Réponse à Sheppard26:
«Avec tous ces persos, ces histoires et lieux qui se croisent entre fics et chapitres sur des décennies je suis curieux de savoir comment tu t'organises pour t'y retrouver.»

C'est facile: au bas de chaque fanfic en cours, j'ai une ou deux pages de notes avec les noms, fonctions et autres détails importants pour l'histoire actuelle. Par exemple, ici, le nom et le rôle sur l'Utopia de tous les membres d'équipage cités, ainsi que leur éventuel statut (mort, démission, etc.).

J'ai aussi un document avec divers éléments clés de l'intrigue dans un ordre chronologique approximatif pour me repérer quand j'ai un doute, et enfin, j'ai un autre document avec les éléments principaux des récits précédents pour retrouver facilement un nom ou un détail.
Après, je suis consciente que même si certains persos me sont familiers, ce peut-être dur pour mes lecteurs de les resituer, alors j'essaie de remettre dans l'histoire un ou deux éléments qui aident en ce sens...


Trigger warning: Grossesse et avrotement


Journal de bord du capitaine Giacometti. Jour 391, an 18.

Je suppose que la vanité est un défaut que partagent toutes les races avancées. Plus on devient savant, plus on devrait réaliser l'étendue de ce qu'il nous reste à apprendre. Mais ce n'est de toute évidence pas le cas.
On pensait tout savoir sur ce qu'était la vie. Sur les constituants fondamentaux de l'existence. On avait tort. Évidemment.

Tom Giacometti, fin d'enregistrement.

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N'y aurait-il pas eu la visière de son casque qu'il se serait frotté les yeux, afin de s'assurer qu'il n'hallucinait pas.

«Capitaine, vous voyez la même chose que moi?» souffla Niobanne, lui serrant l'avant-bras comme pour s'assurer, elle aussi, qu'elle ne délirait pas.
«Si vous parlez de cristaux qui marchent, alors oui.» répondit-il, hypnotisé par le spectacle.

Ils restèrent ainsi quelques secondes, puis Tom se força à se secouer.

«Léonard, venez voir.» appela-t-il sur la radio. «Et prenez votre détecteur.»

«Est-ce indispensable, capitaine? J'essaie de localiser précisément la profondeur du filon.» râla l'ingénieur en chef.
«Ramenez votre cul, bon sang!»

Avec un grognement agacé, le scientifique se mit prudemment en marche.

«Qu'est-ce que vous...»

Léonard ne termina pas sa phrase, bouche bée face au spectacle d'une quinzaine de choses scintillantes et quadrupèdes, semblant brouter les excroissances cristallines à quelques dizaines de mètres d'eux.

«C'est vivant?» s'enquit Tom.

Le scientifique tripota un moment son appareil, qui émit quelques bips.

«Je ne sais pas.» répondit-il finalement.
«Comment ça, vous ne savez pas?»
«Les données me disent qu'il ne s'agit que de minéraux, ces... choses n'ont aucun des marqueurs habituels de la vie.»
«Mais elles bougent! Et pas comme des choses, mais comme des bêtes!» protesta-t-il, agitant la main en direction des créatures.

«Je le vois bien, capitaine Giacometti. C'est pour ça que je vous dis que je ne sais pas si ces choses sont vivantes.» répondit le scientifique, déjà replongé dans ses mesures.

Tom le laissa tripoter son détecteur quelques minutes supplémentaires, puis n'y tint plus.

«Alors?»

«Alors, il est possible que cette planète abrite des formes de vie basées sur le silicium et non le carbone comme dans le reste de la galaxie. Je dis bien possible, car il reste à démontrer que ces choses sont vivantes, et ne sont pas une quelconque bizarrerie géologique.»

«Une bizarrerie géologique?! Vous êtes sérieux?!» s'étouffa-t-il, alors qu'une des créatures relevait ce qui ressemblait à une tête cristalline, semblant scruter les alentours, les fixant de longs instants avant de décider qu'ils ne représentaient pas un danger immédiat.

«JE NE SAIS PAS!» s'énerva Léonard, visiblement stressé par cette brutale remise en question de ses connaissances en physique, chimie et biologie.

«On a qu'à en attraper un pour l'étudier.» suggéra Niobanne.
«Bonne idée.» approuva-t-il, alors que Léonard repartait en maugréant à quelque chose de plus familier et confortable – son filon de cristaux de contrôle.

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Attraper une des bêtes de cristal n'avait pas été une mince affaire.

Car en plus d'avoir le comportement typique de fuite des animaux de harde, elles étaient dotées d'une force surprenante pour leur gabarit, et étaient littéralement de gros boulets bien lourds – en plus d'être parfaitement insensibles à leurs blasters.

Ninaï'kan avait bien proposé d'y aller à la mitrailleuse lourde, mais Tom avait refusé. Il voulait en capturer une «vivante», pas la ramasser en miettes par terre. Et en cela, Léonard avait été catégorique: étant entièrement composées de cristal, les créatures risquaient de se briser en mille morceaux si touchée par un projectile à haute vélocité.

Ils avaient donc passé des heures à rabattre les bêtes jusqu'à un genre de cirque naturel, où ils avaient pu en isoler une, la coinçant contre la paroi avant de péniblement la ligoter.
Bien qu'à peine plus grande qu'un très gros chien, il avait fallu huit guerriers wraiths pour la neutraliser, et tout autant pour la traîner sur les quelques mètres la séparant du Jumper rempli d'appareils de mesures et de scientifiques frétillant d'impatiences, au rang desquels ne se trouvait pas Léonard – resté s'occuper de son filon.

Ils avaient passé des heures à collecter toutes sortes de données sur la créature, pendant qu'aux commandes d'un second Jumper occulté, Tom tâchait de filmer ses congénères et leur comportement dans leur milieu naturel.

Puis, craignant tuer la bête dont ils ignoraient tout, ils l'avaient relâchée, après avoir prudemment collecté quelques échantillons en grattant délicatement la surface scintillante de son corps translucide, dans lequel des masses cristallines aux couleurs légèrement plus sombres faisaient penser à des organes.

La créature s'était relevée en secouant la tête, s'ébrouant avant de s'éloigner d'un trot pressé, disparaissant rapidement entre deux colonnes orange.

«On aurait dû la garder pour l'étudier davantage.» protesta Jamahir, venu aider.

«Non. On ne comprend pas comment cette chose existe. On ne sait même pas si elle respire, si elle doit boire. On ne sait rien d'elle. On a déjà assez risqué sa vie comme ça.» répliqua Tom, revenu de son expédition.

«Justement, capitaine. Nous pensons que, n'étant même pas certains que cette chose soit réellement vivante et pas imitant simplement le vivant, la priorité n'est pas la préservation de cette hypothétique existence, mais bien son étude.» expliqua la colonie.

Se retournant vers le scaphandre entièrement envahi de la brume noire qu'était le Tel'tak, il gronda.
«Ça suffit. La créature a été relâchée et la discussion est close.»
«Mais capitaine Giacometti, le consensus...»
«Le consensus ferait bien de se rappeler que techniquement, il n'est pas non plus une forme de vie selon les critères standards galactiques. Et pourtant, les colonies Tel'tak sont reconnues comme des individus. Des personnes, pas des animaux, et encore moins des choses «imitant le vivant». Alors que, selon ces machins (il désigna les appareils bourdonnant empilés dans le Jumper), vous n'êtes qu'une énergie aberrante émanant du corps de votre hôte! Alors tant qu'on ne saura pas ce que sont ces choses, on les traitera avec les mêmes égards que l'on appliquerait à toute espèce animale nouvellement découverte. Me suis-je bien fait comprendre?» siffla-t-il, adressant sa dernière phrase à toute l'assemblée présente.

Quelques hochements de tête lui répondirent, alors que la colonie s'éloignait, perdue, comme souvent, dans un interminable débat entre les millions d'individus la composant. Débat qui durerait jusqu'à ce qu'une réponse majoritaire soit trouvée sur le sujet.

Soupirant, Tom jeta un dernier regard vers l'endroit où la bête avait disparu.
Ils avaient assez de données pour occuper une petite armée de scientifiques pendant quelques semaines, et de quoi motiver l'envoi d'une mission d'étude sérieuse dans les plus brefs délais.
Quels que soient les mystères de cette planète, il reviendrait sûrement à d'autres de les percer.

«Allez, on remballe, il est l'heure de rentrer.»

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Toussant, penchée au-dessus des toilettes, Liu s'essuya la bouche.
«Tout va bien?» s'enquit Jarul, depuis la pièce voisine.

Se redressant, elle se recoiffa en vitesse devant le miroir. Elle avait une tête à faire peur.

«Ouais. J'ai dû mal digérer un truc.»
«Oh. Je suis désolé.» s'excusa l'homme.

«Ouais, c'est pas grave... mais, heu...»

Elle fit un geste vague en direction de la porte.
«Je m'en vais. Je comprends. Bonne nuit... et courage.» offrit le technicien, renfilant son pantalon à la va-vite, le reste de ses affaires sous le bras.
«Merci. Bonne nuit. Désolée...» s'excusa-t-elle en lui refermant le battant au visage après l'avoir raccompagné dans le couloir.

Pas question de l'embrasser avec son haleine arôme vomi.

Avec un grincement, elle repartit dans l'autre sens. Visiblement, ce n'était pas fini...

.

«Doc, z'êtes là?»
«Quartier-maître, que puis-je faire pour vous?» s'enquit Yasilym, abandonnant à regret le vieux manuscrit grinnaldien qu'il traduisait.

La femme sauta sur sa table d'examen. Elle était donc son patient.
Il s'approcha, ramassant son scanner portable sur la desserte voisine.

«Quels sont vos symptômes?» s'enquit-il, calibrant l'appareil.

«Nausées, vomissements, vertiges, je suis essoufflée tout le temps.»
«Mmmh. Depuis quand?»

«Je sais pas. Quelques jours. Au début, j'ai cru que c'était un truc que je digérais pas ou quelque chose du genre, mais là, ça fait beaucoup.»
Yasilym opina, passant la machine devant sa patiente.

«Votre tension est un peu haute.» nota-t-il. «Rythme cardiaque légèrement supérieur à la moyenne. Vous avez couru en venant ici?»
«Non.»
«Mmmh. Allongez-vous.»
Elle obéit, et il poursuivit méticuleusement son scan.
Les données récoltées, il alla le reposer à sa place.

«Vous pouvez vous rasseoir. Je vais vous faire une prise de sang.» nota-t-il, préparant la seringue.

Une fois encore, l'humaine obéit, lui tendant docilement son bras.

L'échantillon prélevé, il l'inséra dans l'analyseur lanthien, et lança un séquençage rapide.

«Ça va prendre quelques minutes.» indiqua-t-il, lui faisant signe qu'elle pouvait descendre.

«Vous savez ce que j'ai?» s'enquit-elle, sautant à bas de la table.

«Oui. Et vous devriez aussi le savoir.» répondit Yasilym, se lavant les mains, avant de revenir vers elle, demandant d'un geste qu'elle écarte les bras, afin de lui palper l'abdomen, humant l'air pour confirmer ce que ses instruments lui avaient déjà appris.

«Doc, je suis pas d'humeur pour un jeu de devinettes. J'ai quoi?»
«Vous êtes gestante. Soixante jours. Soixante-cinq, tout au plus.»

«Je suis enceinte?!» s'étrangla-t-elle, une odeur acre de stress emplissant soudain l'infirmerie.
«Oui. De quand date votre dernière évacuation utérine?» demanda-t-il, surpris que la femelle ne l'ait pas remarqué plutôt.

De ce qu'il avait pu constater, les humaines étaient pourtant généralement assez attentives à ce genre de signe.
«Ma quoi?»
«Perte de sang mammalienne.»

«Mes règles?»
«Oui, vous pouvez les appeler ainsi.» concéda-t-il.

«Heu... je sais pas trop... longtemps?»
«Et ça ne vous pas alertée?»
«Non... ça saute souvent.»
Ce qui n'était pas vraiment un signe de bonne santé. Mais au vu du rythme de vie de l'humaine et des nombreux séjours qu'elle faisait dans son infirmerie pour toutes sortes de blessures et d'accidents, ce n'était guère étonnant.
«Mmmh.»

Heureusement, le ding dysharmonique de l'analyseur lui signalant un problème lui évita d'avoir à répondre.

La commande confirmée, il revint vers l'humaine, restée plantée au milieu de la pièce.

«Je peux vous fournir de la documentation sur le déroulement d'une gestation humaine, si vous le désirez, quartier-maître. Et je crois qu'il est de coutume de présenter ses félicitations.»
«Non! Faites pas ça.»
Surpris, il la détailla. Il était rare de voir la peur transparaître sur les traits de cette humaine en particulier, mais c'était l'un de ces instants.
«La reproduction n'est-elle pas aussi pour les humains un accomplissement heureux?» s'enquit-il, curieux.
«Non, enfin oui mais non, pas toujours. Je veux pas de gamins! Je... pas maintenant! J'en fais quoi? Je le mets où?!»
Les questions étaient-elles rhétoriques, ou une réponse était-elle attendue? Dans le doute, Yasilym attendit plus d'informations.

«Vous voulez que je fasse quoi d'un gamin?!»
Cette fois, elle attendait clairement une réponse.

«Moi, rien. Mais si vous ne voulez pas vous en occuper, peut-être pouvez-vous le confier au géniteur? Même si les mâles humains semblent moins enclins à se charger des larves, certains semblent le faire avec succès, et même un certain plaisir.»

«JE SAIS MÊME PAS QUI EST LE PÈRE!» lui hurla-t-elle dessus, le faisant reculer d'un pas.

«Ah.»

Le regard qu'elle lui jeta lui apprit que ce n'était probablement pas la meilleure réponse à lui donner. Le silence retomba, insupportable, alors qu'elle faisait les cent pas dans la pièce.

«Hum...» osa-t-il, timidement, s'attirant aussitôt un regard qui le glaça.

«Oui?»
«Heu... abandonnez-le?»
«Mais vous comprenez rien! Je veux pas être enceinte! Je peux pas être enceinte! Je... je vais pas commander avec un ventre comme ça!» s'insurgea-t-elle, mimant une grossesse ridicule par son volume.

Les reines avaient commandé de tout temps, en portant les œufs des prochaines générations, et il avait vu nombre d'esclaves travailler jusqu'à quelques minutes avant leur mise bas.
Il ne voyait aucune raison pour que Liu de Sama ne soit pas capable du même exploit.

Mais ce n'était pas à lui d'en décider. Son rôle se bornait à soigner et à garder en bonne santé l'équipage de l'Utopia – et, en ce qui le concernait, l'amas de cellules en croissance dans la cavité abdominale du quartier-maître n'en faisait pas partie.

«Si vous n'en voulez pas, je peux l'éliminer. Après tout, il ne s'agit que d'une parasitose endogène.»

«Vous pouvez faire ça? Sans... que je risque de me vider de mon sang?»
Il ne put retenir un rire dédaigneux. Il n'était pas un rebouteux arriéré pétri de superstitions!
«Bien sûr.»

«Alors faites-le.»
Inutile de discuter, il connaissait ce ton.
«A vos ordres.» opina-t-il, lui faisant signe de se rallonger sur la table.
La procédure n'était guère différente de celle consistant à retirer une tumeur. Mais il serait peut-être bon qu'il se penche sur des méthodes pour éviter en amont la fécondation.

Il ne s'en était jamais vraiment soucié car, malgré quelques gestations, personne à bord ne s'en était jamais vraiment plaint, mais ce pourrait être un outil intéressant à ajouter à son arsenal.
Après tout, il lui semblait avoir lu dans les dossiers volés aux atlantes, que ces derniers s'assuraient qu'aucunes de leurs femelles ne soit fertile durant la mission – et, au vu de la longueur et de la complexité de la gestation mammalienne, l'intérêt de la chose semblait soudain évident.

En quelques minutes, l'opération fut terminée.
«Abstenez-vous de tout accouplement pendant quelques jours, vos organes reproducteurs sont encore fragilisés par la chirurgie.»

«Je suis pas pressée. Je vous rassure.» grinça-t-elle en se redressant péniblement.

Il opina. Tant mieux. Il n'avait pas envie de devoir courir après une de ses supérieures afin de calmer sa libido débordante.

«Et surveillez le rythme de vos évacuations utérines... de vos...»
«De mes règles. C'est bon, doc, je vais pas oublier.»

«Bien. Si les saignements actuels durent plus de quelques jours ou s'intensifient, revenez en urgence, ce peut être une hémorragie.» poursuivit-il, commençant à nettoyer la zone.
«OK. Autre chose?»
«Vos hormones vont mettre quelque temps à revenir à la normale. Vous pourriez encore avoir des symptômes de gestation, c'est tout à fait normal.»
«Merci de me prévenir. Je peux y aller?»
«Oui.»
«Et pas un mot à qui que ce soit à propos de ça. Même pas de rapport écrit. Compris?»
«Mais, quartier-maître, le suivi de votre dossier médical est important.» protesta-t-il.

«C'est un ordre, Yasilym de Silla.» siffla-t-elle, mauvaise.
«A vos ordres, Liu de Sama.» capitula-t-il.
Ça ne valait pas le peine de se battre pour ça. Vraiment pas.