Non vous ne rêvez pas, c'est bien la suite !
J'avais adoré le tome 7 mais il m'avait un peu embarrassée sur deux points, dont l'un était la relation entre Lily et Snape… Mais on va dire qu'ici je remplace Lily par Lucius lol (en plus leurs prénoms commencent par la même lettre, et j'avais donné à Lucius le même signe astrologique que celui de Lily !)
Pour me faire pardonner d'avoir été si longue (je crois que j'avais besoin de m'éloigner quelques temps du fandom et de l'univers HP), voilà un chapitre assez long. Et qui conclut enfin la deuxième grande partie de la fic ! Après le rythme de publication devrait être plus rapide, vu que je ressasse la fin depuis des années dans ma tête lol
Sinon j'ai vu que sur les chapitres précédents on m'avait enlevé pas mal de signes de ponctuation :/
J'ai commencé à poster des appendices, vous pouvez trouver ça sur ma page de profil, dans « Les rats et les fées : appendices ». Et une fic sur Rosier et Wilkes devenus mangemorts plus tard en 1980, « Runaway boys ! ».
Enfin un grand merci à Maria Ferrari qui a fait une bétalecture soigneuse de ce chapitre !
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Le garçon connaissait chaque poussière de cette chambre par cœur, il l'avait parcourue des yeux pendant dix ans, chaque jour des heures et des heures, et la nuit quand la toux, la nausée ou la tristesse le tenait éveillé dans l'angoisse.
Il n'y avait que des dommages à vivre ainsi, aucune raison valable, mais les enfants s'habituent plus facilement que les adultes à la souffrance, et ils sont peu capables de se représenter le plaisir, hors de l'instant immédiat. Le malade n'avait aucun point de comparaison, alors il pensait que sa vie était normale, bien que la plupart des enfants qu'il voyait lors des soirées avaient l'air bien plus solides et moins pâles que lui.
C'est pourquoi il évitait de se regarder dans le miroir ; pâle comme la porcelaine n'était pas une expression exagérée. Des demi-lunes grises fardaient le dessous de ses yeux, qui brillaient dans la pénombre de sa chambre, lumière des phares scintillant sur la mer bleue embrumée.
Il n'y avait aucun intérêt et bonheur à vivre ainsi, mais il n'avait que onze ans, et son naturel le poussait à mettre de la bonté et de l'agrément dans de petites choses : les nouveaux livres de la bibliothèque, les jours où sa mère lui portait le petit-déjeuner, ses tenues si élégantes et toujours différentes, les jours où les médicomages ne venaient pas l'observer…
Oui, il connaissait chaque détail de cette chambre car il avait essayé d'en tirer toute la vie nécessaire pour continuer la sienne. Certains auraient dit qu'ils faisaient partie de ces personnes qui survivent avec d'autant plus de force qu'elles ont souvent côtoyé la mort…
Car elle aussi, il la connaissait parfaitement. Combien de fois avait-on déclaré qu'il était perdu, qu'il ne passerait pas la nuit ! Il l'avait devinée et sentie, pendant dix ans, chaque jour des heures et des heures, et la nuit quand la toux, la nausée ou la tristesse le tenait éveillé dans l'angoisse. Dans la nuit derrière les volets de sa chambre… Dans la lumière fausse qui lui montrait sur les glaces son visage spectral et cerné sous ses cheveux presque blancs.
Oui, Lucius Malefoy avait appris à connaître la mort depuis son plus jeune âge.
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Chapitre 14
Stairway to heaven
(partie 2)
II
Le mois de son anniversaire, Malefoy déplaça sa raie du milieu au côté, ce qui recréant une frange presque entière sur son front, produisit ce phénomène étrange, qu'il semblait plus jeune après avoir eu dix-huit ans qu'au début de l'année, lorsque Severus l'avait croisé sur le quai de la gare.
Ce dernier en était d'autant plus hypnotisé, qu'une plus grande surface de ses cheveux étant ainsi exposée à la lumière et la reflétait, son regard gris se trouvait alors mystérieusement balayé par les pointes d'or de ses cheveux.
Severus ne pouvait s'empêcher de contempler cette nouvelle image de son visage. Ses yeux étaient involontairement attirés par la finesse de ses traits, soulignée par la frange, et jamais rassasiés ; il regrettait de ne pas avoir déjà dix-huit ans, pour pouvoir être dans sa classe et le contempler secrètement…
Il l'avait peu vu cette semaine, sans même aborder le fait que Bellatrix commençait à lui tourner autour. Evitait-il volontairement Severus, après ce qui s'était passé dans la salle de bain des préfets ? Ou bien était-ce dû à une surcharge de travail ? Il s'était vite avéré que Lucius prenait son nouveau grade de préfet très au sérieux...
Certes, on ne le voyait guère à l'APADI (1), il avait délégué à Severus, intronisé contre son gré suppléant non officiel de Malefoy. Mais cela ne résumait pas tout son labeur. Faisant preuve du sérieux d'un futur homme d'état, Lucius avait repris les dossiers de son prédécesseur, et fait de la lutte contre l'alcoolisme estudiantin son cheval de bataille. Autant dire que la dite guerre, notamment contre les bouteilles cachées de Walden Macnair, homme qui ne fut jamais capitaine de soirée de toute sa vie, constitua le volet le plus ardu de ce chantier. Lucius semblait notamment connaître l'enchantement qui avait permis à Angus de transformer sa baguette en bâton de sourcier et détecteur anti-alcool ; ce qu'il n'avait pas prévu c'était qu'elle le mènerait droit sur le gisement le plus important de l'école, à savoir un psychomage breton d'1m90.
« Puis-je savoir, honorable Lucius, pourquoi cette baguette vibre en me regardant ? », s'enquit l'Illustre Imbibé.
Comme d'habitude, on aurait dit qu'il riait en parlant, et il n'y avait rien qui agaçât davantage Lucius.
« Je ne sais pas », répondit-il avec une grimace de mépris. « Il faut croire que c'est un diagnostic éthylique. »
« Ah, Lucius Malefoy… Pourquoi faut-il que tu sois toujours aussi négatif ? Et aussi émotif ? »
Lucius écarquilla les yeux.
Gwénolé ne lui laissa pas le temps de répondre et disparut derrière un groupe d'élèves.
Quelques heures plus tard, Lucius découvrait grâce à sa baguette une oreille collée sous un morceau de tapisserie de la salle commune. Un habile syllogisme l'amena à conclure devant Severus qu'il s'agissait d'un dispositif d'espionnage émanant du Français, dont même l'oreille possédait un taux élevé d'alcoolémie. Quelle était la raison de cet espionnage, cela, Severus l'ignorait, même si Walden Macnair aurait sans doute eu une théorie à lui proposer.
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Les obligations préfectorales n'étaient néanmoins pas l'unique raison de la disparition de Lucius, qui passait toujours des heures à la bibliothèque et dans la salle de travail de leur maison.
Severus le retrouva assis sur le sol dans la chambre, un soir, entouré de ses papiers répandus, de sa plume et de ses cahiers, la tête dans les mains.
« Je suis nul… », murmurait-il entre ses dents. « Je ne suis qu'un nul… »
« Qu'est-ce qui se passe ? »
« Il se passe qu'il est impossible de se concentrer dans cette école et que même si ce n'était pas le cas, je ne comprends rien à rien, parce que je ne suis qu'un idiot. »
Severus le fixa de ses yeux noirs, puis sans rien dire, se baissa pour ramasser les papiers qui l'entouraient. Les feuilles volantes étaient couvertes de la belle écriture de Lucius : des bâtons raides et un peu grêles mais avec d'étranges boucles et fioritures à la fin des lettres. Mais les cahiers étaient différents. Leurs couvertures étaient d'un gris bleu assez triste, le papier jauni et la texture un peu gondolée. Quant à l'écriture, ce n'était pas celle de Lucius. Elle était nette, mais rapide et penchée vers l'avant ; les lettres, élégantes, étaient toutes liées, et il n'y avait quasiment aucune rature, seulement des points d'interrogation.
« Ce ne sont pas tes cahiers. »
Lucius ôta les poings de ses yeux rougis.
« Non, ce sont ceux d'Angus, pour le magistère », dit-il en reniflant.
« Le magistère d'alchimie ? »
« Oui. Il m'avait laissé ses notes. Mais il y a plein de choses que je ne comprends pas. Mon père avait raison... Je ne suis qu'un bon à rien. »
Ses récriminations finies, il tourna la tête, intrigué par le silence de Severus ; celui-ci s'était assis contre le mur à ses côtés, et tournait les pages de ses longs doigts maigres, une lueur dans ses yeux charbonneux.
« C'est brillant. »
« Ah bon ? Tu comprends ce qu'il y a écrit ? »
« Oui. Il est proposé une solution au dilemme de Paracelse, pour parvenir à lier les ingrédients de la potion. »
« Je sais… Le problème c'est que je ne comprends pas cette solution. Tu la comprends, toi ? »
« Oui, enfin je crois… C'est un raisonnement très mathématique en revanche… Presque trop. On pourrait peut-être l'améliorer en mettant en oeuvre des connaissances plus précises dans la pratique expérimentale des potions. »
Lucius eut un drôle de sourire en biais.
« Alors tu es plus intelligent qu'Angus… Je ne savais pas que c'était possible. »
« J'ai ma matière de prédilection, c'est tout. »
« Tu es intelligent. », répondit-il, l'air sombre. « Moi tout ce que je sais faire, c'est lire et travailler, comme un bon fils à papa. »
III
Le magnifique crocodile empaillé qu'on avait accroché au plafond au-dessus de la table des convives était sans conteste le clou de la décoration du dîner d'anniversaire organisé par Avery.
Après avoir remercié son camarade et dansé avec une Bellatrix étrangement beaucoup moins revêche que par le passé, Lucius Malefoy vint prendre place aux côtés de Severus, près des gâteaux apéritifs. Revêtu pour l'occasion de la belle robe violette que lui avait offerte son aîné, Severus était occupé pour sa part à détailler la tenue des musiciens, d'excentriques justaucorps noirs serrés en bas par des bottes montantes d'ouvrier. Son regard remonta le long du bras sec et pâle du contrebassiste, orné de sinistres insignes noirs. Les doigts de Wilkes tapotaient les cordes en rythme, créant comme une ligne d'escalier descendant, tournant en boucle sur elle-même, telle la danse d'un fou ou le monologue fermé d'une obsession. Sur cette assise venait s'élever la mandoline stridente d'Evan Rosier, qui en vertu de quelque procédé magique n'avait rien à envier aux guitares électriques moldues. Le corps tendu et agité d'une énergie négative, ses cheveux jaunes sur ses yeux tombants, Rosier beuglait :
J'sais pas quoi faire !
J'sais pas où'aller !
Mon père s'est marié avec un sang sale !
Et moi j'compte pour que dalle !
« C'est tellement recherché ces paroles », murmura Lucius en prenant une petite tartine de caviar.
Quand t'as la rage
Contre les sages
Qui croisent les bras
Quand rien ne va !
« Quoi, tu n'admires pas ces magnifiques couplets ? », murmura Severus d'une voix veloutée.
Lucius eut un sourire de travers et tourna la tête sur le côté.
Si t'es un homme
Prends ta baguette !
Prend pour perpète !
Et nettoie Rome !
« Pourquoi Rome ? »
« La rime, Severus, la rime. »
C'est pas trop tard
Pour sauver des vers
L'identité sorcière !
« La musique d'aujourd'hui, ça vaut vraiment rien », maugréa Lucius, grand amateur d'harpe et d'harmonium devant l'éternel.
« Macnair n'est pas là ? », demanda Severus à Avery.
« Il n'a pas voulu venir. »
« Malgré les boissons ? », s'étonna Severus.
« Je crois qu'il a peur de Lucius. Lucius m'a dit qu'il avait raconté aux Médipsychomages qu'il avait assassiné Angus et maquillé ça en suicide. »
Lucius tourna la tête, avec son habituel air de sphinx.
« Je n'ai jamais entendu de toute ma vie quelque chose d'aussi ridicule. »
« Oui, c'est complètement idiot », renchérit Avery.
« Il parait qu'il me faisait chanter aussi. Et quoi encore… »
« Il te faisait chanter ? », s'exclama Avery.
« Il ne me faisait pas chanter ! », s'insurgea Lucius. « C'est Macnair ou quelqu'un d'autre qui a eu cette idée stupide. Et je me suis fait cuisiner pendant deux heures par ces prétendus Médipsychomages. Je mettrais ma main à couper qu'ils ne sont pas plus Médipsychomages que toi et moi. »
« Tu crois que ce sont des Aurors ? »
« Si Gwénolé Kouign-Aman est un Auror », intervint Severus, ils ne sont pas prêts de trouver le meurtrier.
« Alors lui, je ne peux vraiment pas le supporter », murmura Lucius.
« Moi non plus », dit Severus l'air réflexif.
« Moi aussi », ajouta Avery.
« Ils ne se rendent pas compte qu'ils sont sur le point de ternir la réputation d'un innocent », déclara Lucius en trempant les lèvres dans son verre d'Hypocras.
« Et cela signifie que, pendant ce temps, le véritable assassin, lui, court toujours. »
« Et si des Aurors sont à Poudlard », réalisa Avery avec horreur, c'est qu'il est sans doute ici.
Le reste de la soirée ne fut guère joyeux. Wilkes et Rosier ayant regagné la table pour dîner, le rock des Damiers laissa la place à de vieilles symphonies du 19ème siècle.
Severus était assis en bout de table aux côtés des frères Lestrange, qui ne parlaient guère, sauf quand il fut question de la généalogie des différentes familles de sang pur, et de la manière peu ragoûtante dont certaines s'y étaient prises pour éviter de se mélanger avec des Moldus.
« Les Black et les Malefoy… », soupira Pimprenelle Diggory. « Ils ont fini par être tous cousins… ! Et ils ont toujours nié que la multiplication des Cracmols aux XIXème et XX siècles en était la conséquence... »
« C'est ce qu'on toujours pensé les Russell… Ils ne voulaient ni se mélanger aux Moldus et perdre leur identité, ni perdre leurs pouvoirs magiques en se reproduisant en vase clos et en attrapant des maladies débilitantes. »
« Alors comment ont-ils fait ? »
« Ils sont allés chercher du sang neuf ailleurs, et ce sang devait être magique. Certains disent – mais c'est un racontar de grand-mère – certains disent qu'ils ont contracté des unions contre-nature avec des créatures magiques. »
Rabastan poursuivit, malgré l'air incrédule de Snape et Diggory.
« On dit qu'ils ont procréé avec les nixes, les sirènes maléfiques qui hantent les marécages du nord. C'est pour cela qu'ils ont tous les idées noires, dans cette famille. »
« Ça ne les a pas empêchés de disparaître », déclara Rodolphus Lestrange.
« Exact mon frère, ni de dégénérer, car les mélanges de ce genre comportent des dangers. »
« Lesquels ? »
« Faire naître des monstres. Ou des êtres non viables. »
« J'ai toujours dit que Russell était pas humain... », ricana Parkinson.
Le dernier morceau de fromage disparut des plateaux. Et tandis que Berlioz faisait trembler sur les murs des ombres fantastiques, un gros gâteau à la crème apparut devant Lucius, qui dut s'y reprendre à plusieurs fois pour souffler ses bougies.
Il avait sans aucun doute minci depuis l'an dernier, mais la fonte d'épaisseurs du joueur de Quidditch ajoutait à sa beauté, semblant révéler chez lui un naturel plus profond, ce que remarqua Severus avec un étrange pincement dans l'estomac.
« C'est le moment des cadeaux ! », lança Bellatrix en se tordant les mains.
« Tu as pensé à moi, Bellatrix ? »
« Bien sûr, Lucius… »
« Mais qu'est-ce que c'est ? »
Devant la splendeur de ce présent (un sablier à asticots), Severus se demanda si par hasard, il ne se pourrait pas que ce fût elle qui lui ait envoyé des rince-doigts à Noël.
Grimaçant, Lucius continua d'ouvrir ses cadeaux : un épervier pour remplacer son ancien hibou, des livres, ainsi qu'une petite bouteille de potion qui se révéla être du parfum concocté de manière artisanale.
« Merci Severus », chuchota Lucius en l'embrassant sur les joues.
Mais Severus eut beau les jours suivants se repasser le film de ce baiser de remerciement dans la tête, il ne parvint jamais à s'en remémorer la sensation, comme si son cerveau s'était éteint au moment où les lèvres de Lucius touchaient ses joues.
A présent le visage de Lucius s'éloignait de lui au ralenti, tandis qu'un Macnair ensommeillé et en pyjama sortait de la tour des dortoirs pour traverser la salle jusqu'à la grande table, un paquet dans les bras.
« Walden Macnair… Tu descends juste pour venir m'offrir un cadeau ? » demanda Lucius.
« C'est pas ça… Y'avait une chouette qui tapait à la fenêtre… Alors j'ai ouvert. Elle portait un colis. Je crois que c'est un cadeau pour toi. »
« Ça m'est bien adressé… Mais en poste restante ? »
« C'est sans doute tes parents », dit Avery.
« Non, je l'ai déjà eu celui-ci. Et ça vient de la Poste française. »
Il coupa les fils du colis, pour découvrir avec satisfaction un emballage cadeau. Mais sous l'emballage, il y avait une sorte de coffre en pierre.
« On dirait une urne », dit Bellatrix.
Lucius fronça les sourcils, plus pâle d'un ton. Mais rien ne laissait encore prévoir la réaction qui allait être la sienne quand il ouvrit l'enveloppe qui accompagnait l'urne. Car toute couleur sembla alors abandonner son visage ; un unique frisson parcourut son corps, puis ses mains se mirent à trembler. Il essaya d'ouvrir la bouche pour parler, mais aucun mot ne réussit à franchir ses lèvres. Avery voulut regarder ce qui sur cette carte d'anniversaire avait pu le mettre dans un tel état de choc, mais Lucius la referma avant qu'il en ait eu le temps.
Il se leva, l'urne et la carte dans les bras, l'air sonné.
« Je… Je monte aux dortoirs. Je… Je ne me sens pas très bien. Que personne ne me dérange. »
Et il disparut dans l'escalier.
« Hum, ça doit être un truc bien honteux pour qu'il veuille pas nous le montrer », dit Rosier.
« Du genre ? », demanda Wilkes.
« Je sais pas, une commande à L'échoppe de Pan par exemple », répondit le jeune blond, l'air préoccupé.
« …Tu crois que Malefoy connaît cette boutique ? »
-oOoOo-
Lucius redescendit au bout d'un quart d'heure… pour annoncer qu'il allait se coucher. Plusieurs personnes lui demandèrent ce qui se trouvait dans cette étrange urne en pierre ; il répondit tantôt qu'il s'agissait des cendres de son arrière grand-père, tantôt que c'était un jouet, sans qu'on sache au juste s'il était sérieux ou ironique.
Quoiqu'il en soit, les jours suivants, il parut à la fois inquiet et moins mélancolique qu'à son habitude. Severus le vit même sourire une ou deux fois. Quant à Macnair, ses rapports avec les Médipsychomages semblèrent singulièrement se refroidir le dimanche qui suivit, quand il se pavana devant des Serpentard de première année avec sa carte Chocogrenouille de Voldemort.
« Mais qu'est-ce que c'est que ça ? », demanda Gwénolé en lui tirant la carte des mains.
« C'est une carte collector du Seigneur des Ténèbres ! », clama fièrement Macnair.
« Trop la classe, on savait même pas qu'elle existait ! », dirent John, Jack et Jim.
« Sans doute parce qu'elle n'existe pas justement », répondit Gwénolé l'air sévère. « Venez voir ça, patron. »
Erwin McAlistair prit la carte du bout des doigts.
« Non, ils n'auraient jamais sorti une carte pareille. Je vais vérifier dans le catalogue, mais c'est sans doute un faux. »
« Si c'est le cas, c'est une réplique parfaite. »
« Où l'avez-vous trouvée, monsieur Macnair ? »
« Je ne l'ai pas trouvée », bredouilla l'adolescent. « Je l'ai achetée… à Honeydukes. »
Les deux Médipsychomages se regardèrent.
« Je vais l'analyser avec Minerva », conclut McAlistair.
Severus, témoin de la scène, adressa un sourire mauvais à son camarade tombé en disgrâce.
« Oh, et Severus… », ajouta Gwénolé avant de s'éloigner. « N'oublie pas que tu as pris rendez-vous avec nous demain. »
IV
Le lendemain, Severus préféra attendre à l'extérieur, appréhendant de revoir le fantôme de l'infirmerie.
Cela faisait presque deux mois que les Médipsychomages étaient ici maintenant, et il se demandait bien comment Gwénolé faisait pour toujours se trouver à quelques mètres de lui, où qu'il aille dans Poudlard lorsque c'était hors des cachots. D'ailleurs, tandis qu'il s'amusait à faire craquer sous son pied la mince couche de glace qui recouvrait la pelouse, il entendait encore sa voix…
« Le problème c'est que je n'ai toujours rien contre lui. Rien de rien. Pas la moindre paillette de preuve tangible. Et il a un alibi parfait le jour de la mort de Russell. »
Severus se retourna mais ne le vit pas. Puis il s'aperçut que cette voix venait de l'intérieur du cabinet, dont la fenêtre était entrouverte. Il retint son souffle. La voix de McAlistair se fit entendre à son tour.
« Qu'allons nous faire maintenant ? La perquisition chez lui et le Véritasérum n'ont rien donné. »
« Il faut pourtant qu'on le coffre. Si l'on n'a pas de preuves, hé bien… On en inventera une. »
« Dumbledore ne sera jamais d'accord. »
« Nous n'avons pas besoin de lui demander son avis. »
« C'est risqué… Nous pouvons perdre son soutien, et nous n'avons vraiment pas besoin de ça. »
« Hum, tu as raison… Il faut trouver autre chose. »
« Tu dois voir Snape maintenant non ? Essaye de le faire parler. Il sait peut-être quelque chose sur Malefoy. On les voit souvent ensemble ces derniers temps. »
« Oui… »
« Utilise le Véritasérum s'il le faut. »
« Si je fais ça, je vais perdre sa confiance. »
« Je n'ai pas l'impression que ce genre de garçon fasse confiance à qui que ce soit, tu sais. »
La fuite était encore possible, Severus s'y apprêta. C'était oublier l'ubiquité cartoonesque de Gwénolé. Sans qu'il ait le temps de se rendre compte de grand-chose, Severus se retrouva bientôt dans son bureau.
Les cheveux blonds noués en catogan luisaient dans la demi-obscurité de la pièce. Gwénolé souriait, à nouveau vêtu de bleu.
« Alors, qu'est-ce qui t'amenait ici, Severus ? Un petit verre ? »
« Non merci pour le verre », répondit Severus, les yeux posés sur son t-shirt Alan Stivell. « Si j'ai demandé une consultation… c'est parce que je crois que je suis en train de devenir fou. »
« Vraiment ? »
« Je vois des fantômes. »
« C'est un peu normal ici. »
« Je veux dire des fantômes comme ils ne devraient pas être. »
Gwénolé plissa les yeux.
« Qu'entends-tu par là ? Des fantômes de personnes vivantes ? »
« Pas exactement… En fait, j'ai vu le fantôme d'Angus Russell, dans l'infirmerie. »
« Hé bien, Poudlard a peut-être gagné un nouveau fantôme officiel. Mais pourquoi dis-tu qu'il est comme il ne devrait pas être ? Ce n'est pas de cela que tu étais venu me parler dans la bibliothèque ? »
« Si. Ce fantôme… Il n'est pas comme Russell était quand il est mort… Russell avait dix-sept ans… Le fantôme en avait onze ou douze. »
Songeur, Gwénolé se frotta le menton, qu'il avait mal rasé ce jour-là.
« C'est très intéressant, ça… Très intéressant… T'a-t-il parlé ? Dit quelque chose ? »
« Juste une phrase. Une drôle de phrase. Pauvre petite Sirène, ou quelque chose du même style. »
« Oui, c'est ça ! », murmura Gwénolé comme pour lui-même, les yeux brillants.
Puis il ajouta, à destination de Severus : « Je me demande si ce fantôme n'est pas la manifestation de quelque appel psychique… Hum je veux dire, et si Russell essayait de nous dire quelque chose par-delà le royaume des morts ? Et si ce fantôme était là pour lui accorder vengeance ? »
« Lui accorder vengeance ? »
« Nous indiquer qui l'a tué. »
« Vous êtes un psy ou un Auror, au juste ? »
Gwénolé laissa retomber un regard goguenard sur le morne et sombre garçon qui venait de lui lancer cette pique inattendue.
« Moi, un Auror ? Tu trouves que je ressemble à un Auror ? »
« Pas du tout. Ce qui me fait encore davantage penser que vous en êtes un. »
Gwénolé lui servit un verre d'eau et le posa devant lui.
« Hé bien… Je pense que tu as besoin d'hydrater les cellules de ton cerveau Severus. J'ai l'impression que tu laisses vraiment trop courir ton imagination. Tu as pris une substance prohibée ces derniers temps ? »
« Pas encore », répondit calmement Severus en repoussant le verre du dos de la main.
« Tu ne veux vraiment pas boire ? », dit Gwénolé en le fixant des yeux.
« Non », répondit Severus, l'esprit fermé.
« Dans ce cas… »
Severus ne comprit pas tout de suite ce qui lui arrivait. Il sentit quelqu'un derrière lui lui tenir les bras, et Gwénolé n'était plus derrière son bureau.
« Je suis désolé Severus », murmura le Médipsychomage.
Il décapsula d'un regard la petite fiole remplie de liquide transparent qu'il avait sortie de sa poche. Erwin McAlistair entra en silence par la porte donnant sur l'infirmerie. Severus voulut lui demander de l'aide, mais il savait que c'était inutile, et d'ailleurs Gwénolé ne tarda pas à lui verser d'autorité le contenu du flacon dans la bouche, en s'efforçant tant bien que mal de l'empêcher de le recracher.
« Il sait que nous sommes Aurors », dit Gwénolé.
« Qui te l'a dit ? », demanda Erwin McAlistair.
« Personne, je vous ai entendus par la fenêtre. »
« Je vais le faire se tenir tranquille Gwénolé. Occupe-toi de l'interroger. »
Erwin McAlistair tendit sa baguette et Severus alla tranquillement s'asseoir sur sa chaise.
Gwénolé put se réinstaller derrière son bureau, et il plongea à nouveau ses yeux dans ceux de Severus.
« Il faut que tu saches tout d'abord que nous ne faisons pas cela pour te causer du tort. Nous avons besoin de renseignements pour notre enquête. Nous n'avons pas pu obtenir tout ce que nous voulions. Et nous pensons que tu peux nous aider. »
« Vous n'avez pas le droit de faire ça. »
« C'est là que tu te trompes Severus… Mais laisse-moi plutôt regarder dans ton esprit… Voyons ça… »
Il revenait toujours au même endroit.
Là où était Lucius, les moments qu'il avait passés avec lui. Et il pouvait tout voir et tout comprendre, ce qu'il ressentait dans ces moments-là… Severus sentit une honte terrible s'abattre sur lui, comme s'il était entièrement nu devant eux.
« Où étais-tu pendant les vacances de Noël ? »
« A Poudlard. »
« Pendant toutes les vacances ? »
« Oui. »
« Tu n'en es pas sorti une seule fois ? »
« Non. »
« As-tu vu Lucius Malefoy pendant ces vacances ? »
« Oui. Il est resté à Poudlard pendant la première semaine. »
« Ensuite, il est reparti chez lui ? »
« Je crois. »
« T'a-t-il proposé d'entrer dans une confrérie liée à la magie noire ? »
« Non. »
« Sais-tu s'il l'a déjà proposé à d'autres personnes ? »
« Je ne sais pas. »
« D'autres personnes te l'ont-elles déjà proposé ? »
« Non. »
« Est-ce que Lucius Malefoy a reçu des paquets, des cadeaux pour son Noël ? »
« Oui. »
« Tu te souviens quoi ? »
Comme pour les autres questions, Gwénolé chercha et trouva.
Erwin McAlistair prit la parole : « Selon toi, Lucius Malefoy avait-il des mobiles pour tuer Angus Russell ? »
« Il a dit à son père qu'il le haïssait. Et il veut sortir avec Bellatrix, alors qu'elle semblait préférer Russell. »
« Je te confirme Severus que Miss Black préférait Russell, mais c'était loin d'être en raison de son charme ravageur... Ou quoique, à moins que l'on entende charme au sens de sortilège... Un de tes camarades m'a dit que Lucius Malefoy détestait perdre, et qu'il avait une sorte de complexe d'infériorité vis-à-vis de Russell. »
« C'est Macnair qui vous a dit ça ? Je crois maintenant que c'était vraiment le cas. Il est jaloux de son esprit. Il pense n'être pas assez intelligent par rapport à ce que son père attend de lui. »
« Très bien… Très bien… Parlons de toi maintenant Severus... Qu'est-ce que tu ressens pour Lucius ? Est-ce que tu le hais toi aussi ? Tout le monde semble se haïr pour une raison ou pour une autre dans cette école. »
« Non... Je ne le hais pas. Je l'admire. »
« Tu l'admires seulement ? »
« Je l'aime. »
« Et penses-tu qu'il y a une chance que tu sois jamais payé de retour ? »
« Non, je suis bien trop laid. Mais parfois... Parfois il est étrange avec moi. »
« Etrange ? »
« Il est... gentil. Il… Il me touche. »
Erwin McAlistair haussa les sourcils.
« Il te touche ? »
« Il me met du parfum… Il me lave les cheveux... »
« Voyez-vous ça. »
« Il me serre dans ses bras... Il me fait des présents. »
« Penses-tu que Lucius Malfoy ait des penchants homosexuels ? », demanda McAlistair.
« Je ne sais pas. Je crois que oui, parce qu'il a un produit pour homosexuels dans son coffret de toilette, mais je crois qu'il aime aussi les filles, car il a vraiment l'air d'apprécier Bellatrix. »
« Il aime Bellatrix ? »
« Il lui fait tout le temps la cour », s'entendit répondre Severus. « Il fait le beau devant elle… On dirait une espèce de paon ridicule quand il fait ça. »
Gwénolé sourit.
« Tu es jaloux de cette demoiselle Black ? », demanda-t-il.
« Non… Mais je n'aime pas voir Lucius paraître idiot comme cela. C'est comme si je ne le reconnaissais plus tout à coup… Et je ne déteste pas complètement Bellatrix. »
« Pourquoi ? »
« J'ai l'impression qu'elle me considère. »
« Et tu recherches beaucoup cela, la considération, n'est-ce pas Severus ? »
« Oui… Je ne déteste pas Bellatrix. C'est moi que je déteste. »
Un frisson le parcourut de la tête aux pieds. Poussé par le Véritasérum, il répondait à toutes les questions, mais fulminait intérieurement. Jamais il n'en avait autant voulu à quelqu'un ; sur cela, il ne pouvait justement pas mentir. L'Auror le fixait intensément des yeux, se promenant librement dans son âme ; alors Severus tâcha de mettre toute la haine qu'il ressentait dans son regard.
« C'est si facile à voir, Severus… Si facile de t'avoir par ce biais-là… Ne vois-tu pas que c'est ce que fait cette Bellatrix ? »
Se focaliser sur sa haine… C'était comme jeter un sort sans formule ou sans baguette… De la pure énergie qu'il déversait dans l'âme de celui qui lui faisait face. Il projetait cette haine sur ses sentiments les plus profonds, pour les toucher comme il avait touché les siens ! Un instant les yeux de Gwénolé disparurent pour être remplacés par un ciel sans fin semblant se confondre avec la mer. L'eau bougeait lentement, transparente, au-dessus du sable. Deux petits pieds marchaient sur les galets, vers une vieille cité fortifiée brumeuse et blanche, couronnée par une statue d'or brandissant une épée. Mais il y avait des avions dans le ciel, qui faisaient un bruit terrible. La vision ne dura même pas une seconde : les pierres blanches de l'édifice étaient déjà devenues plus lisses, c'était la peau blanche d'un visage… Un visage qu'il avait déjà vu, cheveux noirs et regard bleu, impression de netteté et de droiture… Un idéal d'humanité, un modèle pour tous.
L'Auror fit tomber le flacon vide d'un mouvement brusque et le contact visuel se rompit ; Severus cligna des yeux et se tourna vers McAlistair, reconnaissant le visage.
Gwénolé se mit à rire.
« Tu es si naïf décidément Severus… Le véritable amour n'est pas le même chez tous les hommes », déclara-t-il, jamais à court de lieux communs à distribuer à la jeunesse.
Mais n'était-ce pas seulement pour coller à son rôle de Médipsychomage ? Ou pour agacer et pousser à bout ceux dont il voulait tirer les vers du nez ? (2)
-oOoOo-
« Je crois que nous avons été clairs. Maintenant, il faut que des têtes tombent. »
Gwénolé Kouign-Aman se tenait debout devant le bureau de Dumbledore. Mais ce dernier lui tournait le dos et regardait à travers le vitrail de sa fenêtre, faisant glisser le long ongle de son index sur le fil de métal noir.
« Qu'entendez-vous précisément par têtes, Guinoleus ? »
« Katherine Méliès et Bhima Agni. »
« C'est hors de question », murmura Dumbledore.
« Dans ce cas, si ce n'est pas eux, ce devra être Lucius Malefoy. »
« Pourtant je ne vois aucune raison de faire arrêter Lucius Malefoy pour le moment. »
« Aucune ? Il a torturé un de ses camarades de classe jusqu'à ce que mort s'en suive… »
« Le problème, mon cher Gwénolé, c'est que je suis persuadé de son innocence. Un acte d'une telle cruauté ne peut être le fait… que de sectateurs de Lord Voldemort. »
« Dont Lucius Malefoy fait justement partie. »
« Je ne le pense pas. De plus, j'ai reçu une intéressante visite tout à l'heure. Une visite de Severus Snape. »
« Oh. »
« Il a affirmé que vous lui avez fait boire du Véritasérum, puis obliviaté. »
« Affabulations Albus. »
« Affabulations mon cher Gwénolé ? Un simple sort exécuté sur Severus Snape nous permettrait de savoir ce qu'il en est. »
« Bon. Dans ce cas … Avant que nous partions, je demanderais seulement la démission de Mme Méliès. D'ailleurs je ne pense pas que les parents d'élèves seraient heureux d'apprendre que leurs enfants se retrouvent régulièrement dans les parages d'un vampire. »
« Ai-je vraiment le choix ? », soupira Dumbledore.
V
Les ballons de la grande kermesse de Poudlard s'élevèrent jusqu'au plafond du grand hall en même temps que les têtes tombèrent.
Ce fut Katherine Méliès qui fit ses valises, le matin même, talonnée par un Bhima Agni catastrophé.
« Un scandale, un véritable scandale ! »
« Je l'avais dit, qu'il y avait un truc entre eux », dit quelques heures plus tard Walden Macnair devant le stand des Amis de la France.
Julius Baxter lui tendit la crêpe chaude enroulée à l'intérieur d'un papier graisseux.
« Tu crois vraiment qu'ils sortaient ensemble ? », demanda Snape en vérifiant que Gwénolé n'était pas dans les parages.
« C'est évident. »
Mais le regard de Julius avait dévié de sa crêpe bretonne.
« Ben dis donc Waldy, c'est quoi cette protubérance ?
Macnair sortit une patte de lapin de sa poche, ce qui résorba le renflement équivoque.
« Mon gri-gri contre le mauvais oeil. »
« Tu sais que Lucius est au courant que tu leur as dit ? »
« Que quoi ? »
« Il sait que tu l'as accusé de meurtre. »
« Je sais ça ! Il m'a même montré les chatons creux de ses bagues. Je suis un homme traqué maintenant. »
« Un homme traqué ? », répéta Julius.
Les choses semblaient maintenant aller pour le mieux pour Lucius. Il était allé régler quelques comptes avec Macnair, s'était débarrassé des Aurors en poussant Severus à aller se plaindre auprès de Dumbledore (en le voyant revenir de sa séance de psychothérapie, il avait tout de suite compris ce qui s'était passé), son magistère avançait à nouveau grâce à l'aide de Severus et comble de surprise… Bellatrix ne l'envoyait plus paître comme un malpropre. Mais c'était peut-être trop tard, car depuis son anniversaire, il n'était plus que froid et ironique avec elle. Il était même moins affectueux avec Snape, ne tombant plus dans les excès de caresse qu'il avait pu avoir par le passé. Cela ne blessait pas Severus, car Lucius faisait preuve envers lui d'attentions différentes, et qui le touchaient encore plus : il lui parlait à présent comme s'il était son égal. Et Severus, plein de la fierté de ce nouveau statut, ne se privait pas de parler en son nom.
« Si tu arrêtes de répandre des rumeurs sur lui », conseilla-t-il à Macnair, « je crois qu'il te laissera tranquille. »
Mais le dit Macnair continuait d'expliquer à Julius : « Il y a du poison dans ses bagues, tu comprends. C'est un grand maître empoisonneur. Il a sans doute tué Russell comme ça, avec du poison dans son thé aux framboises. »
Severus lui lança un regard plus acéré qu'un sabre de samouraï.
« Ok, j'ai rien dit. Oubliez ce que j'ai dit. »
« On fait quoi maintenant ? »
« D'après le programme, sur la petite scène il y aura le groupe de Rosier et Wilkes à 14h00. Puis une représentation du Petit Théâtre de Guinoleus à 15h30. Ça par contre je ne sais pas ce que c'est. »
« Moi si », pensa Severus en se souvenant des marionnettes qu'il avait vues Gwénolé Kouign-Aman fabriquer dans son bureau.
« Sur la grande scène il y a les membres du club de théâtre qui jouent Macbeth de Shakespeare. »
« Pas très intéressant tout ça… », murmura Severus, résolu à aller se perdre dans les stands.
Cela tombait bien, il repéra Bellatrix devant le stand du Renard de Poudlard. Elle s'était très maquillée ce jour-là, ce qui surprit Severus, et elle portait une ancienne robe couleur taupe avec des canons de dentelles et une jupe à panier. Tss… Sans doute des appâts pour séduire Lucius, et tel qu'il le connaissait, il allait sûrement mordre à l'hameçon, même si toute cette toilette la vieillissait d'une bonne dizaine d'années.
Mais il lui fallait mettre sa rancœur de côté pour quelques instants au moins. Il se dirigea vers elle et l'interpella.
« Bellatrix… Tu n'aurais pas vu Lucius ? »
Derrière elle, la couverture du nouveau numéro du journal était accrochée en grand sur tous les murs du stand. On y voyait la photo d'une femme moldue d'âge mûr, en tailleur, avec comme légende : « Le nouveau visage du parti conservateur. »
La jeune fille se tourna vers lui, le considérant de sa figure poudrée où ressortaient ses grands yeux noirs et froids, presque grecs.
« Je ne suis pas Bellatrix. »
« Mais… »
« Je suis sa mère. »
Severus remarqua que les poils de ses avant-bras s'étaient dressés. Cela devait être l'antique instinct de son âme reptilienne… Tout son corps lui suggérait de s'éloigner de cette femme dangereuse, comme la souris sait qu'il lui faut s'éloigner du chat.
« Je ne l'ai pas vue », poursuivit-elle. « Sais-tu où elle est ? »
« Non. »
« J'ai cru voir Lucius Malefoy du côté du club d'arithmancie… As-tu vu son père, ou Orion Black ? »
Mais elle n'eut pas de réponse à sa question, Severus avait disparu.
-oOoOo-
Lucius se trouvait effectivement au stand d'arithmancie, en train d'attendre qu'on lui termine son horoscope numérologique de l'année. Mais à voir le visage contrit de l'apprenti numérologue, les prévisions n'étaient guère brillantes.
« J'ai vu la mère de Bellatrix », lui murmura Severus.
« Merveilleux… C'est une vraie harpie celle-là… Heureusement que mon père n'a pas pu venir, je n'ai vraiment aucune envie de le voir. »
« Tu as prévu quoi après ? »
« J'irais bien jeter un œil au concert, histoire de rire un peu. Tu viens avec moi ? Avery doit venir aussi. Il paraît qu'ils ont trouvé un batteur. »
« Ça commence bientôt, dans dix minutes. »
« Oh, laissez tomber pour l'arithmancie. De toute façon, on ne peut rien faire contre le destin. »
-oOoOo-
Ce que le club de théâtre n'avait pas prévu, c'était que lorsqu'on réunissait les familles un jour de fête, les tragédies se produisaient surtout en dehors de la scène.
La chanson Death of a muggle du groupe d'Evan Rosier provoqua un tollé et l'on vit le père de Wilkes bondir sur scène pour asséner une calotte retentissante à son fils, tandis que sa nouvelle femme, habillée en moldue, se cachait le visage dans les mains. Le père d'Evan aussi était présent, et il le tira jusqu'au bureau du directeur pour qu'il fasse ses excuses.
L'incident échauffa les esprits des membres de l'APADI et du journal de l'école, et particulièrement de Sirius, déprimé par la vision de ses parents accompagnant Regulus qui mangeait une barbapapa, et de Remus assis tout seul dans un coin de la grande salle, à faire semblant de lire des dépliants.
« Quelle bande de crétins », murmura Lucius. « Ils cherchent vraiment les ennuis. »
Les instruments furent rangés en catastrophe, et l'on installa à la place le petit théâtre de marionnettes, qui attira sur les bancs un public nettement plus jeune.
« Lucius, je n'ai pas tellement envie de regarder le spectacle de marionnettes… »
« Je ne te force pas à rester toujours avec moi », répondit sèchement son aîné.
Severus se tourna vers Avery, qui haussa les épaules comme s'il ne comprenait pas.
Il y avait beaucoup d'enfants dans l'assistance, premières années, parents, et frères et sœurs. Severus crut reconnaître Regulus Black, le frère de Sirius. Quant à John, Jack et Jim, ils s'étaient installés au premier rang.
« C'est amusant », fit remarquer Lucius. « Ces trois gamins devant, ils te ressemblent un peu. »
« C'est vrai qu'ils ont un peu le même look que Sna… Severus », confirma Avery.
« Je ne sais pas pourquoi ils veulent me ressembler. Il n'y a vraiment rien à vouloir copier. »
« Ne dis pas ça », se contenta de déclarer Lucius.
« Oyez ! Oyez ! »
Gwénolé était apparu sur scène, en jeans, tongs, et chemise à jabot.
« Voici un conte du Petit Théâtre de Guinoleus… Mais aujourd'hui nous ne commencerons pas par des histoires aussi connues que celles de Cendrillon… »
A ses mots, Severus eut l'impression que son regard s'arrêtait sur lui.
« …ou celle de cette pauvre Blanche-neige… »
Avery tapa sur l'épaule de Lucius. Près du stand de cuisine, Bellatrix et sa mère étaient en train de discuter vivement.
« Non, aujourd'hui je vais vous raconter une légende de mon pays d'origine. Une légende bretonne. Celle de la ville d'Ys. »
La lumière baissa, et Gwénolé disparut derrière son théâtre.
Au bout de quelques instants, les rideaux miniatures s'ouvrirent tout seuls.
« Ça me rappelle mon enfance », murmura Lucius d'un ton joueur à ses deux amis.
« Moi cela me rappelle surtout le Véritasérum », songea Severus.
Une petite musique de harpe se fit d'abord entendre, puis les décors se hissèrent sur le bord de la fausse scène. A droite, un petit fort aux créneaux découpés ; derrière, un paysage de ciel et de mer.
La voix du Psychomage commença à raconter : « Il était une fois, en Bretagne, une jeune fille blonde de votre âge, nommée Dahud. Elle était la princesse d'une ville fortifiée, un merveilleux château au bord de l'océan, Ys, gouverné par le vieux roi Gradlon, son père. »
Une petite marionnette blonde apparut au sommet du fort. Ses cheveux étaient blonds et lisses, sa robe argentée et ses yeux bleus.
« Seule et désoeuvrée dans l'île de sa forteresse immense et vide, Dahud n'avait jamais aimé personne. Même ses jouets ne trouvaient grâce à ses yeux. Ils se ressemblaient tous, ils étaient sans visage, pour elle ils se dissolvaient dans la banalité de son quotidien et les limbes de sa solitude. Les uns après les autres, elle les avait brisés, et à présent… à présent elle s'ennuyait. »
Le vent se mit à souffler à l'intérieur du théâtre, les vagues de la mer apparurent en ombres chinoises, et l'on entendit le bruit des vagues.
« C'est bien fait quand même », opina Avery.
« Mais Dahud ne devait pas toujours rester seule. Un jour elle rencontra un étranger, vêtu de rouge. Il vint et marcha vers elle, sur la jetée. »
L'ombre de l'inconnu se projeta sur le chemin de garde, devant la poupée aux longs cheveux blonds. On ne voyait aucun détail à l'intérieur de sa silhouette, seulement de l'ombre, et les contours de sa cape et de ses bottes.
« Il était si attirant… si différent… Et elle était si seule… »
Encore une fois, Severus sentit son ventre lui faire mal, se sentant étrangement visé. Il jeta un coup d'œil à Lucius, tout de pourpre vêtu ce jour-là…
« Et il lui parla, car il était un grand maître pour ce qui était du discours et des mots. Et il lui montra… un serpent. »
L'ombre d'un python apparut dans la main de l'Etranger, à la fois droit et ondoyant comme les serpents de la statue de l'ancienne déesse.
« Ce que je te propose, lui dit-il, c'est de connaître le fond des choses. Mais était-ce le serpent de la connaissance ou le serpent du mensonge ? Sa langue était bien celle d'un serpent. Il berça Dahud de ses propos mensongers, lui faisant miroiter des choses qui n'existaient pas, et l'innocente jeune fille lui donna les clefs de la ville, car elle l'aimait d'amour… »
La nuit tomba à l'intérieur du théâtre.
« Mais savez-vous qui était cet étranger ? », murmura Gwénolé, « Le savez-vous ? Celui qui avait enchanté Dahud… Celui qui avait aussi enchanté les enfants de Hamelin… C'était le diable... Le diable, les enfants… ! Mais qui sait seulement à quoi l'on peut reconnaître les démons ? »
-oOoOo-
« Quel conte à dormir debout », déclara Lucius qui était sorti fumer une cigarette.
« Tu crois que ça a un rapport avec son nom ? »
Son regard se perdit dans les ombres de la forêt interdite. Severus préféra ne rien dire. Il revint à Gwénolé.
« Je n'en sais rien. »
« On aurait peut-être dû attendre Avery. »
« Avery ? En vérité, je n'aime pas ce flagorneur. Mais ne lui répète pas. »
« Il n'est pas bien méchant pourtant. »
Lucius eut un rire bref.
« C'est bien là le problème. Il est gentil. Mais seulement parce qu'il ne pourrait pas faire de mal à une mouche… Et s'il paraît souvent avoir de la compassion… pour toi par exemple, ou pour d'autres, c'est uniquement parce qu'il est lui-même incapable de supporter la douleur. C'est un lâche. Il suit les plus forts, voilà tout. Mais si un jour tu es en danger, ne compte pas sur lui pour venir te sauver. »
Son regard se perdit dans les ombres de la forêt interdite.
Severus préféra ne rien dire. Il revint à Gwénolé.
« Gwénolé, il est tout le temps en train de parler d'amour. Je trouve ça vraiment ridicule. En plus il a l'air d'en pincer pour McAlistair. »
« Tu crois qu'il est gay ? », demanda Lucius l'air à la fois dubitatif et intéressé.
« Il s'habille de façon extravagante... »
« C'est un "hippie". »
Severus fut attendri par cette déclaration sans trop savoir pourquoi.
« Le véritable amour, il n'a que ce mot à la bouche… », soupira Lucius. « Pff, ça n'existe pas. Il n'y a que l'admiration, et les affinités. »
Il écrasa son mégot et ils rentrèrent.
-oOoOo-
Elisabeth Bathory-Black se poudrait soigneusement le visage avec une grosse houppette blanche, semblant accorder peu d'importances aux remontrances agressives de sa fille.
« Puisque je te dis que ce n'est pas moi qui t'aie envoyé cette lettre explosive, Bella », répondit-elle calmement. « Je ne vais pas te le répéter dix fois. »
« Tu mens, comme toujours… Tu ne sais faire que ça ! »
« Ce n'est pas la peine de crier devant tout le monde, ma chère. Et je ne vois pas pourquoi je te cacherais une chose pareille. Il n'y a aucune honte à corriger les enfants qui le méritent. Cela prouve que l'on se soucie d'eux. »
« Parce que tu te soucies de Narcissa peut-être ? Cela fait presque deux mois qu'elle est introuvable, mais ça n'a pas l'air de t'attrister beaucoup. Tout ce qui compte pour toi c'est ton imbécile d'amant ! »
Mme Black tendit sa grande main froide et manucurée et l'abattit sur la joue de sa fille. C'était déjà la deuxième gifle de la journée, mais ce n'était pas grand-chose comparé à la bagarre qui venait de se déclencher à quelques mètres de là, portant à son paroxysme l'hystérie de la foule.
Irrité par l'affaire de la chanson du groupe de Rosier, Sirius Black avait apostrophé Severus Snape et Lucius Malefoy, s'enquérant de leur stand de recrutement pour les « Jeunesses hitlériennes ». Lucius n'avait pas répondu, ne comprenant pas l'allusion, mais Severus avait répliqué par les injures habituelles. Sirius Black avait ri.
« Pff, le petit caniche de Lucius Malefoy a des opinions ? Mais j'ai étudié l'histoire moldue avec Eric et Alan. On sait d'où ils viennent les gars dans ton genre, et celui de Rosier et compagnie… Les tarés qui s'enrôlent avec les fascistes… En fait c'est tous des pauvres RATÉS! »
Lucius Malefoy n'avait ensuite pas eu le temps de retenir son cadet, qui avait expédié Sirius Black dans la pile de conserves du chamboule tout.
« Je t'ai mis en colère Servilius ? Qu'est-ce que j'y peux si t'es qu'un raté de la vie ? Pauvre, laid et stupide, on peut dire que tu cumules les critères de recrutement ! »
Mais emporté par sa verve, Black baissait sa garde...
Severus fut sur lui en une seconde et plaça ses mains autour de son cou. Arqué au-dessus de lui, et tels qu'on pouvait les voir de loin, avec leur teint pâle et leurs longs cheveux noirs, ils semblaient deux frères jumeaux luttant l'un contre l'autre, ou un homme essayant de mettre à mort son propre reflet dans un miroir. Quant à Lucius Malefoy, comme plongé dans un état second, il semblait incapable de réagir, les yeux fixés sur les mains de Severus serrant le cou de Sirius Black… Ce fut à ce moment-là que le cri perçant de Bellatrix retentit.
« Je sais que c'est toi ! C'est toi qui l'as tué, je t'ai vue ! »
Elle se tenait la joue, tremblante, et désignait sa mère, le regard dément.
Les yeux de Severus s'écarquillèrent, il desserra involontairement son étreinte, alors que Remus Lupin et son père venaient au secours de Sirius.
Quant aux deux Médipsychomages ils étaient déjà loin, et de tout ce qui c'était passé cette année-là, Severus ne devait connaître le fin mot que des années plus tard.
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FIN DE LA SECONDE PARTIE
à suivre
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There's a Lady who's sure all that glitters is gold,
And she's buying a stairway to heaven.
And when she gets there she knows if the stores are all closed,
With a word she can get what she came for.
And she's buying a stairway to heaven…
There's a sign on the wall, but she wants to be sure,
'Cause you know sometimes words have two meanings.
In a tree, by the brook, there's a songbird who sings.
Sometimes all of our thoughts are misgiven…
Oh, it makes me wonder...
There's a feeling I get when I look to the west
And my spirit is crying for leaving.
In my thoughts I have seen rings of smoke through the trees,
And the voices of those who stand looking.
Oh, it makes me wonder...
And it's whispered that soon if we all call the tune,
Then the piper will lead us to reason.
And a new day will dawn for those who stand long.
And the forests will echo with laughter.
It makes me wonder…
If there's a bustle in your hedgerow, don't be alarmed now,
It's just a spring clean for the May-Queen.
Yes there are two paths you can go by, but in the long run,
There's still time to change the road you're on.
Your head is humming and it won't go, in case you don't know.
The piper's calling you to join him.
Dear lady, can you hear the wind blow, and did you know,
Your stairway lies on the whispering wind.
And as we wind on down the road,
Our shadows taller than our soul,
There walks a lady we all know,
Who shines white light and wants to show
How everything still turns to gold
Stairway to heaven, Led Zeppelin IV, 1971.
-oOoOo-
Notes :
(1) Association Préfectorale d'Aide au Désespoir Intellectuel
(2) La technique dite de l'inspecteur Colombo.
-oOoOo-
Scène coupée
Discussion entre McAlistair et McGonagall sur la carte Chocogrenouille du Dark Lord (non conservé dans la version finale)
« Alors, Minerva, quelles sont vos premières conclusions ? »
« Ce n'est pas une simple carte, Erwin. Elle permet à celui qui possède la deuxième de voir et d'entendre ce qui se passe près de celle-ci. »
« Je me suis rendu chez Honeydukes. Ils déclinent toute responsabilité naturellement. »
« Mais ce que je ne comprends pas Erwin… Si c'est un dispositif d'espionnage, pourquoi avoir choisi Voldemort ? »
« Hé bien soit c'est par goût de la plaisanterie, soit pour être sûr que son possesseur la conserve en raison de sa rareté. »
oOoOo-
Voilà ! bien sûr j'aime les longues reviews. Mais j'aime aussi les courtes ! (Je suis comme Carla Bruni)
Titre du prochain chapitre : La fée de Lucius !
