Dix ans plus tard

Harry observait les corps se mouvant sur la piste de danse, hommes et femmes se mêlant dans des valses dont chaque pas étaient connues à l'avance. C'était d'un ennui, il ne comprenait toujours pas pourquoi Draco avait tenu à ce qu'il vienne. Harry n'apparaissait que peu dans ce genre de soirée. Ses amis les plus proches savaient bien que de telles mondanités n'étaient pas à son goût. Pour les autres, Harry donnait toujours la même excuse « les journalistes seront certainement présents. » Personne n'ignorait sa haine envers la Gazette du Sorcier et la discussion s'arrêtait généralement là. Ce n'était pas entièrement un mensonge, Harry savait bien que chaque personne à qui il serrerait la main ou toute femme qu'il inviterait à danser serait dans les tabloïds le lendemain matin. Ce qui était faux en revanche, c'est qu'il n'y accordait plus la moindre importance depuis longtemps.

Draco avait usé cet argument pourtant infaillible contre lui, fichu Serpentard. Ce vicieux avait décidé d'organisé un bal masqué pour cette réunion d'étudiants. Habituellement, c'était plutôt Zabini ou Dean qui s'occupait d'organiser ce rendez-vous annuel. Mais ils allaient sur leurs trente ans cette année et Draco avait tenu à faire quelque chose de spécial. Selon lui, une sortie au restaurant ou un pique-nique dans un parc n'était pas suffisant.

Alors qu'ils refaisaient pour la plupart leur septième année après la guerre, les tensions entre les maisons se calmèrent petit à petit. La guerre avait fatigué tout le monde et personne n'avait encore la force de se battre. Dean avait été le premier à vouloir réunir tout le monde pour leurs vingt ans, un an après leur graduation. Ron lui avait rapporté que la soirée n'avait pas eu beaucoup de succès. Harry pouvait le comprendre, il ne s'y était lui-même pas rendu. Officiellement, il était de garde ce soir-là, en réalité, il avait trop craint de passer la soirée à remarquer l'absence de ses amis décédés lors de la guerre. Harry avait mis trois ans à s'y rendre et ce fut l'unique fois. Il n'en voulait pas à ses anciens camarades, mais supporter leur interrogatoire l'avait vacciné contre l'envie de revenir.

Bien sûr, il avait aimé revoir Dean, Seamus, Luna, les Patil, Neville et même revoir Draco et sa clique ne l'avait pas dérangé. C'était d'ailleurs depuis se jour que Harry et Draco étaient passés d'ennemis jurés à connaissances jusqu'à devenir des amis proches. Bien évidemment, c'était une amitié tordu où ils ne cessaient de se mettre des bâtons dans les roues et de se lancer des piques. Mais ils savaient aussi tous deux qu'en cas de soucis, ils pourraient compter l'un sur l'autre. Depuis l'été dernier, ils allaient mêmes boire des verres ensemble une fois par semaine ou se faisait un restaurant entre midi et deux. C'est que leurs amis respectifs avaient pour la plupart des vies de famille et ils s'étaient retrouvés à servir de bouche-trou l'un pour l'autre par la force des choses. La naissance des filles de Ginny et Blaise n'avait que fait les rapprocher d'avantages. Si George était le parrain de la première, Draco était celui de la seconde et Harry de la petite dernière.

Désormais, Harry voyait plus souvent Draco que Ron et Hermione. Ses meilleurs amis lui manquaient, mais il comprenait aussi qu'ils avaient désormais leur propre vie. Ron avait raccroché sa robe d'Auror quatre ans plus tôt, il ne supportait plus de voir l'inquiétude tirée les traits de sa femme à chaque fois qu'il était appelé en urgence au milieu de la nuit. Avec les gardes de nuit ou de week-end, il ne voyait plus beaucoup Rose et Hugo et Ron avait fini par craquer, démissionnant après six ans de service. Pendant un temps, Harry avait pris l'habitude de passer après le travail voir son ami qui travaillait désormais avec George dans sa boutique. Puis Ron avait pris en charge la filiale à Pré-au-Lard, déménageant avec Hermione dans le village pour une vie plus paisible qu'à Londres.

Avec le recule, Harry savait bien que c'était de sa faute s'il s'éloignait de ses amis, années après années. Il était un sorcier, leur rendre visite n'était pas une contrainte. Mais leurs modes de vie étaient trop différents, eux avançaient joyeusement vers la trentaine alors que lui voulait rester bloquer sur sa vingtaine à tout jamais. Ils n'avaient plus les mêmes passions (hormis le Quidditch avec Ron évidemment), plus les mêmes divertissements, plus les mêmes week-ends.

Contrairement à Hermione et Ron ou Blaise et Pansy, Draco et lui était les mêmes. Ils ne pensaient qu'à s'amuser, ou plutôt ils refusaient de prendre la vie au sérieux. Ils étaient toujours aussi différents que lors de leurs jeunes années, mais désormais ils étaient aussi les plus semblables. Harry soupira, ça le désolait de parvenir à cette conclusion. Lui et Malefoy, similaires … la bonne blague.

« Qu'est-ce qui te fais soupirer ainsi ? »

Harry quitta des yeux la piste de danse en contrebas, posant les yeux sur son ami adossé à la rambarde du balcon. Draco était parfaitement reconnaissable malgré son masque nacré aux dorures complexes. Il puait le luxe à des kilomètres à la ronde, il n'avait fait aucun effort pour se fondre dans la masse. Franchement, à quoi bon instauré un thème si ce n'était pas pour le respecter. Harry avait quant à lui profiter de l'occasion pour se métamorphoser. Pour l'instant, ça fonctionnait plutôt bien, personne ne l'avait encore reconnu, on le prenait juste pour un ami un peu taciturne du maître des lieux.

Il était passé chez le coiffeur dans la semaine et avait rasé sa barbe. Cela faisait des années qu'il n'avait pas vu son visage à blanc et c'était plutôt étrange. Sur le coup, Harry avait eu l'impression de rajeunir de cinq ans. Il s'était même vêtu de vert et noir, personne ne suspecterait le Golden Boy de s'habiller aux couleurs des Serpentards. Son masque lui avait été prêté par Draco, il était arrivé un peu en avance et le blond lui avait confisqué le sien en rouspétant à propos de son mauvais-goût. Harry se moquait bien de ce qu'il portait tant qu'on ne voyait pas sa cicatrice. Il était l'un des rares à avoir plus de la moitié du visage couvert, seul sa bouche et son menton était visible désormais. La porcelaine était recouverte de vagues blanches et noires s'entremêlant. Ce n'était rien de spectaculaire et c'était presque étrange venant de Draco. Seuls quelques dorures venait briser cette simplicité. (nda : un peu à la BJ Alex)

« Tu comptes me reluquer encore longtemps ? » s'agaça Draco.

« Je m'étonnais juste du fait que même en décidant qu'on ne doit reconnaître personne, tu veux à tout prix que toi, tout le monde te voit.

- Je suis un Malefoy. » nargua pompeusement le blond. « Ce serait un crime de ne pas faire profiter le bas peuple de ma prestance. »

Harry pouffa, portant son verre de champagne à ses lèvres.

« N'y a-t-il pas un peu trop de monde pour une réunion de promo ?

- J'ai profiter de l'occasion pour inviter les équipes de Quidditch et quelques élèves des années supérieurs et inférieurs. Ainsi que leur plus un, évidemment.

- Dis plutôt que tu voulais organiser un bal mais que t'avais les pétoches que personne ne vienne si tu ne donnais pas l'excuse de la réunion annuelle. »

Draco le fusilla du regard, n'aimant pas que Harry devine aussi bien ses incertitudes. La réputation de sa famille avait pris un sacré coup avec la guerre. Il avait fallu des années de dur labeur pour regagner sa place dans la haute société sorcière et encore aujourd'hui, il lui arrivait de douter de son image.

« Au fait tu ne m'as pas répondu. » changea-t-il peu discrètement de sujet.

« De quoi ?

- Qu'est-ce qui te fais soupirer ? » précisa le blond.

« Il n'est pas encore là. »

Harry quitta des yeux la foule pour le clouer de son regard perçant. Draco déglutit face à ces billes émeraudes. Potter avait vraiment le don de le mettre mal à l'aise une fois qu'il avait bu quelques verres. Or pour l'instant, il n'avait pas quitté son promontoire de la soirée et une table recouverte de verres et de mignardises se dressaient quelques pas derrière eux. Parfois, Draco se demandait quel Harry était le vrai. Celui qui avait une vie parfaitement rangée et un boulot honorable, qui sortait uniquement les week-end pour s'occuper de ses filleuls, qui n'avait aucun scandale malgré onze ans de célébrités dont les cinq dernières où pas une seule de ses photos n'avaient fuité et qui ne s'autorisait qu'une sortie au bar de temps en temps. Ou bien était-ce celui qui une fois saoul dévisageait quiconque de son regard froid, analysait chaque propos prononcé pour les utiliser contre son interlocuteur au pire moment, qui buvait sans jamais s'effondrer et fumait même le cigare en sa compagnie de temps en temps. Ce Harry-là effrayait Draco, parce qu'il n'arrivait jamais à prédire ses mouvements et le moindre faux pas pouvait devenir dangereux. Si ce Harry-là était le vrai, alors Draco ne pouvait qu'admirer son masque qu'il portait depuis des années au point de réussir à berner tout son entourage. Parfois, Malefoy en venait même à se demander si ses meilleurs amis l'avaient déjà vu ainsi ou s'il était le seul à connaître cette part de Potter. D'aussi loin qu'il se souvienne, il ne l'avait jamais vu boire une seule goutte d'alcool en leur compagnie, ni au mariage de Ginny et Blaise, ni à leur dîner le dimanche, ni même lors de la fête organiser en son propre honneur lors de sa dernière promotion. A Poudlard, Draco se serait senti flatter de connaître le petit secret de Potter. Mais aujourd'hui, il en était juste las parce que ça signifiait juste que Potter le considérait juste assez comme un ami pour lui montrer sa face cachée, mais qu'il n'était pas assez important pour lui la dissimuler à lui aussi. Potter n'avait aucune attente envers lui et ne craignait donc pas de le décevoir. Draco n'aimait pas ça, pas parce que Potter avait plus d'importance pour lui, il n'aimait juste pas être relégué au second plan.

Il recula d'un pas, gardant une distance de sécurité avec le Survivant. Harry but une seconde gorgée, le regard braqué sur lui. Draco se frotta la nuque, mal à l'aise.

« Comment pourrais-tu savoir s'il est là ou non de toute façon. Il sera aussi masqué. Le connaissant, il pourrait même porter un glamour.

- Il n'est pas là. » trancha Harry, il ne permettrait pas que Draco remette sa parole en question.

« Je lui ai envoyé un hibou, mais je n'ai pas eu de réponse. Franchement, je suis censé être son meilleur ami et il ne m'a même pas dit qu'il rentrait en Angleterre. » soupira Draco. « Tu es sûr qu'il quitte les Etats-Unis aujourd'hui ?

- J'ai mes sources. » fit vaguement Harry. « Et puis, il est rentré samedi dernier, ça m'étonne qu'il ne t'ait toujours pas contacté.

« Tu sais ce que tu es, un putain de stalker. » grinça-t-il des dents. « Franchement j'ai déjà dit à nos amis que tu viendrais et toi tu passes ta soirée dans ton coin. Je vais juste passer pour un menteur. » fulmina Draco. « Au moins maintenant je comprends pourquoi tu as accepté aussi facilement de venir cette année. Il suffit qu'il mette un pied dans le pays pour que tu accoures la queue entre les jambes. Tout ça pour un gars qui ne sait même pas que tu existes.

- Draco.

- Oui oui je sais, tout le monde sait que tu existes, ô saint Potter. Mais tu sais que je ne disais pas ça dans ce sens. Il s'en fout de toi, vous vous êtes déjà au moins parlé une fois ?

- Draco.

- Je n'ai pas fini. Tu as besoin que pour une fois, quelqu'un te remette les idées en place.

- Draco !

- Quoi ? » craqua-t-il, à bout de souffle.

« Il est là

- Hein ? » s'époumona Draco, se penchant par-dessus la rambarde pour observer la salle du plus près.

« Et la prestance des Malefoy, tu en fais quoi ? » se moqua Harry.

Il attrapa le menton de Draco pour diriger son regard vers un coin de la pièce où un jeune homme semblait chercher quelque chose dans la foule.

« C'est vraiment lui ? » fit sceptique Draco, hormis sa taille, cet homme n'avait rien en commun avec son meilleur ami.

« Glamour, c'est toi-même qui l'a dit. » soupira Harry, comme s'il s'adressait à un imbécile. « Le grain de beauté sur sa main.

- On ne voit rien d'ici. » rouspéta Draco. « Et comment tu sais ça, toi ? » fit-il suspicieusement.

Harry ne lui répondit pas, se contentant d'hausser les épaules. Son ami n'insista pas, sachant très bien que s'il ne souhaitait pas parler, alors il ne le ferait pas. Il lui ferait donc confiance sur ce coup, dévalant déjà les escaliers pour rejoindre son meilleur ami.

Theodore se sentait un perdu, Blaise lui avait dit que ce ne serait qu'une petite soirée entre ancien étudiant. Il avait déjà reçu quelques invitations mais n'était jamais venu et au fil des ans, ses amis avaient arrêté de lui en parler. S'il avait fui le Royaume-Uni après Poudlard, ce n'était pas pour rentrer au pays à la moindre soirée organisée. Theodore n'était toujours pas certain que ce soit une bonne idée de venir ici, mais il avait fait son choix.

Au départ, il comptait se rendre chez Draco le lendemain de son arrivée pour lui faire une petite surprise. Seul Blaise était au courant de son retour. Ça n'avait pas vraiment été voulu, mais son ami avait travaillé une année dans le laboratoire face à son cabinet d'avocat et de fil en aiguille Blaise était devenu ami avec quelques-unes de ses connaissances. La nouvelle avait fini par fuiter bien plus rapidement que Theodore ne l'aurait pensé. Blaise avait fini par essayer de le convaincre de venir à cette petite fête, mais Theodore avait fermement refusé. Du moins au départ et il ne savait trop comment son ami avait fini par le convaincre que ce serait l'idée du siècle de faire sa surprise à Draco ce soir.

Puis, il y avait eu la lettre de Draco. C'était rare venant de lui, le blond préférant généralement les appels par cheminette. Il était terriblement impatient et détestait devoir attendre une réponse pendant des jours. Le hibou avait eu l'air complétement épuisé. Le pauvre, il avait dû traverser l'océan pour finalement se faire indiquer qu'il fallait retourner au point de départ, Theodore ne logeant plus à la Nouvelle-Orléans mais bien à Londres. Cette invitation avait piqué l'intérêt de Theodore et il n'avait pas eu le cœur de lui refuser cette faveur. Tant pis pour sa surprise mais certainement que des deux, ce serait Blaise le plus déçu.

Malgré sa décision, Theodore n'avait pas réussi à venir tel qu'il était, se sentant obligé de modifier son apparence, coloré ses cheveux d'un châtain clair qui ne lui allait pas du tout et d'arborer un regard noisette bien trop semblable à celui de Pansy à son goût. Theodore songea qu'il avait bien fait, il y avait bien trop de monde ici pour qu'il se sente à l'aise en tant que Theodore Nott. Visiblement Draco n'avait rien perdu de son côté tape à l'œil en dix ans, s'en était presque risible.

Pourtant, il trouva son idée un peu stupide en longeant la salle de bal. Theodore se retrouvait à dévisager chaque personne se trouvant à portée de vue, analysant leurs manières, leurs traits malgré les masques et leurs magies. Il pouvait sentir la trace de Draco, mais visiblement il n'avait pas arrêté de bouger ce soir et c'était difficile de suivre sa trace surtout avec autant de monde. Theodore était si mal à l'aise, il n'avait qu'une envie, tourner les talons et rentrer chez lui. Surtout qu'il avait cette désagréable impression d'être observé.

C'est alors qu'un éclat blond attira son attention. Draco n'avait fait aucun effort pour ce bal masqué, il aurait pu écrire « Malefoy » sur son front que ça reviendrait au même. Theodore n'eut même pas le temps de faire signe à son ami qu'il dévalait déjà les escaliers pour rejoindre la foule. L'avait-il vu lui aussi ou bien avait-il juste envie de fuir l'homme qui se tenait à ses côtés ?

Theodore reporta son regard sur cet homme. Il ne pouvait pas très bien le voir de l'autre bout de la pièce, mais il ne semblait pas commode. Il était droit comme un « i », les bras croisés et Theodore en était maintenant persuadé, c'était cet homme qui le fixait depuis son arrivée. Bien sûr, il ne pouvait pas en être certain puisqu'il ne pouvait pas voir son regard. Mais il aurait juré que l'homme ne souriait pas avant qu'il ne concentre son regard sur lui. Il y avait quelque chose à son propos qui le mettait mal à l'aise, mais Theodore ne saurait mettre le doigt dessus.

« Theo, je suis content que tu ais pu venir ! » s'exclama Draco, le sortant brusquement de ses pensées.

Après réflexion, Draco se dit que ça n'avait pas été malin de lui sauter dans les bras avant de confirmer son identité. Il faisait définitivement trop confiance à Harry pour son propre bien. Surtout que le connaissant, Potter aurait très bien pu se moquer de lui en désignant quelqu'un au hasard dans la foule pour lui coller la honte. A son plus grands soulagements, Theodore lui rendit rapidement son étreinte.

« Tu n'es pas drôle Draco, je voulais te faire une surprise et toi, tu me reconnais à peine j'arrive.

- En fait c'est lui qui t'a reconnu. » s'excusa Draco en désignant le vide derrière lui d'un geste du pouce.

« Qui exactement ? » fit Theodore, un peu perdu.

Draco fut surpris de ne pas voir Harry derrière lui, il avait complètement disparu du paysage. Il aurait plutôt pensé qu'il sauterait lui aussi sur l'occasion pour aller à la rencontre de Theodore. Il haussa des épaules, les bizarreries de Potter n'étaient pas son problème.

« Il a dû se faire alpaguer en venant ici, j'imagine. » balaya-t-il rapidement. « Est-ce que les autres savent que tu es ici ?

- Juste Blaise, il a fini par l'apprendre d'un ami commun.

- Parfais, allons le voir dans ce cas ! » s'exclama Draco en claquant des mains. « Il sera tellement heureux de te revoir, je me disais bien que c'était bizarre qu'il n'arrête pas de me parler de toi en ce moment. Je commençais presque à me demander s'il ne trompait pas Weaslette avec toi. » éclata-t-il de rire.

Theodore eut un rire, Draco n'avait pas changé. Il était toujours la même pipelette que dans le passé.

« Ne t'embête pas, j'irai voir les autres dans la semaine. Ce soir, je suis venu te dire bonjour, c'est tout. De toute façon, je ne comptais pas rester trop longtemps, j'étais juste venu te dire bonjour. Tu sais, avec le décalage horaire je suis plutôt claqué.

- Reste au moins jusqu'au dessert, je peux l'avancer pour dans une demi-heure. Il y aura une surprise juste avant. »

Theodore jeta un coup d'œil à sa montre, il était déjà vingt-deux heures passées et il était vraiment épuisé. Mais Draco semblait vraiment vouloir le retenir, il avait presque l'air paniqué face à cette nouvelle. De toute façon, Theodore devait avouer que son ami lui avait à lui aussi beaucoup manqué. Il n'était pas pressé au point de lui refuser cette faveur.

« Très bien, je reste encore un peu.

- Parfait, je suis vraiment content que tu sois là en tout cas ! »

Draco marmonna quelque chose à propos de « se faire tuer » et de « tu ne peux pas partir tout de suite », mais Theodore n'y prêta pas vraiment attention. Draco divaguait pour un rien et c'était rarement utile de lui tirer les vers du nez.

« Au fait, comment tu as su que je rentrais ? Blaise était censé être le seul au courant. » se renfrogna Theodore en repensant à sa surprise gâchée.

Draco hésita. Vu le comportement de Harry pour l'instant, il n'avait pas l'air de vouloir que Theodore sache qu'il le cherchait. Mais d'un autre côté, il se sentait mal de mentir à son ami.

« Un ami m'en a parlé au fil d'une conversation. En fait je n'y croyais pas vraiment, puisque tu ne m'as rien dit. Mais je me suis dit que dans le doute, j'allais quand même te parler de cette soirée. On dirait que finalement, il n'est pas si inutile que ça.

- C'est vraiment comme ça que tu me vois, ça me blesse Draco. » susurra d'une voix taquine Harry à son oreille.

Draco sursauta, ne l'ayant pas entendu approcher. Harry avait toujours eu une démarche discrète mais depuis qu'il était Auror, il était presque impossible de l'entendre se déplacer. Dans ces moment-là, Draco avait l'impression de revenir à l'époque de Poudlard quand Snape se faufilait dans le dos de ses élèves pour leur faire peur. Il détestait quand son parrain faisait ça et ça n'avait pas changé.

« Crétin tu m'as fait peur. »

Harry le toisa de son regard moqueur, sous-entendant clairement que c'était le but de la manœuvre.

« Je crois qu'il y a un souci en cuisine, quelque chose en rapport avec l'avancé du dessert. On t'appelle.

- Comment tu fais pour toujours être au courant de tout ? » râla Draco, se doutant parfaitement que Harry devait espionner leur conversation depuis le début et qu'il se servait de cette excuse pour se débarrasser de lui.

« Qui sait ? » haussa des épaules Harry, narquois. « Laisse-moi prendre soin de ton invité en attendant ton retour. »

« Il a vraiment tout prévu, cet enfoiré. » songea Draco. « Parfois j'ai l'impression que de nous deux, c'est lui le serpentard. » Pourtant, il n'allait pas le laisser tirer les ficelles aussi facilement. Draco pouvait bien au moins essayé de lui mettre des bâtons dans les roues.

« A toi de voir Theo. Sinon, tu peux m'accompagner ou on peut trouver Blaise. »

Theodore observa les deux hommes se toiser du regard, visiblement ils avaient une conversation silencieuse et cet inconnu ne semblait pas aimer voir Draco interférer dans ses plans. Il avait l'air dangereux, il le dépassait d'une demi-tête et sa carrure était impressionnante, ses muscles roulants sous son costume. Malgré cette apparence froide, Theodore était intrigué, cet homme lui disait quelque chose, mais il n'arrivait pas à s'en souvenir. Il n'aimait pas les mystères et résoudre celui-ci semblait intéressant. De plus, son apparence n'était pas pour lui déplaire.

L'homme portait une tenue rare pour un sorcier, on sentait l'influence moldu dans sa façon de s'habiller. Il portait un pantalon droit maintenu par une ceinture à la boucle finement gravée, malheureusement Theodore n'était pas assez proche pour en distinguer les formes élégantes. Sa chemise forêt était recouverte par un gilet aussi sombre que les abysses, tout comme sa cravate et sa veste qu'il avait laissé ouverte et qui lui tombait jusqu'à mi-mollet, ses légères épaulettes ne faisaient qu'accentuer sa stature. En réalité les seules notes plus claires de sa tenue étaient sa chemise assortie aux boutons du gilet, l'intérieur de sa veste qui apparaissait derrière ses jambes lorsqu'il se mouvait ainsi que les ornements brodés autour de ses poches, sa cravate et le long de son revers de veste. Theodore fut attiré par le son des chainettes cliquetants les unes con les autres au bas de sa tenue, il remarqua alors les petites pierres précieuses semblables à des émeraudes scintiller à seulement quelques centimètres du sol, rappelant les bagues qui ne faisait que rendre les doigts de l'homme plus long. Il était totalement son type, même si ça faisait bien longtemps que Theodore ne s'était plus intéressé à un homme plus grand que lui.

« C'est bon Draco, je ne suis plus un enfant, je peux me débrouiller. » trancha-t-il finalement, se sentant un peu stupide de céder uniquement à cause de l'apparence attrayante de l'homme. Theodore ne pouvait pas nier qu'il était intrigué par cet Apollon qui arrivait même à éclipser la prestance de Draco et pourtant Merlin savait que son ami pouvait se ruiner en tenues en tout genre.

Il ne manqua pas le discret sourire vainqueur de l'inconnu et la mine renfrognée de son meilleur ami. Pourtant Draco ne rouspéta pas, s'éclipsant déjà dans la foule. Théodore songea que cet homme ne devait pas être si dangereux que ça si le blond abandonnait si rapidement. Draco avait tendance à vouloir le surprotéger depuis qu'ils étaient gamins. Il devait donc avoir confiance en cet homme, ça le rassurait un peu. Il ne le mettrait jamais dans une situation délicate de son plein gré. Ses épaules se détendirent légèrement, se laissant guider par le bras qui le dirigeait vers un des buffets. La main glissa de son épaule jusqu'au creux de son dos, laissant une empreinte brûlante à travers le tissu de sa robe.

Theodore ne sut trop comment réagir. Était-ce de la drague ? Ou juste une personne tactile ? C'était le problème d'être homosexuel, on se faisait rapidement des idées. Il ne comptait même plus le nombre de gars qu'il imaginait le draguer alors qu'ils avaient juste l'habitude de se comporter ainsi avec leurs amis. Theodore n'aimait pas qu'on le touche, pourtant il n'osa pas se défaire de ce contact, parce que si ce n'était pas de la drague, il aurait juste l'air stupide et distant. C'était un ami de Draco, il ne voulait pas le froisser.

Il n'eut même pas le temps de se questionner plus longuement sur ce contact que l'homme se sépara de lui. Une seconde plus tard, Theodore se retrouvait avec une coupe de champagne à la main et une assiette de petit-four posée sur la table où l'inconnu l'avait mené. Il se sentait mal à l'aise. Cet homme ne le quittait pas des yeux et Theodore avait la désagréable impression d'être une proie devant son prédateur.

Pourtant, l'inconnu était avenant. Son sourire hautain adressé à Draco s'était transformé en une expression plus douce. Même son regard avait perdu ses tons durs et pourtant, Theodore n'arrivait pas à se détendre. Il ne l'écoutait pas réellement parler, trop concentré sur ses pensées. Pourquoi se sentait-il si gêné, ça ne faisait pas de sens. Ce n'était pas comme si cet homme avait une magie agressive ou menaçante.

C'est là que la réalisation le frappa. Cet homme n'avait pas de magie. Il aurait pu être un Moldu, mais ça faisait encore moins de sens. Draco ne l'aurait jamais invité ici et surtout, Theodore n'arrivait même pas imaginer comment ils auraient pu se rencontrer. Ce n'était pas non plus un Cracmol, sinon il pourrait sentir sur lui un résidu de magie, même infime. Non, cet inconnu cachait sa magie. Theodore n'avait rencontré que deux personnes agissant ainsi de toute sa vie. L'un était un ancien Auror ayant servi pendant la guerre contre Grindelwald et qui était parfois appelé en tant que consultant par son cabinet d'avocat. L'autre était un tueur en série qu'il avait rencontré en défendant l'une de ses victimes qui lui avait miraculeusement échappé.

Theodore espérait sincèrement que Draco sache réellement ce qu'il faisait avec ce type. Ça ne voulait rien de dire de vouloir cacher sa magie, ça pouvait juste être un réflexe pour les personnes qui en perdaient facilement le contrôle. Ce n'était pas toujours réfléchit. Mais encore une fois, ce point était en défaveur de l'inconnu, parce que ça voudrait dire qu'il était colérique. De plus, si l'homme face à lui était également un magico-sensible, il aurait dû reconnaître sa propre capacité et savoir que c'était très impoli d'agir ainsi envers Theodore. Mais s'il ne l'était pas, alors c'était presque impossible qu'il puisse la manier aussi aisément. Il était puissant, certainement bien trop pour qu'un tel pouvoir ne lui monte pas à la tête.

Theodore se sentait perdu et pourtant, il y avait cette petite voix qui le poussait à rester à ses côtés. Il voulait comprendre cet homme, découvrir pourquoi il agissait ainsi. Sa curiosité lui avait souvent porté préjudice et pourtant, Theodore n'arrivait pas à la repousser. Il se sentait un peu honteux d'avoir agi en écoutant sa bite plutôt que sa raison.

« Theodore, tout va bien ? »

Il sortit soudainement de ses pensées, se reconcentrant sur l'inconnu. Theodore n'avait même pas remarqué qu'il ne le regardait plus, fixant un point imaginaire au-dessus de son épaule. Leurs regards se croisèrent et il songea qu'un homme avec un regard aussi doux ne pouvait définitivement pas être dangereux. L'homme avait réellement l'air de s'inquiéter qu'il s'ennuie ou se sente mal à l'aise. Ce n'était pas juste de sa part de le catégoriser dans la case « dangereux psychopathe » juste parce que la dernière personne qu'il avait rencontré qui cachait sa magie en était un. Peut-être que cet homme était comme l'Auror américain, qui sait.

« Oui, désolé, j'ai juste vu un ancien ami. »

L'homme se tourna pour dévisager la foule, mais ne sembla pas convaincu. A dire vrai, Theodore avait une très mauvaise mémoire des visages alors si en plus ils étaient masqués, ils pourraient passer à côté de Millicent ou Goyle et ne même pas les reconnaître. Ça faisait dix ans après tout et ils étaient à peine adulte à l'époque. Tout le monde avait dû bien changer depuis.

Pour se changer les idées, il porta son verre à ses lèvres, ne remarquant que maintenant que ses mains tremblotaient légèrement. Theodore devait vraiment arrêter de se faire des films, c'était si impoli. Ça ne lui ressemblait pas. Il se sentit rougir sous ce regard qui détaillait chacun de ses mouvements, jusqu'à fixer sa paume d'Adam roulant sous sa peau alors qu'il buvait une gorgée de pétillant. Theodore retirait ce qu'il avait pensé, ce regard n'était pas qu'inquiétude et douceur, il pourrait jurer qu'il y avait aussi un soupçon de désir y briller. Il était heureux que son masque cache ses joues, il n'aimait pas se montrer aussi vulnérable.

« Je constate que tu es toujours aussi prude. » sourit, l'inconnu, détachant enfin ses yeux de sa gorge.

Theodore réajusta son masque sur son visage, essayant vainement de masquer ses rougeurs. Pourtant, il ne pensait pas qu'elles puissent visibles. Il mit de côté cet impression de déjà-vu, comme si cette phrase avait réveillé quelque chose en lui.

« Ce sont tes oreilles qui te trahissent, Theodore. » s'amusa l'homme.

« Est-ce qu'on se connait ? » changea-t-il brusquement de sujet, peut-être même un peu trop. « Je veux dire, vous m'appelez par mon prénom alors que Draco n'a même pas fait les présentions, cet impoli. » souffla pour lui-même Theodore.

- Il semblerait, en effet. »

Theodore baissa la tête, réfléchissant à toute allure, son index tapotant contre son verre. C'était la honte, apparemment l'autre homme savait exactement qui il était. Ils étaient même assez proches pour qu'il sache quand est-ce qu'il avait prévu de rentrer des Etats-Unis. Et puis, il y avait cette phrase que Draco lui avait dit. Ce n'était lui qui l'avait reconnu mais quelqu'un d'autre. Theodore était presque certain qu'il s'agissait de cet homme, ça semblerait logique. Mais comment était-ce possible que lui-même ne le reconnaisse pas du tout ? Il s'était définitivement bien trop appuyé sur sa magico-sensibilité pour mémoriser ses connaissances plutôt que sur leurs visages. Ça lui avait déjà porté défaut, mais jamais à ce point.

« Comment m'avez-vous reconnu quand je suis arrivée ?

- Tes mains.

- Mes mains ? » fit peu convaincu Theodore, fixant ses paumes. Ce n'était donc pas un magico-sensible comme lui. « Qu'est-ce qu'elles ont de spéciales ?

- Je ne peux pas te donner tous les indices d'un coup, tu ne penses pas ? Ce ne serait plus amusant. »

En tout cas, cet homme savait terriblement bien attiser la curiosité d'un Serpentard. Certainement en était-il lui-même un, vu la couleur de sa chemise. De plus, il s'agissait d'une réunion d'ancien élève, donc ils devaient certainement se connaître de Poudlard, hormis si cet homme était le plus un de quelqu'un. Mais dans tous les cas, ça remontait à plus de dix ans, Theodore avait une mauvaise mémoire des noms et son manque de sociabilisation à l'époque n'aidait pas. En toute honnêteté, hormis son cercle proche d'amis il n'était même pas certain de pouvoir nommer tous les anciens élèves de sa propre année.

Si on n'éliminait les filles, il ne restait que Goyle, Blaise et Draco et cet homme n'était définitivement pas l'un d'eux. Quoi que, Goyle faisait à peu près la même taille non ? Il s'était peut-être mis au sport ? Non, les yeux n'étaient pas les mêmes, Goyle avait le regard sombre, presque noir. De toute façon, sa manie de parler comme un rustre l'aurait tout de suite mis sur la piste. Mais vu le monde présent, il semblait y avoir des personnes d'autres promotions également. Nott tenta d'énumérer les noms, mais ce n'était pas évident, il était persuadé d'en oublier pas mal : « Flint, Higgs, Bole, Montague… » Visiblement, ce n'était pas comme ça qu'il allait y arriver. D'autant plus que Theodore n'était pas vraiment proche de ces personnes. Pour la plupart, il s'agissait des amis de Draco plutôt que les siens.

« Est-ce que vous portez un glamour ?

- A ton avis ? »

L'inconnu pencha la tête sur le côté, intrigué par sa réponse. Il n'avait pas imaginé que Nott aurait tant de mal à le reconnaître. Certes, ils n'avaient jamais été amis, mais quand même ! S'en serait presque vexant s'il n'était pas aussi excité par ce petit jeu.

« Je ne pense pas. Vous avez l'air d'avoir hâte que je découvre qui vous êtes, un glamour ne ferait que retarder l'échéance.

- Il semblerait que même si tu ne me connais pas, tu me cernes plutôt bien. »

Theodore remarqua soudainement que cette personne le tutoyait. Etait-il réellement aussi proche ou est-ce que ça l'amusait seulement de lui parler de façon informelle ?

« Vous n'allez vraiment pas me donner d'autres indices ? » soupira-t-il, frustrer de ne pas réussir à résoudre ce mystère.

« Qu'es-tu prêt à me donner en échange ? »

Il n'y avait plus aucun doute, cet homme le draguait. Theodore sentit les poils sur son bras se dresser alors que l'homme parcourait le dos de sa main de la pulpe de ses doigts, glissant doucement à l'intérieur de sa manche. La caresse cessa aussi rapidement qu'elle avait commencé, pourtant sa main revint ensuite se poser sur sa hanche. Il ne cachait même pas ses intentions, il était vraiment culoté. Au moins ça ne faisait plus aucun doute, cet homme n'était pas « juste » une personne tactile.

« Une danse ? » fit Theodore, hésitant.

« Ce serait un honneur. » sourit l'inconnu, lui offrant sa main.

Bien que ce fut son idée, Theodore hésita un instant. Il supposa que de toute façon, il n'avait rien à perdre. Cet homme était attirant, il était bien bâti et certainement qu'avec sa confiance, son visage aussi devait être beau. De plus, il pourrait toujours poursuivre la discussion sur la piste de danse. Il n'y avait que des bénéfices. Il déposa sa paume dans la main offerte. L'homme déposa ses lèvres sur la commissure de ses phalanges.

« Pour répondre à ta question, c'est ton grain de beauté que j'ai reconnu. Comment pourrais-je oublié une main si élégante ? » sourit l'homme, charmeur et sans lui laisser le temps de protester, il le tira à sa suite.

L'homme les guida jusqu'au bord de la piste, dans un coin où il y avait un peu moins de monde, près des fenêtres. Il posa sans hésitation sa main sur sa hanche l'incitant à lui-même prendre prise sur son épaule. Theodore tenta bien de garder une petite distance de sécurité, mais c'était peine perdue. Il abandonna l'idée à sa troisième tentative échouée, il pouvait bien céder ce point au bel inconnu. De plus ce n'était pas si mal de sentir sa musculature contre lui.

Ils allaient à un rythme un peu plus lent que les couples autour d'eux, mais ça ne dérangea pas Theodore. Comme il l'avait dit à Draco plus tôt, il était réellement fatigué. Il avait passé la moitié de la nuit à lire un dossier sur lequel ses collègues travaillaient depuis le début du mois et. Comme si ça ne suffisait pas, le directeur de son cabinet avait décidé d'organiser une réunion à la première heure se matin pour vérifier qu'il s'adaptait correctement à son nouvel environnement. Une danse énergique ne lui conviendrait pas aujourd'hui. Bientôt, Theodore se détendit suffisamment pour aller jusqu'à poser sa joue contre l'épaule de l'homme, se laissant guider à sa guise.

« Alors, quel est mon prix ? » murmura-t-il alors qu'un silence se créait entre deux morceaux, pourtant l'inconnu ne cessa pas de danser.

« Je t'accorde trois questions. Evidemment, je me réserve le droit de ne pas y répondre, tu pourras alors m'en poser une autre.

« Trois questions. Vous êtes donc un radin. » bougonna Theodore.

Il fut surpris par le rire franc de l'homme. Ce rire, il était presque certain de le connaître. C'était un beau rire, sincère et libéré. Theodore commençait à douter d'avoir à faire à un Serpentard. Hormis Blaise qui se fichait des convenances, il ne connaissait aucun Sang-Pur qui se lâcherait ainsi en public.

« Quelle est votre couleur préférée ?

- Ça dépend du contexte. » Theodore fut surpris qu'il réfléchisse aussi profondément à la question. « Je dirais le brun, du moins pour les vêtements ou pour de la déco. Mais si c'est pour m'acheter un bouquet, je dirais le violet. » murmura-t-il au creux de son oreille.

Theodore ignora le geste, réfléchissant déjà à toute allure. Il avait espéré une réponse un peu plus précise. Généralement, la couleur de la maison devenait la couleur favorite d'une personne. Lui-même ne faisait pas exception, il ne jurait que par le vert. C'était la raison pour laquelle cet homme lui avait tapé dans l'œil. Theodore avait naturellement tendance à chercher les objets verts dans une pièce ou dans ce cas, les personnes vêtues de cette couleur. C'était plutôt superficielle, mais il n'arrivait pas à se débarrasser de cette manie.

« Et la mienne ?

- Est-ce vraiment ta deuxième question ? »

Theodore se mordit la lèvre, il n'avait pas réfléchi. Devait-il la retirer ? Mais d'un autre côté, il voulait savoir si cet homme avait volontairement revêtu cette couleur ou si ce n'était qu'un hasard.

« Disons plutôt que ma question est : comment avez-vous découvert qu'elle est ma couleur préférée ?

- Tu ne portais que ça les week-ends à Poudlard. Et j'ai demandé confirmation à Draco. »

Donc ils se connaissaient bien de Poudlard, ça enlevait déjà la théorie du plus un de quelqu'un d'autre qui aurait fui pour aller draguer ailleurs. Mais d'un autre côté, c'était étrange que cet homme doive passer par Draco pour être certain qu'il aime le vert. Ce n'était pas un secret, tout le monde le savait à Serpentard. Donc il n'était pas un camarade de maison. « Intéressant »

« J'ai l'impression que tu m'observais beaucoup, mais qu'on ne se connaissait pas vraiment. » songea à voix haute Theodore.

Il se fustigea pour cella en sentant la prise de son partenaire se raidir sur sa hanche. C'était indélicat de sa part de faire une telle remarque. Il ignorait tout de la personne face à lui. Était-il blessé parce qu'au contraire, ils étaient vraiment proches ? Ou alors n'étaient-ils réellement pas amis ? Theodore ne savait plus ce qu'il avait le droit de dire ou non. Peut-être que finalement, ce jeu n'était pas aussi amusant qu'il n'en avait l'air de prime abord. Il ne voulait pas se montrer méchant par erreur.

« Theodore… Theodore.

- Hm ?

- Tout va bien. J'étais juste surpris. »

Nott releva la tête, remarquant enfin qu'il s'était figé au milieu de la piste, la tête basse et les mains tremblantes. Lentement, l'homme le poussa à reprendre la danse, un pas après l'autre.

« Tu as raison, c'était un amour à sens unique. A l'époque, je ne comprenais pas pourquoi tu voulais tant m'évitez, avec le recul je pense que j'étais assez stupide de ne pas avoir compris. Mais aujourd'hui, je sais que rien n'aurait pu naître de notre relation à l'époque, je n'étais pas assez mature. C'est pourquoi je veux retenter ma chance aujourd'hui, je sens que désormais, nous sommes tous les deux prêts. »

Theodore ne savait plus où se mettre. Comment est-ce que cet homme pouvait avouer aussi facilement avoir été amoureux. C'était insensé, n'avait-il aucune honte ? Peut-être était-il un Poufsouffle finalement, ça leur ressemblait bien d'être aussi ouvert. Theodore savait que les cartes étaient entre ses mains. Tant qu'il ne découvrait pas l'identité de cet homme, leur relation ne pourrait pas avancer. Il devait faire accélérer les choses, il devait juste trouver la bonne question à poser. Ce serait sa dernière.

« Mes très chers amis, je vous invite à rejoindre le jardin qui se trouve juste derrière moi. J'ai prévu une petite activité pour fêter le passage à la trentaine de la plupart d'entre nous. Nous passerons ensuite aux desserts. J'espère que ça vous plaira ! » annonça Draco grâce à un Sonorus, faisant stopper leur danse.

Theodore pouvait sentir son regard sur eux. Draco ne semblait pas surpris ou déçu, juste curieux. Ça le rassurait un peu, il semblerait qu'il se soit vraiment monté la tête pour rien un peu plus tôt.

La foule se dirigea petit à petit vers la baie vitrée qui s'ouvrit grâce à quelques gestes de la baguette de Draco. Theodore sursauta quand une veste chaude se posa sur ses épaules. L'inconnu l'aida à lui enfiler les manches et plus que de danser serrer contre son torse ferme, c'était ce genre d'action qui le faisait rougir jusqu'à la pointe de ses cheveux.

« Tu risques d'avoir froid, la météo n'est pas la même qu'en Louisiane ici. » s'expliqua l'inconnu, attrapant déjà sa main pour le guider dans un coin de jardin.

« Je risque de salir votre veste. » remarqua Theodore, un peu gêné de la voir traîner sur le sol. Il n'était pas petit pourtant, mais la différence de taille restait pourtant importante.

« Ce n'est pas grave. » haussa des épaules l'inconnu, pourtant Theodore n'était pas bête, cette veste avait dû lui couter une fortune entre le sur-mesure, les bordures et les petites émeraudes qui cognaient sur le carrelage de la salle de bal.

« Et vous ?

- Ne t'inquiètes pas, je n'ai pas souvent froid. Et puis, j'ai une baguette si jamais. » il lui fit un clin d'œil complice et l'enjoignit à continuer d'avancer.

Theodore ne rouspéta pas, se demandant tout de même pourquoi ils s'éloignaient tellement des autres. Il ne devrait pas suivre un étranger ainsi, c'était dangereux. Mais il avait confiance en ses qualités de duelliste et surtout, il était persuadé que Draco gardait un œil sur lui depuis tout ce temps. Il ne craignait aucun danger ici. Theodore eut les réponses lorsqu'ils arrivèrent devant un petit lac. Il n'avait encore jamais visité les jardins de la nouvelle maison de Draco, il ne venait que rarement en Angleterre et ce genre de balade semblait futile dans ces instants.

Il sursauta lorsqu'un bruit de pétard résonna. En levant les yeux au ciel, Théodore découvrit un magnifique feu d'artifice illuminant le ciel étoilé de cette nuit de juin. Les petites étincelles multicolores se reflétaient sur la surface lisse de l'eau tel un miroir. C'était tout bonnement magnifique. Trop perdu dans l'admiration du spectacle, Theodore ne sentit pas l'homme se blottir contre son dos, l'entourant de ses bras.

« Tu aimes ? » lui chuchota-t-il à l'oreille, autrement Nott n'aurait pas réussi à l'entendre.

« C'est magnifique ! » cria-t-il, sa voix se perdant entre deux explosions.

« C'est bien si ça te plaît. J'ai eu un mal de chien à convaincre Draco. »

Theodore ne parvint pas réellement à l'entendre tant sa voix était basse. Mais il se doutait plus ou moins de sa réponse et le baiser qu'il posa sur son front ne fit que confirmer son hypothèse. Petit à petit, il se demandait si cet homme était vraiment sérieux à son propos. Il avait perdu ses airs dragueurs du début de soirée, laissant place à une tendresse qui ne s'installait habituellement qu'après plusieurs rendez-vous. Theodore avait presque l'impression que son côté rentre-dedans n'avaient été que présents pour attirer son attention. Il ne savait plus, c'était tellement étrange comme situation.

« A quoi penses-tu ? »

Theodore cligna des yeux, remarquant enfin que le feu d'artifice avait pris fin pour ne laisser place qu'à un beau ciel étoilé. Il tourna légèrement la tête, tombant nez à nez avec le regard émeraude de son inconnu. Ces iris, il ne connaissait qu'une seule personne qui en possédaient des semblables, Harry Potter. Mais c'était impossible, Potter était petit, la dernière fois qu'il l'avait vu il le dépassait d'une tête. De plus, il était loin d'avoir le moindre contrôle sur sa magie, à l'époque elle dégoulinait de son corps comme du miel, s'en était presque écœurant. Et surtout, il était le Golden Boy, que ferait-il à traîner avec Draco ou lui plutôt que d'aller voir ses amis. Ça ne ferait aucun sens. Cette idée était si stupide qu'il ne tarda pas à l'effacer de son esprit.

« J'ai envie de t'embrasser. »

Le regard de Theodore voyagea le long du masque en porcelaine jusqu'à tomber sur les lèvres humides de l'homme. C'était certainement bizarre comme compliment, mais il avait une belle bouche. Se faire embrasser par de telles lèvres ne devraient pas être désagréable, bien au contraire. Alors doucement, il se tourna dans l'étreinte jusqu'à lui faire face. Ses doigts agrippèrent ses hanches et lentement, Théodore posa ses lèvres sur les siennes.

Ce n'était qu'une simple pression, mais il sentait déjà les papillons dans son ventre bourdonner. Il avait vu juste, cette bouche était incroyable à embrasser. Il recula de quelques centimètres, observant l'expression béate de l'inconnu. C'était difficile à voir avec son masque, mais ses yeux ne mentaient pas. Theodore ne pouvait plus se permettre de laisser planer le doute sur son identité. Il voulait être certain que ce n'était pas un plan foireux. Il refusait d'aller plus loin dans la relation avec un parfait inconnu, ça le dérangeait trop. Non pas qu'il est un problème à avoir un coup d'un soir, mais Theodore savait aussi que cet homme ne recherchait pas cela. Et s'il était question de sentiments, alors faire face à un inconnu ne serait plus possible par la suite.

« Ma troisième question, je sais ce que je veux.

- Dis-moi ?

- Est-ce que je peux dormir chez toi ce soir ? »

L'homme écarquilla les yeux, visiblement Theodore avait réussi à le prendre de cours.

« Tu es sûr de toi ? Je ne veux pas que tu te forces. Je préfèrerai attendre que tu décou… » L'homme se coupa dans sa phrase, une lueur de compréhension éclairant son regard. Il éclata de rire. « Bien sûr, nous pouvons aller chez moi. »

Theodore était un peu perdu, son brusque changement de comportement le surprenant un peu. Pourtant il ne pipa mot. C'était sa chance ou jamais. Là-bas, il devrait bien y avoir au moins une photo ou un papier avec écrit le nom de l'homme. Ce serait sa meilleure occasion.

« Tu veux peut-être saluer Draco avant de partir ?

- Oui, tu as raison. Sinon il risque de s'inquiéter pour rien. » approuva Theodore.

Ils retrouvèrent rapidement le blond, il était entouré comme à son habitude d'une petite cour de filles qui buvaient ses paroles comme s'il était Merlin lui-même. Il ne changerait jamais, décidemment. Draco aimait bien trop l'attention pour son propre bien. Harry patienta un peu en retrait que Theodore fasse ses adieux. Cinq minutes plus tard, ils les faisaient transplaner devant sa maison. Ce n'était rien d'aussi extravagant que le manoir Malefoy, bien que Harry en ait les moyens. C'était un simple chalet en bois sur deux étages, un porche suffisamment grand pour accueillir une table et quelques géraniums accrochés aux fenêtres.

« C'est étrange, ça ne te ressemble pas.

- Vraiment ? Et qu'est-ce qui me ressemblerait ? » ronronna Harry à son oreille, le poussant vers l'entrée.

« Je ne sais pas, mais tu as l'air riche. Je pensais atterrir dans un manoir comme celui de Draco.

- Tu aurais préféré ? Je peux en acheter un si c'est ce que tu désires. »

Theodore hoqueta de surprise, ce type était fou. Il n'avait pas vu faux, il devait vraiment être pleins aux as s'il pouvait proposer ça aussi facilement.

« Non, je crois que je préfère un chalet. » s'empressa de démentir Theodore, il ne voulait pas mettre de bêtise dans le crâne de cet étrange individu. Et puis ça fera moins de pièces à fouiller pour lui. « Tu n'allumes pas les lumières ? » demanda-t-il en tâtonnant devant lui alors que Harry le poussait vers l'avant.

« Non. Ce soir, nous n'allumerons aucune chandelle. Du moins pas avant d'être dans ma chambre. Attention, il y a des escaliers. »

Theodore trébucha sur la première marche, mais l'homme le maintint facilement debout. Punaise, il avait foiré son coup. Sa seule solution était donc de se réveiller le lendemain matin avant cet homme ou alors rester éveillé en attendant qu'il s'endorme. Si ça continuait comme ça, il allait vendre son cul pour rien du tout !

« Je vais te prêter des vêtements pour dormir.

- Ah… merci, c'est gentil. »

Harry agita sa baguette et quelques petites chandelles se mirent à briller au plafond. Ça ressemblait plus à une veilleuse qu'à une véritable lampe, mais au moins ils n'étaient plus dans le noir complet. Theodore zieuta autour de lui, la décoration n'avait rien de très complexe. Un lit à baldaquin, une armoire en chêne, une commode où reposait deux cactus, une table de nuit. N'empêche que cette chambre restait étrange, il n'y avait absolument rien de personnel à l'intérieur. Hormis les plantes, c'était presque comme si personne ne vivait ici.

Theodore s'avança un peu plus dans la pièce, se mettant à l'aise. Il pouvait sentir le regard de l'homme sur lui, mais ce n'était pas de la surveillance, juste de l'intérêt. Il nota que des traces plus claires tâchaient les meubles et les murs. Ce paranoïaque avait-il réellement enlevé tous les cadres de la pièce ? Même sans le connaître, Theodore doutait de ça, l'inconnu avait sincèrement semblé surpris lorsqu'il lui avait proposé d'aller chez lui. Mais ça restait étrange… Peut-être avait-il demandé à quelqu'un de faire le tri pour lui. Oui, maintenant que Theodore y faisait attention, l'homme en avait profité pour s'éclipser pendant qu'il disait au revoir à Draco. S'il était réellement aussi riche qu'il le disait, alors il devait au moins avoir un elfe de maison. Cette théorie semblait probable. Décidément, Theodore se faisait honte, il n'avait plus rien d'un Serpentard rusé. Ces années aux Etats-Unis l'avaient ramolli.

« Tiens. » le sortit de ses pensées l'homme.

Sans même que Theodore ne s'en soit rendu compte, il s'était changé derrière lui et lui tendait désormais ses propres vêtements. Bon sang, était-il obligé de porter un t-shirt aussi moulant ? Theodore avait vu juste en imaginant à quoi pouvait bien ressembler le corps de cet homme sous ses couches de vêtements luxueux. Il avait l'impression que ses biceps allaient finir par faire exploser ses manches.

Il fut surpris par la bienveillance de l'homme qui sortit de la pièce pour lui laisser un peu d'intimité. Il n'avait pas pris la pièce par laquelle ils étaient entrés, certainement la salle de bain. Une fois près, Theodore y toqua, attendant que l'homme ouvre de lui-même. Ce serait gênant d'ouvrir si en réalité il s'agissait de toilettes.

Heureusement ce ne fut pas le cas, l'homme lui ouvrant rapidement la porte, une brosse à dent à la bouche. De son autre main, il lui en tendit une seconde ainsi qu'un tube de dentifrice. Theodore était un peu perdu. C'était la première fois qu'il rencontrait quelqu'un qui avait une telle hygiène avant de coucher ensemble. Ce n'était pas romantique et encore moins passionnel. On croirait presque suivre la routine d'un couple marié depuis vingt ans, d'autant plus qu'il n'avait toujours pas pris de douche ! Ce n'était pas qu'il puait la sueur, mais tout de même, pourquoi faire une fixette sur les dents et pas sur le reste du corps que Theodore trouvait pourtant bien plus important.

Avant même qu'il ne s'en rende compte il se retrouva dans le lit de l'homme, le dos pressé contre son torse et une paire de bras enroulé autour de lui. Mais bon sang, c'était quoi ce bordel ! Après l'avoir chauffé toute la soirée, c'était vraiment tout ce qu'ils allaient faire ? Juste dormir ? C'était si frustrant.

« Dites ?

- Tu préférais dormir de l'autre côté ?

- Non, non, ce n'est pas ça. » Theodore remonta un peu plus la couette par-dessus son visage, terriblement honteux. « On ne va vraiment rien faire ?

- Comment ça ?

- Vous voyez très bien ce que je veux dire. » fit Theodore sur un ton un peu plus incisif, la gêne à son paroxysme.

« Tu es venu pour espionner non ? Je ne vais pas te forcer à faire quoi que ce soit. »

Theodore se retourna difficilement, ce type avait vraiment un sacré grip. Il remarqua seulement à ce moment que l'homme avait toujours son masque. Décidément, il tenait vraiment à ce que Theodore découvre par lui-même son identité. Doucement, il glissa sa main sous son t-shirt brun, il n'avait pas menti en disant que c'était sa couleur favorite. Comme il s'en était douté, sa poitrine était ferme, de même pour ses abdominaux.

« Vous ne me forcez pas, j'en ai aussi envie.

- Comment veux-tu que je me retienne quand tu dis des choses aussi indécentes. »