14 octobre
« Je déteste ça », « Non, c'est faux » (« I hate it », « No, you don't »).
Soul & Silver (Cœur d'Or/Âme d'Argent)
Soul se baissa pour ramasser son Noctali, qui commençait à avoir du mal à tenir sur ses pattes, son pelage noir tout ébouriffé, et le saisit au milieu du corps pour le porter. Elle était ébouriffée, elle aussi. Les combats Pokémons lui faisaient toujours cet effet-là, délaissant pour un instant sa nature calme et douce en échange d'une grande concentration et d'une rage de vaincre.
C'était un contraste saisissant. Pour l'instant, la bataille contre son rival étant finie, elle reprenait sa décontraction d'origine et elle sourit à Louva en caressant sa fourrure sombre.
« Pfff… Ma dernière attaque aurait pu marcher, sans la brûlure que ton Feurisson avait infligée à mon Nostenfer, lâcha Silver avec ce petit air « ronchon » (comme disait Sandra) qu'il avait les trois quarts du temps.
-Oui, je sais, acquiesça Soul. Mais elle a aussi empêché le Synchro de Louva de lui transmettre l'empoisonnement de ton Direct Toxic. »
Ils auraient pu analyser leurs combats de manière passionnante pendant des jours si seulement le jeune homme aux cheveux rouges était du genre à s'ouvrir à ce point, sur la durée, aux gens. À la place, ils faisaient des déjeuners à la fin de chacune de leurs rencontres, qui avaient lieu un mercredi sur deux dans l'antichambre de la Ligue Pokémon. Ce n'était pas forcément fait exprès. C'était juste qu'il n'y avait qu'un seul restaurant dans la zone, pour les Dresseurs fatigués ou vaincus, et qu'ils s'y étaient rendus sans se concerter la deuxième fois.
Soul n'avait plus que deux Pokémons en forme et Louva n'était certainement pas le mieux loti. Elle le fit revenir dans sa pokéball et sorti Petite Fumée, sa Feurisson, à la place. Après quoi, ils se dirigèrent vers la brasserie qui se trouvait juste à côté.
La jeune Dresseuse s'assit au fond de la salle après avoir commandé, comme d'habitude. Non pas qu'elle était devenue solitaire avec les années, mais elle avait l'habitude de voir des Pokémons et des gens tous le temps. Ça ne lui faisait pas de mal de s'accorder une pause. Quant à Silver, il était, lui, vraiment réservé et renfermé. C'était comme ça qu'ils s'étaient retrouvés ensemble sur la banquette rouge de belle marqueterie sans s'être concertés.
Les Pokémons de Soul étaient réunis autour d'elle. Ils mangeaient des brioches spécial Pokémons, enrichies avec des quartiers de baies, tandis qu'elle dégustait du tofu pané servi dans un bol de riz, avec des champignons. Enfin, ils ne rentraient pas tous dans le restaurant. Orage le Léviator rouge et Céleste la Togékiss étaient installés dehors, de l'autre côté de la fenêtre, sous une petite véranda qui avait été aménagée exprès pour tenir chaud aux créatures qui étaient trop grandes pour manger en compagnie de leurs amis humains à l'intérieur.
L'équipe de Silver était aussi auprès de lui. En fait, son Aligatueur était carrément installé à ses côtés sur la banquette, comme Comète le Pharamp l'était avec Soul. Il y avait son Farfuret sous la table, avec Louva, et son Ectoplasma sur la table en compagnie de Petite Fumée. À un moment, le Pokémon de type Glace se fourra contre sa jambe, par affection, et la jeune Dresseuse sentit son rival se crisper près d'elle.
« Je déteste ça, lâcha-t-il en écartant Farfuret d'une main placée sur sa tête.
-Non, c'est faux, rétorqua Soul, ne pouvant pas se retenir. Ça te fait plaisir. Je le sais. Je le vois.
-De quoi est-ce que tu te mêles, toi, de toute façon ? s'énerva Silver, cependant pas aussi agressif qu'il l'aurait été en temps normal.
-Je te comprends mieux depuis que nous avons fait ce combat ensemble contre Peter et Sandra. Et toi aussi, tu saisis mieux comment je considère les choses, n'est-ce pas ? Alors tu sais pourquoi je te dis ça. Tes Pokémons sont là pour te donner amour et attention et tu en as besoin.
-Tu rêves ! Je ne suis pas dépendant de quoi que ce soit !
-Tu en as besoin, comme nous tous Dresseurs, insista le Maître de Johto. Maintenant qu'ils sont à tes côtés depuis des années, tu ne devrais plus faire comme si ça comptait pour rien.
-Ce n'est pas ce que j'ai prétendu ! »
Mais Silver avait dû remarquer la mine attristée de Farfuret, parce qu'il garda sa main posée sur sa tête. Soul attrapa Petite Fumée, qui avait encore sa brioche aux baies dans les pattes, et la jucha sur ses épaules, même si elle était lourde, pour que la Feurisson puisse s'enrouler autour de son cou. Sa partenaire poussa un petit cri sourd, heureux, et fit jaillir ses flammes pour la réchauffer doucement. Louva grimpa sur le banc, prit sa casquette à nœud rose, la ramena par terre pour se rouler en boule dedans, simplement bercée par son parfum qui s'en dégageait.
« Tes sentiments, ajouta Soul en regardant Silver à travers ses cils, pour ne pas le braquer en fouillant le fond de son regard rouge. Ceux qui sont positifs. Tu m'as dit que tu voulais endurcir ton cœur. Ça passe aussi par le fait de les assumer sans contrainte et sans faux-semblants.
-Soul, je ne t'ai pas demandé ton avis, répéta Silver en saisissant Farfuret pour le placer sur ses genoux. Mais après tout, pourquoi est-ce que je n'en profiterais pas, tant que tu es là ? Les conseils de ce gars, Peter, m'ont bien été utiles... »
La jeune Dresseuse sourit en le voyant essayer de considérer aussi les sentiments d'Ectoplasma durant le reste du repas. Elle était la première surprise qu'ils aient réussi à parler. D'habitude, leurs interactions n'étaient basées que sur les combats Pokémons et lui qui s'énervait et elle qui lui demandait ce qui n'allait pas chez lui pour qu'il ait un comportement aussi terrible.
Mais les choses avaient changées depuis que Silver lui avait demandé de faire équipe avec lui pour vaincre Peter. Ils avaient été étonnamment synchrones. Ils en avaient été les premiers surpris. Et ils se comprenaient mieux maintenant et elle avait envie de l'aider à mieux accepter l'idée de témoigner de l'amour à ses Pokémons, quitte à le forcer un peu. De toute façon, en matière de forçage, il avait pris son contant d'avance durant les premières années de leur voyage, il lui devait bien de la laisser faire un peu.
