faire quoi, me jeter de l'eau au visage ?"
Eren ne rétorqua rien mais arrêta de reculer. Il n'était pas là-bas. Il était fort. Il pouvait le semer.
Quand Farhad se jeta sur lui, Eren se pencha d'un mouvement fluide et lui balaya les deux jambes le faisant tomber dans la poussière avec un juron. Eren n'attendit pas qu'il se relève pour se remettre à courir.
S'il le rattrapait il était mort. Même s'il le suppliait à genoux, il se ferait juste tuer. Farhad savait se servir de la magie alors que lui n'était même pas en mesure de réaliser un sort simple. Cette fois, il ne pourrait pas gagner. Pas dans cet état. Il n'avait plus qu'une option : courir et prier pour que Farhad ne le rattrape jamais.
Eren se força à respirer. Ses poumons le brûlaient et il était lent, beaucoup trop lent. Il avait l'impression d'être vidé de toute énergie spirituelle bien qu'il n'ait rien fait. Et Farhad était déjà derrière lui.
S'il parvenait à arriver jusqu'au tournant à gauche un peu plus loin devant lui, il avait peut-être une chance de le perdre. Les ruelles formaient un petit labyrinthe par là, et il les connaissait comme sa poche. Il tourna à l'angle de la rue sans ralentir et sentit son cœur s'arrêter. Devant lui, à une dizaine de mètres, se trouvait un soldat sinayen. Et pas n'importe lequel.
Livai paraissait aussi surpris que lui mais son expression se tendit immédiatement et il posa sa main sur la garde de son épée.
Cette fois c'était fini, pensa Eren et ses pas se firent hésitants.
Cela suffit à Farhad pour le rattraper. Il lui saisit l'arrière de la tête et lui fracassa le front contre le mur sous le regard perplexe de Livai.
Eren poussa un gémissement et sa vision devint noire en même temps que ses jambes cédèrent sous son poids. Il sentit son front éclater de douleur mais il ne perdit pas conscience, gardant l'esprit suffisamment clair pour savoir qu'il allait mourir. Il sentit Farhad le traîner sur quelques mètres avant de l'envoyer par terre.
"Tu peux me dire ce que tu fous ?" demanda Livai alors qu'Eren rouvrait péniblement les yeux, ayant l'impression que sa tête allait exploser.
Je me fais défoncer, ça se voit pas ? pensa-t-il avant de réaliser que Livai ne s'adressait pas à lui. Le soldat avait les yeux rivés sur Farhad et l'air encore plus de mauvaise humeur que d'habitude. Il avait l'impression. C'était toujours difficile de savoir avec Livai.
Comme s'il avait entendu ses pensées, son regard glissa vers lui et Eren le vit examiner la situation. Il devait offrir un bien piètre spectacle : les mains tremblantes, le front en sang, la chemise légèrement défaite sur le devant. Il était loin du chef d'Heidan capable de leur en mettre plein la vue avec son petit sourire arrogant. Il n'abordait désormais qu'une grimace de douleur.
"Je suis de l'armée," déclara Farhad en lui montrant son insigne, "Et vous êtes ?" demanda-t-il avec méfiance.
Livai portait son uniforme, mais rien n'indiquait son grade.
"Caporal Livai."
Une lueur de reconnaissance passa dans le regard de Farhad et il acquiesça.
"Sauf votre respect, Caporal, c'est une affaire entre lui et moi," rétorqua-t-il en se désignant Eren.
Celui-ci essaya de s'éloigner tant bien que mal mais réussit à peine à se déplacer de quelques centimètres. Il avait encore trop la tête qui tournait pour espérer pouvoir se relever plus d'une seconde. Farhad sembla remarquer ses pathétiques tentatives de mouvement et l'attrapa par les cheveux, et Eren étouffa un nouveau gémissement.
"Malheureusement," dit Livai, et il n'avait pas l'air très malheureux, "j'aimerais bien le récupérer".
Farhad fronça les sourcils et serra un peu plus le poing, faisant grimacer Eren. Il ne savait pas s'il préférait se faire tuer par Farhad ou torturer par Livai pour obtenir des informations sur Heidan.
"C'est lui qui m'a fait ça," répliqua Farhad en montrant sa joue brûlée, "il mérite d'être puni. Et j'ai une bonne idée de la manière dont je vais m'y prendre…" dit-il en jetant un regard noir à Eren qui le lui rendit. "Tu joues toujours au dur ? On va bien voir si tu parviens à garder ta façade quand je t'aurais coupé les or…"
Farhad ne finit pas sa phrase, coupé par Eren qui utilisait toutes ses forces pour plaquer un talisman éclair sur sa jambe. Le soldat le lâcha avec un cri de surprise lorsqu'une décharge parcourut son corps.
Eren n'eut pas besoin de regarder Farhad pour savoir qu'il avait raté son coup. La décharge aurait dû être suffisamment puissante pour le paralyser mais il n'avait réussi qu'à injecter un dixième d'énergie nécessaire. Ça n'avait servi qu'à l'énerver davantage.
"Je commence à en avoir vraiment marre de tes petits tours…" gronda Farhad et Eren le sentit s'approcher, mais quand il leva les yeux, il ne vit que l'arrière de deux bottes plantées devant lui.
"Ça suffit."
Eren ne put masquer sa surprise quand il releva la tête, et qu'il vit que c'était bien Livai qui s'était interposé. Il se tenait entre Farhad et lui, les bras croisés et le regard méprisant. Mais ce regard n'était pas dirigé contre lui.
Est-ce que… est-ce qu'il me défend ?
Farhad aussi sembla surpris, mais l'agacement prit rapidement le dessus.
"Il est à moi, alors je vous conseille de vous mêler de vos affaires."
Livai haussa un sourcil, pas l'air très impressionné.
"Je crois pas que tu sois en position de continuer tes conneries, à moins que tu aies déjà oublié comment tu t'es retrouvé là ?" répondit-il froidement avant de baisser les yeux sur Eren qui le regardait toujours avec un air stupéfait. "Dégage gamin."
Hein ?
Eren crut qu'il avait mal entendu. Ou peut-être qu'il avait mal traduit. Livai le laissait partir…?
"Bouge-toi, avant que je change d'avis," ajouta-t-il avant de reporter son attention sur Farhad et Eren cligna des yeux avant de comprendre que oui, il pouvait et devait s'enfuir.
"Pourquoi ?" grimaça-t-il et Farhad avait l'air de se poser la même question.
"Ce que je fais de mon temps libre, c'est mes affaires alors vous feriez mieux de vous occuper des vôtres. On est pas pas à Sina ici," rétorqua Farhad mais Livai l'ignora royalement.
"Si tu veux pas de mon aide, je me casse," annonça-t-il et Eren secoua vivement la tête avant de vite se rappeler pourquoi ce n'était pas une bonne idée quand il se mit à voir des étoiles.
Bon. Il se poserait des questions plus tard.
Il se traîna jusqu'au mur le plus proche avant de se relever en s'appuyant dessus, vacillant quand sa vue se brouilla. Il avait à peine fait un pas qu'il dut s'arrêter pour s'appuyer à nouveau. Son coup à la tête était peut-être un peu plus sérieux qu'il ne l'avait initialement cru.
Farhad tenta de contourner Livai mais celui-ci lui barra le chemin d'un pas sur le côté, et cette fois il dégaina son épée.
"Mais c'est quoi votre problème ?" gronda Farhad en faisant un pas en arrière, "vous voulez que je vous reporte pour obstruction à la justice ?"
Livai lui lança un sale regard.
"J'aimerais bien te voir essayer…"
Eren réussit au prix d'un effort surhumain à concentrer son énergie dans ses jambes et elles arrêtèrent de trembler. La panique avait commencé à s'effacer et il sentait qu'il regagnait lentement le contrôle sur son énergie. Il fit un pas, puis un autre un peu plus ferme, toujours en surveillant Farhad du coin de l'œil. Celui-ci semblait hésitant à l'idée de confronter Livai, et Eren réussit à se mettre à courir lentement sans que sa tête ne tourne trop.
Il arrivait au coin de la rue quand il entendit Farhad dégainer son épée, et il jeta un coup d'œil inquiet par-dessus son épaule. Les deux soldats se jaugeaient du regard, se mettant au défi d'attaquer en premier. Il n'avait jamais vu Farhad se battre, mais il était quasiment certain que Livai allait l'éclater s'ils essayaient vraiment de s'affronter. Et même si ce n'était pas le cas, ce n'était pas censé le déranger si Livai se faisait tuer. Tant qu'il retenait Farhad suffisamment longtemps.
Il jeta un dernier regard en arrière avant de disparaître au coin de la rue.
À suivre…
Et voilà pour le chapitre 5 ! Un chapitre fort en action ! J'espère vraiment qu'il vous aura plu ! N'hésitez pas à laisser une review (ou un fav ou un follow) si cette fic vous plait, ça me fait toujours énormément plaisir !
Merci d'avoir lu, et à mardi prochain ! A+
