Un froid glacial réveilla Sanji.

Alors que son hamac tangue dangereusement, il étouffe un cri en se redressant brutalement.
Les mains crispées sur la couverture, tous ses muscles se tendent alors que son corps frissonne, encore sous le choc.
Son cœur bat la chamade, ses yeux écarquillés sondent la pièce sans la voir, encore perdus dans les limbes de sa terreur.
Sa respiration saccadée l'étouffe, alors qu'il tente désespérément de reprendre son souffle.

Les vestiges de son cauchemar se perdent dans son esprit terrifié, qui perçoit encore les silhouettes intangibles de ses frères dans les ombres dansantes autour de lui.
Son souffle se bloque, ses doigts blanchissent sur le tissu, il se recroqueville presque... Avant de cligner des yeux lentement...
Très lentement...
Les ombres mouvent et s'estompent, doucement les contours des silhouettes haïes se fondent dans le décor et finissent par disparaître dans la nuit.
Le sang bat toujours contre ses tempes, il inspire un grand coup sans avoir eu conscience de l'avoir bloquée.
Ses doigts se détendent, relâchent nerveusement la couverture et glissent sur ses genoux. Lentement, ses jambes remontent contre son menton, ses mains les resserrant contre son torse. Sa tête enfouie dans les genoux, la respiration toujours irrégulière, une larme glisse furtivement, puis une autre... Et un déluge amer et silencieux finit par s'écouler de ses paupières fermées, inondant ses vêtements.

Des flashs transpercent son esprit et son corps: la douleur du mur s'écrasant contre son dos, des coups de pieds dans son ventre, la froideur des barreaux sous ses doigts...
Il ressent encore la cisaille du fer sur sa nuque, de ce casque étouffant ses oreilles, de sa vision réduite à une simple fente...
Par réflexe, sa main droite se porte sur sa tête, passant dans ses mèches blondes, s'accrochant dans les nœuds poisseux de transpiration.

- putain de cauchemar...

Son murmure à peine audible se perd dans ses reniflement assourdis.
Sa main descend sur sa nuque, vers cette ancienne entaille désormais disparue et ses doigts agrippent avec désespoir les mèches qui la recouvre.
Sanji relève enfin la tête doucement, son regard azur encore hanté parcourt la pièce silencieuse.
Ses sanglots se tarissent petit à petit, sa respiration se calme tandis que le craquement du bois, les doux ronflements autour de lui atteignent enfin son ouïe...
Les ombres se dévoilent par intermittence, au gré de la lueur de la lune, révélant le contour des hamacs voisins.
Ses épaules se détendent au rythme des grincements mécaniques de Franky, des gémissements craintifs d'Usopp, du ronflement sonore de Luffy.
Des bruits familiers qui finissent de le ramener dans la réalité, tandis que la fatigue le submerge.
Il ramène ses mains devant lui, les massant doucement, en une vaine tentative pour chasser les derniers relents de sa terreur.

Un claquement sec le fait sursauter... Mais il se reprend en un profond soupir de soulagement lorsqu'un fredonnement étrange lui parvient depuis la couchette de Brook.
Tous ces bruits, marmonnements et autres borborygmes, le rassurent.
Les tyrans sont partis, il n'y a que ses amis...
Il est sur le Sunny... Sa maison. Sa vraie famille.

Il déplie difficilement ses jambes, ses muscles encore crispés, et les balance en dehors du hamac.
Assis sur le bord, en équilibre instable, il frissonne, le froid de la nuit pénétrant ses vêtements humides de sueur.
Il avait été si naïf de croire que tout était derrière lui. Les insultes, la douleur, le froid... Il pensait que ces onze années avec Zeff sur le Baratie, puis celles sur le Sunny, auraient suffi à estomper les souvenirs et les cauchemars de ce cachot humide, de ces barreaux sous ses doigts d'enfant, de la torture mentale qu'on lui avait infligée.
Huit années de mépris, de sévices corporels et de harcèlement ravivées par une simple petite semaine à Whole Cake Island.

- Merde...

Tout aurait été différent s'il avait refusé l'invitation... mais Zeff serait sans doute mort et ses amis blessés ou pire. Il n'avait pas eu le choix.
Il se sent si stupide. Si faible.
Il n'aura fallu qu'une vision, qu'un mot de leur part pour que tout ressurgisse.
Pour que leur sourire froid balaye tout l'amour qu'il avait reçu.
Il frissonne, perdu sur son hamac, les épaules voutées, le dos courbé. Tout son corps lui fait encore mal, il a du mal à se détendre...
Un sanglot étouffé lui échappe, il serre les dents, ferme les yeux. Se concentre pour ne pas encore craquer.
Ses mains se contractent sur ses genoux, se tordent, mais la douleur lui fait reprendre un peu le contrôle.
Il rouvre les yeux, jette un œil apeuré sur ses camarades, mais aucun ne bronche.
Un soupir de soulagement franchit ses lèvres sèches.
Au moins, cette fois, il n'a pas hurlé...
Ils ne doivent pas savoir. Il ne veut pas les inquiéter plus que de raison.
Il ne veut pas revoir les larmes d'inquiétude dans le regard de Chopper, ni les regards inquiets d'Usopp Franky ou Brook, ni la pitié dans ceux de ses princesses, ou la colère méprisante dans celui de Zoro et Luffy.
Il ne l'aurait pas supporté une nouvelle fois.
Mais non, ce soir, ils dorment du sommeil du juste.
Chopper est roulé en boule aux pieds d'Usopp, qui marmonne sûrement des histoires abracadabrantes. Luffy ronfle et bave, ses bras élastiques tombant jusqu'au sol. Le souffle de Franky grince doucement, sa grande carcasse débordant presque de son lit en bois, tandis que Brook claque des dents en rythme. La grande ombre de Jinbei repose calmement près de la porte.
Il remercie silencieusement l'océan de n'avoir réveillé personne, puis prend deux longues et lentes inspirations pour calmer ses tremblements.

Sanji se laisse glisser à bas de son hamac, refoulant un grognement de douleur dans les muscles de son dos encore tendu.
Ses pieds nus font craquer doucement le plancher en bois.
Ses mains tremblent encore, mais il les enfourne dans les poches de son pyjama.
Son regard se pose alors sur le seul hamac vide devant lui: Zoro est de garde cette nuit, en relais avec Robin.
Et il en est heureux.
Le sabreur, contrairement à ce qu'il veut faire croire, a le sommeil léger quand il s'agit de protéger ses compagnons. Et ce dernier le suit du regard un peu trop dernièrement. Cela l'agace autant que ça le rassure...
Mais il ne veut pas de sa pitié ni de sa protection.
Personne ne devrait le voir dans cet état de faiblesse.
Savoir que son ignoble famille a encore une emprise sur lui lui fait honte.
Lentement, ses pieds glissent sur le plancher, contournant les hamacs en silence.
Puis il ouvre la porte, en priant pour qu'elle ne grince pas trop, sort et la referme doucement.

Alors seulement, il penche la tête en arrière, le dos appuyé contre le bois dur, et se permet de relâcher la tension dans son corps.
Un long soupir lui échappe tandis que l'air iodé emplit ses poumons, que le bruit des voiles claquant au vent résonnent dans ses oreilles, et que son cœur ralentit au même rythme que le roulis du navire.
Il sent ses muscles se détendre enfin, le tiraillement dans ses épaules disparait lentement.
Ses mains dans les poches arrêtent enfin de trembler, et il les sort pour les contempler au clair de lune, remuant chaque doigts afin d'enlever les fourmillements.
Il se sent mieux, là, dans son élément, parmi tous les bruit familiers du Sunny: le roulis sous ses pieds, le clapotis de l'eau, la brise marine dans ses cheveux.
Il est bien là, chez lui.
C'est la réalité. Pas un rêve.

Sortant des nuages épars, la pleine lune emplit soudain le ciel, voilant les étoiles, et il la contemple en silence, laissant ses sens profiter pleinement de ce moment de plénitude.
Il reste là un long moment, emplissant sa tête de tous ces petits bruits auquel on ne fait plus attention au quotidien, mais si rassurant.
Ils chassent enfin les dernières bribes de son cauchemar.
Son cœur est calme, sa respiration claire et son corps maitrisé.
Une rafale de vent le fait frissonner, gonflant les jambes de son pyjama, le sortant de sa transe presque hypnotique.

L'herbe du pont sous ses pieds est fraîche et le chatouille un peu, mais cela l'ancre encore un peu plus dans l'instant présent.
Mais il sait qu'il ne dormira plus.
Il est encore trop tôt pour préparer le petit déjeuner, il a encore quelques heures à tuer devant lui.
Machinalement, il monte les escaliers tout en se dirigeant vers la cuisine, apercevant de la lumière dans la bibliothèque: Robin a dû prendre son quart.
Il peut toujours lui préparer un café noir, comme elle les aime tant.

Il fronce les sourcils tout en ouvrant la porte de la cuisine.
Quelque chose le chiffonne, à la lisière de sa conscience.
Il se fige dans l'entrée, une sueur froide dans le dos tandis qu'il scrute les ombres de la pièce plongée dans le noir, un relent de son cauchemar s'emparant de lui brutalement.
La main tremblante, il tâtonne le mur pour trouver l'interrupteur et allumer enfin, dévoilant la grande table, le bar et la cuisine.
Avec un soupir de soulagement, il pénètre dans la salle et referme délicatement derrière lui, se forçant à respirer calmement.

Et tandis qu'il se dirige vers le comptoir, ouvrant un tiroir et fixant son paquet de clopes neuf, un détail le frappe.
Le hamac de Zoro était encore vide quand il est sorti... alors que Robin avait déjà pris le relais.
Tout en sortant une cigarette du paquet, un léger sourire aux lèvres, il pense avec moquerie que cet abruti a sans doute dû se perdre encore une fois.
Jouant avec la cigarette entre ses doigts, il se fige: étrangement, il réalise que penser à cette tête de mousse le rassure encore plus que les bruits du Sunny.
Et son sourire s'agrandit doucement: ses prises de becs récurrentes avec cet idiot faisaient partie de son quotidien et cela lui avait manquait pendant son absence à Whole Cake.
Il aurait aimé avoir le sabreur à ses côtés pour affronter sa famille. Peut-être cela l'aurait-il aidé à ne pas refaire ces cauchemars...
Il soupire, chassant les pensées de cette période loin de son esprit... Mais trop tard.

Avec de longues enjambées, il se dirige vers la porte, se sentant oppressé à nouveau, la respiration courte.
Il a besoin d'air.
Il a besoin de voir cette tête de mousse.
Il est le seul à manquer à l'appel pour se rassurer complètement.
La main moite, il ouvre la porte et respire longuement l'air marin depuis l'embrasure.
D'une main tremblotante, il referme la porte délicatement avant d'ouvrir son briquet, la petite flamme jaune éclairant fugacement ses traits fatigués, son œil visible cerné.
Il le range lentement dans sa poche avant de s'accouder lourdement au garde-fou, inspirer profondément une bouffée abrutissante de nicotine et de lever la tête pour souffler des ronds de fumée.
Il lève les yeux: l'observatoire est plongé dans le noir, il porte alors son visage vers le pont, fouillant les ombres du regard.

Et là, soudain, il le voit, assis dans l'ombre du gaillard d'avant, le dos contre la balustrade blanche.
Et un poids s'enlève de ses épaules, comme si son tourment fuyait devant cette image si anodine ... Si réconfortante.
Les bras croisés, les jambes écartées, la tête affaissée sur son torse à peine recouvert par son kimono, le sabreur reste immobile sous le ciel étoilé, ses trois katanas posés à portée de main.
C'est tellement lui, cette fichue algue, à dormir un peu partout sur leur navire.
Une vision si familière...
Un petit nuage de fumée s'étiole lentement de ses lèvres fines, remplacé par un sourire torve teinté de nostalgie, tandis qu'une larme s'échappe silencieusement de l'œil azur à peine visible.
- Foutu Marimo ...

Il était parti volontairement. Il avait quitté, pour ne pas dire déserter, l'équipage des Chapeaux de Paille de son propre chef.
Il avait voulu les préserver de sa famille, de la folie de sa lignée.
Son sacrifice pour les sauver tous.
Sa vie contre la leur.
Et il recommencera si c'était à refaire. Sans une hésitation.
Même s'il savait désormais qu'il n'aurait plus jamais à affronter son passé seul, ni repartir au Germa. Luffy le lui avait promis.

Mais quelque part, au fond de lui, il avait encore le cœur brisé en revoyant son Capitaine courir vers lui dans cette plaine si belle.
Il était heureux et triste que leur Second n'ait pas été à ses côtés à ce moment-là.
Heureux car Zoro n'avait pas eu à voir sa déchéance et sa faiblesse face à son géniteur.
Ni à le voir littéralement massacrer leur Capitaine.
Car il était parti à Wano, protéger le reste de l'équipage et Robin d'amour, accomplir son rôle de Lieutenant de Luffy.

Mais d'un autre côté, son cœur avait souffert de cette absence.
Si ce foutu bretteur avait été là, alors il ne serait sans doute pas allé aussi loin.
Zoro était un roc, il savait pouvoir compter sur lui. Il avait une confiance aveugle en lui.
Il l'aurait aidé à faire face à ses tourmenteurs, l'aurait engueulé sans prendre de gants, avec sa vision si instinctive des choses et sa franchise habituelle.
Un léger rire amer secoue doucement ses épaules, tandis qu'il essuie d'un revers de la main les larmes sur sa joue.
Tout aurait été si différent si le sabreur avait été là.
Mais il ne pouvait pas changer le passé... Ni montrer tout ce qu'il ressent au fond de lui.
Tout ce qu'il peut faire, c'est juste rendre le présent meilleur pour ceux qu'il aime tant...
Continuer de les protéger et leur donner tout le bonheur qu'il pouvait, et porter leurs rêves vers leur accomplissement, quoi qu'il lui en coûte.

Il souffle une dernière bouffée de fumée, lui voilant fugitivement la vue, distordant le pont dans une brume étrange qui disparaît aussitôt.
Il écrase son mégot et le lâche dans un cendrier avant de descendre les escaliers.
La fraîcheur de l'herbe humide sous ses pieds nus le fait frissonner tandis qu'il s'approche du sabreur immobile.
Son regard azur se perd dans la contemplation de cette silhouette paisiblement endormie.
L'éclat de la lune fait scintiller doucement l'or des trois boucles d'oreille, qui se balancent au rythme de la respiration profondes et régulière.
Son compagnon d'aventure... Son ami si cher à son cœur...
Il ne mérite pas de tels compagnons...
Mais il ne leur dira jamais.
Un coup de vent fait trembler son corps, lui rappelant qu'il n'a qu'un simple pyjama sur lui.
Il fronce les sourcils, le vent lui paraît bien plus froid que tout à l'heure... Ce qui n'empêche pas Zoro de ronfler doucement, se renfonçant contre la paroi du Sunny.

Perplexe, Sanji s'accroupit devant l'homme profondément endormi et l'observe avec attention...
En temps normal, l'algue est le premier à sentir sa présence...
Il penche la tête, ses mèches blondes lui masquant les yeux.
Derrière ce rideau doré, les courts cheveux verts ondulent à peine sous le léger vent, l'œil d'habitude si vif reste fermé. Ses traits anguleux semblent plus doux dans les bras de Morphée, presque apaisés.
Il sourit doucement devant cet aspect si inhabituel, bien loin du Zoro sauvage et violent que le monde extérieur connaît.
Sa main se lève, presque inconsciemment, mais il suspend son geste à quelques centimètres des pics verdâtres...
Il hésite... Puis frôle finalement les quelques mèches en brosse, étonnamment douces... Ses doigts fins ne s'attardent pas et il ramène sa main sur sa cuisse.
Il ne peut pas le laisser dormir là, dans la froideur de la nuit.
Mais il ne peut pas le réveiller ainsi... Ce n'est pas comme ça s'ils fonctionnent.
Mais ce soir, il ne veut pas le brusquer non plus.

À la place, sa voix murmure doucement, mais dans cette nuit calme, elle lui paraît comme un coup de tonnerre:
-Hé... L'algue...?
Il patiente, observant les traits anguleux, mais l'autre ne réagit toujours pas... La respiration est toujours profonde, le souffle régulier.
Il secoue ses mèches blondes, à la fois surpris et désespéré de le voir sans réaction.
En temps normal, cette tête de mousse se réveille dès qu'on l'approche... Et quand c'est lui, le sabreur décoche plusieurs coups de sabre sans sommation.
Mais il ne représente pas une menace pour l'équipage, loin de là.
Et il n'a pas envie de le défier ou de se mesurer à lui ce soir...
Sans doute est-ce pour cela que Zoro ne réagit pas au quart de tour...
Il finit par déposer sa main sur l'épaule du sabreur et le secouer doucement.
- Marimo ... Hé, tête d'algue...
Il insiste, ses doigts serrant un peu plus l'épaule musclée...
Et Zoro finit par lâcher un drôle de grognement, moitié râle et moitié ronflement.
Il retient de justesse un éclat de rire devant cet étrange gargouillis et soupire.
Certaines choses ne changeront jamais... Fichu sabreur...
Il tente encore une fois, secouant l'épaule, ses doigts serrés sur le kimono au tissu épais et un peu rugueux... Mais il n'obtient qu'un profond soupir ensommeillé de la part du sabreur.
Avec une certaine tendresse, sa main remonte sur la joue et l'effleure lentement, son pouce frôlant la balafre sur l'œil gauche...
Même ça ne semble pas vouloir sortir le sabreur de son profond sommeil.

Perplexe et embarrassé, Sanji ramène sa main sur ses genoux, tout en baillant et tremblant de plus belle, toujours accroupi dans la légère brise marine.
Il ne peut pas le laisser ainsi, dormir dans le froid, même s'il sait que cet idiot ne craint pas les climats extrêmes.
Mais il n'a pas le courage, ni la force de le porter jusqu'au quartier des garçons, pour le déposer dans son hamac...
Ses muscles sont encore endoloris d'être resté crispés aussi longtemps, il ne veut pas le blesser dans son état de faiblesse actuelle.
Sans compter que Chopper le tuera sans doute s'il apprend qu'il a laissé un de ses compagnons dormir ainsi dans le froid.
Passant une main dans ses cheveux, puis la ramenant devant ses yeux, Sanji l'observe entre ses doigts... une idée vient de germer dans son esprit... une idée farfelue, délirante, insensée...
Il les a vu faire tant de fois... oserai-t-il...?
Il secoue la tête, toujours hésitant, son cœur battant la chamade...
Chopper l'a fait des milliers de fois... Luffy aussi s'est faufilé une fois... peut-être bien que même Usopp aussi...
Comble du désespoir, même ses princesses se sont endormies contre lui une fois, chacune la tête posée sur une des épaules, d'un sommeil paisible...
Il s'était toujours demandé pourquoi... Était-ce par la chaleur qu'il dégageait, un sentiment de réconfort ou simplement le fait que le sabreur serait toujours là pour prendre soin d'eux et les protéger?
Et pourquoi, lui aussi, pour une fois, ne pourrait-il pas profiter de la protection de Zoro?

Avec précaution et douceur, il dépose ses mains tremblantes sur les cuisses du sabreur endormi pour y prendre appui... et se fige, la respiration bloquée, son œil azur fixé sur le visage anguleux, prêt à encaisser un coup... qui ne vient pas.
Il relâche un souffle de soulagement et se met à genoux entre les jambes de son compagnon, dépliant délicatement les bras croisés, reposant les mains rugueuses sur les jambes allongées.
Il détache alors légèrement le kimono, l'ouvrant un peu plus, dévoilant la grande balafre en travers du torse puissamment musclé.
Sa respiration est hachée, la bloquant par moment pour éviter tout mouvement brusque, redoutant le réveil du sabreur à tout moment... contrairement à celle de ce dernier, qui reste calme et profonde, sans une once de sursaut.
Il n'en revient toujours pas... comment cet idiot de tête de mousse peut-il toujours ronfler alors qu'il est si proche de lui?
Prudemment, il se décale un peu, essayant de ne pas se cogner dans une des cuisses du sabreur, se retournant pour s'asseoir lentement entre les jambes tendues.
Stressé, il recule petit à petit contre l'autre homme mais se fige brusquement tandis qu'un ronflement plus fort que les autres surgit de la poitrine dans son dos.
Il reste immobile quelques secondes, avant de reprendre une lente inspiration soulagée devant l'immobilisme de Zoro.
Il continue et finit par se caler contre le torse, tout en ramenant les larges mains calleuses contre lui.
Passant sa tête sous le menton carré, priant pour que ses mèches blondes ne le chatouillent pas trop, il attrape enfin les bords du kimono pour les rabattre progressivement sur lui, les enveloppant tous les deux.
Il se permet alors de se détendre, et s'appuie lourdement contre son compagnon toujours endormi, ramenant ses longues jambes contre les cuisses du sabreur, se roulant presque en boule sous le kimono vert.
Un soupir de contentement s'échappe de ses lèvres, tandis que la chaleur corporelle du sabreur commence à le délasser doucement.
A l'abri du vent, bercé par le rythme de la respiration sous sa tête, des battements de cœur du sabreur dans son oreille, il sent tout son corps meurtri décompresser totalement.
Petit à petit, l'épuisement gagne du terrain au fur et à mesure qu'il se laisse bercer par le mouvement régulier du sabreur, sa tête dodelinant sous le souffle chaud dans ses cheveux.
Il se sent merveilleusement bien, oubliant le vent léger, la dureté du sol, la fraicheur de l'herbe.

Il ne peut s'empêcher de se blottir un peu plus, sa tête reposant sur la peau nue, délicieusement tiède...

Et bientôt il ferme les yeux, lâchant un dernier soupir de pur bien-être, avant de sombrer dans un sommeil réparateur, à l'abri de ses cauchemars