À nos Amours : Le Retour des ombres.
Majaix15
Résumé : Se connecter à la magie et contribuer à sa communauté sont les raisons qui ont poussé Famuyiwa à devenir prêtresse. Jamais la cousine d'Ayaba n'aurait cru que des ombres vengeresses chambouleraient ses rêves. Accompagnée de ses soeurs, d'un prétendant et de ses amis, réussira-t-elle à déjouer ce mal avant que leur monde ne s'écroule à nouveau, entrainant les êtres non magiques avec eux ?
Rating : E
Disclamer : Tout l'univers de Harry Potter et ses personnages appartiennent à J.K. Rowling et bien entendu je ne retire aucun avantage financier de l'histoire que j'ai créée à partir de cet univers.
Cette histoire met en scène des relations amoureuses entre deux hommes et entre deux femmes mais ça me semble assez clair au vu des tags utilisés donc toute personne avec de mauvaises intentions peut passer son chemin.
Une partie de l'intrigue se déroule au Nigeria, de ce fait et c'était déjà le cas dans mes anciennes fanfictions je ne tolérerais aucun commentaire déplacé ou raciste à l'égard de tous ces nouveaux personnages. En fait, il faut simplement être une personne décente. Si ce n'est pas le cas, je supprimerai le commentaire sur le champ.
Je précise que je ne fais pas partie de la communauté yoruba. En effet, pour coller au mieux avec le fait que Poudlard se trouve en Angleterre, j'ai préféré utiliser un pays de l'Afrique anglophone avec un soft power assez important pour avoir accès à des informations. N'hésitez pas à me dire si j'aurais eu des maladresses ou des fautes.
L'histoire traitera des loups-garous et des dynamiques les concernant. Il ne s'agit pas d'un Omegaverse même si certains termes de ce trope seront utilisés.
Bon j'en ai presque fini avec ces avertissements que je n'ai jamais eu à mettre à exécution auparavant parce que tous les lecteurs qui commentent et à qui j'ai répondu sont tout bonnement adorables mais je préférais préciser.
TW : lemon / guerre / sang / mention de mort / meurtre / sexisme / mention de dépression / mention de maltraitance / racisme / mention de religion / mention d'homophobie / original characters
Bonjour au lecteur et lectrice qui passerait par là. Si vous êtes ici, c'est sans doute que vous venez de l'autre fiction parallèle A nos Amours: La Cinquième Guerre des loups. Vous avez envie d'en savoir plus sur les aventures des proches d'Ayaba et mieux comprendre certains des choix du personnage ? Vous êtes au bon endroit.
Chapitre 1: Retour au pays
Le voyage diplomatique d'Akinola au royaume de Nri avait été plus long que prévu. Il s'était néanmoins bien déroulé . Le prince héritier qu'il devait protégé avait réussi à passer des accords commerciaux intéressants. Et surtout un traité de libre-circulation avait été signé entre leurs deux royaumes. À présent, les jeunes de la cité d'Ife qui voulaient rendre visite à leurs amis ou découvrir certains bars plus attractifs n'auraient plus à le faire avec des moyens vaseux dans un flou juridique criant.
Malgré tout ce que ce trajet diplomatique avait apporté, il se sentait indifférent. Plus Akinola vieillissait, plus ses voyages l'ennuyaient. Cependant, il était l'un des membres les plus érudits de la garde royale. Depuis tout petit, on l'avait biberonné en connaissances et il était l'un de ceux qui maitrisaient le plus de langues. Au total, il devait en parler et lire correctement cinq, le Yoruba, l'Igbo, le swahili, le wolof, le peul et il se débrouillait en anglais.
Il était normal que la plupart des membres de la famille royale ou des diplomates requéraient sa présence. Néanmoins, il espérait qu'on finirait par lui laisser un peu de temps libre.
Pensait-il qu'il était un surhomme ? Akinola avait bien droit à un peu de repos. N'est-ce pas ?
Son armure lui semblait bien lourde alors qu'il rentrait avec le prince. Les quelques passants qu'ils croisèrent les saluèrent à leur arrivée. Kayin avait toujours été populaire malgré son jeune âge. Des légendes plus ou moins crédibles circulaient déjà sur le prince héritier.
Après plusieurs gratifications, Akinola put enfin se rendre dans les bureaux de la garde pour délivrer son rapport.
Malheureusement pour lui, son père se trouvait au quartier général, en pleine discussion avec son meilleur ami et second, Innocent. Akinola voulait rebrousser chemin mais il n'en eut pas le temps.
« Tu viens de rentrer ! Pourquoi tu n'as pas prévenu ton vieux père ?
— Adegoke, ton fils voulait peut-être batifoler sans te croiser. Ce n'est plus un gamin ! s'amusa Innocent.
— Ah bah si c'est ça, ce serait très bien ! Surtout qu'il a un rendez-vous prévu au restaurant d'Ayo aujourd'hui !
— Ah oui ? C'est vrai que tu fréquentes l'une des apprenties prétresses. Et ça se passe bien ? Tu t'imagines l'épouser ? » demanda Innocent, plein d'attentes.
Akinola répondit avec des phrases bateaux avant de poser son rapport et d'échapper à leurs questions éprouvantes.
Voilà la raison pour laquelle Akinola se sentait vieux. Il n'avait que vingt-six ans et tout le monde lui donnait l'impression d'avoir manqué une coche dans son parcours exemplaire. Pourquoi n'était-il pas encore marié ? On devait lui poser cette question un nombre incalculable de fois. On avait dû lui présenter toutes les femmes du palais à ce stade. Il avait même été un des potentiels maris d'une des princesses et de plusieurs guerrières renommées. Tous ces rendez-vous qu'il avait eus depuis un an n'avaient mené nulle part malgré la volonté farouche de certaines de ses prétendantes.
Mais Akinola était fatigué. Il en avait marre de n'être considéré que comme le fabuleux guerrier, l'homme à marier qui avait tant de qualités et qui était toujours seul.
Ne pouvait-on pas le laisser respirer ? Ses amis de la garde lui avait dit que s'il continuait dans cette lancée, on finirait par croire qu'il aimait les hommes et aucune femme ne se tournerait vers lui. Mais pourquoi remettre en cause ses attirances simplement parce qu'il recherchait plus qu'une vague entente pour se poser et construire une famille ?
Akinola voulait bien se marier. Mais il ne savait pas ce qu'il recherchait. Ferait-il un bon époux, un bon père ? Lui sans cesse dans les affaires politiques, en mission, sur le champ de bataille.
On lui disait souvent qu'il ne devait pas éloigner l'amour de son coeur malgré les dangerosités de sa profession. Mais il avait du mal à ne pas penser à la mort de sa mère, disparue pour protéger la cité. Il ne cessait de penser à la solitude de son propre père, loin de ses hommes.
Les familles de soldats ne faisaient pas long feu. Et il ne savait pas si c'était juste d'infliger ce genre de douleurs à une hypothétique compagne. À part ses insignes, son statut, son nom et sa réputation, Akinola n'avait rien à offrir. Sans son armure, que lui restait-il ?
Akinola n'avait pas le temps de rentrer chez lui pour se changer et choisit donc de se rendre dans la chambre qui lui était attribuée, dans l'aile ouest du palais. La pièce était à peine décorée mais il y avait le nécessaire pour survivre. Un grand lit à baldaquins surmonté de sa moustiquaire enchantée, une salle d'eau qui avait une vue imprenable sur un des jardins privés de son Altesse, une armoire, une table pour pouvoir écrire et des objets magiques reliés à son orisha, Shango.
Dès qu'il entra, il se débarrassa de son épée et de ses couches métalliques avant de se plonger dans l'eau chaude du bain qui avait été préparé. Enfin, il pouvait soulager ses membres courbaturés et tenter de penser à autre chose. Il joua avec l'opele autour de son cou et se mit à faire flotter des flammes bleues au-dessus de l'eau claire. Akinola les éclatait avec ses effluves magiques. Ce petit jeu le détendait. On frappa alors à la porte :
«Monsieur, je viens de la part de son Altesse Kayin.
—Oui, vous pouvez entrer. »
La jeune servante ne put s'empêcher de rougir jusqu'aux oreilles dès qu'elle l'aperçut même si la majorité de son corps était camouflé par l'eau du bassin.
«V-voici le cadeau de son Altesse. Une tenue confectionnée par les meilleures couturières du royaume pour votre rendez-vous. En espérant que ça vous portera chance, gazouilla-t-elle.
—Merci, vous pouvez disposer. » répondit Akinola avec les onces de courtoisie qui lui restaient.
Accablé, il fixa quelques instants sa buba pourpre qui trônait sur son lit. Il se persuada que cela ne devait pas être si terrible d'aller à ce rendez-vous. Il aurait lieu dans le restaurant familial de Famuyiwa et la nourriture était toujours excellente. Il y avait pire à accomplir dans l'existence.
Marcher jusqu'au restaurant avait un côté thérapeutique au fur et à mesure qu'il s'éloignait du palais. Akinola pouvait se perdre dans ses pensées et ignorer les regards appréciateurs qui marquaient parfois sa route. Il s'arrêta quelques fois pour saluer un ami de son père, la grand-mère d'une connaissance, son forgeron, mais très vite, il eût le champ libre et pu profiter du soleil et des températures plutôt fraîches pour la saison.
Le prince Kayin lui avait demandé pourquoi il avait accepté de rencontrer une famille au passé obscure et sale. Même si leur fille aînée occuperait un poste important, les poids des crimes de leurs aïeux sous l'ancien régime ne pouvaient être effacés. Leur lieu d'habitation était l'un des éléments qui avaient attiré Akinola. Leur quartier était vivant mais assez loin du palais pour qu'on ne l'associe pas tout de suite avec la garde royale. Cette tranquillité d'esprit était appréciable. Mais peu importait. Ce n'était pas suffisant pour qu'il signe des papiers de mariage sans réfléchir.
Akinola arriva enfin devant la devanture du restaurant "Au large" . Il y avait du monde en ce début d'après-midi et des odeurs de poissons et de viandes grillées s'échappaient de l'intérieur . Akinola rêvait de manger des suyas à cet instant.
Alors qu'il s'apprêtait à entrer, une voix familière l'interpella:
«Akinola, qu'est-ce que tu fais ici ?»
Oyeniran le regardait, perplexe, un panier plein de fruits à pain sous le bras. Elle le toisait de ses yeux noisette percés d'éclats verdoyants. Elle semblait lire en lui avec ses iris de sirène. Il fallut tout le courage d'Akinola pour ne pas détourner le regard ou se dandiner comme un enfant. Oyeniran n'était pas méchante, bien au contraire, mais comme toutes ses congénères, sa puissance et ses pouvoirs avaient un côté intimidant. C'était le cas même lorsqu'ils étaient atténués sous sa forme humaine.
«Je… j'ai un rendez-vous avec ta sœur.
— Mais… Famu n'en a pas parlé. Elle est partie au temple pour toute la journée. » répondit Oyeniran, soucieuse.
Parfait, Famuyiwa avait complètement oublié leur rendez-vous. Il ne lui en voulait pas. Akinola serait aussi passé à côté si on ne lui avait rappelé. Néanmoins, avoir fait tout ce chemin pour rien le déprimait.
Si Famuyiwa avait oublié, c'était sûrement parce qu'elle l'avait trouver inintéressant ou pire, décevant. La prêtresse espérait sans doute mieux de la part de l'homme numéro un à marier de la cité. Elle avait dû voir avec sa clairvoyance qu'il n'était pas si incroyable que ça et qu'il ferait un père et un mari minable. Pas assez fort, pas à la hauteur de toutes ses responsabilités, incapable de créer un foyer chaleureux à ses côtés. Après tout, elle était une femme exceptionnelle qui avait su gravir les échelons du temple et briller là où personne ne l'attendait.
« Ah… je pense que je vais rentrer dans ce cas.
— Attends tu n'as pas fait ce chemin pour rien.
— Oye ! Tu veux bien dire à ta mère que j'ai laissé les clés au même endroit que… Mais qui est cet Apollon ? » les coupa une femme inconnue.
Akinola n'avait aucune idée de ce qu'était un Apollon. La métisse au fort accent anglais était vêtue d'un tailleur et le lorgnait comme s'il était une espèce extrêmement rare.
« Tata, n'embête pas Akinola, répondit Oyeniran d'un ton plaintif.
— C'est donc toi le prétendant de Famu ! Est-ce que tu as déjà pensé à faire du mannequinat ? Ce serait dommage d'utiliser cette musculature et ce beau visage uniquement sur le champ de bataille ! s'exclama-t-elle surexcitée.
— Euhhh…
— Pansy, chérie, laisse le pauvre gars tranquille, ricana l'homme juste derrière elle.
— Mais je cherche un mannequin pour ma nouvelle collection. Il conviendrait parfaitement ! Tu trouves pas qu'il est à tomber Blaise ?! »
Est-ce que ça se faisait de complimenter un autre homme de cette manière devant son mari ? À sa grande surprise, le concerné approuva en ricanant avant de lui lancer un sourire compatissant.
« Dans tous les cas, on n'a pas le temps. On va rater notre vol sinon.
— C'est à cause de toi si on est en retard ! Bon ravi de t'avoir rencontré Akinola ! répondit Pansy avec un large sourire avant de lui faire une bise appuyée. Pense à ma proposition ! »
Le couple exubérant disparut comme une flèche, laissant à peine à Akinola le temps de se remettre de cette rencontre.
« C'était… ?
— Mon oncle et sa femme, soupira Oyeniran. Ils sont souvent en voyage ou alors pas ensemble ici en même temps. C'est pour ça que tu ne les as sans doute pas rencontrés avant.
— Ils viennent d'où si ce n'est pas indiscret ? demanda Akinola, curieux.
— Pas du tout. Si un jour tu fais partie de la famille, il faudrait bien que tu le saches. Pansy est anglaise et ghanéenne. Sa mère vient du peuple Akan mais elle n'a pas vraiment de lien avec cette partie de sa famille. Blaise par contre, c'est le neveu de mon père. Il a grandi en Angleterre.
— Son neveu ? Toute sa famille n'a pas été tuée… ?
— C'est le fils d'Eniola Zabini. » chuchota-t-elle.
Ah. La tueuse qui n'avait jamais été attrapée. C'était toujours agréable de découvrir qu'une partie de la famille de sa prétendante avait ce genre de passif. Akinola se rassura en se disant que son père ne les aurait jamais présentés s'il ne leur faisait pas confiance.
« Ne t'inquiète pas, le rassura-t-elle. Ma tante passe le plus clair de son temps à l'étranger. Et ma petite- cousine Ayaba a la tête dure mais c'est une fille bien. Viens.
— Mais j'allais …
— Tu ne vas pas repartir le ventre vide ! » rétorqua Oyeniran avant de le faire pénétrer à l'intérieur de l'établissement.
Le lieu était chaleureux et plein de vie. Plusieurs habitués étaient attablés. Des rires et discussions fusaient de toute part dans le restaurant décoré avec goût.
« Akinola ! Qu'est-ce que tu fais ici mon grand ‽ s'exclama la mère de famille en déposant un plat fumant sur une table.
— Il avait rendez-vous avec Famu mais elle a zappé… expliqua Oyeniran en se débarassant de ses fruits avec un sort.
— Oh ! Je m'excuse pour elle vraiment. Elle est très stressée à cause de la sélection. Mais tu as fait un long chemin ! Viens t'asseoir ici ! lui dit Ayo en lui montrant une table.
— Ce n'est pas grave, Madame. Il n'est pas nécessaire de…
— C'est Tata ou Maman avec moi mon garçon ! Et tu n'as sans doute pas mangé. Tu ne vas pas rentrer tout seul. Je vais te préparer des suyas. J'ai pris des cours chez une cuisinière Igbo pour les faire au mieux. »
N'ayant visiblement pas son mot à dire, il s'asseya comme on lui avait demandé. C'était vrai que s'il partait, Akinola retournerait juste dans sa grande maison vide. Mais dans tous les cas, sa servante avait dû lui laisser de quoi se restaurer. Oyeniran lui fit faux-bond pour se préparer pour sa performance. Ce fut à cet instant qu'Akinola remarqua la petite scène qui avait été aménagée au fond de la salle. Plusieurs instruments traditionnels mais également modernes étaient installés ainsi qu'un micro.
Akinola n'avait jamais fait attention à toute cette installation. Alors qu'il commençait à s'habituer à l'ambiance chaleureuse qui régnait dans le restaurant, il fut couper de sa rêverie par Omilaye, la cadette de Famuyiwa. Aussi pimpante qu'à son habitude, elle s'asseya sur le siège juste à côté du sien avec un large sourire. Elle fit battre ses faux cils avec humeur avant de demander sans préambule:
« Famu t'as posé un lapin ? Triste… T'es tout beau en plus.
— Bonjour Omilaye.
— Pas besoin de temps de blabla. Tu peux m'appeler Omi ! Je vais te tenir compagnie parce que mon gars m'a fait faux-bond aussi.
— Je ne savais pas que tu étais mariée.
— Hahaha! Pas du tout ! Je vois toi tu aimes à l'ancienne. C'est mignon. T'as jamais eu de copines en dehors de tous ces rendez-vous ? demanda Omilaye, amusée.
— Pas vraiment. » déclara-t-il embarrassé.
Akinola ne voyait pas pourquoi il devait forcément jouer au jeu du consumérisme amoureux. Ce n'était pas son truc.
« C'est trop chou. J'aurais pas cru ça de toi vu ta réputation… sourit-elle.
— Les gens parlent beaucoup trop sans savoir… rétorqua-t-il.
— C'est bien vrai. Mais t'inquiètes pas. Même si Famu n'est pas là, tu n'es pas venu pour rien. Tu as déjà vu les performances d'Oyeniran ?
— Jamais. Je ne m'y connais pas vraiment en musique, avoua Akinola.
— C'est pour ça qu'il y a autant de monde aujourd'hui. Elle chante trois fois par semaine. Elle fait des reprises de chansons. La dernière fois c'étaient des chansons tradi et de Fela Kuti mais là elle va partir sur des reprises de Rihanna. »
Puisqu'il ne sembla pas saisir, Omilaye lui expliqua qu'il s'agissait d'une chanteuse Petite-flamme connue dans le monde entier. Puis elle lui parla du choix des tissus qu'elle utilisait pour confectionner les tenues de sa soeur et ses coiffures. La sirène était si impliquée dans son travail et passionnée qu'elle luisait par moment. Lorsqu'Ayo revint avec un énorme plateau de grillades, Omilaye s'extasia ce qui lui valut de se faire taper sur les doigts par sa mère, agacée par son manque de tenue .
Ils partagèrent tous les deux le repas en continuant de discuter. C'était surtout Omilaye qui parlaient mais c'était plutôt agréable. Elle était moins superficielle que ce qu'Akinola avait cru en se basant uniquement sur son apparence. Elle faisait même des remarques intéressantes sur les manquements du gouvernement à suivre les évolutions rapides et les besoins de la jeunesse.
D'un seul coup, leur conversation fut interrompue par un changement de lumière. Oyeniran apparut sur scène dans une pluie d'étincelles. Des applaudissements fusèrent déjà dans l'assistance alors qu'elle n'avait encore rien fait. Des personnes entraient sans rien commander pour assister au spectacle.
Elle était sublime. Son haut bustier était plein de motifs colorés et mettait en valeur son port altier et ses bras plus fins que ceux de ses soeurs. Elle ne semblait pas aussi timide que dans la vie de tous les jours. Sur scène, elle rayonnait. Ses longues mèches noires virevoltaient autour d'elle et elle ne cachait plus les écailles qu'on pouvait deviner sur ses jambes revêtues d'une longue jupe turquoise fendue. Cependant, tout son attirail n'était pas ce qui hypnotisait le plus Akinola. C'était son regard ensorceleur et son sourire qui le happèrent. Si elle n'était pas une sirène, il aurait pu croire qu'il était tombé amoureux.
Oyeniran fit apparaitre de ses doigts fins le nom de la chanson qu'elle interpréterait. Le titre flotta quelques instants au-dessus du sol avant d'éclater en plusieurs bulles qui voltigèrent aux alentours. Puis sa voix résonna dans la salle. Et le monde se désintégra sous la puissance de celle-ci. Oyeniran produisit de la magie avec sa voix. Reine de ce royaume musicale qu'elle créait, elle transporta toute la salle. Akinola perdit le fil de ses pensées. Il se plongea dans sa voix forte, puissante et douce, emplie d'une émotion saisissante, transperçante. Éblouissante. C'étaient les seuls adjectifs qui vinrent à l'esprit d'Akinola. Il ne comprenait pas les émotions qui le saisirent à cet instant. C'était douloureux mais cette sensation explosait à l'intérieur de lui avec une force qui le faisait chavirer. Il avait peur malgré la chaleur qui se répandait dans sa poitrine. Les paroles ne cessèrent de tourner en boucle dans sa tête.
Baby you got me like ah, woo, ah
Don't you stop loving me (loving me)
Don't quit loving me (loving me)
Just start loving me (loving me)
Akinola était subjugé par cette voix et pendant une fraction de secondes, il crut à ce simulacre d'amour.
Blaise s'assit sur le siège juste à côté de Pansy. Son épouse analysait un magazine, surlignant par intermittence les éléments qui l'intéressaient. Il l'observa quelques instants. Elle était belle. Elle l'était toujours malgré les années qui défilaient et le poids de la fatigue qui commençait à marquer son visage. Ils étaient allés si loin ensemble sans s'entretuer dans le processus. Et maintenant, Blaise pouvait dire avec certitude qu'il l'aimait et que la seule chose qui les séparerait serait la mort.
Blaise détestait aller à Londres. Pourtant cela faisait moins de six mois depuis qu'il y avait mis les pieds. Cependant, plus il y repassait pour le travail, moins il se sentait chez lui à chaque voyage. Il était fier et heureux de la vie qu'il avait construite au Nigeria, loin de leurs parents et de leurs souvenirs douloureux. Il savait que Pansy était plus attachée à l'Angleterre. Il y avait leurs amis de Poudlard. Et elle ne pouvait pas passer plus d'une année séparée d'eux. Pour ça, elle était prête à supporter de passer du temps avec leurs mères. Heureusement que madame Parkinson était partie en vacances sur les îles Canaries. Ils n'auraient qu'à supporter les sautes d'humeur d'Eniola. Blaise détestait le manoir où sa mère avait décidé de s'installer. Comment faisait-elle pour y vivre alors que le sang de l'ancien propriétaire avait maculé la porte de la salle de séjour ?
Il soupira et une caresse de Pansy sur sa main le reconnecta au présent. Il sourit avant de se plonger dans son propre travail.
Alors qu'il tapait sur son ordinateur, Blaise reçut un mail de sa fille qui lui envoyait les reçus de l'appartement qu'elle avait loué pour son escapade à Édimbourg. Il avait préféré qu'elle s'installe seule au lieu de les rejoindre directement chez Eniola après ses vacances avec ses amies. Même si elles s'étaient atténuées au fil du temps, Ayaba n'avait pas à subir les critiques incessantes de sa grand-mère.
Blaise envoya ensuite un dossier à un de ses apprentis qu'il avait repéré à sa sortie de Poudlard. Mohammed lui répondit dans l'immédiat, remettant en page les documents qui devaient l'être. L'Angleterre tendait les bras à Blaise et il n'avait aucune envie de répondre à son étreinte.
Il arrivait souvent qu'Eshu, son orisha farceur, le fasse voyager à travers ses souvenirs. Ce n'était pas agréable car ce n'étaient jamais les plus beaux ou les plus amusants que Blaise revivait.
Il avait été transporté quinze ans en arrière. Au premier gala des Malfoy auquel Pansy et lui avait assisté en compagnie de leur fille. Sa petite princesse Ayaba était encore haute comme trois pommes. Sa fille était son précieux trésor. L'un des plus beaux miracles de son existence quelconque. Elle était déjà si maligne et tenace.
Blaise ne s'était jamais considéré comme un homme bien. Il ne croyait en rien sinon au cynisme et à la cruauté de la vie. il n'avait pas accepté sa naissance pour les bonnes raisons. Mais dès qu'Ayaba était née, Blaise s'était juré de tout offrir à son bébé. Et il ne parlait pas seulement de bijoux et d'une fortune personnelle à en faire tourner la tête. Non. Il avait voulu lui donner une famille aimante, la couvrir de l'amour sécurisant qu'il n'avait jamais reçu.
Ayaba s'était accrochée à lui tout le trajet jusqu'au manoir, émerveillée par la neige. Sa fille avait été si surprise par toutes les nouvelles choses environnantes qu'elle n'avait cessé de poser des questions et d'observer les alentours, pensive.
Blaise avait été soulagé et ému de l'entendre poser avec sa petite voix toutes ses questions. Elle l'appelait "Papa" avec cette inflexion si particulière qui trahissait toute sa confiance enfantine et son amour. Il savait qu'il n'était pas un père formidable. Il voyageait beaucoup pour se forger une fortune qui n'aurait pas de liens directs avec les crimes de sa mère. Pansy continuait ses études de droit et commerce international dans le monde sorcier. La plupart du temps, Ayaba vivait chez son oncle, sa tante et ses cousines. Il craignait qu'elle finisse par leur en vouloir. Pansy et lui étaient encore si jeunes. Ils commettaient tant d'erreurs avec elle. Et Blaise savait que l'amour n'était pas suffisant pour toutes les rattraper.
Lors de la soirée, Blaise avait été rassurée de la voir se lier d'amitié avec le petit Edward. Au moins, elle ne s'ennuyait pas trop. De son côté, Pansy se faisait un malin plaisir d'embêter Draco en catimini.
Au coucher, il avait raconté une histoire à Ayaba avant qu'elle s'endorme dans un lit trop grand pour elle. Tout avait déchanté lorsque l'instinct de Blaise l'avait réveillé au beau milieu de la nuit et qu'il n'avait pas retrouvé sa fille dans sa chambre.
Il revoyait encore la fenêtre grande ouverte alors que la tempête de neige faisait rage à l'extérieur. Il se souvenait de sa panique en voyant son lit. Les draps avaient été déchiquetés et une trainée de sang se poursuivait dans le sol immaculé. Il se souvenait d'avoir menacé de tuer Draco si on avait fait du mal à sa fille.
Il se souvenait comme si c'était hier de son corps frêle entre les mains du loup-garou qui avait tout fait pour l'enlever à ses bras. Jusqu'à la blesser. Cette nuit, Blaise aurait pu tuer Edward. Il l'aurait fait si sa fille ne s'était pas interposée et si Draco n'avait pas réussi à détransformer l'enfant.
De ses souvenirs teintés de rouge, se superposèrent d'autres images affreuses.
Blaise revoyait encore sa mère, un couteau ensanglanté, lui demander de fermer les yeux alors qu'elle nettoyait le sang. Trop de sang. Et ce fut dans ce maelstrom d'horreurs qu'il entendit une voix tout droit sortie d'outre tombe.
« Le sang. Le sang de tes proches répandu sur le sol. Cela ne devrait pas être possible. On ne devrait pas l'accepter avec autant de facilité. On a voulu tout te prendre. Te déchiqueter de l'intérieur jusqu'à faire de toi un mort-vivant. Te souviens-tu ? Te souviens-tu de tous ces morts et du poids des larmes de ton propre père ?»
Deux mains. Deux mains brumeuses semblables à des ombres saisir son visage et il plongea son regard dans deux yeux sombres fendus de larmes écarlates, aussi rouges que les lèvres pourpres qui se rapprochèrent de sa bouche. Qui était-cette femme ? Que lui voulait-elle ? Dans un état second, il pensa à accepter ce baiser, à embrasser cette voix qui ne mentait pas. Puis soudain, Blaise se rétracta à la dernière seconde. De peur. Où était-il ?
« Un jour, tu répondras à mon baiser. Et tu te rappeleras de mon nom, Blaise. Rappelle-toi. Je suis Fatumbi.»
Blaise se réveilla en sursaut alors que l'avion atterrissait. Pansy lui demanda ce qu'il avait et pendant une fraction de secondes, il crut voir une ombre échapper à sa vue. Une ombre sournoise qui avait atteint ses songes pour le dévorer. Il se força à se calmer et serra la main que Pansy lui tendit. Il tenta tant bien que mal de se rassurer. Ce n'était qu'un songe. Rien d'autre.
