Bonjour à tous, voici le chapitre 17, avec (seulement) une semaine de retard ! Je suis pas hyper satisfaite de celui-là, mais on va dire qu'il fait le taf… J'aimerais vous dire que j'ai pris une semaine de pause pour avancer sur les prochains chapitres (ce qui était le plan à la base), mais la vérité c'est que je me suis faite happer par Arcane, et je me suis remise à dessiner (et aussi une de mes fanfics préférées, "Flying Free" a été mise à jour donc j'ai tout relu. C'est du Ereri et sur AO3 si vous voulez y jeter un coup d'œil. Par contre c'est en anglais). Pour le chapitre 18, encore une fois, pas de promesse, ça prendra peut être 2 semaines, peut être 3 (j'espère pas plus).
Merci à tous ceux qui laissent des commentaires, ça me force à m'accrocher pour enfin poster les derniers chapitres. Plus que 3 !
Sur ce, bonne lecture !
Chapitre 17 : Savoir quand protéger, et quand laisser prendre des risques.
Peut-être qu'il allait vraiment finir par mourir cette fois.
Il ne sentait plus son ventre, et n'entendait qu'un bourdonnement étouffé dans son oreille en sang. La soldate continuait de le frapper en lui hurlant des injures qu'il n'entendait pas, mais Eren n'avait plus la force de protéger son visage.
Il pensa à ses parents, à Mikasa.
J'arrive.
De toute façon, ça faisait longtemps qu'il avait arrêté de se battre. Alors à quoi bon s'accrocher désespérément à une existence de douleur ? Au moins s'il mourait maintenant, ce ne serait pas sous les griffes de Nakisa.
Eren finit par se rendre compte que les coups avaient cessé.
Même lever la tête lui demandait un effort colossal. Il n'aperçut d'abord que des pieds sales, fermement ancrés dans le sol. Puis une robe déchirée. Enfin, un visage.
Eren ne la connaissait pas. Il pouvait voir le tatouage de la Sina à travers le tissu fin de la robe sur son dos, et son arcade sourcilière saignait. Mais Eren ne voyait que ses yeux.
Il entendit vaguement la soldate s'éloigner en les insultant, mais son regard resta fixé sur la jeune oméga. Ses yeux… elle avait les mêmes yeux que lui avant. Mais les siens étaient encore pleins de défi et de révolte.
J'aimerais… retrouver ces yeux là.
Le regard de la jeune oméga tomba enfin sur lui, et Eren ne parvint plus à lutter contre le sommeil.
o O o
Quand Eren se réveilla, sa chambre était plongée dans le noir et il avait l'impression d'avoir un énorme bloc de pierre sur le torse. Il se redressa dans ce qu'il reconnaissait être son lit au Fi Malja et se frotta la poitrine. Tout son corps était incroyablement lourd, sa bouche pâteuse.
Il se rappelait vaguement de Farhad, de sa magie noire, de Livai. Des bribes de conversations alors qu'il luttait pour rester éveillé. Sans son énergie spirituelle pour amortir le choc, le contrecoup de la magie noire l'avait frappé de plein fouet : il ne s'était honnêtement pas senti aussi mal depuis Mitras.
Il alluma une lampe avec un briquet à silex et examina son torse. C'était pas beau à voir. Des taches noires s'étalaient comme des toiles d'araignée depuis le centre de sa poitrine jusqu'aux dos de ses mains. Son dos aussi devait en être recouvert.
Il ne savait pas combien de temps il était resté inconscient. Il se rappelait s'être réveillé suffisamment longtemps pour demander si Aslan était en sécurité, mais à part ça, il aurait pu s'être écoulé aussi bien quelques heures que quelques jours.
Eren attrapa un talisman dans un tiroir. Le papier se mit à briller légèrement et il soupira de soulagement : au moins il n'avait pas perdu son énergie spirituelle. Ce qui était presque étonnant d'ailleurs, d'après les marques sur son corps. Quelqu'un avait dû minimiser les dégâts.
Eren se leva et enfila une chemise propre qui le couvrait jusqu'aux poignets malgré la chaleur dans la pièce. Il devait être un peu plus de minuit, pensa-t-il en jetant un coup d'œil à la fenêtre avant de prendre un sachet d'herbes médicinales et un talisman dans un tiroir.
Il sortit de sa chambre en essayant de faire le moins de bruit possible et descendit les escaliers. Un talisman ne suffirait qu'à effacer les traces visibles de la magie noire sur son corps, il allait devoir boire un thé bien plus affreux que celui pour bloquer ses phéromones. Malheureusement pour lui, c'était possible.
Il arriva dans le salon de thé mais n'alluma pas de lumière: la lune était pleine ce soir-là, ça suffisait amplement pour éclairer l'intérieur de la pièce grâce aux grandes fenêtres. Il trouva facilement une théière et un verre et commença à faire son mélange dégoûtant. À priori c'était facile à préparer, même dans le noir, il ne pouvait pas se tromper. Il utilisa un talisman (sans saigner du nez) plutôt que de lancer le samovar et se servit un verre du liquide encore fumant.
Putain, même quand on y voit rien ça a l'air dégueulasse, pensa-t-il en fronçant les sourcils sur son verre. Après réflexion, il prit un deuxième verre et une bouteille d'arak et alla s'installer à une table. Il n'avait pas encore posé ses verres que la porte s'ouvrit dans un cliquetis. Eren se figea, prêt à fuir, mais ce fut Livai qui entra.
Alors ça…
Il le regarda refermer tranquillement la porte, avant de finalement se rendre compte qu'il n'était pas tout seul. Livai hésita, et Eren vit son regard glisser vers la bouteille d'arak avant de remonter sur son visage. Il allait rompre le silence mais Eren se reprit en premier :
"Comment t'es entré ?"
Livai fronça les sourcils et regarda derrière lui, comme s'il y avait quelqu'un d'autre à qui Eren aurait pu s'adresser.
"Par la porte ?"
Ce fut au tour d'Eren de froncer les sourcils. Il posa ses verres sur la table et traversa la pièce. Il pouvait sentir le regard de Livai sur sa nuque lorsqu'il ouvrit la porte et inspecta rapidement l'extérieur avant de la refermer. Quand il se retourna, Livai était clairement en train de se demander si la magie noire s'attaquait au cerveau.
"J'ai mis une barrière protectrice tout autour du Fi Malja qui empêche les intrus d'entrer la nuit," expliqua-t-il en passant derrière le comptoir pour prendre un troisième verre, "j'ai eu peur qu'elle ait disparu mais apparemment elle est toujours là."
Livai le suivit jusqu'à la table et accepta le verre d'arak que lui tendait Eren.
"Je pense que ma magie t'as reconnu…" ajouta-t-il avant que Livai ne puisse demander. Ce qu'il ne dit pas, c'était que sa magie n'avait pas laissé passer quelqu'un d'elle-même depuis Mikasa et Armin.
"Ça fait longtemps que t'es réveillé ?"
"Même pas dix minutes ," répondit Eren avant de prendre une gorgée de l'immondice qu'il osait appeler thé. "Je suis descendu pour prendre ce truc," ajouta-t-il en désignant son verre, "je ne te propose pas, c'est dégueulasse."
"Non merci," rétorqua-t-il en prenant une gorgée d'arak.
Un silence s'installa, que Livai rompit après quelques minutes à faire tourner son verre entre ses doigts : "il y aura des séquelles ?"
"Moins si je bois ce truc," répondit Eren avec une grimace, "par contre, j'ai tué deux soldats en plein jour, en pleine rue. Je parle même pas des civils autour."
"Je me suis occupé des soldats. Le troisième aussi," ajouta-t-il devant son air surpris et Eren sentit un poids s'enlever de sa poitrine. Il ne savait pas dans quel état il avait laissé la rue, mais ce genre de trucs avait des conséquences.
Faites confiance à Livai pour rattraper ses conneries.
"Il n'y a que six victimes du côté des civils," continua Livai, et Eren sentit son cœur se resserrer. Six personnes innocentes qu'il avait tué. Il ne savait pas s'il devait se sentir triste ou soulagé. Il se rappelait de la force de la magie noire qu'il avait déployée. C'était un miracle qu'il n'y ait que six victimes. "Heureusement c'était l'heure de la prière, la plupart des gens étaient au temple à ce moment- là. L'armée a décrété que c'était encore un coup de la Faucheuse, et tous les témoins ont été tués dans l'attaque."
"Je vois…" souffla Eren en s'asseyant sur une table. (Tant qu'Aslan n'était pas là, il pouvait s'asseoir où il voulait.) Il avait eu beaucoup, beaucoup de chance. Il y avait forcément eu des témoins, mais les maraniens n'iraient jamais balancer un des leurs à l'armée. Livai avait dû faire taire ceux du côté sinayen.
Eren prit une gorgée d'arak pour changer un peu et il sentit le liquide lui brûler la gorge en descendant, mais cette brûlure là était agréable. À la différence de son thé.
Eren jeta un regard vers Livai avant de le reporter sur son verre. C'était la première fois qu'ils se revoyaient depuis qu'ils s'étaient embrassés, et on pouvait dire qu'ils étaient...erm, disons pas tout à fait détendus. Eren savait très bien qu'il avait merdé, créé cette distance entre eux. C'était comme s'ils étaient revenu des semaines en arrière, quand ils ne se faisaient pas encore bien confiance. Sauf que c'était différent.
Il devait lui expliquer la situation, après tout, c'était ça le plan de base, et il n'y aurait peut-être pas d'aussi bonne occasion avant un certain temps. Il ne savait même pas si Livai reviendrait au Fi Malja. Eren soupira et posa son verre.
"J'ai…peur. J'ai peur des contacts physiques."
Il sentit Livai se tourner vers lui et résista l'envie de reprendre son verre en main.
Après coup, Eren se dit qu'il aurait dû préciser de quoi il parlait, mais Livai semblait le suivre.
"Depuis… depuis que j'ai été…" continua Eren mais il ne parvint pas à finir sa phrase, faisant un vague signe de main à la place. Le dire à voix haute paraissait demander un effort insurmontable à ce moment-là.
"Depuis ton passage dans une maison de réconfort," compléta Livai comme si de rien était, et Eren renversa son verre d'arak sur la table d'un bon coup de coude.
De quoi ?
Alors là il ne s'y attendait pas. Aux dernières nouvelles, il ne savait même pas qu'il était un oméga.
"Comment tu sais ?"
"J'ai vu ta marque hier," avoua Livai en redressant son verre désormais sans arak dedans. À choisir, il aurait presque préféré que ce soit l'autre verre qui se renverse. Il ne pouvait pas avoir cette conversation sobre.
"Et ?"
"Et quoi ?" rétorqua Livai en finissant d'essuyer la table, et bordel, abrège la souffrance !
"Et qu'est-ce que t'en as pensé ?" clarifia Eren et il eut l'audace d'hausser les épaules.
"Je sais pas, que ça expliquait certaines choses."
S'il-te-plaît Livai, sois plus vague encore.
"Quel genre de choses ?" insista-t-il, et Livai devait clairement voir à travers les fissures de sa façade détachée.
"Pourquoi tu t'es enfui comme si j'avais tué des chatons sous tes yeux la dernière fois qu'on s'est vu."
Eren expira par le nez.
"Premièrement, je ne me suis pas enfui," répliqua-t-il même si c'était totalement ce qui s'était passé, "et deuxièmement ça ne me ferait ni chaud ni froid si tu tuais des chatons."
Ça lui ferait peut-être même plaisir. Tout dépendait de quel type de chatons on parlait mais clairement il ne fallait pas laisser "Pupuce" se reproduire.
"Eren," murmura simplement Livai, et il détacha son regard de la théière en argent, "dis-moi juste si j'ai mal lu tes intentions."
Une goutte d'arak qui devait avoir échappé au regard de Livai tomba au sol.
"Non," reconnut Eren. Son cœur battait anormalement vite, mais ce n'était pas un effet secondaire de la magie noire. "Tu n'as pas mal lu."
Peut être qu'il n'avait pas besoin d'arak finalement.
Livai fit quelque chose qui ressemblait à un sourire et tendit une main hésitante. Eren la prit sans hésitation, entrelaçant leurs doigts.
"Je suis un oméga, au fait," ajouta-t-il quand il réalisa qu'il ne l'avait jamais dit explicitement.
"J'avais compris, oui," répliqua Livai comme si c'était évident. Eren haussa un sourcil. C'était rare, mais il avait déjà vu des bêtas dans des maisons de réconfort. Pas beaucoup certes, mais ça arrivait.
Les doigts de Livai se resserèrent autour des siens et Eren ravala sa réponse, laissant à la place son front reposer sur l'épaule de Livai. C'était peut-être la fatigue, ou le soulagement, ou la réalisation d'à quel point il avait été proche de tout perdre, mais toutes les émotions qu'il avait essayé de bloquer étaient en train de ressurgir. La terreur de voir Farhad, Aslan au bout d'une épée, la chaîne sur son cou, son énergie qui s'était évaporée en quelques secondes… et la magie noire qui avait repris le contrôle.
"...J'ai cru qu'ils allaient tuer Aslan," avoua-t-il dans un murmure. Sa voix se mit à trembler sans son consentement, "et que j'allais y passer juste après. Sauf qu'au final, c'est moi qui nous aurais tous tué."
"Mais ce n'était pas le cas. Tu as réussi à arrêter avant que ce ne soit trop tard."
Eren secoua la tête, froissant la chemise de Livai.
"Parce que tu es arrivé."
"Parce que tu m'as protégé," rétorqua Livai en montrant son annulaire. La bague avait perdu de son éclat, mais aucune trace de fissure. Eren avala sa salive.
"Je peux voir ?" demanda-t-il en se redressant, lui prenant délicatement la main.
Il eut à peine besoin d'entrer en contact avec le métal pour sentir la puissance de la magie noire contenue à l'intérieur. La bague était presque totalement chargée. Et ça, ça signifiait qu'ils n'étaient vraiment pas passés loin de la catastrophe.
"Elle ne devrait pas être capable d'absorber quoi que ce soit pendant les trois prochains jours, mais après ça, elle sera de nouveau utilisable."
La bague se déchargerait tranquillement, laissant échapper la magie noire de manière imperceptible et totalement inoffensive, jusqu'à être vide de nouveau. Tant que Livai ne se prenait pas une nouvelle charge d'une telle ampleur en pleine face prochainement, ça irait.
Eren resta silencieux quelques instants, les yeux rivés sur la bague, avant de finir par relever les yeux.
"J'aurais dû arrêter la magie noire plus tôt," marmonna-t-il, et il sentit les larmes affluer à ses yeux, alors qu'il n'y avait même pas de bonne raison de pleurer maintenant. Il était juste fatigué. "J'ai failli tuer Aslan, j'ai failli te tuer."
Les bras de Livai se firent moins hésitants, l'attirant vers lui, et Eren passa automatiquement ses deux bras autour de ses épaules, enfouissant sa tête dans le creux de son cou.
"C'est la guerre, il n'y a pas de bonne solution. Si tu n'avais pas été la Faucheuse, la résistance n'aurait pas repris espoir. Tu aurais vraiment préféré laisser Aslan grandir dans un pays occupé par les sinayens sans rien faire ?"
"Je ne sais pas," répondit-il misérablement, "peut-être qu'il aurait été plus en sécurité qu'auprès de moi."
"Eren," le coupa Livai en lui attrapant le visage de ses deux mains, le forçant à rencontrer son regard, "tu n'as pas tué Aslan. L'armée sinayenne est instable et Rose un peu plus menaçante chaque jour. Ce n'est qu'une question de temps avant que Maria soit libre, il faut juste que tu tiennes bon."
Eren baissa la tête pour cacher ses yeux humides derrière ses cheveux. Livai avait raison. Armin aussi lui avait dit qu'ils n'étaient sans doute plus loin de la fin. Il devait juste tenir bon.
"Merci, Livai," murmura-t-il une fois sûr que sa voix n'allait pas craquer.
Pour lui remonter le moral quand il en avait besoin, mais aussi pour être arrivé à temps pour Aslan, pour lui.
Ils restèrent comme ça un long moment avant qu'Eren ne finisse par se redresser. Son regard tomba sur sa tasse de thé médicinal et il faillit se remettre comme avant. À la place, il l'attrapa d'une main (l'autre étant toujours entrelacée avec celle de Livai) et avala tout d'une traite. Un frisson parcourut son corps tout entier, et il s'installa plus confortablement au côté de Livai.
"Alors, t'étais où cette semaine ?"
Il sut que c'était la bonne question à poser en voyant l'expression contrariée de Livai.
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Il devait être trois heures du matin quand Elena descendit dans le salon de thé pour leur dire d'aller se coucher. À ce moment-là, ils étaient tous les deux allongés sur les tapis par terre (non sans un talisman nettoyage rapide de la part de Livai) et s'étaient entourés de tables renversées sur le côté. C'était parti d'un défi débile, mais Eren pouvait avouer qu'il aimait bien se sentir entouré. Elena ne fit aucun commentaire sur les tables, préférant insister sur l'importance du sommeil.
Apparemment on les entendait parler d'en haut (Elena avait toujours eu le sommeil très très léger et l'ouïe très très fine). Elle lui adressa quand même un sourire quand elle vit qu'il était debout et plus en train de crever dans son lit, et un autre avec un regard appuyé sur la tête de Livai posée sur sa poitrine, avant de remonter se coucher en traînant des pieds.
"Bon j'imagine qu'il est vraiment temps d'aller dormir," marmonna Eren en se relevant et tendant une main à Livai.
Même s'il venait de dormir au moins une dizaine d'heures, son corps avait besoin de récupérer, et Livai commençait lui aussi à fatiguer. Ils remirent les tables en place et montèrent les escaliers en s'efforçant de faire le moins de bruit possible. Ils se séparèrent devant la porte de la chambre nouvellement attribuée à Livai et Eren monta les escaliers restants avec une nouvelle légèreté dans ses pas. Il se laissa tomber sur son lit, serrant son oreiller avec un énorme sourire sur le visage et battant des pieds contre son matelas. Une douleur aiguë à la poitrine le calma direct, et il se retourna sur le dos avec un soupir. Il avait encore une fois failli y passer, Aslan avait failli y passer, Livai avait failli y passer, bref, beaucoup de monde avait failli y passer, mais là, à cet instant, il ne retenait que les dernières heures passées en compagnie de Livai, à quel point ça lui avait fait du bien.
Il serra son oreiller avec force dans ses bras, avant de se forcer à se détendre. Il savait qu'il aurait du mal à s'endormir, mais il était habitué.
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Ils prenaient soin l'un de l'autre comme ça. Bien sûr tous les omégas avaient une solidarité. Mais la plupart du temps, la solidarité s'arrêtait quand on se mettait soit même en danger. C'était normal, personne n'en tiendrait rigueur.
Eren et Isabel n'étaient pas comme ça. Depuis leur première rencontre, chacun était prêt à tenir tête aux soldats, et même à Nakisa, pour protéger l'autre.
Quand Isabel revint avec un doigt cassé, après avoir à moitié étranglé un soldat qui avait failli tuer Eren, il ne dit rien. Il se contenta de faire une attelle comme il avait déjà vu son père le faire.
Quand Eren revint le ventre et les cuisses lacérées, après avoir empêché Nakisa de tuer un oiseau qu'Isabel avait secouru, elle ne dit rien. Elle se contenta de lui montrer comment elle avait bandé son aile du mieux possible.
"Comment tu vas l'appeler ?"
"Azadi."
'Liberté' en maranien. C'était ce que cet oiseau représentait pour eux quand ils le regardèrent s'envoler deux semaines plus tard.
Et quand les sinayens éventrèrent Dilraba devant eux, pour montrer ce qui arrivaient aux omégas qui avaient le malheur de tomber enceintes, aucun des deux ne fit rien. Parce qu'ils ne pouvaient rien faire. Mais ils ne fermèrent pas les yeux, gravant dans leur mémoire le visage des coupables et jurant de leur faire payer.
Les jours passèrent et Eren retrouva ses yeux. Ensemble, ils parviendraient à s'en sortir.
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La première fois qu'Eren vit Isabel se briser, il était tard dans la nuit. L'éclat de la lune se reflétait dans les yeux humides d'Isabel.
"Eren… je - je crois que je suis enceinte…"
o O o
Quand Eren se réveilla quelques heures plus tard, son premier réflexe fut de s'étirer et il le regretta immédiatement. Le moindre petit mouvement provoquait un éclat de douleur dans tout son corps. Outre son usage excessif de magie noire, il en avait presque oublié qu'il s'était fait violemment tabasser par Farhad. Des bleus virant au violet parsemaient tout son corps, bien plus visibles maintenant que les taches de magie noire s'étaient résorbées.
Eren se força à se lever pour ouvrir ses volets en bois, et fut accueilli par l'air frais du matin. Il était encore tôt, seuls Darya et les éventuels insomniaques devaient être levés à cette heure-là (Darya ne comptait pas parmi les insomniaques ordinaires, elle était l'insomniaque ultime). Il dut s'appuyer contre le mur deux fois pour ne pas tomber dans les escaliers, mais finit par arriver en bas et se dirigea vers la cuisine.
"... première fois que je voyais Eren si effrayé," lui parvint la voix de Darya et il se figea quand il entendit son nom. "Il est monté tout en haut de l'arbre, j'ai vraiment cru qu'il allait faire cramer le Fi Malja juste pour se débarrasser de ce pauvre chat. Un jour il faudra que je lui demande d'où ça vient…"
"Ou sinon, on peut aussi ne jamais reparler de ce moment peu flatteur de ma vie," proposa Eren en entrant et Livai se retourna au son de sa voix.
Eren lui offrit un sourire un peu timide avant de traverser la pièce pour aller chercher une tasse.
"Il suffisait de parler de chat pour te réveiller," sourit Darya en le détaillant du regard à la recherche d'une faiblesse quelconque dans ses mouvements. Eren lui jeta un regard appuyé.
"Arrête de me traumatiser, je le suis déjà suffisamment comme ça," rétorqua-t-il et Darya leva les yeux au ciel.
"Ça a l'air d'aller mieux. Tu nous as fait peur hier, heureusement que Livai était là."
Eren hocha la tête, concentré sur le samovar devant lui.
"J'ai surtout eu peur pour Aslan," avoua-t-il en attrapant la boîte de thé qu'il savait que Livai aimait. Darya lui avait servi du thé à la rose, et étonnement, sa tasse était encore presque pleine.
"Il était un peu secoué, et je pense qu'il voudra te voir une fois qu'il sera réveillé, mais il n'a rien autrement."
Eren esquissa un petit sourire de soulagement avant de déposer la nouvelle tasse encore fumante devant Livai et d'attraper la sienne en échange. Il la porta à ses lèvres avant de grimacer : le thé avait complètement refroidi, ce qui signifiait qu'il était maintenant dégueulasse. Depuis combien de temps ils étaient assis ici à parler de lui ?
Des bruits de pas précipités retentirent au-dessus d'eux, trop légers pour être ceux d'un adulte.
"Quand on parle du loup…" marmonna Darya.
"On parie combien qu'il va encore courir dans les escaliers ?"
Darya n'eut rien le temps de répondre, les cris de son petit-fils la coupant avant qu'elle puisse ouvrir la bouche.
"Mouima, Mouima, j'ai perdu Almakhadie!"
Eren ne s'était même pas rendu compte qu'il avait sorti un talisman en entendant la voix paniquée d'Aslan. Il le rangea vite avant que l'enfant ne débarque dans la cuisine. Ce n'est rien de dangereux, il a juste perdu sa poupée. Il n'est pas en train de se faire courser par un soldat. Eren savait que ça ferait régulièrement partie de ses cauchemars désormais.
Aslan déboula dans la cuisine et Eren savait qu'il aurait dû être triste qu'il ait perdu sa poupée, mais il était juste soulagé de le voir sain et sauf. Et honnêtement, Aslan serait le seul à regretter ce torchon puant.
"Eren !"
Le visage d'Aslan s'illumina en le voyant, et l'enfant courut vers lui. Eren se baissa automatiquement, l'attrapa par les aisselles et le déposa sur sa hanche. Il n'en avait rien à foutre qu'Aslan soit lourd, et lui affaiblit. Il voulait juste le serrer dans ses bras, vérifier qu'il n'avait rien.
"J'ai eu très très peur," murmura Aslan quand il se décolla un peu de son cou. Eren sentit un pincement dans sa poitrine. Même quand ces connards le tenaient au bout d'une épée, Aslan avait à peine émis un son. Même paralysé par la peur, il avait tenu, pour lui, pour Eren, parce qu'il avait appris très tôt dans sa vie à tenir bon sans un bruit en cas de danger. Pourriture de géniteur, Eren regrettait sincèrement de ne pas lui avoir cassé un autre bras quand ils s'étaient croisés.
"Tu as été très courageux," le rassura-t-il en passant méticuleusement la main dans ses cheveux, vérifiant qu'il n'avait aucune trace de magie noire sur lui. S'il s'était pris la vague… Il ne se l'aurait jamais pardonné. Aslan hocha la tête, mais son menton tremblait et ses yeux étaient humides. "Ne t'inquiètes pas, les méchants ne viendront plus jamais nous embêter," ajouta Erenl, "on s'est un peu battu et j'ai gagné."
Grosse simplification de la réalité, mais techniquement, ce n'était pas un mensonge.
"Tu les as tué ?" demanda timidement Aslan, le laissant soudain sans voix.
Que devait-il…? Que pouvait-il répondre à ça ? Il ne voulait pas mentir à Aslan.
"Oui," articula-t-il finalement. Il avala sa salive, "oui je les ai tués."
Aslan sembla réfléchir un peu avant de finalement acquiescer. Il ne devait pas avoir complètement saisi la portée de la situation, mais il comprendrait en grandissant. Ce n'était pas la première fois qu'il apprenait qu'Eren était un meurtrier. C'était juste que… C'était juste que c'était censé être trop dur pour un enfant de quatre ans.
o O o
"C'est hors de question."
"Comment ça, hors de question, tu crois quand même pas que je vais la laisser sans rien faire ?"
Mikasa poussa un soupir agacé avant de remplir son verre. Le Fi Malja était presque plein, les forçant à s'installer au comptoir malgré les regards insistants d'Annie.
"Eren. Tu as vu dans quel état tu étais ? Tu n'as pas encore récupéré."
"Pas encore récupéré ?" répéta Eren un peu trop fort, et quelques clients se retournèrent vers lui. "Ça fait deux semaines, j'allais très bien au bout de deux jours," ajouta-t-il en baissant un peu la voix.
Bon. Peut-être que ça avait pris un peu plus de deux jours pour récupérer des dégâts de la magie noire, mais en attendant il allait beaucoup mieux maintenant. Il savait qu'il avait fait peur à Mikasa et Livai, mais ce n'était pas une raison pour l'empêcher de faire le moindre effort.
"Ecoute Eren. On va tous y aller, mais pas toi."
Ah parce que c'était censé le faire se sentir mieux ? D'être le seul exclu ? Une jeune fille maranienne venait d'être arrêtée pour avoir distribué des tracts anti-sinayens. Toute la ville se mobilisait pour exiger sa libération, et on lui disait qu'il ne pouvait pas y aller ?
"Et pourquoi tu dis rien toi ?" demanda-t-il en se tournant vers Livai qui sirotait tranquillement son thé.
"Parce que je devrais dire quelque chose ?"
Eren avait toujours su que les alphas ne servaient à rien dans la vie, il se demandait franchement pourquoi il espérait encore.
"Il y a des moments où il faut protéger les gens," insista-t-i, "et d'autres où il faut savoir les laisser prendre des risques !"
"Eren," reprit Livai en posant son verre, "ce n'est pas que toi qu'on essaie de protéger. Si tu te fais arrêter ou blesser maintenant, Maria perd une grosse carte de sa main. On sait tous que ce rassemblement va dégénérer. Ne me force pas à t'arrêter."
Eren fronça les sourcils et posa ses coudes sur le comptoir. Il n'aimait pas la place centrale qu'il était en train d'occuper. Il ne voulait même plus être la Faucheuse. Pour couronner le tout, Livai avait été réquisitionné pour surveiller le rassemblement. Et ici, "surveiller" voulait dire "disperser, et en cas de résistance, attaquer". Peut-être que Livai avait un peu raison, ce serait sans doute plus sa-
La porte du Fi Malja s'ouvrit à la volée. Les conversations s'interrompirent d'un coup, tous les regards se dirigeant vers le nouvel arrivant. Marco dégoulinait de sueur et peinait à reprendre son souffle, pourtant il abordait le plus grand sourire qu'Eren lui ait vu.
"Rose… Rose a débarqué à Karanese !"
Un silence accueillit sa déclaration. Quelqu'un reposa un verre sur une table.
Et puis ce fut l'explosion de joie.
Eren sentit vaguement quelqu'un lui taper l'épaule, des gens s'embrasser et crier autour de lui, mais il ne détourna pas le regard de Marco, qui s'était mis à parler avec de grands gestes.
Cela faisait plus de neuf ans qu'il attendait ce moment. Quand l'armée sinayenne avait envahi leur rue alors qu'il n'avait que douze ans. Quand il avait été capturé et envoyé en maison de réconfort. Quand il avait cherché Mikasa partout. Quand il était devenu la Faucheuse. Il avait toujours espéré, parce que c'était la seule façon de tenir. Mais une part au fond de lui avait arrêté d'y croire. Et pourtant…
Eren se redressa un peu, se décollant du comptoir. Il croisa le regard extatique, et même un peu humide, de Mikasa, et c'est là qu'il commença à réaliser. Le Fi Malja était assourdissant, les rires se mélangeant aux pleurs et aux cris de joie. Eren se retourna, et Livai lui offrit un sourire en haussant les épaules. Quelque part derrière lui, une dizaine de clients lancèrent un chant patriotique, hurlant à plein poumons, bientôt rejoint par une bonne partie du Fi Malja. Il pouvait même entendre la voix de casserole de Jean.
C'était presque trop. Presque trop d'émotions, trop de joie. Eren ne se retint pas, il parcourut les quelques pas le séparant de Livai avec un grand sourire, et se jeta à moitié sur lui. Livai réussit à l'attraper malgré sa surprise, et ils durent faire un tour sur eux-mêmes, emporté par leur élan.
"Bientôt on sera libres !" s"exclama Eren alors que Livai le reposait au sol, sans s'éloigner pour autant.
"MARIA, NOUS PORTE DANS SON COEUR ~ YMIR, GUIDE NOTRE MAIN," brailla un client directement dans leurs oreilles, et Eren les écarta un peu, sans enlever ses bras du cou de Livai.
Il sentit les bras de celui-ci se resserrer autour de sa taille. Ils se regardèrent encore quelques instants, les yeux pétillants avant se serrer encore plus dans les bras de l'autre, jusqu'à ce que son menton ne vienne reposer sur l'épaule de Livai. Il vit Soraya lui offrir un sourire, auquel il répondit, avant qu'elle ne se retourne vers Mikasa et Jean.
Il aurait voulu que le temps s'arrête. Garder cette joie éclatante tout autour d'eux, les bras de Livai le serrant contre lui.
"~Ymir en est mon témoin," continuaient de chanter la foule, "nous renverrons les sinayens d'où ils viennent !"
Le sourire d'Eren s'effaça.
"Et toi tu partiras ?" souffla-t-il par-dessus son épaule.
Livai baissa un peu sa tête qu'il avait logé dans le cou d'Eren avant de s'écarter juste assez pour qu'ils puissent se regarder dans les yeux.
"Ce n'est pas important ce que moi je fais. Ce qui compte c'est que vous soyez libres."
Eren baissa les yeux, avant de serrer Livai un peu plus fort contre lui.
Il ne voulait pas qu'il parte. Mais même s'il tendait à l'oublier dernièrement, Livai restait un soldat sinayen.
Il vit du coin de l'œil la porte s'ouvrir du Fi Malja s'ouvrir à nouveau pour laisser entrer Armin. Celui-ci s'autorisa un léger sourire en voyant les effusions de joie autour de lui -il devait sûrement déjà être au courant- avant de se diriger vers eux d'un air à nouveau sérieux. Eren se détacha de Livai quand Armin arriva à leur hauteur. Son ami désigna le couloir d'un mouvement de tête, et Mikasa, Livai et lui le suivirent à l'abri des regards. Ils montèrent au premier étage, rapidement rejoints par Darya, et refermèrent la porte avec soin. Tout le monde était bien trop occupé à célébrer en bas pour les entendre de toute façon.
"Un peu moins de quatre mille soldats de Rose sont arrivés il y a deux jours à Karanese," leur résuma Armin une fois installés. "Ils ont rapidement progressé et ont atteint Merye. L'armée de Sina est complètement prise de court, grâce à la Résistance infiltrée qui a saboté le réseau de communication. Déjà deux mille Maraniens se sont joints à Rose pour marcher jusqu'à Shiganshina. Nous savons que Sina est en train de déplacer cinq mille soldats au Sud, à l'Oasis d'Ishka, pour les y attendre."
"Seulement cinq mille ?" intervint Livai, les sourcils froncés.
"L'Empereur est malade. Sina a essayé de le cacher pendant longtemps, mais ça a commencé à se savoir. C'est pour ça que Rose a frappé maintenant. Sina est trop affaiblie de l'intérieur, ils ne peuvent pas envoyer de renforts."
Eren ne savait même pas que l'Empereur de Sina avait des problèmes de santé, et vu la tête de Livai, ça devait être nouveau pour lui aussi.
"Les troupes de Shiganshina ne seront pas prêtes à temps pour aller à Ishka, et devraient rester ici pour défendre la capitale. Mais ils ne sont pas si nombreux," ajouta Armin avec un sourire.
Ça se voyait, la victoire était proche. Les chiffres étaient de leur côté, le mental était de leur côté, même la maladie de leur foutu Empereur venait à leur aide.
"Une grande majorité des troupes sinayennes est rassemblée en un seul endroit clé maintenant: Ishka."
Armin se tourna vers lui, et Eren savait pourquoi il l'avait traîné ici. Théoriquement, les forces de Rose et Maria combinées étaient plus nombreuses que celles de Sina. Mais à part les quelques résistants, les combattants de Maria étaient des civils, pas des soldats. Des marchands, des agriculteurs, des artisans, qui n'avaient jamais tenu une épée, ou un talisman, de leur vie. La bataille était loin d'être gagnée, et pourtant elle déciderait sans doute de l'avenir du pays.
Eren fixa un point sur la table pendant de longues secondes avant de finalement relever la tête.
"Je peux y aller."
Darya se tourna aussitôt vers lui.
"Tu as vu dans quel état tu es ?" s'exclama-t-elle, et Eren soutint son regard. "Si tu y vas, tu risques de ne pas revenir cette fois."
"Comme toutes les autres fois," répliqua–t-il, avant de désigner la pièce de la main, "on met tous notre vie en jeu ici, tous les jours. On met même la vie des autres en jeu, de tous les innocents maraniens sur qui nos actions retombent si on foire. On met la vie d'Aslan en jeu. Parce que ça vaut la peine. Cinq mille soldats, c'est faisable, s'ils sont concentrés dans un même endroit."
Il ne disait pas que ce serait facile. Il savait très bien dans quel état il s'était retrouvé à peine deux semaines plus tôt. Mais si ça pouvait être la dernière fois qu'il utilisait la magie noire, s'il pouvait vraiment faire la différence, il était près à mettre sa vie sur la ligne.
Darya se tourna vers les autres en quête de soutien, mais personne ne dit rien. Une pointe de tristesse perçait l'air déterminé d'Armin, Mikasa pinçait les lèvres de manière résignée, et il pouvait sentir les yeux de Livai sur sa nuque.
"Je pars demain à l'aube," annonça-t-il d'un ton final. Ishka était à trois jours à cheval, il ne pouvait pas partir maintenant. De plus, les troupes de Rose mettraient au moins une semaine depuis Meryl, cinq jours s'ils étaient rapides. Ça lui laissait amplement le temps de leur dégager le passage.
"Je viens avec toi," annonça Livai. Eren aurait dû protester, mais la vérité c'était qu'il était heureux de ne pas avoir à faire ça tout seul. "Si ça se passe mal, il faudra bien quelqu'un pour te ramener."
Mikasa hocha la tête, et elle aussi avait l'air rassurée.
"Il vaut mieux que je reste ici, pour protéger le Fi Malja," annonça-t-elle avant qu'il ne puisse le lui demander, et ça se voyait que ça lui arrachait le cœur.
Mikasa le suivrait au bout du monde si elle le pouvait. Mais ils savaient tous qu'ils auraient besoin d'elle ici. Avec l'arrivée de Rose, toute la ville allait s'agiter, et les soldats sinayens pouvaient devenir imprévisibles.
"C'est décidé alors," déclara-t-il en se levant.
Il ne restait qu'à attendre qu'Armin organise tout ça, et lui donne ensuite les instructions. En attendant, il pouvait déjà commencer à préparer les affaires de voyage et refaire sa réserve de talismans. Peut-être qu'ils s'arrêteraient à Zeiad…
Des bras l'encerclèrent avant qu'il n'atteigne la porte, et Eren se retourna, répondant automatiquement à l'étreinte. Il n'avait pas souvent de contacts physiques avec Darya, mais ce toucher là ne pouvait pas l'effrayer. C'était le toucher d'une mère.
"Je ne veux pas encore perdre un enfant," souffla Darya d'une voix tremblante en resserrant ses bras autour de lui.
Eren leva les yeux vers le plafond, clignant des yeux pour empêcher les larmes de déborder.
Il pensait qu'il était le seul à la voir comme ça. Bien sûr, il savait qu'elle l'appréciait, mais de là à le considérer comme…
Il ne voulait pas lui faire de peine, mais il ne voulait pas non plus lui offrir de fausses promesses. Son énergie spirituelle était bien revenue, ça faisait même longtemps qu'elle n'avait pas été aussi forte. Contrairement à son épisode avec Farhad, elle pourrait le protéger de sa propre magie noire cette fois. Honnêtement, Eren était plutôt confiant. Mais il ne pouvait rien garantir non plus, et rien de ce qu'il pourrait dire ne tranquiliserait Darya.
Parfois il fallait savoir quand protéger, et quand laisser prendre des risques.
C'était le moment de prendre des risques. Les forces de Maria se mettaient en mouvement, et plus personne ne pouvait les arrêter. Maria retrouverait sa liberté, qu'il soit là ou non pour le voir.
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"Tu sais, je me débrouillais plutôt bien en magie avant…"
Eren continua de frotter une tâche de sang particulièrement tenace sur sa tunique. Même au bord du fleuve, la chaleur du soleil était insoutenable, mais ils n'étaient pas là pour se baigner. Nakisa veillait bien à ce qu'ils ne lavent que leur linge.
"Quand on sera sortis d'ici," reprit Isabel, "j'utiliserais ma magie pour attaquer des maisons de réconfort, et délivrer tous les omégas prisonniers."
Elle avait dit "quand" et pas "si".
Eren continua de frotter. La tâche ne partait pas.
"C'est une promesse ?" demanda-t-il à mi-voix.
Il n'arriverait pas à obtenir un meilleur résultat que ça. Il devrait se contenter d'une nouvelle trace déteinte sur sa tunique déjà mouchetée.
Isabel jeta un coup d'œil à Nakisa en train de bavarder avec un soldat, bien installé à l'ombre derrière eux, avant de poser son drap sur le bord et de se tourner complètement vers lui.
"Est-ce que tu m'aideras ?"
"Parce que tu croyais pouvoir te débarrasser de moi ? Bien sûr que je t'aiderai, je me débrouillais pas si mal non plus en magie."
"On s'échappera d'ici et on délivrera tous les omégas qui ont besoin d'aide. Ensemble," affirma Isabel en lui prenant les mains, et Eren répéta:
"Ensemble."
Isabelle lui serra un peu les doigts avant de récupérer son drap et de se remettre à frotter.
"C'est une promesse."
À suivre...
