III.
Des Visages Connus
Sur les routes, Mera s'était contenté de penser à ce qu'elle et Reno auraient pu se dire dans l'hélicoptère de la Shinra. Peut-être qu'il aurait voulu parler de leurs différentes mœurs ? Non, cet idiot ne savait pas voir plus loin que le bout de son nez. Ou plutôt, son travail. Et Dieu seul savait qu'elle l'avait été, elle… Idiote.
Certainement même plus que lui, compte tenu des relations qu'elle avait entretenues avec la Shinra sur les années, elle aurait pu tenter de se dérober d'eux bien plus rapidement. Mais, à l'époque, Sephiroth était encore dans leurs rangs et elle avait promis à Angeal de garder un œil sur son disciple.
Quel échec, il est mort aux abords de Midgar. Mera secoua la tête, elle était à mi-chemin désormais. Elle voyait les ruines de Midgar d'ici, et cela voulait dire qu'Edge n'était pas forcément très loin. Est-ce qu'elle pourrait s'arrêter au Septième Ciel pour faire le plein ? La brune en doutait, mais, elle n'aurait rien si elle n'essayait pas.
Elle passa à travers des ruines de Midgar à toute vitesse, constatant toujours plus les dégâts, même si maintenant, le Secteur 5 et 6 semblaient de nouveau habitables, et les habitants s'arrachaient de reconstruire le numéro 7 avec ferveur. Loin de feu leur usuel bidonville. Mera leur passa le bonjour. Ils s'en fichent de son uniforme, puis, une TURK toute seule, ce n'était pas quelque chose de commun. Enfin, ex-TURK, pensa-t-elle.
Edge n'était pas très loin de Midgar, tout au plus une ville construite dans les restes côté Est, et paraissait coupée bien au delà des radiations de Mako des anciens secteurs 1, 2 et 3. Entre ceux du numéro trois et quatre, très précisément. Comme un long serpentin d'habitations et de décorations qui donnaient un côté pseudo urbain, mais qui avait perdu de son futurisme.
Sur la grande place, Mera observa la statue de pierre du Météore ainsi que de Minerve. Genesis adorerait, se mise-t-elle soudainement à penser. Puis, quelques anciennes affiches de Loveless. Des fois, elle se demandait si la troupe des acteurs avait survécu au dommage collatéral causé par la chute du Météore.
Dans les étroites rues, certaines personnes déblatérent des paroles incompréhensibles sur la roche Céleste, mais ce coup-ci, Mera ne les excusa pas des Géostigmates. Non, ça, c'était l'ivresse et la drogue. L'humain s'était toujours conforté dans ces trois catégories, quand il faisait face à une adversité : la drogue, l'ivresse et le sexe. Des fois les trois en même temps, pour les indécis.
Devant le bar, Mera gara sa moto en ajoutant le pied anti-vol. De toute façon, elle était équipée d'un système de sécurité Shinra… Aucune chance. Poussant la porte du bar, ce dernier n'était pas vide. Quelques habitués mangeaient leur steak tartare avec un paquet de chips, tandis que d'autres étaient accoudés au bar, une bière à la main. Ainsi que du vin de Corel. S'approchant, elle décida de s'asseoir plutôt au fond, recluse de tout le monde.
Tifa quitta ses cuisines : elle avait entendu la porte d'entrée. Et, Cloud était à la maison pour aujourd'hui. De facto, elle s'imaginait un client, un TURK ou encore un membre de leur équipe. Cid léchait les vitres quand il passait… Et Yuffie commandait toujours le meilleur jus de fruit journalier sur la carte.
Mais, elle sursauta quand elle vit la figure aux longs cheveux sombres et aux yeux roses. Habillée de son uniforme qu'elle portait avec un top simple plan plutôt qu'une chemise, et sans la cravate. La barman accouru dans les escaliers pour toquer au bureau de Cloud qui lui ouvrit dans un presque fracas. Le blond haussa les sourcils à la mine déconfite de son amie d'enfance qui était en passe de devenir sa fiancée. Enfin, s'il calculait bien la paye.
— Qu'est-ce qui se passe ? Tout va bien ?
— Viens voir en bas, les images parlent mieux que des mots.
Ni une ni deux, Cloud s'avança avec elle avant de descendre les escaliers. Habillé d'un classique haut noir à manches longues et d'un pantalon civil, il observa la pièce avant de voir la figure féminine assise et qui lisait la carte. Mera sentait les regards sur elle : elle l'avait prévu. Et, par la même occasion, s'était déjà organisée une sortie.
— On fait quoi, on appelle Reno ?
— Est-ce qu'on ne devrait pas plutôt s'occuper d'elle d'abord ? Elle reste une cliente.
— Je sais pas, Teef… Ils la cherchent depuis les Géostigmates, Reno plus que les autres. Et on a promis de les aider, pour le coup de pouce avec Kadaj.
Tifa hocha la tête. Presque vaincue par un tel argument. Presque.
— Rien ne nous empêche de lui dire qu'elle est dans le coin, une fois partie. Puis, elle a une moto, tu n'as qu'à dire que tu es passé devant, à l'entrée, et que tu l'as vue. Comme ça, vous déclenchez une conversation, toi, tu essayes d'aller à la pêche aux infos, et tu notes ce que tu entends. Banco ! s'exclama la jeune femme, fière de son idée.
Cloud grinça des dents, ce n'était pas lui, le papillon social de l'équipe…
— Vendu. Tu vas prendre sa commande ou je m'y colle ?
— J'y vais, toi, va nettoyer déjà des verres et des couverts de tables au cas où, on va tenter de la faire rester assez longtemps.
Cloud hocha la tête positivement, attendant patiemment que Tifa aille chercher son calepin avant de se diriger vers Mera.
Cette dernière s'était contentée d'ouvrir le dossier qu'elle avait récupéré, certaine que personne ne pouvait lire les lignes qu'elle lisait. Mais, elle le ferma précipitamment à la vue de la jolie barman qui s'était empressé de venir la voir avec un carnet et un stylo.
Mera lui offrit un sourire, tandis que Tifa en fit de même avant de rigoler presque nerveusement. Mera hocha la tête sur le côté : pourquoi ? Elle n'allait pas la manger, au contraire.
— Bonjour… Mera, c'est bien ça ?
— C'est bien mon nom. Bonjour. Tu devrais mettre une veste, tu trembles comme une feuille.
Tifa se reprit, redressant les épaules.
— Ah, euh… oui. Dans les cuisines, il fait assez froid. Les frigos pour la viande fonctionnent d'enfer ! Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi… Vous ?
— Toi. Après les Incarnés, je pense que l'on peut dire "tu". Je te prendrai des brochettes de fromage de Kalm avec supplément viande et friture, une salade verte avec des tomates de Nibel et des chips de crevette en accompagnement.
Tifa termina de griffonner.
— Une boisson, avec ça ?
— Oh, une carafe d'eau ça suffira. Merci à toi.
Tifa hocha la tête d'un signe positif, avant d'accourir presque en trottinant dans les cuisines. Poussant la porte, Cloud Strife se retourna vers elle, l'air de dire "qu'a-t-elle demandé?" et Tifa lui montra le morceau de papier. Ceci, avant de d'ores et déjà s'aventurer vers le placard des apéritifs pour verser des cacahuètes dans un bol. Cloud sortit la viande adéquate du congélateur, déposant une majorité des ingrédients sur le rebord.
Tifa retourna à la table déposant la petite assiette ainsi qu'une carafe d'eau, laissant Mera déguster son apéritif et poursuivre sa lecture. La brune avait bien tenté de lire le titre du dossier, mais impossible.
— Tu penses que tu pourrais y aller ? chuchota Tifa.
— Maintenant ?
— Oui, elle va manger juste après. Ce n'est pas très poli d'importuner les gens durant leur repas.
Cloud sortit des cuisines avant de se diriger vers Mera, se tirant un tabouret et s'asseyant juste en face d'elle. La jeune femme leva les yeux de son dossier, arquant un sourcil d'un air suspicieux. Elle connaissait très bien le visage de Cloud Strife. C'était la coqueluche de Rufus, et le héros qui avait sauvé le monde.
Enfin, héros, oui et non. Pour certains, Cloud était le responsable d'un monde post-apocalyptique et faisait l'apologie du bioterrorisme. Mais, l'ancienne TURK n'était pas apte à le juger. Son ancien travail la ramenait toujours les pieds sur terre.
— Salut, Mera, je ne me trompe pas ? Cloud. J'étais-...
— Je sais qui tu es. Un peu comme… Beaucoup de gens.
— Oui… -Je… Je voulais te remercier pour le coup de pouce avec les trois Incarnés, le Bahamut… Et d'avoir sauvé la peau de Reno et Rude.
— "TURK un jour, TURK toujours." Tu n'as pas à me remercier d'avoir sauvé les fesses de mes anciens collègues. Ensuite, pour le reste, même les héros ont besoin d'un plan de soutien.
— Ouais-... Euh, il jeta un regard à l'extérieur, lui désignant sa moto garée. Je l'ai vu en passant par l'arrière, pour aller récupérer une livraison. C'est une belle moto. Elle tient la route ?
Mera fit un geste de main, l'air de lui dire de ne pas s'en soucier. Elle aimait parler de son véhicule, il fallait dire que c'était une des seules choses à peu près positive que la Shinra lui avait laissé. Enfin, qu'elle avait dérobé, plutôt. Après tout, elle n'avait jamais rendu son matériel de travail.
— Oui, Jouvence est faite pour couvrir des kilomètres sans fatigue. Je n'irai pas te dire qu'une petite révision ne me plairait pas, mais…
— Tu voudrais que je regarde, après le repas ? J'aime bien la mécanique. C'est un peu… Un de mes hobbies.
— Oui, j'ai vu ça en combat. Sacrée bécane aussi, tu as l'air de l'aimer. Mais quoi d'autre quand c'est notre outil de travail ? Les livraisons ne vont pas se faire à vélo, non ?
— Ouais ! Dis, tu comptes rester dans la région ? Je sais que généralement, quand on a une moto… Il ricana. Dur de rester en place.
Mera se servit un verre d'eau, avant de l'engouffrer dans sa gorge sèche d'une traite. Elle n'avait pas vraiment eu le temps de s'hydrater correctement. Elle voyait clair dans le jeu de Cloud, mais, pour autant, elle le trouvait sympathique. Donc, elle décida de le jouer davantage.
Puis, ça lui passait le temps, de toute façon. Que pouvait-elle faire d'autre ? Là tout de suite, elle avait faim, et il n'y aurait rien qu'un désert jusqu'à Junon pour des kilomètres… Même pas une aire d'autoroute. Il lui faudrait en conséquence faire le plein, manger, boire convenablement et elle passerait même acheter des snacks et des boissons avant le trajet.
Si elle calculait bien, elle en aurait pour cinq ou six heures. En espérant ne pas tomber sur des monstres en chemin. Ou ne faire aucun détour inutile.
— Non. Je ne reste jamais en place trop longtemps. Je restais à Midgar quand je travaillais encore pour Shinra. Je n'aime pas rester à un seul et même endroit.
— Je vois, et quelle est la prochaine, de ce fait ?
Mera ricana. Curieux.
— J'irai là où le vent me mènera. Je ne regarde pas ma destination, Strife. Ou pas souvent.
Cloud se releva, lui indiquant qu'il allait voir où en était Tifa. Mera ne lui répondit rien, préférant garder le silence. Dans les cuisines, Cloud se précipita vers Tifa, tapotant son épaule afin qu'elle se retourne vers lui.
— Alors, alors ?
— J'ai rien pu en tirer spécifiquement. Elle n'a pas l'air bien méchante, cependant. Un peu intimidante au maximum, mais pas horrible.
— Bien, j'ai presque fini. Il manque encore les cinq brochettes qui sont en train de frire, et la salade. Retournes-y !
Cloud soupira lourdement, non sûr de l'idée de Tifa, mais prit le chemin de nouveau vers la brune aux yeux roses, celle-ci lui souriant en le voyant arrivé. Il était un homme en mission, et ça se voyait, et elle comprenait la démarche : Reno. C'était évident, sinon pour quelle raison si pas un partenariat avec ses anciens collègues ? Mera le laissa s'asseoir : il s'éxecuta sans plus de cérémonie, croisant les bras et cherchant un sujet de discussion avec la brune.
— Tu comptes appeler Reno quand ? demanda-t-elle, d'un air faussement distraite ?
Cloud leva ses yeux Mako sur elle, non sûr qu'il ait convenablement entendu, mais a posteriori, si, il avait parfaitement compris ce qu'elle entendait. C'était logique, elle les connaissait, les TURKs, depuis si longtemps. Ils étaient ses anciens partenaires. Mera ricana avant de faire craquer légèrement son cou, et se resservit de l'eau dans son verre, brillant comme du cristal tant il était propre, avant de continuer sa discussion avec Cloud.
— Ça changerait quoi ? demanda Cloud.
— Je me le demande, continua Mera. Je sais que tu ne viens pas juste par curiosité ou faire la discussion, j'ai été une TURK. Je sais comment ça marche, les interrogations. Essaie d'être plus discret avec Tifa, ça te vend assez vite. Cloud se mit à rougir à sa phrase, non sûr de sa prochaine réponse, quand bien même l'échange n'était pas agressif, au contraire.
Cloud se racla la gorge, reprenant son sérieux, alors qu'il cherchait tout de même ce par quoi il pouvait bien répondre, il fallait gagner du temps, Tifa dirait qu'elle est dans le coin, et Reno viendrait inéluctablement chercher au bout d'un moment ou pire : tenter de la poursuivre.
— C'est quoi ton passif avec Reno ? Outre le boulot, il est obsédé par le fait de te retrouver, et il refuse de nous dire pourquoi.
Mera ne lui dirait pas non plus.
Elle tourna son verre d'eau autour, sans trop de peine, le liquide virevoltant au rythme de ses va et vient circulaire, elle fixait le mercenaire droit dans les yeux, cherchant à discerner ses réelles intentions avec elle, mais elle n'y trouva rien. Si ce n'était un éclat de réelle curiosité, et certainement d'intérêt pour le roux qui les avait aidés à quelques reprises. Elle soupira, sans trop de conviction, avant de continuer son dialogue qui, de toute façon, allait finir par atteindre un certain niveau de surdité.
— Je suis partie de façon abrupte, après certains évènements à la Shinra, et j'ai trahi les miens. Depuis, ces ignares veulent me récupérer pour que je redevienne une TURK et qu'on forme ensemble les TURKs. L'équipe originelle. C'est en partie pour ça, que Reno me cherche.
"En partie" donc, ce n'était pas tout, mais il se contenterait de cela pour le moment, au lieu de lui demander le chaînon manquant, la curiosité du blond eut le meilleur de lui.
— Pourquoi t'es partie de la Shinra ? Vous êtes bien payés, les TURKs. Et, de ce qu'on a su sur toi durant Avalanche, t'étais plutôt bien placée, non ?
Les sourcils de Mera se froncèrent, mais elle n'en tint pas rigueur au jeune homme habillé de noir. Après tout, ce n'était pas sa faute s'il n'était pas au courant. Lui, c'était un rouage dans ce mécanisme bordélique qu'était la plus grande puissance de Gaia, enfin, jusqu'au Météore, bien entendu.
— Ils m'ont pris mes amis, et ma famille, ultimement, j'ai décidé de partir. Ils m'ont dérobé beaucoup de personnes chères à mon cœur, et ont continué de le faire même après. Alors, j'ai déserté. Enfin… elle marqua un temps de pause. Plutôt, j'ai fais les agents doubles jusqu'au moment où le bateau à réellement commencé à couler, moi j'avais déjà pris le canot de sauvetage.
Avant de pouvoir ajouter quoique ce soit à ses propos, Tifa s'avança, une assiette en main et un simple "c'est prêt, mes excuses pour le temps d'attente." qui fut répondu par Mera d'un simple geste de balayement. Les aliments sentaient bons, tous disposés parallèlement et d'une façon excessivement minutieuse, elle n'en attendait pas moins de la barman. Cloud se leva de sa chaise, rejoignant la brune rapidement, lui souhaitant bon appétit suivi d'un "je vois" très en osmose avec le caractère renfrogné et légèrement plus froid qu'à l'accoutumé du blond. Elle fit un simple geste de tête, les remerçiant silencieusement avant de se mettre à déguster. Il y avait combien de temps, qu'elle n'avait pas eu un bon repas chaud ? Un bail, déjà. Si ce n'était des nouilles sur le pouce ou encore un stand de brochettes, ici et là.
Ce qui, vu l'état de la Planète, était assez rare pour être notifié. Même après toutes ces années, le concept de divertissement avait encore du mal à revenir, du moins, là où la Mako avait été la plus installée. Soit, toute la région de la Prairie, Kalm, Junon, et pire encore : Sous-Junon, qui avait été prise d'un ras de marée lors de la chute du Météore. Elle se demandait s'il y avait eu assez de survivants. Normalement oui, ils étaient experts de la mer.
Puis, elle pensa à sa ville natale, Costa Del Sol. Le soleil, les cocotiers, la bonne humeur et surtout : l'avarice. Elle n'y était pas retourné depuis un bon moment, et encore moins à sa maison là-bas. Celle de sa famille, occupée seulement quatre mois de l'année par sa belle-sœur, Mélodie, et ses filles. Donc, ses nièces. Si elle prenait le bateau, ou l'hélico, elle s'y aventurerait peut-être. Cela faisait longtemps qu'on ne l'avait pas appelé "Tante Mera". De trop, quasiment une décennie, et elle s'imaginait déjà les visages de Nina et Rhea à l'idée de l'apercevoir, ou encore la joie de June de pouvoir lui raconter ses études. Ou même… Voir les deux petites dernières qu'elle n'avait pas revue depuis cette tragique période…
Elle secoua la tête. Elle y penserait une fois qu'elle aurait fini à Junon. Pas maintenant.
Derrière les cuisines, Cloud faisait les cents pas, appelé Reno ou ne pas appelé Reno ? Telle était la question, et le problème restait entier. Déjà, elle était encore en train de manger, et ensuite, il y avait des clients au bar, en plus que l'on était en plein après-midi et il n'osait guère imaginé quand le soir commencerait à se faire sentir, et qu'ils sortiraient tous de leur boulot ennuyeux pour venir trouver la panacée dans les verres soignés de Tifa. Cette dernière, ne semblait pas perturbée, au contraire, elle faisait la vaisselle, chargeait et déchargeait quand cela était trop encombrant, et elle faisait quelques allers-retour avec le comptoir, laissant Marlène gérer quelques demandes, du haut de ses 10 ans en compagnie de Denzel, du haut de ses 3 ans de plus.
Cloud rangeait et reprenait son portable en boucle, incapable de se décidé sur ce qu'il allait faire des informations, même si assez vague, qu'il eut récolté. Mais, un simple coup d'œil sur le reste de la clientèle fut suffisant pour lui. Il allait l'appeler, il allait le dire à Reno : au moins, il respectait sa part du marché, composant le numéro de ce dernier, il s'enferma dans le garde-manger, avant d'entendre la voix effrénée et dynamique du trentenaire, jusqu'à l'inverse. Ses cordes vocales s'appaisèrent et il entendit les clés tournés et un moteur s'actionner.
Ils arriveraient sous quinze minutes. Quinze petites minutes à gagner. Sans plus de cérémonie, il s'avança vers la brune, s'approchant de son oreille, son souffle chaud contre elle, que Reno arrivait. Tifa, sans trop de problème, s'occupa des derniers clients et parvint à liquider l'endroit de présence, passant discrètement par la porte de derrière pour changer le panneau "ouvert" pour son contraire, avant de refaire le même chemin, mais à l'inverse.
Même si elle notifia le regard suspicieux de Mera qui, pour le moment, n'avait rien remarqué.
Ce ne fut que, lorsque le moteur de la voiture des TURKs s'arrêta près du bar, pas assez pour être dans la vision de leur ancienne collègue, que Tifa se prépara au pire, suivi de Cloud qui avait intimé aux enfants de se rendre à l'étage pour "ranger des verres" dans le vaisselier, Marlène, de sa curiosité, avait questionner Cloud, mais Denzel l'eut tiré assez fort par le poignet pour que la situation ne change. Quand la poignée grinça, Mera se tourna et là…
Le silence régna quelques minutes Une échange de regard, entre le sapphire et la rubellite, il se figea, fixant le visage de la jeune femme. Cela faisait déjà quelques années, depuis les incarnés, qu'il l'avait vu d'aussi près. Elle n'avait pas tant changé, passé trente ans. Bientôt ses trente-trois. Bien, elle s'était faite avoir. Une simple visite de courtoisie, retournée contre elle. Elle retenait Strife, qui la fixait au loin, jusqu'à ce que ça ne devienne mutuelle.
— Laissez-moi passer.
— Non, Mera, refusa Rude, les mains les unes sur les autres, poliment devant lui. La jeune femme ricana à sa soudaine confiance en lui, avant qu'elle ne termine son plat et ne finisse par se relever elle-même, sa consommation terminée. Elle était bien plus petite que ses deux collègues, environ un mètre cinquante-cinq maximum à l'œil.
Elle resserra sa veste contre elle, à la taille, la cintrant un peu plus, alors que Reno vint pour tenter de l'enlacer presque soulagé, elle l'évita d'un pas de côté, la tête de ce dernier manquant de partir vers l'avant, Tifa retint son souffle derrière le bar, non-sûr de son coup, alors que Rude se préparait déjà à potentiellement devoir défendre l'entrée du nouveau Septième Ciel pour éviter une énième fuite.
— L'humiliation du Cratère Nord de la semaine dernière ne t'a pas suffit ? demanda-t-elle, alors que ce dernier ferma les yeux. C'était différent, la voir en face, et scruter l'illusion de la retrouver, et il espérait, malgré lui (c'était futile) qu'elle n'entende raison. Il pouvait au moins essayer, pour elle.
Son visage était toujours aussi anguleux, pourtant la rondeur légère de sa mâchoire apportait encore ce côté légèrement juvénile qu'elle n'avait pas perdu de sa vingtaine. A contrario de l'éclat de ses yeux rose, en perdition depuis la mort de Fair et de tout ce qui l'avait précédé, toujours d'aussi grand yeux, et son ensemble de TURKs prêt du corps. Non, elle n'avait pas changé.
— Il veut juste te parler, Mera.
— Il est assez grand pour le faire tout seul, il n'a pas besoin de son partenaire pour le dire à sa place, non ?
Vrai, en soi. Cependant, Reno avait la sensation de tanguer sur le fil de l'incertitude : un mot de travers, et qui sait ce qui pourrait se passer ? Il avait trente-quatre ans, toutes ses dents (miraculeusement) et il n'arrivait pas à comprendre, après tant d'années, comment entamer une discussion délicate, mais pourtant pas si impossible. Surtout quand son ancien ennemi lui fournissait l'occasion parfaite de le faire. La tension régnait dans l'air, et Mera bouillonnait lentement de l'intérieur à l'idée de voir le visage de Reno si proche du sien. De colère.
— Reviens avec nous.
Il n'y avait pas de bonne façon de faire ça, de toute manière.
— Non.
— Si.
Elle écarquilla lentement les yeux, à sa façon de la contredire de but en blanc, sans bégayer. Mera inspira, puis expira, attendant la suite de sa phrase, ce à quoi le TURK fut réceptif, étant donné qu'il s'empressa de s'exécuter.
— T'es complètement fêlée de chercher ce fou, et tu le sais, revient avec nous. On était mieux ensembles, et on doit faire amende honorable, toi aussi, t'as bossé pour la Shinra, et t'as merdé. On veut faire les choses différemment, et faut que tu sois là.
Merdé ? Elle aurait merdé ? Merdé pour quoi ? parce qu'elle avait fait ce qu'on lui avait demandé de faire, parce qu'elle avait obéit ? Elle ricana, à nouveau, moqueuse cette fois des argumentaire de Reno, aussi vide que son cerveau, a priori. Avant de vouloir s'avancer, mais la stature désobligeante de Rude l'en empêcha, se heurtant presque à un mur, si elle ne s'était pas arrêtée juste à temps.
Cloud, quant à lui, haussa un sourcil.
Chercher ce fou ?
Sephiroth ?
Non, il est mort. Définitivement. Du moins, il conjurait la planète tous les jours pour que ce soit le cas, échangeant un regard complice avec Tifa, cette dernière ayant la même pensée que lui. Alors, d'un ton qui se voulut autoritaire et destiné à capter l'attention de leurs trois invités, il demanda.
— Qui c'est ?
Mera se sentit à sa question. Bravo Reno, il l'avait vendu. Maintenant, il n'y avait pas de retour arrière, et elle était disputée entre la rage de voir son ancien ami être bafoué d'une insulte, la maladresse du rouquin et la curiosité mal placée de Strife. Maintenant chauffé, et légèrement frustré de voir que ses deux demandes ne rencontrèrent aucun succès, elle n'eut pas le temps de tenter de s'en sortir : Reno avait déjà repris la parole, et était bien décidé à vomir tout ce dont Strife avait besoin pour déduire si oui ou non, l'ancienne TURK était finalement une ennemie. Le cœur de Mera tambourinait dans sa poitrine, se sentait coincé.
Un drôle de bourdonnement dans ses oreilles, l'empêchait de s'énerver et d'exprimer son mécontentement auprès de Reno.
— Genesis Rhapsodos, un connard de Première Classe du SOLDAT, de l'époque de ton pote Zack, elle veut le retrouver parce qu'un bout de papier de DeepGround dit qu'il serait en vie.
Le regard de Cloud s'assombrit à la mention de son meilleur ami, tandis que Mera fronça à nouveau des sourcils, murmurant qu'elle ne lui permettait pas d'insulter l'un de ses anciens compagnons comme ça, et encore moins de mentionner le nom de Zack, mais Reno s'en fichait bien. Ce fut la voix douce de Tifa, qui continua l'interrogatoire. Moins agressive, plus douce, plus à l'écoute. Elle comprenait le sentiment, elle non plus, n'avait jamais aimé les interrogatoires. Un soupçon de culpabilité l'envahit.
— Pourquoi tu le cherches ? Est-ce qu'il est comme Sephiroth ?
Reno ria, et Tifa décida que cela sonnait terriblement mal, et le regard de Mera s'assombrit, avant de relever ses yeux roses vers elle, préférant sa compagnie à celle de la gent masculine, trop agressive pour elle.
— Il… L'était. Il ne l'est plus. Je veux le retrouver avant que quelqu'un ne puisse s'en prendre à lui.
— Dis plutôt que c'est parce que tu sais pas enterrer le passé, ajouta Reno. Parce que tu sais pas oublié et les enterrer là où ils sont.
Elle se tourna subitement vers Reno avant que la scène ne se fige, dû à sa main qui retentit contre la joue du TURK, dans une humiliante cacophonie : celle d'une gifle. Reno resta fixe, regardant dans le vide alors qu'elle y avait mit toute sa force, dans sa frénésie. Rude écarquilla légèrement les yeux, au même titre que Tifa et Cloud.
Sans plus de cérémonie, elle profita du choc général pour payer la barman et de bousculer Rude pour sortir, essayant de rejoindre Jouvence le plus rapidement possible, cependant, ce fut quasiment impossible : Reno la suivit, un mélange de choc et de colère, avec un soupçon de détermination dans le regard. Il avait réussi à tirer une émotion, au prix d'une baffe, mais quelque chose qui lui prouvait qu'elle n'était pas encore totalement insensible, bon sang !
Ce fut quand il se mit à trotter et à bloquer l'accès à son deux roues, que Mera vit rouge, écarlate même, ce n'était donc pas assez ?
— On va parler, assura le TURK. Et c'est pas une question. Alors, on va tous les deux gentiment s'éloigner d'ici, on emmerde pas Tifa, et on va discuter.
…
Encore sous le choc, Rude secoua la tête quelques minutes plus tard, les lunettes tombant presque du bout de son nez, il mit quelques secondes à se remettre de ce qu'il venait d'entendre et de voir. Après coup, c'était logique. Deux ans de recherche, une tentative ratée la semaine dernière, et les premières paroles étaient des insultes sur ses amis d'antan. Rude, toujours fidèle à lui-même, se tira une chaise, alors que Tifa partit débarrasser la table de Mera et encaisser, Cloud, quant à lui, s'assieds en face de lui, désormais certain qu'il n'aurait jamais dû faire ça.
Cloud se passa une main sur le visage, puis massa ses tempes, essayant de chercher par quoi commencer, mais il y avait une chose qu'il ne comprenait pas, et il haïssait ne pas y parvenir. Cela le frustrait toujours, et aujourd'hui n'était pas le bon jour pour cela.
— Rude ?
Ce dernier leva un sourcil.
— Pourquoi Reno s'entête ? Mera a pas l'air de vouloir revenir, et encore moins d'apprécier sa compagnie. Et lui, il a l'air d'avoir des mauvais sentiments. Y a aucune raison pour qu'il force, non ? justifia Cloud. À sa phrase, Rude releva les yeux sur lui, et retira ses lunettes de soleil, avant de tenter de tendre quelques gils à Tifa pour le cocktail qu'elle venait de lui apporter, mais elle refusa. Cadeau de la maison. Ce dernier se laissa tomber dans l'assise, portant le verre à sa bouche.
Cloud avait raison, techniquement. C'était tout feu, tout flamme. La neige et le soleil. Il n'y avait aucune logique derrière cette décision et à la fois, Rude trouvait que c'était clair comme de l'eau de roche.
— Reno a… Un passif avec Mera, expliqua-t-il. Cloud répondit juste par un regard qui disait "sans déconner" d'un air sarcastique, mais qui l'invita à continuer. Il y a longtemps, durant la moitié des années quatre-vingt-dix à mars deux-mille un, Mera travaillait en tant que TURK. Elle était proche de Genesis, Angeal et de quelqu'un d'autre que vous connaissez très bien…
— Sephiroth, affirma Tifa. Rude hocha de la tête, acquiesçant à ses mots, avant de replacer sa cravate correctement et de continuer son explication, des images du passé lui revenant lui-même en tête. Cloud, lui, baissa la tête : Zack lui avait déjà parlé d'Angeal. Comme son mentor.
— Ils formaient un quatuor, Mera a grandi dans les laboratoires d'Hojo avec lui, pour un projet du nom de "Super TURK". Une demande du Président de l'époque d'expérimenter sur un espion ultime, sans l'entraînement du SOLDAT; Le résultat, ce fut Mera et Sephiroth qui devinrent proches, jusqu'à rencontrer Rhapsodos et Hewley. Sa famille a toujours été et vécue avec la Shinra. Ses parents y travaillaient, grands-parents, arrière-grands-parents, et ainsi de suite. Son grand-frère était en Seconde Classe, sa grande-soeur était infirmière, et sa petite-soeur a été aussi expérimentée par Hojo en vue de devenir le second sujet du projet Super TURK. Mais…
Son regard s'assombrit.
— Elle a trouvé la mort à seize ans. À cause des expérimentations d'Hojo. Son corps n'a pas supporté la Mako.
Tifa se mordit la lèvre inférieure, incapable de savoir si elle voulait en savoir plus ou pas, Cloud ne connaissait cela que trop bien. Cinq ans, dans ce foutu manoir, lui avait servi d'exemple et son expérience lors de deux-mille sept également…
— Ensuite, en quatre-vingt-dix-sept, Abel, le frère de Mera, est mort au Wutai. Du moins, il a disparu avant d'avoir été trouvé et déclaré décédé au front. Au même titre que ses parents, lors d'un bombardement du Wutai sur le camp militaire. Ce que ç'a fait, c'est que Mera a vécu une immense dépression, et une relation amoureuse avec Angeal Hewley… Mauvaise période, elle a mal supporté le choc, Tseng l'avait mise en arrêt de travail une semaine avant que ça devienne indéterminée, on a failli la perdre plusieurs fois.
— Le mentor de Zack?! demanda Cloud, presque surpris d'apprendre que le maître de son meilleur ami, celui qui lui avait tout appris, avait pu être aussi proche de la jeune femme qu'il avait accueilli dans son bar une heure et demi avant.
Rude confirma, prenant une nouvelle gorgée de son verre. Il sentait déjà sa cage thoracique se serrer à la suite, sachant parfaitement quelles étaient les prochaines étapes de son récit.
— Ouais, Angeal était fou amoureux d'elle depuis qu'ils étaient en âge de se connaître. Le genre de gars qui donnerait tout ce qu'il a pour protéger l'Honneur de sa dame. Donc, quand Mera était dans le mal, elle a trouvé un certain réconfort en lui, elle l'a toujours aimée aussi. Mais, vous connaissez la règle chez les TURKs : pas de relation amoureuse. Alors, elle n'a jamais pu, jusqu'au jour où elle a pété les plombs et où elle a enfreint petit à petit le règlement dans son entièreté. Mais au moins, on commençait à la récupérer petit à petit. Si Rhapsodos n'avait pas commencé à sombrer aussi, et à emmener tout ce beau monde avec lui. C'était le bordel, des effusions de sang, des guerres intra-membres, des trahisons. Il fallait choisir son camp.
Et Tifa savait parfaitement là où ça menait, elle le voyait venir gros comme une maison et Cloud aussi. Ils étaient dans cette situation, avec Avalanche. La trahison de Cait Sith, les manipulations de Sephiroth…
— Genesis et Angeal se connaissaient depuis qu'ils étaient gamins, et les deux autres aussi. Quand Sephiroth et Fair se sont mis à bosser pour couvrir les actions de leurs compères, Mera aussi. Elle nous a trahis, sans hésiter, et a failli se mettre à dos beaucoup de gens. Tseng lui a sauvé le cul de l'exécution, parce qu'Aerith, le regard de Tifa et Cloud s'assombrit, appréciait Fair, même un peu trop. Donc, ce que Zack aimait, soit Angeal, Mera, Sephiroth, Aerith et dans une moindre mesure, Genesis, Tseng devait le protéger. Par proximité, c'était rendre Aerith heureuse. Pis…
Il marqua un temps de pause.
— Angeal est mort. Et là, c'était l'hécatombe à nouveau. Il ne restait que Mera et Sephiroth, Genesis avait déserté, et Zack avait le cul entre deux chaises. Elle a replongé sévère pendant une longue période, elle a même tenté de persuader son meilleur ami et de partir avec elle en prenant Aerith au passage. Sans succès.
Il ravala sa salive, une autre fois, un frisson parcourut son échine à la réminiscence des souvenirs de cette sombre période.
— Reno aussi, il aimait bien Mera. Je ne vous fais pas un dessin. Ils ont rejoint approximativement en même temps, ça forge des liens. Ils étaient tous les deux foutrement merdés, et ils ont transgressé notre règle, sauf que Reno en avait rien à foutre, et Mera était pas en état non plus. Comme toute chose, ils ont eu la conséquence de leurs actes…
Il ferma les yeux quelques secondes, avant de reprendre, fixant Cloud droit dans les yeux pour éviter de trop perdre son fil, alors que ce dernier était mi-horrifié, mi-impassible. Tifa, quant à elle, les larmes aux yeux à la mention de son amie au ruban rose. Elle lui manquait tellement.
— On revenait de mission ce jour-là. C'était un hiver, et on a reçu un appel. De Tseng qui disait que Mera s'était effondrée et qu'il allait pas être disponible à cause des procédures administratives médicales. Reno m'a rien dit, mais j'ai vu. Il était mort d'inquiétude. Pis, quand on est revenus avec l'hélico, Reno s'est fait arrêter immédiatement. J'ai pas compris pourquoi, lui, si.
Il termina son verre, laissant l'alcool lui brûler la gorge comme pour endormir la douleur de ce terrible jour.
— Reno est père, mais le gamin est mort. Elle a fait un déni. Ça a tourné en une hémorragie, son cher meilleur ami a débarqué et l'a sauvée in extremis avec ce qu'il pouvait, et l'petit est mort vingt-quatre heures après. Hojo avait pris les devants, pour voir ce que les expérimentations sur elle donnaient, en termes de conséquences. Reno a été mis sur la touche, et Mera, condamnée à mort, puis peine annulée par Tseng miraculeusement. Il a jamais vu le bébé, elle non plus. On leur a juste dit. Fair a disparu, et là, elle est partie. Tseng avait été chargé de la retrouver, pour la ramener, morte ou vive. En vérité, il voulait la mettre en sécurité parce qu'on la recherchait activement, et aujourd'hui, on en est là.
Tifa posa sa main sur sa bouche, prise entre le choc, la nostalgie pour son ancienne coéquipière, son visage se tordant en une expression compatissante avec de la stupeur, tandis que Cloud serrait les poings. Hojo, cette saloperie. Même la mort avait été trop douce pour lui. Rude haïssait cette histoire, cet épisode de sa vie. Celle de son collègue et meilleur ami. Il se souvenait encore des gardes qui allaient et venaient, des scientifiques qui sortaient de leurs laboratoires, et du moment où il avait visité Reno durant sa détention provisoire. La seule chose qui l'avait sauvé, c'est qu'il avait été un trop bon élément pour les TURKs, c'était bien la seule raison pour laquelle il était encore parmi eux.
Ce qui le déchirait encore plus, c'était de savoir que Reno, il aimait toujours Mera. Sa Mera. Et qu'il avait le cœur brisé de savoir que, dans le fond, ça n'avait jamais été lui, la personne avec qui elle aurait voulu finir sa vie (en tant que TURK, c'était impossible de toute façon) mais qu'il avait été un pansement pour elle, quand elle était au plus bas.
Mais que, l'entièreté de leur relation, le fait qu'ils avaient partagé un lit, qu'ils avaient eu ce genre de rapport, avait été une erreur du début à la fin. Peu importe les efforts que son ami aurait mis pour que ça marche, c'était voué à être un pur et simple fiasco.
— Reno s'en fout de reconstruire les anciens TURKs, en vérité. Ce qu'il veut, c'est essayer de se racheter pour ce qu'il a fait, enfin, plutôt ce qu'il a pas fait. Parce qu'il a pas été là quand tout ça, c'est arrivé. Il était pas avec elle, ni avec le gamin. Son prétexte, c'est le boulot, mais il veut juste l'avoir auprès de lui puisqu'il l'aime et qu'il veut la protéger, et il pense que Genesis va finir par la tuer. Volontairement ou pas.
— T'entends quoi par "volontairement ou pas" ? demanda Cloud.
— Il est plus dangereux, maintenant. Mais à l'époque, il avait foutu un bordel monstrueux. Et le souci, c'est que c'est le dernier restant des meilleurs SOLDATS de la Shinra, et DeepGround cherche à le faire intégrer les troupes. De gré, ou force.
— Mais Vincent a démantelé DeepGround, non ? surenchérit Tifa, la voix légèrement tremblante.
Rude grimaça, alors que le doux visage de la brune se décomposa en une expression de presque terreur face à ce qu'il était en train d'insinuer.
— Pas totalement. Et c'est bien le problème et ce pour quoi Reno flippe. Mera, c'est une excellente TURK, génétiquement modifiée, mais si Zack a pas survécu à des fantassins de la Shinra alors que c'était un Premier Classe, alors…
— Elle survivra pas aux membres de DeepGround, finit Cloud.
Rude hocha la tête.
Après tout, même les membres de la WRO s'accordait à le dire : ils ne survivent pas à un jour d'entraînement vécu par les membres de DeepGround, et s'il en croyait les mots de Vincent, Cait Sith, et Yuffie : les derniers enregistrements en date étaient d'une brutalité sans fin. Même le plus âgé, qui pourtant, avait une certaine ancienneté à la Shinra et était lui-même ancien TURK, avait assuré qu'il avait failli définitivement y passer plusieurs fois.
Cloud aussi, il pensait que le projet était démesuré, mais il voyait le tableau : si les derniers membres de DeepGround cherchait Genesis, c'était car c'était lui, le père de leur modification génétique, il avait lu les quelques rapports de Reeve sur le sujet, et Vincent lui en avait vaguement parlé lors d'un verre avec lui. L'anniversaire de Barret.
— Reno est en roue libre, parce que ça commence vraiment à se concrétiser, maintenant. On est des TURKs, on sait chercher une aiguille dans une motte de foin, et elle a obtenu des rapports dans le Cratère Nord récemment, à propos du projet G. Elle se rapproche petit à petit, et le souci, c'est que si elle, elle se rapproche, alors DeepGround aussi. Et avec eux… Nero et Weiss. Les Tvsiets. Selon nos derniers fichiers et informateurs, Genesis s'est barré après avoir refusé d'aider DeepGround, le souci, c'est que ses "frères" comme ils aiment s'appeler, ont pas l'air très enchanté à l'idée qu'il refuse.
Cloud hocha la tête, alors que Rude soupira lourdement. Il se demandait où étaient partis Reno et Mera, depuis le temps, mais il savait aussi très bien qu'intervenir était peut-être une des pires idées qu'il pouvait avoir… Et une des pires situations dans lesquelles intervenir. Reno était un grand garçon, un trentenaire. Il savait s'occuper de lui-même, aussi surprenant que cela était.
Il croisa ses mains gantées sur la table, ne cherchant pas plus loin à étoffer le sujet. Il en avait déjà trop dit, et il comptait sur la discrétion du couple pour que ça ne s'ébruite pas, Reno le tuerait autrement. Pas parce qu'il en avait parlé, mais parce qu'il avait rouvert la valve qui protégeait une bombe dont il n'osait pas imaginer l'envergure, si elle venait à exploser. Déjà que, quand on osait mentionné le sujet, il se renfrognait et envoyait le monde se faire foutre (même lui), alors, il n'osait pas imaginer ce que serait l'impact si c'étaient ses anciens ennemis, maintenant presque amis, qui venait à le confronter sur cette catastrophe.
— J'espère que ça va… murmura Tifa en fixant l'extérieur, comme si elle espérait voir les silhouettes des deux TURKs revenir aussitôt.
…
Bien plus loin, dans les rues d'Edge, il n'y avait rien autour d'eux, rien si ce n'était un silence ahurissant pour cette heure de la journée, peut-être était-ce leurs uniforme en noir, peut-être était-ce juste le fait que le monde était en piteux état, mais ça ne changeait à la finalité, à cette fatalité : ils allaient parler, et ça, Reno y comptait bien. Les mains dans les poches, poings secrètement serrés dans la doublure noire, il surveillait activement qu'elle ne cherche pas à s'en aller, et pourtant, à ce moment précis, il ne savait pas quoi dire. Il avait oublié le léger picoti de la gifle précédemment infligée pour son insubordination.
Il détestait ça, autant qu'il adorait. Ce côté enivrant qui le rendait absolument fou, les traits de son visage, bien que marqué par les expériences et le temps, le simple fait d'être à côté d'elle et d'accéder à sa présence. Il était plus grand qu'elle, et il se sentait ainsi, le sommet de sa tête atteignait son menton, si pas pour les petits talons qu'elle portait avec sa paire de bottines.
Et elle était putain de belle, et ça l'agaçait, ça l'énervait si fort, parce qu'il tait un homme faible. Faible pour elle, et c'était problématique. En fait, c'était même la raison même pour laquelle ça a foiré. Et, ça le saoulait, profondément, complètement même.
— Tu crois sincèrement que c'est une bonne idée, ce que t'es en train de branler ? dit-il du tac au tac, sans aucun filtre.
Sans pour autant se démonter, elle était trop en colère contre lui pour ça de toute façon, Mera tendit ses épaules de telle façon à ce que la douleur descende jusqu'à sa colonne vertébrale. Ses cheveux rouges rayonnaient sous le soleil intrusif posé sur Edge, c'était bien sa veine. Ses yeux bleus, céruléens, brillaient d'une telle lueur, qu'elle avait du mal à ne pas voir presque des étoiles dedans, elle voyait l'inquiétude, et le souci, c'était combien elle y était hermétique. Rien n'irait contre ce qu'elle voulait, ni personne, dans son projet certes désespéré, mais au moins, un objectif stable dont elle n'avait pas à avoir peur, dont elle n'avait rien à craindre. Soit elle l'emporterait, soit elle échouerait. Et Mera était prête à tout.
— C'est mieux que de rien faire et de rester passive et de rien foutre, au moins.
— Tu vas crever, Mera. Et tu le sais, tu vas crever, affirma-t-il, Fait pas ça. Il en vaut pas la peine. S'il avait voulu te trouver, il l'aurait fait, on abandonne pas les gens qu'on aime.
Il était sincère, outre le côté amer dans sa bouche à chaque fois qu'il pensait à cette tête de nœud, mais il se retenait pour elle, de dire encore plus de conneries. Même s'il savait à quelle point c'était bien une des seules façons de l'atteindre, l'éclat dans ses yeux était l'ancre d'amarrage qui l'empêchait de dériver face à cette folie dévastatrice qui la consumait. La même que celle de Sephiroth, obsessionnelle et enragée pour quelque chose rendue mirage par les bribes du temps et son courant.
— Parce que je l'ai pas abandonné, moi ? Quand il était tout seul, sous cet arbre à Banora, et qu'ils l'ont emmené ? Quand j'étais en train de faire cavale pour échapper à ma peine de mort ?
— C'est pas pareil, putain, renchérit Reno. Une pointe d'agacement dans la voix. T'étais pas en position de choisir, lui, si. Rhapsodos a décidé de faire sa foutue guerre, Angeal a décidé de se faire buter par Zack et Sephiroth a décidé de détruire la planète. Y a un monde entre toi et eux, t'en est consciente ?! Et Tseng a jamais voulu te buter, tu sais bien. Il voulait te faire dégager pour que tu sois bien… Pas en train de courir à travers le continent pour éviter de te faire tirer dessus.
—... Je t'interdis de mentionner leurs noms. Ils ont pas choisis d'avoir été des expériences de ce fils de pute d'Hojo, comme moi j'ai pas choisi, et encore moins ce jo-...
— Tais-toi.
Sec, tranchant, comme Masamune.
Cela la scotcha presque sur place, comment il avait été rapide à réagir, mais en effet, elle ne poursuit pas. Ni lui ni elle, n'avait besoin de se rappeler de la catastrophe qu'avait été cette putain de journée. Celle qui la hantait continuellement tous les deux.
— Cette discussion est terminée. Je m'en fous, que tu veuilles que je revienne avec vous, ou je sais pas quelle connerie. Je m'en fous, de mourir en essayant de retrouver mon ami, peu importe la finalité, Reno : j'en ai strictement rien à faire, compris ? Si j'le trouve pas avant eux, il va être putain de seul, contre une armée entière. Mort ou vif. Et je resterais pas les bras croisés, j'aurai pas son sang sur les mains. Je perdrais pas la seule personne qu'il me reste, encore moins quand je pensais l'avoir déjà perdue. T'as pigé ? J'en ai rien à faire, de la Shinra, de l'état de la Planète, c'est pas ce qui m'intéresse là.
Le regard bleu de Reno s'assombrit, il ne comprenait pas. Comment, pourquoi, ses paroles tombaient autant dans les oreilles d'une sourde. Pourquoi, pourquoi il n'avait pas assez de foutre valeur, pour qu'elle accepte de l'écouter ne serait-ce qu'un peu. Pourquoi leur histoire, à eux, juste tous les deux, ça suffisait pas. Pourquoi il n'était pas assez, pour qu'elle arrête ses conneries.
— J'te laisserais pas partir.
Et pourtant, il s'entêtat.
— Tu vas devoir.
Non.
Non, bordel de merde.
Elle s'avança vers lui, lui tendant les bras, et tel le naïf qu'il était, il l'avait tiré dans le but de l'avoir contre lui, mais ce ne fut que quelques secondes plus tard, le contact coupé quelques quatre secondes après, que son visage eut dégusté le sable et le bitume, après qu'elle ne l'ai fait tombé en croche-patte et clé de bras et avait sautée sur Jouvence. Tout ce qu'il avait capté était un simple "désolé" avant d'être embrumée par la poussière qui s'envolait au vibration du moteur du deux roues.
Il se releva, époussetant son uniforme avant de regarder au loin, sa silhouette devenant mirage, et il prit le chemin retour, le bar, et poussa la porte. Le regard vide, et surtout, complètement seul. Elle était partie, encore une fois, Rude n'avait pas besoin de lui poser la question. Son visage était dépité, légèrement sali, une expression de presque humiliation.
— Elle s'est cassée.
Comme toujours.
Retour à la case départ, mais avec le cœur un peu plus brisé qu'avant.
