Ha ha, enfin réussi à le finir orz
Littéralement, je l'ai achevé il y a une heure, donc les fautes de frappe sont sûrement au rendez-vous… Au moins, je vais pouvoir remettre les chapitres précédents dans le bon ordre !
« Lorsque Link signe »
Bonne lecture !
Réunir le matériel nécessaire n'avait pas été le plus difficile. Avec tous les rubis gonflant sa bourse, les prix n'avaient été qu'une formalité, bien qu'il s'était appuyé sur les conseils des vendeurs pour obtenir l'ensemble adapté à son niveau balbutiant.
Sans doute aurait-il pu obtenir un bout de table à la taverne de Telma, assisté par sa patience bienveillante, mais c'était quelque chose qu'il voulait faire seul.
Alors, à la place, il s'enferma dans la chambre d'auberge qu'il louait et étala ses achats sur la minuscule table à laquelle il s'installa.
Pendant quelques minutes, il se contenta de les observer, comme craintif, puis il les effleura du bout des doigts, curieux.
C'était de très beaux objets, du genre que personne n'aurait pu imaginer depuis Toal. Bien sûr, il y en avait des plus perfectionnés, des plus beaux, etc, mais à son niveau, ç'aurait été un véritable gâchis.
Avec un petit sourire de dérision, Link déroula un parchemin, le coinçant avec ce qu'il avait sous la main.
L'apprentissage de l'écriture et de la lecture avait été ardue, à l'époque, se constituant principalement par des leçons à la sauvette, des lettres tracées à la va-vite dans la boue ou la terre, du doigt ou de l'extrémité d'un bâton. Juste ce qu'il fallait pour pouvoir signer de son nom et peut-être déchiffrer quelques mots supplémentaires. Et leur calligraphie était bien souvent rustre et peu soignée.
C'en était frustrant, mais il allait falloir faire avec.
Lorsque Moï et Ute l'avaient trouvé, puis adopté, il était déjà dépourvu de voix. Personne ne pouvait déterminer si c'était de naissance ou s'il avait été capable, un jour, d'oraliser. Un semblant d'équivalent de signes avait été constitué au fur et à mesure que le temps passait, au point que tout le village pouvait échanger avec lui sans le moindre ralentissement, ce dont il leur avait été reconnaissant.
Et, même si ces signes avaient été créé loin de toute méthode, il avait été capable de se faire comprendre par la plupart des gens que sa quête lui avait fait rencontrer.
Mais, pour cette occasion, Link voulait marquer le coup et, surtout, ne pas courir le risque d'une éventuelle incompréhension ou d'un quiproquo. C'était trop important.
En réalité, il pouvait émettre quelques sons, presque des syllabes, mais les moduler de manière à être interprété correctement demanderait un effort qui ne serait pas forcément concluant. Et là encore, trop de risque que le message passe à la trappe. Bien qu'il aurait apprécié pouvoir utiliser sa voix pour une occasion aussi unique et précieuse.
Mais il lui était presque vital de se faire comprendre du premier coup. Car, tout héros du Courage qu'il était, il s'en sentait présentement plutôt déficitaire.
Sentant la nervosité le paralyser lentement, il s'efforça de respirer lentement, se forçant à se détendre. L'exercice allait déjà être difficile dans les conditions actuelles, il n'était pas nécessaire de rajouter plus d'obstacle !
Une fois assuré que ses mains ne tremblaient plus, il referma les doigts sur la tige du calame, en plongea l'extrémité taillée dans l'encrier, et commença quelques lignes brouillonnes pour s'habituer à la prise en main.
Il y avait de très jolies plumes et porte-plumes dans les vitrines du commerce où il avait réalisé ses achats. Il avait hésité à en acquérir. Non pas pour lui, mais il lui semblait de bon aloi d'apporter un cadeau pour ce genre de situation. Mais peut-être serait-ce malvenu.
Au pire, il pourra toujours y courir si le besoin se ressent.
Une fois qu'il eut l'impression de s'être suffisamment familiarisé avec le calame, il le reposa et se leva, s'étirant et faisant quelques pas dans la petite chambre.
Les échauffements étaient finis, c'était maintenant que les choses sérieuses commençaient !
La rédaction avait été fastidieuse.
En comparaison, Link préférait cent fois retourner botter le train de Ganondorf…
Ce n'était pas qu'il n'était pas un cérébral comme aimaient le ricaner certaines mauvaises langues, simplement qu'il n'était pas habitué à l'exercice, et encore moins un de cette importance.
Devoir être prudent, réfléchir à chaque mot avant de construire la phrase, soigner son écriture… Combien de fois avait-il forcé sur sa gorge pour tenter d'ânonner péniblement ce qu'il voulait exprimer, espérant ainsi couper court à cette corvée ?
Sa gorge lui faisait mal mais il se refusait de quitter la chambre pour demander de quoi la soulager, conscient qu'il profiterait de cette pause pour trouver n'importe quel prétexte afin de ne surtout pas revenir, ou du moins le plus tard possible.
Ainsi, lorsque le point final fut enfin apposé, il était tard dans la nuit, presque le lendemain matin, les douleurs qui le parcouraient étaient de celles qu'aucune potion ne pourrait soulager et il avait tant forcé sur sa vue qu'elle en était quasiment floue.
Après avoir rapidement rangé le matériel et mis son parchemin à sécher, il alla se coucher d'un pas hésitant, l'épuisement lui tombant dessus comme une chappe de plomb.
Jehd ne fut pas surpris lorsque Link vint le saluer.
Ils se voyaient de temps en temps, en fonction de leurs emplois du temps respectifs, sans qu'un rendez-vous ne soit mis en place. Le fait que l'érudit ait gardé les mêmes habitudes qu'avant l'invasion crépusculaire facilitait ces rencontres, le héros étant un électron libre allant et venant selon ses envies ou besoin, sans véritable horaire.
Il lui sourit après qu'il l'ait prévenu de sa présence, d'une main sur son épaule, Jehd levant les yeux de sa lecture universitaire le temps de l'identifier puis y replongea aussitôt. Il voulait finir son paragraphe avant de passer à autre chose.
De son côté, l'aventurier attira l'attention de Telma d'un geste de la main. Elle vint lui servir sa consommation habituelle et prendre de ses nouvelles, contente de le voir.
— Tu as de l'encre sur le bout du nez, trésor, lui signala-t-elle.
Piquant un fard d'embarras, Link tenta de la retirer mais il n'obtint qu'une peau irritée, aussi rouge que le reste de son visage, sous les rires de la Gerudo.
— Tu me permets ?
Suite à son accord, elle alla humidifier un coin de son torchon et entreprit d'effacer la tache incriminante, amusée.
Ceux qui ne connaissaient le héros élu des déesses que par les rumeurs s'attendaient à un adulte, un vétéran de carrière militaire, une âme droite et sérieuse, de ceux dont on figeait le regard martial à travers les arts.
Nombreux seraient surpris en apprenant que celui qui les avait sauvé d'une énième tentative de Ganondorf n'était rien de plus qu'un adolescent, à peine un adulte, aux joues encore rondes de l'enfance malgré les muscles obtenus par une vie de travaux agricoles, les yeux encore brillants face aux petits miracles de la vie et prompt à aider quiconque lui en ferait la demande.
Et qui aurait le nez tacheté d'encre, et les mains à peine mieux.
— Qu'as-tu tenté de faire, Link ? Demanda-t-elle, curieuse. Écrire avec ton nez ?
Une plainte passa ses lèvres en réponse, la faisant doucement rire.
Elle espérait que cette âme restera pure le plus longtemps possible et que personne ne l'entachera.
À leurs côtés, Jehd avait fini sa lecture et, après avoir glissé son épais volume dans sa sacoche, observait la scénette avec amusement.
— Tout propre ! commenta-t-il lorsque la tenancière relâcha leur ami.
En réalité, l'encre était toujours présente, bien que moins visible. Les Octoroks en produisaient une bien difficile à estomper, ce qui la rendait déconseillée à l'usage des enfants mais appréciée de tout adulte devant prendre des notes pour une raison ou une autre. Lui-même en avait quelques flacons !
Toujours coloré, Link put enfin siroter son verre de lait, embarrassé.
Déjà qu'il n'était pas à l'aise à l'origine, il était maintenant à deux doigts de faire demi-tour et de prendre la fuite pour une semaine ou deux, le temps que l'anecdote perde de l'intérêt ! Mais le léger froissement du rouleau dans sa poche lui rappela la raison de sa venue.
Il ne pouvait pas reculer, ou bien il ne le ferait jamais.
Telma les quitta, et ils ne furent plus que tous les deux. Enfin, autant qu'on pouvait l'être dans une taverne en plein après-midi.
Jehd démarra une conversation assez banale et si en temps normal, Link se serait laissé bercer par sa voix, ce n'était pas le cas cette fois.
Il avait l'impression que ses nerfs se tordaient en nœuds et roulaient sous sa peau. Il avait l'impression confuse que sa poche était remplie de plomb et le poussait toujours plus loin, toujours plus bas, mais en même temps qu'elle allait se volatiliser en un millier de grains de poussière à sa prochaine respiration.
Il avait dû ne pas avoir l'air très concentré – ce qui n'était pas faux – car Jehd referma sa main sur son poignet, attirant son attention, avant de lui sourire et de lui proposer de faire quelques pas à l'extérieur.
— Tu as l'air d'avoir besoin de prendre l'air, expliqua-t-il.
En réalité, ce n'était pas tant d'air dont avait besoin l'aventurier, mais simplement d'un peu plus d'intimité. De ne pas avoir l'impression que la dizaine de clients avait leurs yeux rivés sur son dos, prêt à le huer à la seconde où il tendrait son parchemin à son ami.
C'était ridicule, il en avait bien conscience, mais c'était plus fort que lui. Alors, lorsqu'ils se retrouvèrent dans la rue après avoir salué Telma et qu'ils y firent quelques pas, Link se décrispa un peu. Ce n'était pas l'idéal, mais au moins pouvait-il canaliser son supplément d'énergie nerveuse en marchant.
Ses membres lui paraissaient lourds, impossible à mouvoir, alors qu'ils s'éloignaient de la taverne, déambulant sans but.
« Désolé » signa-t-il.
— Ce n'est pas un problème, lui assura Jehd. Je reste de longues heures assis, ce n'est pas un peu de marche qui va me tuer ! Et puis, il fait beau, c'est plutôt agréable.
L'observant à la dérobée, à la recherche du moindre signe d'inconfort ou de mensonge, Link dut conclure qu'il lui disait la vérité. Peut-être ne le pensait-il pas complètement, mais rien ne le démontrait. Ses épaules s'arrondirent un peu à cette réflexion.
— Alors, qu'est-ce qui te dévore ?
« De quoi parles-tu ? »
— J'ai des yeux, j'ai vu assez d'élèves stressés pour reconnaître quelqu'un paralysé par l'anxiété. Et, laisse-moi te dire que tu en montres tous les signes.
Ils s'étaient arrêtés dans une ruelle peu fréquentée, bénéficiant d'un peu d'intimité, bien que ça n'apaisa pas plus que ça l'aventurier.
« Tout va bien. » signa-t-il rapidement.
Mais il s'était vendu tout seul en évitant soigneusement de le regarder en face, ce qui acheva de convaincre l'érudit qui afficha un sourire peiné.
— Je ne compte pas t'extirper tes secrets par la force, mon ami. Et je comprends que je ne suis pas l'interlocuteur le plus fiable qui soit. Mais sache que si je peux t'être d'une quelconque aide, tu n'as pas à hésiter…
La souffrance marquant son visage tordit le cœur de Link comme jamais, et la morsure de la culpabilité lui arracha pratiquement un halètement qu'il réprima rapidement.
Il ne put que fixer la pointe de ses bottes, honteux.
Machinalement, il porte une main à sa gorge qu'il massa délicatement, rageant silencieusement de ne pouvoir oraliser tout ce qui lui traversait la tête, telle des tempêtes démentes.
Que ne donnerait-il pas pour pouvoir enlacer Jehd, le soustraire à sa solitude glacée pour une affection chaleureuse, de pouvoir lui susurrer tant de paroles aimables à l'oreille…
Mais encore fallait-t-il que son inclination lui soit retournée. Et ce n'était pas en scrutant les taches de boue et le cuir râpé qu'il y parviendrait.
Se redressant subitement, il prit une profonde inspiration, carra les épaules et enfouit promptement une main dans sa poche, en sortit le rouleau et le lui tendit, les oreilles plus rouges que jamais, alors que son regard déviait une fois de plus, incapable de lui faire face.
Jehd prit son temps pour s'emparer du parchemin, et plus encore pour le déplier puis en lire le contenu.
Tremblant intérieurement, Link ne bougea plus, à deux doigts de retenir sa respiration, poings serrés, paupières fermées et tout son corps crispé. Comme s'il s'attendait à recevoir une avalanche de coups et pas juste un rejet, en bonne et due forme.
Les secondes s'égrenaient comme autant de coups de poignards, le silence les emmêlant dans ses filets.
Il n'osa pas relever la tête, la gardant penchée, comme s'il la présentait au billot du bourreau, que celui-ci soit Jehd ou n'importe qui d'autre…
— Link… murmura soudainement l'intéressé.
La voilà, sa sentence allait irrémédiablement tomber… Ce n'était qu'un mauvais moment à passer… Après, il pourra reprendre sa vie où il l'avait laissé, quitter la Citadelle, retourner à Toal, peut-être…
— Est-ce… est-ce vraiment ainsi que tu me vois ? souffla-t-il. Est-ce que tu le penses vraiment ?
Malgré lui, le héros releva la tête, lui permettant ainsi d'apercevoir Jehd semblant lutter à son tour pour parler. Le parchemin de qualité qui lui avait coûté de nombreux rubis était froissé dans sa prise, mais pas chiffonné. C'était comme s'il s'y tenait pour ne pas tomber, comme à une bouée pour ne pas se noyer.
Une douce chaleur commença à s'étendre à l'intérieur de lui alors qu'il parvenait à cette conclusion, bien qu'il se répétait qu'il se trompait sans doute.
« Je ne suis pas autant à l'aise que tu peux l'être, quand il s'agit d'écriture. Mais j'y ai mis tout mon cœur. » se contenta-t-il de signer.
Puis de prier que ses capacités maladroites n'avaient pas mal tourné une phrase au point qu'elle serait interprétée pour le contraire de ce qu'elle était sensée signifier.
Peu importe quels seraient les prochains mots à déchirer l'air, ils lui seront décisifs.
Finalement, ce ne fut pas des mots.
Malgré tous ses sens en éveil, Link se figea sous la surprise alors qu'une étreinte se refermait sur lui et qu'il se trouvait plaqué contre un torse, le nez contre le col fantaisie. Il lui fallut quelques secondes supplémentaires afin que ses membres ne dégèlent et qu'il rende maladroitement l'embrassade, le cœur battant à tout rompre, hésitant à croire ce qui était en train de se dérouler.
Il rêvait, non ?
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