Note de l'autrice : Pas de blabla aujourd'hui, je vous souhaite une bonne lecture !


Chapitre 15

Severus Rogue referma la porte de son bureau dans un soupir irrité. C'était la troisième fois en ce début de mois de novembre que des élèves de sa maison venaient se plaindre du professeur de Défense contre les forces du mal. Il avait déjà eu vent des catastrophes que les élèves des différentes années avaient subi les deux premiers mois. Désormais, Lockhart avait décidé de ne plus donner de cours pratiques et de se concentrer sur la théorie.

Outre le fait que Severus trouvait cela dommageable, il avait au moins espéré que le contenu soit solide. Malheureusement, ses serpents s'ennuyaient fermement et le lui faisaient savoir. A cela s'ajoutait les parents de ses élèves… Pour les fils Malefoy, Macnair ou encore Crabbe et Goyle, les parents portaient un intérêt particulier pour cette matière et il était indispensable que Severus les rassure à ce sujet - bien que pour les deux derniers, c'était surtout des effets néfastes de la consanguinité sur lequel il fallait se pencher.

Malheureusement, plus les jours passaient, plus Severus trouvait que Lockhart était un incompétent notoire. Et les évènements qui arrivèrent les jourssuivants, ne purent que confirmer ses soupçons quant au supposé génie de Lockhart…

Les relations entre Serpentard étaient ce qu'il y avait de plus important, après la pureté du sang. Lorsque Lucius Malefoy se pointa au château afin d'admirer son fils pour le match de Quidditch, Severus ne put que mettre les petits plats dans les grands. D'abord parce qu'il était un ancien collègue et qu'il devait assurer son rôle d'espion jusqu'au jour où le Seigneur des Ténèbres reviendrait au pouvoir. Ensuite parce que, au-delà des idées arriérés de Malefoy, l'homme avait fait un merveilleux cadeau à la maison Serpentard à savoir acheter des Nimbus 2001 à toute l'équipe de Quidditch.

Les Serpentard ne pouvaient compter que les uns sur les autres. La plupart du temps. Le réseau était indispensable pour s'en sortir car hormis les personnages comme Dumbledore ou les parents de Puffett, beaucoup de sorciers avaient des préjugés sur les élèves sortant de cette maison. Fort heureusement, de nombreux membres de l'élite sorcière avaient fait leurs classes dans la maison du noble Salazar.

Lucius Malefoy était issu d'une puissante famille avec un poids politique indéniable. Seul un idiot aurait refusé d'être dans les bonnes grâces de cet homme.

Ainsi, après un déjeuner en bonne et due forme avec Malefoy père, Severus se rendit au stade de Quidditch avec son compagnon du jour.

- Potter est-il toujours l'attrapeur de Gryffondor ? demanda l'homme l'air de rien.

- J'ai tout fait pour que ce gamin arrogant en soit privé mais cela n'a pas fonctionné, expliqua Severus. Vous savez comme il peut être protégé.

L'attaque sur Miss Teigne avait été un coup de poker à tenter. Pour l'avoir plus ou moins suggéré à Severus, Lucius Malefoy aurait été enchanté de savoir Potter suspendu de Quidditch. Le maître des potions avait hésité à lui dire de simplement croire en Drago pour vaincre Potter sur le terrain de Quidditch mais on ne répondait pas ainsi à un Malefoy.

- Et bien, il ne reste plus qu'à faire confiance à Drago et les merveilleux Nimbus 2001, déclara Malefoy père.

Severus hocha la tête, cachant son inquiétude. Potter était bien plus doué que Drago et son père allait certainement mal le vivre. Seul un énorme coup de chance pouvait faire gagner le petit blond.

Les deux hommes s'installèrent dans la tribune réservée aux professeurs après un passage rapide dans les vestiaires afin d'encourager son équipe. Le maître des potions grimaça lorsqu'il vit l'assurance excessive de ses élèves. Trop de confiance ne donnait jamais rien de bon.

La foule commençait à arriver et un joyeux brouhaha s'éleva dans les airs. Enfin, quand les deux équipes entrèrent sur le terrain, la foule explosa en même temps que la pluie.

Depuis la tribune, la différence d'ambiance entre les deux équipes était palpable. Alors que les Serpentard affichaient un sourire certain et mettaient en évidence leurs nouveaux balais, les membres de Gryffondor avaient le visage fermé. Severus accrocha son regard sur Potter.

Le garçon était pâle comme un linge. Avait-il suffisamment mangé ce matin ? Lui qui picorait si souvent dans son assiette comme si cela était un supplice. Il paraissait si petit à côté des autres élèves... Severus observa Potter s'envoler. Ses petits poignets tenaient fermement le manche et il prit de la hauteur à une vitesse vertigineuse.

Par Merlin, Lily en aurait fait une crise cardiaque ! Elle qui n'aimait pas la hauteur, elle aurait eu des sueurs froides de voir son fils enchaîner les cabrioles à trente mètres du sol surtout quand le fils en question avait failli chuter violemment un an plus tôt à cause d'un professeur qui hébergeait le Seigneur des Ténèbres à l'arrière de son crâne.

Est-ce que Lily serait venue voir son fils comme le faisait actuellement Lucius Malefoy ?

Nul doute qu'elle aurait hurlé à son enfant de faire attention au cognard qui arrivait droit sur lui. La voix de Lily aurait supplanté celle de la foule qui criait de soulagement en voyant le gamin s'échapper de justesse.

Serpentard marquait un nouveau but et Severus entendit à peine Lucius Malefoy qui se vantait des balais de l'équipe. Sa concentration était tournée vers Potter qui fonçait à toute vitesse pour échapper au cognard qui s'acharnait à nouveau sur lui.

Ce n'était pas normal.

L'enfant fonçait dans les airs aussi vite qu'il le pouvait et le cœur de Severus rata un battement lorsque Potter vira subitement à quatre-vingt-dix degrés.

- Potter semble avoir un problème, déclara inutilement Malefoy dans un sourire satisfait.

- Potter a toujours un problème, grinça Severus.

Le cognard continuait de poursuivre le gamin. Pas besoin d'être Merlin pour comprendre que l'objet avait été ensorcelé. Qui avait fait ça ? Comment ? Pourquoi ?!

Une peur que Severus jugea irrationnelle s'agita dans ses veines comme un vers dans une pomme.

Le capitaine de Gryffondor demanda un temps mort. Tout le monde avait compris de quoi il en retournait. Les professeurs parlaient à toute vitesse dans les gradins.

- Cela va encore être pour nous, marmonna Malefoy à l'oreille de Severus. Mais nous n'avons rien à voir avec ce cognard, n'est-ce pas ?

- Bien sûr que non ! Un élève ne serait pas capable de faire une telle chose.

- Pourvu que Drago attrape rapidement le vif d'or.

Severus ne répondit rien, balayant le stade du regard afin de trouver qui avait ensorcelé ce cognard. A vrai dire, il espérait surtout que Potter ne se fasse pas exploser le crâne par la balle. Pour Lily. Bien évidemment, rien que pour Lily. Il n'y avait aucune autre raison valable qu'il soit si inquiet.

Le match reprit et Potter semblait déterminé à attraper le vif d'or. La pluie se mit à tomber à grosses gouttes et l'ambiance se fit soudainement bien plus intense. Le cognard reprit son objectif de détruire Potter. Le gamin s'éleva encore plus haut dans les airs et Severus sortit discrètement sa baguette, prêt à amortir une chute de plus de 50 mètres.

Le voilà maintenant qui enchaînait les cabrioles ! Voulait-il sa mort ? Ce gamin avait-il une notion du danger ? La foule rigolait et le cognard frôla la tête du gamin.

Severus était à deux doigts de se lever pour faire arrêter le match tant cela devenait ridiculement dangereux. Jetant un coup d'œil à Dumbledore, l'homme semblait beaucoup s'amuser et ne semblait pas juger l'importance d'arrêter le match pour arrêter ce cognard fou.

Une rage sourde bouillonnait en lui. Drago Malefoy ne semblait pas non plus prêt à attraper le vif d'or puisque cet idiot rigolait à gorge déployée tout en discutant avec Potter.

- Derrière toi Drago! cria Malefoy sénior.

Le vif d'or était effectivement derrière le blond mais celui-ci semblait trop occupé à échanger avec Potter dans un sourire narquois. Quel abruti de gosse pourri gâté.

Potter semblait bien avoir remarqué la petite balle dorée mais resta planté sur son balais une seconde de trop. L'estomac de Severus se tordit lorsqu'il vit le cognard atteindre de plein fouet le bras de Potter. Le gamin grimaçait et paraissait étourdi par la douleur.

Le cognard attaquait une seconde fois, droit vers le visage du Survivant. Et bien… Ce ne serait qu'un séjour de plus à l'infirmerie, se rassura Severus avec philosophie.

Mais à sa grande surprise et un brin impressionné, il vit Potter se redresser pour foncer droit vers Malefoy qui n'avait toujours pas compris que le vif d'or était à ses côtés. En un instant, Potter avait attrapé la petite balle.

La foule explosa de joie. Malefoy sénior pesta et Severus laissa échapper un soupir. Cela passait sans nul doute pour de la frustration mais Severus était juste soulagé bien qu'un peu inquiet de l'intérêt qu'il avait eu pour la vie de Potter.

Ce n'était pourtant pas terminé, le gamin avait chuté et était étendu dans la boue, visiblement inconscient.

- J'y vais ! cria Lockhart en bousculant Filius Flitwick qui couina, outré.

- Cet enfant fait visiblement tout pour se rendre intéressant, siffla Malefoy avec une haine non dissimulée.

Le maître des potions crevait d'envie d'aller empêcher Lockhart de faire n'importe quoi avec Potter. Il était capable de le rendre encore plus mal en point qu'il ne l'était déjà. Mais il fallait faire bonne figure auprès de Malefoy. Un simple regard à Dumbledore qui quittait les gradins lui rappela qu'il était un espion et qu'il devait garder sa couverture le plus longtemps possible.

Il échangea quelques mots avec Malefoy alors qu'il accompagnait l'homme jusqu'aux vestiaires. Oui, son gamin était bien meilleur que Potter. Oui, les dés étaient pipés. Oui, il y avait du favoritisme. Oui, ils mettraient une raclée à Serdaigle et Poufsouffle et la coupe serait à eux. Oui, Malefoy pouvait rester avec son fils aussi longtemps qu'il le voulait afin de le consoler.

Après avoir échangé quelques mots avec l'équipe de Serpentard, leur rappelant qu'ils avaient encore deux matchs pour montrer leur valeur, Severus Rogue quitta le terrain désormais vide.

Sans réfléchir, Severus se dirigea vers l'infirmerie. Naturellement, il ne s'inquiétait pas pour Potter, il voulait juste savoir si Lockhart avait fait correctement son travail. Le gamin avait sûrement le bras cassé mais la starlette pouvait réserver des surprises quant à ses capacités pour les sortilèges…

Devant l'infirmerie, un petit blond de première année attendait devant la porte. Ses yeux étaient rouges et il semblait en proie à un dilemme. Il sursauta lorsqu'il vit Severus.

- Crivey, que faites-vous ici ?

- Je… Je voulais présenter mes excuses à Harry monsieur, bégaya-t-il. Il n'a pas apprécié que je le prenne en photo alors qu'il venait de s'évanouir.

Severus se passa une main sur le visage. En temps normal, il aurait soupiré quelque chose comme le fait que le Survivant faisait des caprices de star mais il n'avait pas la tête à cela.

- Vous pourrez voir Potter demain, il a certainement besoin de se reposer.

- C'est certain monsieur, le professeur Lockhart a retiré tous les os du bras de Harry au lieu de les consolider. Madame Pomfresh ne fait que hurler depuis tout à l'heure…

Severus n'écoutait plus Crivey. Sans réfléchir, il entra en trombe dans l'infirmerie. La foule autour de Potter sursauta. Pomfresh, les joues rouges de colère, tenait dans sa main un flacon que Severus connaissait bien. Poussos. Ainsi cela était vrai. Cet abruti de Lockhart n'avait même pas été capable de réparer un simple bras cassé et avait fait disparaitre l'intégralité des os du bras du gamin ! Son sang ne fit qu'un tour et une colère sourde résonna en lui.

Potter était blanc, à deux doigts de l'évanouissement.

- Tout le monde dehors, dit Severus d'une voix menaçante.

Le groupe s'exécuta à l'exception de Weasley et Granger. Réprimant de justesse un soupir d'exaspération, le maître des potions observa les deux amis.

Pire que les maraudeurs, pensa-t-il.

Ces enfants faisaient tellement bloc que cela pouvait en déstabiliser plus d'un. Mais pas Severus. Il haussa un sourcil. Weasley qui possédait le plus de courage ouvrit la bouche immédiatement.

- Nous souhaitions aider Harry pour…

- Potter a besoin de repos, Mr Weasley. Vous lui rendrez visite dès demain. Maintenant déguerpissez avant que je ne retire dix points à votre maison si vous n'obéissez pas dans la minute.

Weasley rougit de colère et Granger baissa les yeux immédiatement. Ils saluèrent cependant Potter qui avait encore plus pâlit.

Avait-il peur de Severus ? A cette idée, une sensation désagréable se logea dans l'estomac du maître des potions.

- Avez-vous besoin de quelque chose Severus ?

- Le professeur Dumbledore m'a demandé de venir voir s'il était nécessaire que je prépare une quelconque potion, mentit-il sans vergogne.

- Il me reste du poussos, allez Potter !

Elle tendit d'un geste sec le flacon et le gamin-qui-finissait-toujours-à-l'infirmerie attrapa la bouteille d'une main tremblante. Il semblait souffrir le martyr mais il ne savait pas encore ce qui l'attendait cette nuit… Des os qui repoussent étaient une véritable épreuve. Il avala la potion sans rien dire mais toussa plusieurs fois. Severus s'attendait à le voir chougner et refuser de boire le reste. La potion brûlait la gorge et était loin d'avoir un goût agréable. Pourtant, le Gryffondor ne dit rien.

Surpris, Severus continua d'observer Potter et d'écouter Pomfresh qui pestait contre les sports dangereux avant de lancer au gamin un pyjama pour la nuit.

- Si vous voulez bien l'aider, vous avez fait peur à ses amis ! dit-elle à l'adresse de Severus qui leva les yeux au ciel.

Il s'approcha de Potter et saisit le pyjama.

- Je peux me débrouiller tout seul ! se précipita de dire le gamin les joues rouges.

- Très bien, répliqua le maître des potions, amusé de voir comment Potter allait s'en sortir avec un bras en caoutchouc et une potion qui commençait à faire effet.

Il ferma d'un geste sec le rideau pour laisser à Potter un peu d'intimité. Les secondes passèrent et il entendit le gamin gémir de douleur à plusieurs reprises. Au bout de plusieurs minutes, Severus ouvrit le rideau d'un geste sec.

- Bon cela suffit !

- Hé !

Potter avait réussi à enfiler son bas de pyjama mais luttait visiblement pour mettre le haut. Il portait encore son tee-shirt de Quidditch et la sueur perlait sur son front.

- Ni vous ni moi ne souhaitons être étripés par Pomfresh alors laissez-moi vous aider.

- Mais j'y arrive très bien, ronchonna le gamin sans conviction.

Il était à bout de force et ses yeux papillonnaient de plus en plus. La potion commençait à faire effet. Severus s'approcha et se saisit du tee-shirt de l'enfant pour le passer sans douceur par-dessus ses épaules tout en aidant son bras invalide.

Severus eût un moment d'arrêt. Le gamin avait la peau sur les os à tel point qu'on pouvait voir ses côtes. Bon sang, qu'est-ce que Minerva et Dumbledore fichaient ?! Vérifiaient-ils si le gamin s'alimentait suffisamment ? Une rage teintée d'inquiétude gronda en lui.

- Allez, enfilez ça.

Il attrapa le haut de pyjama et tendit la première manche pour que Potter passe son bras valide. Potter serrait des dents mais Severus entendit distinctement son soupir de douleur. Le gamin était de plus en plus faible et ne chercha même plus à protester.

Lily aurait détesté voir son fils dans cet état à cause du Quidditch…

- Ça va aller, dit Severus d'une voix beaucoup plus sèche qu'il ne l'aurait voulu. L'autre bras maintenant, je vais vous aider d'accord ?

Le gamin hocha la tête faiblement et Severus se saisit du bras invalide pour le mettre dans la manche.

- Aïe, souffla Potter dans un tremblement.

Severus tenta un regard vers lui. L'enfant se mordait les lèvres mais continuait l'effort pour enfiler son pyjama le plus vite possible sans pleurer.

Impressionnant.

Autrefois, le Lord Noir s'amusait à faire disparaître les os de ses serviteurs lorsqu'il était mécontent. C'était une punition basique. Severus était toujours appelé à la rescousse et il en avait vu plus d'un craquer. Mais Potter ne cria même pas une seule fois.

La chemise de pyjama sur ses épaules, le gamin s'affaisça dans son lit. On aurait dit une poupée de chiffon.

- J'ai la tête qui tourne, murmura-t-il.

- C'est normal, dit simplement Severus.

Mais l'enfant s'était endormi sous l'effort et les effets de la potion. Severus passa une main sur son front afin de confirmer sa pensée. Il était fiévreux.

Il lui boutonna sa chemise de pyjama et rabattit la couverture sur lui.

- Bonne nuit Harry, marmonna-t-il.

oOo

La lune se reflétait sur le lac. L'eau clapotait sur la berge tel un métronome réglé à la perfection. Le maître des potions attendait de trouver les mots convenables et Dumbledore maintenait ce silence bienvenue.

- Cet homme est dangereux, finit par dire Severus. Cela aurait pu tourner de façon beaucoup plus dramatique pour le garçon.

- Pensez-vous qu'il soit un partisan de Voldemort ? demanda Dumbledore l'air de rien. Croyez-vous à une répétition des événements qui se sont produits l'an dernier ?

- Vous savez autant que moi que le Seigneur de Ténèbres ne trouverait rien d'intéressant chez cet homme, répondit Severus d'une voix sèche sans quitter le lac des yeux. Mais l'incompétence peut faire d'énormes dégâts. Pourquoi avez-vous engagé cet homme ? Vous le voyez aussi bien que moi qu'il ment sur son parcours ! Je ne sais pas comment il a pu se faire cette réputation de sauveur mais quelque chose cloche. Vous avez vu ce qu'il a fait à Harry !

Le maître des potions faisait désormais face à Dumbledore, furieux malgré lui. Que Lockhart soit un mauvais professeur était une chose mais qu'il mette la vie des élèves en danger était bien plus problématique.

- Severus, calmez-vous, dit le directeur d'une voix douce. Harry s'en remettra rapidement, les potions de Pompom sont efficaces et il aura un bras tout neuf dès demain matin.

- Mais enfin Dumbledore, quand bien même ! Cela aurait pu être bien plus grave ! Et ce cognard ? Allez-vous faire une enquête à ce sujet ?

- Vous n'allez tout de même pas me dire que vous éprouvez de l'affection pour cet enfant ?

Severus claqua sa langue sèchement et reporta son regard vers le lac. De l'affection ? Dumbledore n'avait-il que ce mot à la bouche ?

Il n'avait pas d'affection pour Potter ! Il s'assurait juste qu'il soit en bonne santé et entier avant que le fantôme de Lily ne vienne lui tirer les pieds dans son sommeil ! Rien de plus.

- Le problème n'est pas là, répliqua Severus. Les élèves de ma maison se plaignent également de Lockhart. Comment les préparer au monde de demain si rien n'est fait pour les former correctement ? Par ailleurs, vous savez aussi bien que moi comment les choses tournent lorsque des élèves sont livrés à eux-mêmes. Surtout dans ma maison… Certains iront chercher des informations ailleurs.

- Vous avez raison, reconnut Dumbledore en caressant sa barbe. Dans ce cas, il serait sûrement bon pour nos élèves d'avoir quelques cours en plus… Je suppose que vous ne verrez aucun souci à ce que je vous confie cette tâche ?

Severus inclina légèrement la tête en guise de réponse.

- Lockhart est très imbu de sa personne, n'oubliez pas de composer avec, ajouta Dumbledore dans un sourire amusé.

- J'ai l'habitude de ce genre de personnage, répondit Severus dans une moue ironique.

Dumbledore s'apprêtait à poser sa main sur l'épaule de son protégé dans un geste d'affection lorsqu'un chat argenté apparu devant eux.

- Minerva, souffla Dumbledore.

- Il y a eu une nouvelle attaque, dit le patronus. Je vous attends à l'infirmerie.

Sans même se concerter, les deux hommes se précipitèrent vers le château.

.

Dans le couloir du troisième étage, l'atmosphère était pesante. Minerva affichait un air grave et tendu, Pomona avait les lèvres pincées, Filius faisait les cent pas et Lockhart se pavanait comme à son habitude. Le maître des potions était à deux doigts de lancer un sort bien placé à cet imbécile heureux pour qu'il se la boucle quand Dumbledore, accroupis près du corps de l'enfant, se redressa.

- Mr Crivey a bien été pétrifié emmenons-le à l'infirmerie Minerva.

L'ordre était tout à fait clair et tous les autres professeurs regardèrent les deux collègues s'éloigner, le corps de Colin Crivey flottant à leur côté.

- Si seulement j'avais été là… Si seulement…

- Vous auriez fait des miracles sans aucun doute, lâcha Severus d'un air sarcastique.

L'homme sembla surpris un instant, écarquilla les yeux puis redressa finalement la tête pour adresser un sourire charmeur au maître des potions qui réprima un haut-le-corps de dégoût.

- Je pense que votre savoir devrait être mis au profit des élèves de façon beaucoup plus significative professeur Lockhart, susurra Severus dans un rictus mauvais. De toute évidence, les récents évènements prouvent que les élèves de cette école doivent apprendre à se battre.

A présent, Lockhart regardait partout autour de lui comme si son cerveau était en ébullition. Severus conserva un masque de calme apparent. Les égos surdimensionnés de ce genre étaient facilement manipulables.

- Vous avez tout à fait raison Severus !

Le maître des potions tiqua face à l'emploi de son prénom mais n'en montra rien. Seuls Filius et Pomona levèrent la tête d'un air inquiet. Lockhart se mit à faire les cents pas, marmonnant dans sa barbe quand il s'arrêta finalement face à Severus, un sourire digne des plus belles publicités de dentifrice.

- Je vais créer un club de duel ! s'exclama-t-il.

- C'est une bonne idée, suggéra Pomona. Il y a encore quelques années, ce genre de club était courant.

- Oh mais mon club sera bien meilleur ! se vanta le professeur de Défense contre les forces du mal. Les élèves auront un professeur digne des plus grands.

- Il y aura foule pour participer j'en suis sûre, continua la directrice de Poufsouffle.

Que Merlin préserve les blaireaux, pensa Severus. Pomona lui déroulait le tapis rouge sans même s'en rendre compte.

-Vos combats sont effectivement légendaires, susurra le maître des potions. Il y aura sûrement beaucoup d'élèves. Si vous avez besoin d'une quelconque aide pour maintenir l'ordre…

- Excellente suggestion ! coupa Lockhart d'une voix enjouée. Nous pourrions également leur montrer quelques tours de passe-passe ! Ne vous inquiétez pas Severus, je ne vous ferai aucun mal, ajouta-t-il avec un coup de coude.

Severus se raidit franchement et il fût certain que son sourire ne pouvait ressembler à autre chose qu'à une grimace de constipé.

Lockhart disparut immédiatement, proclamant qu'il allait annoncer la nouvelle à Dumbledore. Filius salua ses collègues, une ride d'inquiétude barrant son front. Pomona quant à elle fixa le maître des potions, lui adressa un sourire bienveillant chargé de sous-entendus et s'en alla à son tour.

Severus fixa quelques instants le couloir sombre où la petite femme avait disparu. La bonté d'Helga Poufsouffle avait-elle une once de malice ?

Dans un mouvement élégant, le maître des potions fit tournoyer ses robes pour se diriger vers son bureau. Si ses calculs étaient justes, Potter n'allait pas tarder à se réveiller, terrassé par la fièvre et la douleur.

oOo

Harry tremblait de tous ses membres sans savoir si cela était dû à la douleur dans son bras ou la peur. Sûrement un mélange des deux.

D'abord, il avait été réveillé par cet elfe de maison, Dobby. Encore une fois, il lui avait demandé de quitter Poudlard et surtout Harry savait enfin que c'était cette créature qui lui avait envoyé le cognard ! Quand il allait raconter ça à Ron et Hermione, ils n'en reviendraient pas !

Apparemment, l'elfe voulait lui sauver la vie tout en l'assassinant. Pourquoi ce genre de problèmes devaient-ils toujours tomber sur lui ?

Ensuite, alors que Dobby l'informait que les choses allaient être de pire en pire, les portes de l'infirmerie s'étaient ouvertes et Harry avait à peine eu le temps de faire semblant de dormir.

Un frisson glacé le traversa, rien que d'y penser à nouveau.

Colin Crivey avait été pétrifié. C'était comme si les avertissements de Dobby prenaient sens.

Harry entendit à nouveau la porte de l'infirmerie s'ouvrir. Une nouvelle attaque ?

Ouvrant à peine les yeux, le cœur battant à toute vitesse, Harry retint un cri de surprise et referma immédiatement les yeux à la vue de la silhouette virevoltante qui s'approchait de lui.

- Potter, arrêtez de faire semblant de dormir et ouvrez les yeux.

Sachant pertinemment qu'il ne servait à rien de feindre le sommeil, il obéit et se redressa. Rogue avait allumé la petite lampe de chevet et examinait Harry d'un œil chirurgical.

- Qu'est-ce que vous faites ici ? demanda Harry de plus en plus mal à l'aise.

- Langage ! reprit Rogue avec autorité. Vous avez l'air d'avoir une fièvre du diable. Je vous apporte une potion antidouleur pour votre bras.

Harry en resta coi. Cela faisait plusieurs fois que Rogue l'aidait. Et cette fois, l'homme battait tous les records car il avait pourtant déjà fait sa bonne action quelques heures plus tôt en l'aidant à se mettre au lit !

- Est-ce que vous allez regarder la potion pendant des heures où dois-je vous la mettre moi-même de force dans votre gosier ?

Dans un sursaut, Harry se saisit du flacon et vida la fiole d'une traite. Quelques mois plus tôt, il aurait eu peur que ce soit du poison mais il savait désormais qu'il pouvait faire confiance en l'homme. Après tout, il avait été ami avec sa mère…

- Très bien, est-ce que vous pouvez bouger vos doigts ?

Harry tenta mais seule une douleur fulgurante le traversa et il maudit Rogue sur l'instant. L'homme avait fait exprès ! Il envoya un regard sombre au maître des potions.

- Pourquoi est-ce que ce n'est pas Mrs Pomfresh qui vient me voir ?

- Parce qu'elle suit les recommandations du conseil de médicomagie à la lettre tandis que mes compétences vont plus loin, répondit d'une voix impénétrable le maître des potions nuancée par une pointe de vantardise. Et je vous ai déjà dit de surveiller votre ton.

Harry s'empêcha de répliquer qu'à moins d'être muet, rien ne convenait au professeur.

- De mon côté, je sais quelles sont les complications qu'il peut y avoir, ajouta le maître des potions en se saisissant du bras invalide de Harry.

Étonnamment, les doigts de l'homme étaient délicats et Harry se décontracta quelque peu. Il observa les gestes du professeur qui marmonnait quelques incantations et passait la paume de sa main sur l'avant bras de Harry.

- Tout guérit correctement et la fièvre devrait disparaître d'ici quelques instants, dit-il au bout d'un moment.

Déduisant que l'homme parlait davantage pour lui-même, Harry ne répondit rien et laissa son regard vaquer vers le lit, désormais masqué par un rideau, de Colin. Une vague de tristesse et d'inquiétude submergea Harry.

- Potter ?

- Hein ? répondit Harry dans un sursaut.

Le maître des potions leva les yeux au ciel mais ne sembla pas en colère.

- Je vous demande si tout ira bien ?

- Ah… Euh… Oui bien sûr, merci professeur, répondit Harry encore un peu ailleurs.

Rogue ne bougea pas d'un pouce et observa autour de lui avant que son regard ne se dirige vers le lit de Colin.

- Mr Crivey aura une potion prochainement et il reviendra à lui.

Rogue avait parlé d'une voix sèche et Harry hocha immédiatement la tête. Il ne voulait pas mettre l'homme en colère.

- Que se passe-t-il Potter ?

Harry tenta un regard vers l'homme. Sa voix était autoritaire mais elle était calme. Un peu comme lorsque Rogue lui avait appris à faire des boucliers.

- Il ne se passe rien monsieur.

- Je vois bien qu'il y a quelque chose. Est-ce en rapport avec l'attaque de Crivey ?

Harry frissonna dans une grimace. Il n'en savait rien. Entre le match de Quidditch, Dobby, l'attaque de Colin et Rogue qui prenait soin de lui, plus rien ne tournait rond.

- Je suis juste fatigué monsieur.

Ce n'était pas un mensonge. C'était la réponse qui résumait parfaitement la situation. Pendant un instant, Harry cru qu'il n'allait jamais s'en sortir mais l'homme finit par se lever et éteindre les lumières.

- Dans ce cas, bonne nuit Potter.

Étrangement, une boule se forma au creux de son ventre. Harry aurait aimé parler de ses soucis à un adulte. Si sa mère avait été là, elle l'aurait écouté et rassuré comme pouvait faire Mrs Weasley avec Ginny lorsqu'elle s'était inquiétée pour sa rentrée. Pendant les vacances d'été, Harry avait surpris une conversation entre la mère et la fille alors qu'il allait chercher de la limonade pour Ron et lui.

Mais il n'y avait personne pour lui. Et ce n'est pas parce que Rogue avait été ami avec Lily Potter qu'il pouvait prendre une place particulière. C'était stupide et Harry n'était pas sûr de pouvoir lui faire entièrement confiance.

Et puis de toute façon, Rogue n'aurait jamais été en capacité de le rassurer.

.

Le lendemain matin, le bras de Harry fonctionnait à la perfection et il n'avait plus aucune douleur. Joyeux, il engloutit son petit-déjeuner avant de se diriger vers la salle commune de Gryffondor.

Il devait tout raconter à Ron et Hermione. Cependant, il ne les vit pas dans la Grande Salle mais Neville lui donna un mot écrit de la main d'Hermione.

Harry,

Rejoins nous dans les toilettes des filles du 5ème étage. La mission a commencé !

Hermione

Dans un rire, Harry prit ses jambes à son cou et se dépêcha de grimper les premières marches des escaliers lorsque la voix de la directrice des Gryffondor résonna dans son dos.

- Mr Potter ! On ne court pas dans les escaliers.

- Excusez-moi professeur, répondit Harry rouge de honte tandis qu'un groupe de filles de troisième année ricanaient.

La femme au chignon serré et chapeau pointu attendit que la foule se disperse pour reprendre la parole. Harry s'attendait à ce qu'elle lui retire des points.

- Mr Potter, je voulais vous féliciter pour votre victoire au Quidditch.

- Oh, merci professeur, répondit Harry surpris.

- Je tenais aussi à vous informer que vous allez recevoir la visite d'une travailleuse de la protection de l'enfance du Ministère de la magie.

Harry sentit un poids tomber dans son estomac. Qu'avait-il fait de mal ? Pourquoi une personne devait-elle le voir ? Qu'allait-on lui faire ? L'envoyer dans un orphelinat l'été ? Dumbledore avait pourtant promis de faire son possible pour qu'il ne finisse pas en orphelinat , il ne pouvait pas échouer !

- Elle viendra la semaine prochaine et vous posera quelques questions, rien de très compliqué, ajouta-t-elle en voyant visiblement que la panique gagnait Harry.

- Mais je n'ai rien fait de mal ! finit par dire Harry.

- Bien sûr que non, rassura la professeure dans un de ses rares sourires. Elle vient juste pour s'assurer que tout va bien pour vous. C'est juste son travail puisque vous êtes sous la tutelle du Ministère.

Harry dansa sur ses pieds, mal à l'aise. Il n'aimait pas qu'on lui rappelle qu'il était seul. Certes, il avait fait le premier pas pour partir mais il était toujours confus lorsqu'il pensait à l'abandon de tutelle. Il préférait juste ne pas y réfléchir et profiter de Poudlard et de ses amis.

- Vous pouvez y aller Mr Potter, profitez bien de votre dimanche.

Harry opina du chef. McGonagall prit les escaliers et Harry put apercevoir Rogue qui attendait au loin, adossé contre le mur de la Grande Salle. A son regard, Harry était sûr que l'homme savait déjà le contenu de la discussion qu'il avait eu avec sa directrice de maison.

Le directeur de Serpentard, le regard impénétrable, ne se cachait même pas pour le dévisager. Qu'attendait-il de lui ?

Fronçant les sourcils, l'air fier et le menton haut, Harry tourna le dos à l'homme. Il avait des amis à voir.