Note de l'autrice : Voici le nouveau chapitre qui j'espère vous plaira. On se retrouve pour la suite le 13 aout ! Bonne lecture.
Chapitre 10
Le départ de Ron et Hermione rendit Harry mélancolique. Il errait dans le château comme une âme en peine à tel point qu'il tomba deux fois dans les traquenards de Peeves.
Songeant à utiliser sa cape d'invisibilité pour piéger l'esprit frappeur, Harry se rendait dans la salle de bain pour nettoyer son corps couvert de bombabouse lorsqu'une idée lui traversa l'esprit. Il restait à peu près trois semaines à tuer avant de passer la fin des vacances chez les Weasley. Entre la visite de Dobby, les objets détournés et les informations que Rogue voulaient cacher à Harry, il y avait manifestement des choses à découvrir.
N'ayant pas une relation au beau fixe avec le professeur de potions, Harry avait la solution à portée de main. Il allait tout simplement espionner Rogue avec sa cape d'invisibilité. Harry éclata de rire tant c'était simple ! Il suffirait de le suivre un soir après le dîner. Pour une raison que Harry ignorait, le professeur était toujours présent lors des repas depuis quelque temps. Fort heureusement, il ne s'était jamais retrouvé en tête à tête avec Rogue lors d'un repas. Rien que de l'imaginer, il en avait des frissons tant cela serait étrange car même si le professeur ne lui adressait plus la parole depuis plusieurs jours, Harry avait l'impression que Rogue l'observait. Cependant, dès qu'il levait la tête, le professeur était plongé dans une conversation intense avec Dumbledore.
Harry prépara alors son plan tout en passant des vêtements propres, l'adrénaline pulsant dans ses veines. Il allait espionner Severus Rogue à l'aide de sa cape d'invisibilité dès ce soir.
Au dîner, il prit son temps pour manger. Pour cela, il suffisait de poser un tas de questions à Hagrid sur les dragons et la discussion était lancée. Harry désespérait de voir Rogue arriver. Finalement, l'homme apparut, l'air renfrogné. Il ne décrocha pas un mot et mangea sa soupe en silence. Dumbledore anima la soirée, comme à son habitude, avec une histoire abracadabrante sur la vie des salamandres de feu. Mcgonagall affichait un sourire tolérant, Hagrid un regard admiratif et Rogue un air impénétrable. Quand le professeur de potions prit enfin congé, Harry attendit quelques secondes avant de se lever à son tour. A peine franchissait-il les portes de la Grande Salle qu'il sortit sa cape d'invisibilité coincé contre son ventre. Une fois derrière une armure massive, il enfila la cape légère et soyeuse puis pressa le pas. Rogue se trouvait à quelques mètres de lui. Adoptant une démarche féline, le Gryffondor calma sa respiration pour ne pas se faire repérer.
Harry remercia son agilité naturelle lorsqu'il réussit à se glisser de justesse dans la salle de classe des cachots avant que la porte ne se referme. Miracle, Rogue ne semblait pas l'avoir entendu. Fier de lui, Harry resta à bonne distance du professeur mais fût assez proche pour l'observer. Un visage pâle et fatigué se dévoilait derrière le rideau des cheveux gras du professeur. L'homme paraissait presque humain. Comme s'il avait pu entendre les pensées de Harry, Rogue leva la tête, l'air dur et impénétrable. Prudent, Harry ralentit son pas et manqua presque de se faufiler à travers la porte qui menait au bureau privé de Rogue. Il était déjà entré une fois quelques semaines plus tôt lorsqu'il s'était battu avec Drago Malefoy mais il n'avait pas eu le temps de regarder plus en détail la pièce.
L'endroit était suffisamment large pour contenir un bureau, une paillasse où trônait plusieurs chaudrons. Une grande bibliothèque recouvrait le mur en face du bureau et un tapis confortable aux couleurs de Serpentard était posé en face d'un petit canapé en cuir de dragon. Harry ne pût s'empêcher de constater qu'il n'y avait pas de tableau et cela rendait la pièce austère. De plus, la lumière était assez réduite, seule une lampe trônait sur le bureau du professeur et une minuscule fenêtre donnait sur le lac de Poudlard. Le tout rendait l'ambiance sombre.
Harry s'installa prudemment dans un coin de la pièce tandis que l'homme s'asseyait devant son bureau. Un fouillis organisé de parchemins s'étendait devant lui et un chaudron, dont les vapeurs chaudes qui s'en échappaient rendait l'air humide et lourd, mijotait doucement à sa droite. Sous sa cape, Harry avait chaud et commençait à transpirer à grosses gouttes. Rogue agita sa baguette et une étagère sortit du mur.
Harry retint de justesse une exclamation impressionnée. Une multitude de fioles de différentes couleurs, formes et tailles habillaient le meuble. Le maître des potions se saisit habilement de l'une d'elles avant de verser le contenu dans la potion tout en marmonnant une litanie imperceptible. Soudain, le liquide explosa légèrement et Harry fit un bond en arrière. Pendant un instant, il crut que Rogue l'avait entendu mais l'homme était déjà à ses notes.
Harry observa le maître des potions sans voir l'heure passer, subjugué. Est-ce que sa mère faisait autant preuve d'adresse lorsqu'elle réalisait une potion ? Harry en oublia presque sa mission première avant de se ressaisir. Il tenta de s'approcher des notes de l'homme mais il se rendit vite compte que c'était impossible. Rogue se levait à chaque fois qu'il s'approchait. Le danger était trop présent. Et puis, commençant à sentir la fatigue pointer le bout de son nez et voyant que cela ne menait à rien, Harry préféra rebrousser chemin et revenir le lendemain. Il attendit que le professeur ait le nez dans ses fioles, le dos tourné à la porte, pour ouvrir cette dernière à la volée dans une imitation, qu'il jugea convaincante, de fantôme.
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Harry recommença sa mission les jours qui suivirent. Il avait seulement appris que Rogue travaillait sur la même potion. Le maître des potions travaillait d'arrache pied et il y avait quelque chose d'envoûtant dans les gestes que répétait le professeur. Il ne parvenait jamais à mettre la main sur les notes du maître des potions. L'homme faisait toujours un mouvement qui obligeait Harry à reculer. Jusqu'au soir où un orage d'été éclata violemment sur le château, Harry réussit enfin une approche. Le professeur était penchée sur sa potion, tournant sa baguette dans les sens des aiguilles d'une montre. Le cœur battant, Harry réussit à lire les mots "Jugson" et "potion d'inhibition couplée à un dérivé d'imperium". Grisé, Harry se pencha un peu plus sur les notes du professeur mais il était difficile de lire à l'envers.
Discrètement, s'assurant que le professeur était toujours concentré sur son chaudron, Harry tendit doucement la main sur le parchemin et le fît glisser vers lui. Tout excité, Harry savoura d'avance sa victoire. Il allait sûrement découvrir un tas de choses là-dedans. Il avait déjà hâte d'en parler à Ron et Hermione !
La poigne ferme saisit aussi bien sa main que son cœur qui cessa de battre. Harry essaya vainement de se dégager mais il sentit que sa cape lui échappait. Avec horreur, il vit Rogue tenir la cape de son autre main, le regard furieux. Tremblant de tous ses membres, Harry ferma les yeux, attendant de se faire massacrer sur le champ.
- Regardez-moi Potter, siffla Rogue en secouant Harry qui obéit aussitôt. Croyez-vous que je n'avais pas remarqué votre petit manège ? Voilà plusieurs jours que vous me suivez. Je vais vous envoyer chez le directeur, ça ne va pas traîner ! Mais d'abord parlez, qu'est-ce qui vous autorise à m'espionner et fouiller dans mes documents ?
Harry cherchait ses mots en vain. Dumbledore allait le virer si Rogue ne le tuait pas avant. C'était une catastrophe, il allait finir à la rue. Comment avait-il été aussi stupide ? Au fil des soirées, il avait pris confiance et avait totalement baissé sa garde. Voilà où ça le menait. Les excuses se bousculèrent alors sur ses lèvres.
- Pardon… Je… Excusez… Moi… Voulais pas…
- Vous ne vouliez pas quoi exactement ? Paraître encore plus malpoli que vous ne l'êtes ? Qu'est-ce que vous trafiquez Potter ? J'exige une réponse ! dit le professeur avec fureur.
Terrorisé, Harry ne pouvait rien dire. Strictement rien. Il ne pouvait pas parler de Dobby, de complot, d'objets détournés et encore moins à Rogue. La respiration erratique, Harry sentit des fourmis pointer au bout de ses doigts.
- Vous vous ennuyez à ce point ici ? cracha finalement le professeur. Mais il fallait penser à cela avant de fuguer et de rompre le lien avec votre ancien foyer !
Une vague de tristesse venue de nulle part empoigna la gorge de Harry. Baissant alors les yeux, Harry arrêta de se débattre. Rogue relâcha alors immédiatement sa prise sur son bras.
- Excusez-moi monsieur, dit alors Harry. Je… ne sais pas ce qui m'a pris.
- C'est bien cela le problème Potter. Vous ne savez jamais ce qui vous prend. Il s'agirait de gérer cette impulsivité.
Harry dansa sur ses pieds et releva les yeux vers ceux du professeur. Son regard noir ne laissait rien transparaître.
- J'étais curieux, dit finalement Harry la voix chevrotante, ce qui était loin d'être un mensonge.
- Et bien sachez que c'est un vilain défaut, répliqua le professeur Rogue. Votre comportement est indécent. Souhaitez vous passer toute votre vie pour un garçon incapable de se contrôler mais en plus malpoli ?
- Non ! s'exclama Harry les joues rouges.
- Alors prouvez-le !
Ne sachant plus quoi dire, Harry baissa à nouveau les yeux. La honte le submergeait. Puis, il entendit la potion siffler et Rogue l'abandonna pour y retourner avec empressement. Harry aurait pu partir mais il s'approcha doucement du professeur, inquiet que la potion soit fichue car c'était la première fois qu'il l'entendait siffler de la sorte. Une douce mélodie résonnait et s'échappait des vapeurs bleues. Qu'était-ce donc cette étrangeté ? C'était si doux, si attirant et en même temps effrayant et sombre. Les yeux écarquillés, Harry s'approcha encore un peu plus, ses jambes le guidant automatiquement.
Rogue n'existait soudainement plus. Il n'y avait plus rien. Plus de honte, plus de peur, plus de tristesse. Harry s'approcha un peu plus et s'il entendit une voix menaçante au loin, Harry n'en tint pas rigueur. Il avait envie de boire la potion. Il devait la boire. Et puis, quelle était cette chose qui pulsait en lui ? Plus il s'approchait, plus la chose grossissait dans ses entrailles. Il se sentit sourire d'une joie incontrôlable. Sans réfléchir, il posa ses mains sur le chaudron brûlant. Il ressentit à peine la douleur et se pencha par-dessus le liquide prêt à y plonger sa tête.
- POTTER !
La voix de Rogue le sortit de sa transe. Tout alla très vite. Harry était à quelques centimètres du liquide quand une main le tira violemment vers l'arrière. La chose en lui se rebella et une vague de colère se diffusa dans ses veines. Rogue le regardait d'un air calculateur qui déplut à Harry. Il n'était pas une bête de foire. Sans crier gare, le chaudron se mit à bouillir de façon beaucoup trop forte.
- Calmez-vous ! rugit Rogue en se reculant vers Harry, levant sa baguette.
Mais il était trop tard. Harry, complètement apeuré, le savait déjà. L'explosion détonna à travers l'orage qui rugissait dehors. Les murs tremblèrent. Harry sentit un bras le déplacer puis un souffle le projeta en arrière. Le corps de Rogue fît bouclier et le protégea des projections. Sa tête frappa le mur et ce fût le trou noir.
oOo
Severus avait l'impression que son corps entier avait subi un doloris made in Seigneur des Ténèbres. Le matelas moelleux et les draps frais ne changeaient rien à ses courbatures qui perforaient ses membres. Il porta la main à sa tête et ouvrit les yeux. Il lui fallut un temps pour se souvenir de ce qui avait pu se passer pour qu'il se retrouve à l'infirmerie.
L'orage était passé mais la pluie battait sur les fenêtres qui laissaient apercevoir la lune. Se redressant doucement, Severus souhaita immédiatement rentrer dans ses appartements. Cette image de lui-même diminuée lui donna la nausée. Ou peut-être était-ce la migraine qui lui tambourinait le crâne…
- Restez où vous êtes mon cher Severus, intima une voix douce mais ferme qui ne trompa pas le maître des potions.
- Je vais assassiner Potter, grinça alors Severus tandis que des souvenirs revenaient par vague.
Le gamin le suivait depuis des jours. Comme le Gryffondor ne faisait rien d'autre que de l'observer, Severus l'avait ignoré, se moquant intérieurement de ses piètres capacités à être discrets. Mais lorsqu'il avait senti Potter trop fouiner, il avait vu rouge.
- Vous lui avez pourtant sauvé la vie, dit Dumbledore, un brin amusé.
Grave erreur, pensa-t-il fort à propos. Alors qu'il avait pensé que l'enfant était retourné dans sa salle commune, il l'avait vu pointer le bout de son nez comme pris dans une étrange extase. Potter avait été littéralement attiré par la potion des Jugson. Ce n'était absolument pas normal. La potion appâtait les moldus, jamais les sorciers. Elle avait été créée pour cela. Pour protéger le sang-sorcier et détruire les moldus. C'était une arme de destruction massive.
La seule autre raison possible pour que Potter se dirige droit vers l'élixir était invraisemblable. Lui-même avait ressenti cette attirance la première fois que la potion avait atteins les 130 degrés et s'était mise à siffler… La magie noire qui pulsait et qui appelait quiconque trempé dans le domaine à l'admirer pour mieux vous dévorer. Mais on parlait d'un enfant d'à peine douze ans. Il n'aurait jamais dû ressentir cette magie en premier lieu et surtout, le gamin n'avait jamais pratiqué la magie noire. Potter n'avait pas répondu à ses injonctions de reculer. Au contraire, un sourire à faire froid dans le dos s'était dessiné sur le visage du Gryffondor. L'œil brillant, il avait posé ses mains sur le cuivre bouillant mais n'avait pas cillé. C'est lorsqu'il avait plongé sa tête, prêt à y boire le breuvage que Rogue était intervenu.
Une angoisse sourde avait alors saisi Severus. Et en pensant à nouveau au regard de colère du gamin, Severus en était encore troublé. Cette fureur qui brillait dans les yeux verts… Cela avait glacé le sang de Severus. Il aurait pu reconnaître ce courroux parmi mille autres. Celui du Seigneur des Ténèbres. Était-ce la fatigue qui lui avait joué des tours ? Le regard vert chargé de violence avait disparu aussi vite qu'il était apparu pour laisser place à un regard terrorisé. Le chaudron avait frémi, fumé puis explosé. Severus avait tiré Harry derrière lui et lancé un bouclier de toutes ses forces. Le souffle de la détonation les avait projeté en arrière.
Oui, Severus s'était assuré que le gamin ne prenne aucun projectile. Non, il ne l'avouerait jamais, même sous la torture.
- Il s'agirait de garder ce gamin sous cloche, c'est une terreur ambulante, pesta Severus. Je retourne dans mes quartiers.
La main ferme de Dumbledore le cloua au lit. Manifestement, le vieillard en avait encore dans la manche.
- Vous avez jeté un bouclier d'une force incroyable Severus et la détonation vous a assommé, expliqua Dumbledore. Pompom souhaite que vous restiez en observation cette nuit.
- Je vais très bien, râla Severus qui ne tenta cependant plus de se lever.
Bien évidemment, la magie de Severus et celle, accidentelle, de Potter, n'avait pas pu faire bon ménage dans un espace aussi réduit. D'ailleurs, où était Potter ? Severus jeta un coup d'œil sur les autres lits. Plus loin, dans la rangée en face de Severus, Potter dormait du sommeil du juste.
- Il va bien, dit Dumbledore dans un sourire. Juste une petite commotion cérébrale qui a déjà été traitée par notre infirmière. Ses brûlures seront soignées rapidement.
- Je n'ai rien demandé ! siffla Severus.
- Severus... , commença Dumbledore d'un ton bienveillant qui n'annonçait rien qui vaille.
Instinctivement, le maître des potions se tendit. Il connaissait cette façon de procéder. Dumbledore allait sortir les violons afin de le retrancher dans ses questionnements. Bien évidemment, le vieux allait présenter les choses comme si tout était simple et normal.
- Il n'y a rien de mal à vouloir protéger Harry. Vous avez bien fait. Vous êtes quelqu'un de bon et vous l'avez prouvé à de nombreuses reprises lorsque vous faites rayonner la lumière qui est en vous.
Severus soupira d'agacement, se pinçant l'arrête du nez. En plus d'être faux, c'était embarrassant au possible. Le directeur paraissait grandement s'amuser.
- Au lieu de jouer les prêtres rédempteurs, ne voudriez pas remettre les pendules à l'heure chez Potter pour qu'il cesse ses manigances, dit Severus avec aigreur.
- Ah je ne crois pas, répondit simplement Dumbledore.
- Je vous demande pardon ?
Le directeur coula son regard vers Potter qui se retournait dans son sommeil pour se mettre sur le dos, un de ses bras au-dessus de sa tête. Ses mains avaient été bandées à cause des brûlures du chaudron. Le bruit ne semblait pas le déranger. Severus pariait que même en allumant les bougies, le gamin ne se réveillerait pas. Reportant son regard sur celui du directeur, Severus n'apprécia que moyennement le sourire qui pétillait dans ses yeux bleus.
- Je pense que Harry vous a suivi pour un tas de raisons qui lui sont propres. Cependant, il a juste cherché une bonne excuse.
- Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?
Dumbledore allait-il cesser de toujours trouver un tas d'excuses au gamin ?
- En fait, je pense que Harry ressent le besoin de se rapprocher de vous, dit calmement Dumbledore comme s'il parlait de la météo.
- Ridicule ! coupa Severus.
- Il a besoin de savoir qui était l'ami de sa mère, poursuivit Dumbledore comme s'il n'avait pas été coupé. Inconsciemment, vous êtes la seule personne qui le raccroche à sa famille et après sa rupture avec les Dursley…
- Épargnez-moi votre psychologie de comptoir, coupa à nouveau Severus.
Il n'avait vraiment pas envie d'entendre les élucubrations du directeur. Surtout quand elles résonnaient déjà trop fortement dans sa tête de cette manière.
- Je pense que cette visite chez les Dursley vous a aussi chamboulé Severus.
- Je ne suis pas chamboulé, grinça le maître des potions, le regard dangereux.
- Malgré tout ce que j'ai pu vous dire cette année, vous n'avez pas cru un seul instant au fait que Harry ressemble énormément à Lily, qu'il est loin de l'image que vous vous en faisiez. Et je crois que vous en avez eu la preuve ces derniers jours, surtout après votre visite chez Pétunia.
- Potter ne demeure pas moins colérique, impulsif et arrogant, répondit Severus.
- Certes, concéda Dumbledore. Mais vous savez aussi bien que moi que c'est souvent un moyen pour les enfants carencés de se protéger.
Le regard lourd de sens de Dumbledore donna à Severus l'envie de hurler. Sa fureur dût se lire sur son visage car Dumbledore se redressa, le regard débordant d'excuses. Le lit de Potter grinça à nouveau. Le gamin avait sans nul doute un sommeil agité. Dumbledore envoya un dernier regard mystérieux à Severus avant de prendre congé.
- Tout ira bien Severus, dit-il en posant une main réconfortante sur l'épaule du maître des potions qui sentit son corps se raidir.
Une chose que Severus n'arrivait toujours pas à gérer après toutes ces années auprès de Dumbledore était les élans tactiles. En bon lion qui se respectait, Dumbledore était adepte des gestes réconfortants. Merlin merci, il n'avait jamais passé le cap de serrer Severus dans ses bras comme il pouvait le faire avec McGonagall ou Chourave. Severus aurait pu frapper le directeur par pur réflexe défensif.
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Severus ne se rendit compte qu'il dormait seulement au moment où il fût réveillé par des bruits d'agitation. Le Gryffondor avait-il des vers pour bouger autant dans son sommeil ? Il entendit d'abord la respiration saccadée du gamin et les grincements du lit avant d'ouvrir les yeux pour apercevoir Potter dans le reflet de la lune.
Les draps entortillés au bout des pieds, le gamin était redressé, cherchant vainement autour de lui.
- Il faut sortir ! cria-t-il dans le vide.
Severus fronça des sourcils et se redressa, cherchant à comprendre ce que disait l'enfant. Une lumière s'alluma au fond de l'infirmerie et Pomfresh apparût d'un pas rapide.
- Allons Potter, que se passe-t-il ? dit-elle en posant la main sur le front de l'enfant qui recula contre le mur pour échapper au contact de l'infirmière.
Severus se leva complètement, les sens en alerte. Potter avait les yeux grands ouverts et paraissait en proie à une agitation anormale. La potion ne l'avait pourtant pas touché, Severus en était sûr.
- Le professeur Quirrell ! s'exclama-t-il finalement, le souffle court. Il faut l'arrêter !
Qu'est-ce qui lui prenait ? Mais Pomfresh soupira de soulagement et agita sa baguette. Une fiole se matérialisa devant elle. Severus fronça les sourcils et s'approcha un peu plus du lit du Survivant. Le gamin regardait dans le vide et ne semblait pas apercevoir les adultes autour de lui.
- Les crises de somnambulisme sont fréquentes à cet âge, dit-elle pour Severus avant de poser la fiole sur les lèvres de Potter. Buvez Potter, dit-elle d'une voix douce mais ferme. Et avec tout ce qu'il a vécu ces derniers temps, rien d'étonnant. Le philtre de paix le calmera un peu. Allez Potter, recouchez-vous, ajouta-t-elle tandis que le gamin obéissait et qu'elle rabattait les draps sur lui. Encore heureux qu'il ne fasse pas de terreurs nocturnes. Il vous aurait réveillé.
- Il m'a réveillé, corrigea le professeur avec irritation.
- Cela parce que vous avez le sommeil aussi léger que moi, répliqua-t-elle. Cela n'empêche pas de vous recoucher ! ordonna-t-elle soudainement.
Mais Severus n'en fît qu'à sa tête. A peine avait-elle disparu derrière la porte dérobée de l'infirmerie que Severus se saisit de sa baguette et métamorphosa son pyjama en tenue de jour appropriée. Il pouvait parfaitement soigner sa tête lui-même. Par acquis de conscience, il jeta un coup d'œil à Potter. L'enfant dormait paisiblement, les traits parfaitement détendus.
Severus fit un pas, puis deux et au troisième le noir complet l'avala.
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La lumière du soleil aveugla Severus quelques secondes. Il jura intérieurement, se souvenant qu'il avait voulu quitter l'infirmerie et qu'il s'était évanoui comme une groupie des Bizarr' Sisters. Mais il y avait pire encore que cette humiliation sans précédent et Severus était précisément en train de la vivre. Severus faillit crier lorsqu'il tomba sur une paire d'yeux qu'il ne connaissait que beaucoup trop bien. Le vert émeraude brillait d'anxiété et de crainte.
- Potter, grogna-t-il.
- Vous êtes tombé cette nuit monsieur, dit précipitamment Potter. Pardonnez-moi ! C'est de ma faute. Je suis désolé pour le chaudron, je ne sais pas ce qui a pu se passer. Je vous promets que j'irai tout nettoyer. Excusez-moi monsieur si je peux faire quoique ce soit...
- Ça suffit ! grinça-t-il. Vous allez me donner mal à la tête si vous continuez.
Potter se mordit les lèvres mais ne baissa pas son regard. Une vive inquiétude se reflétait dans ses yeux émeraudes et il semblait à deux doigts de recommencer sa litanie d'excuses.
A son grand soulagement, Severus avait encore sa tenue qu'il avait métamorphosé quelques heures plus tôt. Se retrouver en pyjama devant un élève - et qui plus est Potter- équivalait à se retrouver dans son plus simple appareil au milieu de la Grande Salle.
- Ah vous êtes réveillé ! s'écria Pomfresh qui débarqua avec un plateau repas. Vous êtes une tête de mule, je vous avais dit de rester ici pourtant. Mangez ! ordonna-t-elle en posant le petit déjeuner sur ses cuisses.
Se sentant rougir de colère, Severus fit quelques exercices de respiration et ferma son esprit. Potter restait assis sur sa chaise, le regard alarmé. Pomfresh toisa quelques instants Severus puis jeta un coup d'œil au Gryffondor.
- Surveillez qu'il mange bien, dit-elle à l'adresse de Potter avant de s'en aller.
Le garçon se mit à rougir jusqu'à la racine des cheveux. L'infirmière ne semblait pas savoir que Potter ne pourrait jamais donner un seul ordre au directeur de Serpentard. Severus savoura cette sensation de malaise chez le garçon et enfonça le clou en lui lançant un regard menaçant. Mais Potter était un Gryffondor et par conséquent, il ne savait pas quand s'arrêter.
- Est-ce que vous voulez du sucre pour votre thé ? demanda Potter d'une voix excessivement douce pour être complètement naturelle.
- Non.
- Un yaourt ? proposa-t-il alors la voix hésitante. Ça fait du bien les yaourts quand on a besoin de force..
- Non.
- Du jus de citrouille ?
- Potter fichez le camp ! grogna Severus.
- Mais… Pomfresh m'a demandé de…
- Je me fiche de ce qu'à dit Pomfresh ! cria Severus.
Potter se raidit sur sa chaise. La peur se lisait sur son visage. Severus fit disparaître d'un coup de baguette le plateau-repas et le gamin écarquilla les yeux.
- Monsieur… Je suis désolé pour hier, dit le gamin avec prudence. Je… Je vais nettoyer les dégâts et…
- Vous n'allez rien faire du tout Potter, coupa le professeur agacé.
Merlin, qu'il voulait retirer ce regard bourré de culpabilité chez Potter. Pourquoi restait-il malgré tout planté comme un anneau de Quidditch ?
- Au cas où vous ne le sauriez pas, la potion que vous avez fait exploser à cause de votre difficulté à vous contrôler est extrêmement dangereuse. Vous n'irez donc rien nettoyer, poursuivit le professeur en se levant de son lit après avoir fait apparaître ses chaussures.
S'il fût pris d'un léger vertige, il n'en montra rien. Le gamin se leva en même temps, le scrutant avec préoccupation. Il devait lever la tête pour regarder le professeur et son air déboussolé lui donnait une apparence encore plus jeune. Severus prit alors congé.
- Elle avait l'air importante cette potion. Comment est-ce que vous allez faire pour…
- Si vous aviez écouté les cours lors du dernier semestre plutôt que de vous intéresser à la pierre philosophale, vous sauriez qu'un bon potionniste garde des réserves de côté lorsqu'il analyse une potion. Il n'y a donc rien de dramatique. Maintenant, allez donc ennuyer quelqu'un d'autre !
- Mais j'ai une dette envers vous ! s'exclama alors le Survivant qui l'avait rattrapé.
Severus s'arrêta net. Qu'est-ce que lui chantait le gamin ? Qu'avait-il encore pu se passer dans sa tête ? Potter se mordait les lèvres mais maintenant son regard déterminé ancré dans le sien.
- Une dette ? dit-il d'une voix dangereusement lente.
- Vous m'avez sauvé la vie ! s'écria-t-il alors. Vous n'auriez pas dû ! Vous n'étiez pas obligé, c'était de ma faute. J'ai agi comme un monstre, ajouta-t-il la voix se brisant sous le coup de l'émotion.
Potter semblait lutter avec force contre les larmes. Son menton tremblait dangereusement et ses yeux commençaient à s'humidifier. Severus n'avait absolument pas envie de gérer une crise de larmes, encore moins celle du Survivant. De plus, il n'était pas du tout le genre d'adulte vers qui se tourner lorsqu'un élève était pris d'une mélancolie soudaine. C'était précisément le genre de chose qu'il ne savait pas faire. Il opta donc pour ce qu'il faisait de mieux : lancer un regard noir. Le gamin cilla pour chasser ses larmes avec succès.
- Vous n'avez aucune dette envers moi Potter, déclara-t-il sèchement. J'ai simplement fait mon travail. Il n'y a rien d'honorable à cela. Vous êtes un enfant, je suis un adulte et j'ai fait ce que j'avais à faire. Maintenant si vous voulez bien, j'ai du travail.
- Qu'est-ce que je peux faire ? demanda Potter et Severus retint un soupir.
Potter n'allait pas le lâcher. Il se tourna alors, prêt à lui hurler dessus pour le faire fuir une bonne fois pour toute mais quelque chose l'arrêta. Tout à coup, la discussion avec Dumbledore dans la nuit remonta à la surface. Le gamin allait le coller et trouver toutes les excuses du monde. Severus devait trouver un plan et vite. Dumbledore avait dit que Severus était la seule personne qui raccrochait Potter à sa famille. Un comble. Qu'il en soit ainsi. Une idée germa dans la tête de Severus. Puisque Potter était un feignant notoire, Severus allait jouer sur ce terrain afin que l'enfant aille faire sa crise identitaire loin de lui.
- Venez travailler vos cours de potions, ça ne sera jamais de trop étant donné votre niveau, ordonna-t-il d'une voix sèche.
Le Survivant hocha immédiatement la tête.
Le maître des potions se crut alors débarrassé du gamin pour de bon. Pourtant, à peine une heure plus tard, Potter se pointait dans la salle de classe. Maudite soit la détermination que lui avait transmis Lily.
Il ne fallait jamais sous-estimer la ruse d'un Serpentard. Severus n'avait pas lésiné sur la difficulté du devoir donné à Potter. Il avait ordonné au gamin de se taire et de ne rien demander tant qu'il n'aurait rien terminé. Avec quarante-cinq centimètres de parchemin sur les différentes potions anti-poisons, le gamin allait devoir lire la moitié de la bibliothèque de la salle de classe s'il voulait rendre quelque chose de convenable. Et pendant ce temps, Severus avait la paix.
Potter enchaînait les aller-retours vers la bibliothèque au fond de la salle et Severus pinça les lèvres pour ne pas lâcher un rire moqueur. Voir le fils Potter ramper de la sorte pour être dans ses bonnes grâces avait quelque chose de satisfaisant. Le Gryffondor transpirait la culpabilité. Le maître des potions aurait pu expliquer au gamin qu'il n'y était pour rien dans l'explosion de potion. Après tout, Severus aurait dû sévir dès que l'enfant s'était faufilé dans son bureau pour l'espionner mais il avait eu envie de jouer un peu avec lui afin de mieux le piéger. Evidemment, cela avait été une mauvaise idée puisque le garçon-qui-a-survécu était aussi le garçon-qui-ne-réagit-jamais-comme-un-enfant-de-son-âge.
Dumbledore devrait mieux garder l'œil sur le Gryffondor. D'abord parce qu'il n'était pas normal qu'à la moindre contrariété, l'enfant entre dans une colère noire au point de faire exploser n'importe quoi sur son passage, magie accidentelle ou non. Ensuite, parce qu'il y avait quelque chose d'étrange chez Potter. Severus repensait souvent à ce regard vert qui n'avait eu soudainement plus rien à voir avec celui de Lily. Et puis se sourire à glacer le sang... Il hésitait à en parler à Dumbledore. Cela n'avait duré qu'un quart de seconde. A peine le temps de ciller que c'était déjà parti.
Potter grattait sur son parchemin avec vigueur et s'en tenait à faire ses recherches sans rien demander. Sentant le regard du professeur sur lui, il releva les yeux mais n'ouvrit pas la bouche, semblant attendre que Severus parle. De toute évidence, le garçon avait retenu la consigne de se faire discret et ne parler que si on le lui demandait.
Severus retourna à ses notes. Il attendrait un peu pour discuter avec Dumbledore.
