Note de l'autrice : Bonjour tout le monde ! Voici le nouveau chapitre bien à l'heure et prêt à être dévoré. Au programme : nouveautés, émotions et mystères... Bonne lecture !
Chapitre 17
Harry n'avait jamais été autant la cible des rumeurs et des regards en biais depuis le jour où il avait fait perdre 150 points à Gryffondor. A l'exception que cette fois, toute l'école était contre lui et pas uniquement les Gryffondor.
La présence de Ron et Hermione faisant bloc pour le soutenir lui permit de ne pas retourner dans son dortoir jusqu'à ce que mort s'en suive.
- Mange un peu Harry, dit Hermione en lui servant une grosse part de tourte. Bientôt le polynectar sera prêt et il y a de fortes chances qu'on trouve qui est l'héritier de Serpentard.
A la table des serpents, beaucoup regardaient Harry d'un air calculateur voire profondément agacé.
- Dire qu'ils savent sûrement qui est derrière tout ça ! ragea Ron en observant la table des verts et argent.
- Dans ce cas, ils sont discrets car Rogue aurait déjà arrêté l'héritier.
Ron grimaça, peu convaincu par les paroles de Harry. Lorsqu'ils se levèrent pour se rendre à leur cours de botanique, Harry vit distinctement trois élèves de Poufsouffle sursauter sur son passage. Quittant la Grande Salle, le trio tomba nez-à-nez avec le professeur McGonagall.
- Mr Potter je vous attendais, dit-elle.
- Vous m'attendiez ? répéta Harry totalement perdu.
- Hé bien oui, c'est aujourd'hui que vous rencontrez Hestia Jones, la représentante du Ministère.
- Oh.
Une boule désagréable se forma au creux de son estomac. Avec l'événement du Club de Duel, cela lui était complètement sorti de la tête ! Il suivit alors silencieusement la directrice de Gryffondor, un tas de questions se bousculant dans sa tête.
Ils arrivèrent finalement aux portes de l'infirmerie mais McGonagall poussa celle juste à côté. Harry n'avait jamais fait attention à cet endroit ayant toujours pensé qu'il s'agissait d'un quelconque cagibi. Mais la pièce était d'une taille tout à fait convenable. Lumineuse, le ciel éclairait la petite salle circulaire où se trouvait un bureau et une table de consultation au fond à droite.
- Mrs Jones, voici Mr Potter, déclara McGonagall.
Une femme de taille moyenne, les cheveux châtains clair attachés dans une queue de cheval attendait. Elle sourit immédiatement à Harry et se leva pour refermer doucement la porte.
- Installe toi je t'en prie, dit-elle.
Sa voix et son sourire étaient bienveillants et Harry se détendit légèrement.
- Est-ce que tu sais pourquoi on se voit aujourd'hui ?
- Oui, répondit simplement Harry et voyant qu'elle l'encourageait à compléter, il continua d'une voix un peu plus assurée. Je suis ici parce que je n'ai plus de tuteurs légaux et vous êtes là pour voir si tout se passe bien car désormais je suis à la charge du ministère.
- C'est exactement ça, dit-elle d'une voix si douce que le cœur d'Harry cessa de battre la chamade. Alors je vais quand même me présenter, je m'appelle Hestia Jones et je suis chargée de m'assurer que tout se passe bien pour toi le temps qu'on te trouve un nouveau tuteur.
- Vous n'allez pas m'envoyer à l'orphelinat alors ? demanda Harry avec précipitation s'apercevant un peu trop tard que c'était impoli de couper la parole ainsi.
- Ce n'est pas prévu, répondit-elle dans un sourire indulgent. Au ministère, on cherche avant tout à placer les enfants dans des familles et je suis certaine qu'on saura t'en trouver une qui voudra s'occuper de toi.
Harry gigota sur sa chaise. Il n'avait pas besoin qu'on s'occupe de lui. Il avait l'impression d'avoir quatre ans et même à cet âge là, il se débrouillait déjà tout seul.
- J'ai entendu dire que tu avais gagné le dernier match de Quidditch, poursuivit Mrs Jones d'un ton intéressé.
- Oui.
- Mais j'ai aussi entendu dire que tu n'étais pas sorti en un seul morceau.
- C'est le risque avec le Quidditch, répondit Harry en haussant les épaules. Je me suis cassé le bras et le professeur Lockhart a empiré les choses.
- Est-ce que tu me laisserais regarder ton bras ?
Il y avait tellement de douceur dans sa voix, tellement de gentillesse que Harry ne put refuser. Elle lui indiqua la table d'examen médical et Harry s'y dirigea maladroitement. D'aussi loin qu'il s'en souvienne, il n'était jamais monté sur ce genre de divan.
- Allonge toi, tu peux garder tes chaussures ne t'inquiète pas.
- Normalement il n'y a plus rien, tout s'est très bien consolidé, ne put s'empêcher de dire Harry pendant que Mrs Jones lui palpait le bras.
- C'est Mrs Pomfresh qui te l'a confirmé ?
- Oui mais aussi le professeur Rogue, vous devez peut-être le connaître, c'est le maître des potions à Poudlard. Il a regardé mon bras et il est venu m'apporter des potions.
- C'est un gentil professeur alors.
- Avant je ne trouvais pas mais depuis cet été il m'aide beaucoup. Il m'a appris des sortilèges. Il lui arrive d'être dur mais il me sauve souvent la mise. Cet été j'ai fait de la magie accidentelle et il s'est interposé pour me protéger.
Harry ne savait absolument pas pourquoi il parlait autant. Mrs Jones devait avoir une aura particulière car les mots sortaient de sa bouche sans contrôle. Et ça lui faisait du bien. Il ne s'aperçut que tardivement que l'agent ministérielle lançait des sortilèges un peu partout sur son corps. Harry sursauta et se redressa.
- Vous avez assez vu mon bras je crois, dit-il les joues rouges, légèrement agacé.
- Je ne voulais pas te couper dans ce que tu me racontais tout simplement. Excuse-moi si cela t'a dérangé. Est-ce que tu serais d'accord pour que je te pèse et te mesure ?
- Non.
C'était catégorique. Il savait déjà qu'il était trop petit et trop maigre. Il n'avait pas besoin de l'entendre. Tout à coup, il ne trouvait plus Mrs Jones aussi sympathique. Il était stupide de s'être laissé berné par de tendres mots.
- Très bien, on fera ça une prochaine fois. Dis-moi Harry, est-ce que tu dors bien la nuit ?
Harry haussa les épaules. Il n'avait pas dormi une nuit complète depuis des mois. Il y avait toujours quelque chose pour l'en empêcher. D'abord la mort du professeur Quirrell, puis après l'abandon des Dursley et pas plus tard que la nuit dernière, il angoissait à l'idée d'être l'héritier de Serpentard sans le savoir.
- Je te sens ému, poursuivit-elle avec douceur.
- Pas du tout ! répondit Harry en secouant la tête. Je suis juste fatigué.
- Ah donc tu dors mal.
- Non ! Enfin oui.. Mais non ce n'est pas ça !
Il était tombé dans le piège comme un bleu. Mais Mrs Jones leva la main d'un geste apaisant.
- Ce n'est rien Harry, je ne vais pas te demander de tout me raconter aujourd'hui. Je veux juste m'assurer que tu as tout ce dont tu as besoin ici à Poudlard et que dans le cas contraire je puisse faire le nécessaire pour remédier à cela. Je peux voir avec l'infirmière pour qu'on te donne des potions qui te permettraient de récupérer un peu de sommeil. Tu as effectivement l'air fatigué Harry.
Harry s'éclaircit la gorge mais elle lui piquait tant qu'il était certain qu'il ne pourrait parler sans s'effondrer. En conclusion et s'il fallait en douter, il n'y avait rien d'agréable à parler de soi.
- Je veux que tu saches que tu peux m'écrire à tout moment si tu en ressens le besoin. Je suis ici pour m'assurer de ta protection.
Harry ouvrit la bouche et la ferma aussitôt, sidéré par ce qu'il s'apprêtait à dire. Il allait réellement dire que Rogue assurait déjà sa protection. Mais c'était faux et stupide. Enfin… pas tout à fait. Certes, au moindre danger, Rogue était là pour l'aider mais ça n'avait rien à voir avec une quelconque protection que pouvait apporter un tuteur.
- Je pense qu'on en a terminé pour aujourd'hui. On se verra bientôt si tu es d'accord ?
Harry sauta de la table de soin et opina du chef.
- Je dois y aller madame, j'ai un cours de potions qui va commencer.
Harry détala dans les couloirs, le cerveau embrouillé par ce qu'il venait de se passer. Il essaya de chasser l'inquiétude qu'avait provoqué cette rencontre avec l'agent du Ministère. Avait-il bien répondu aux questions ? Quelque chose clochait-il chez lui ? Avait-elle pu constater que parfois, il entendait une voix froide et glaciale ?
- Bonjour, veuillez m'excuser pour mon retard, dit Harry à voix basse tout en s'approchant du bureau du maître des potions. J'étais avec Mrs Jones, ajouta-t-il les joues rouges tout en espérant que le professeur ne demande pas plus d'explications.
- Vous pouvez vous asseoir.
Retenant un soupir de soulagement, Harry s'installa à côté de Neville. Ron et Hermione avaient pris place à côté. Hermione sourit doucement à Harry et Ron se pencha vers lui.
- Alors ça s'est passé comment ? On pensait que ça prendrait plus de temps.
- Mr Weasley ! Cinq points en moins pour Gryffondor. Vos bavardages intempestifs perturbent la classe.
Harry fit signe à Ron de laisser tomber. Rogue exigeait le silence, il était stupide de provoquer la colère du professeur alors qu'on pouvait facilement s'en passer.
- Mr Potter, vous pouvez aider Mr Londubat sur sa potion.
Harry opina simplement du chef en guise de réponse et tenta d'aider Neville comme il le put. Suite au désastre du dernier cours, l'homme avait exigé que le reste de la classe recommence sa potion d'enflure. Neville, la sueur perlant sur ses tempes, semblait en grande difficulté. Sa potion avait une couleur verdâtre alors qu'elle devait être jaune moutarde.
Dépité, Harry baissa le feu, se laissant porté par la recette. Il était bien trop ailleurs pour se mettre une quelconque pression. Il ajouta un verre d'eau fraîche et la couleur vira au jaune. C'était mieux.
Rogue apparût derrière le duo. Si Neville sursauta, Harry attendit patiemment que les critiques tombent dans un lâcher-prise exceptionnel. De toute façon, on réunissait là probablement les deux pires potionnistes des deuxièmes années - exceptés Crabbe et Goyle.
- Vous avez bien rattrapé la surchauffe Mr Potter. Poursuivez ainsi. Londubat, prenez des notes au lieu d'observer votre camarade de la sorte.
En effet, Neville était bouche-bée mais la classe aussi. D'aussi loin que les élèves s'en souviennent, Severus Rogue n'avait jamais accordé de compliments à un élève de Gryffondor. Qu'il s'agisse en plus de Harry Potter, rendait la situation ubuesque.
Harry s'ancra du mieux qu'il pouvait dans la réalité mais plus il essayait, plus sa concentration s'échappait, ressassant la visite d'Hestia Jones. Seul le poids du regard du maître des potions l'obligea à sortir la tête de la brume d'anxiété qui l'habitait. L'homme le dévisagea quelques instants avant de pointer du doigt le tableau.
- La recette pour la semaine prochaine et le devoir préparatoire, dit-il simplement avant de lui tourner le dos.
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Severus Rogue savait qu'Hestia Jones était encore dans les couloirs de l'école. Lorsqu'elle venait pour suivre un élève dont la sphère familiale paraissait suspecte, la jeune femme restait toujours manger avec son ancien directeur de maison.
Pourquoi Severus voulait absolument avoir un retour de Jones plutôt que celui de Flitwick ou Dumbledore, lui-même ne se l'expliquait pas. Il avait vu le gamin particulièrement pensif à son cours de potions. Il avait expliqué son retard à demi-mot, évoquant un rendez-vous avec Hestia Jones.
A sa grande surprise, le jeune Gryffondor avait rattrapé le désastre qui se profilait. La potion de Londubat surchauffait, un peu plus et elle aurait été inexploitable. A croire que lorsqu'il ne cherchait plus à absolument bien faire, il réussissait. Bientôt, le jeune Potter allait remettre en doute les méthodes légendaires du maître des potions qui ne jurait que par la pression de la réussite ! Heureusement, il n'eut pas le temps de s'attarder sur sa façon d'éduquer les élèves, il vit Hestia Jones au loin et accéléra le pas.
Sans surprise, l'ancienne Serdaigle sortait du bureau de Flitwick, un grand sourire aux lèvres quand Severus la trouva enfin.
- Oh bonjour Rogue, dit-elle surprise. Je pensais tomber sur le professeur McGonagall.
- La sous-directrice a malheureusement un tas de choses à faire, répondit-il l'air poli. Elle m'a chargée de venir faire le point avec vous concernant Mr Potter.
Le maître des potions bénit à cet instant sa facilité à inventer n'importe quoi pour parvenir à ses fins.
- Ah bon ? Et bien, je suppose que l'affection que Harry Potter vous porte doit y être pour quelque chose… Minerva doit savoir que vous saurez lui rapporter les éléments.
- Cela ne fait aucun doute, dit-il avec jubilation tout en se demandant où est-ce qu'elle avait vu que Potter avait de l'affection pour lui. Je vous propose qu'on se dirige vers les grilles pendant que vous me faites l'état des lieux concernant Potter. Les couloirs vont bientôt grouiller d'élèves et croyez moi, ce n'est pas le meilleur endroit pour discuter.
Hestia Jones rigola doucement et prit la marche. Visiblement, elle était toujours aussi naïve que dans les souvenirs de Severus à Poudlard. Le maître des potions dû se faire violence pour ne pas la brusquer et la laisser parler.
- Pour commencer, je pense que Harry est un enfant très courageux faisant preuve d'une grande résilience mais je ne vous apprends rien. Cependant, il a été maltraité. Moralement comme nous le savions déjà mais aussi physiquement. J'ai retrouvé des anciennes blessures datant pour certaines d'il y a plus de huit ans ! Sa magie a réussi à consolider ses os et coupures mais sans ça…
Hestia Jones frissonna et Severus ne sût si c'était parce qu'ils pénétraient dans le parc du château ou pour autre chose.
- Ils ne le faisaient pas seulement dormir dans un placard, il recevait des coups.
- J'ai effectivement vu des souvenirs dans ce sens, confirma Severus dont le cœur reprenait difficilement un rythme normal. Son cousin était le bourreau principal mais je n'ai pas eu le temps de voir le reste.
Et heureusement, pensa Severus.
- En tout cas, il faudra que je creuse de ce côté et c'est une bonne chose qu'il ne soit plus dans ce climat de violence. Mais il faut rester prudent. Même si Harry a fugué et qu'il clame haut et fort qu'il est heureux de ne plus vivre avec son ancienne famille, ce ne doit pas être chose facile pour lui. Malheureusement, je n'ai pas pu chercher plus loin. J'ai essayé de le distraire lorsque j'ai lancé des sortilèges plus poussés mais il a remarqué mon entourloupe.
D'une certaine manière, le maître des potions ressenti une fierté à savoir que Potter gardait l'œil ouvert. Il réfléchit cependant aux paroles de Jones. Elle avait raison lorsqu'elle supposait que le gamin était malgré tout touché par le fait d'avoir été officiellement rejeté par les Dursley. Seul un aveugle aurait pu le louper.
- Je n'ai pas pu aller dans le détail mais cet enfant est aussi en carence, pas seulement affective mais alimentaire.
- Pardon ?
- Vous avez bien entendu, dit-elle en s'arrêtant devant les grilles des portes du château. Harry a un retard de croissance et je crois qu'il mange très mal. J'ai demandé à Mrs Pomfresh de faire un examen complémentaire à ce sujet. Elle aura sûrement besoin de vous pour quelques potions si vous voulez mon avis.
- J'avais en effet remarqué qu'il mangeait peu et plutôt mal mais je n'aurais jamais pensé que c'était à ce point.
- De toute évidence, il est très anxieux. Il a besoin d'un cadre rassurant. Je crois que vous pouvez lui apporter cela et particulièrement si vous vous êtes déjà aperçu que quelque chose clochait au niveau de son alimentation.
Severus se passa une main sur le visage. Qu'aurait fait Lily ? Il ne pouvait pas apporter un cadre rassurant à Potter. Il n'en avait tout simplement pas les compétences, qu'importe ce que disait le gamin.
- Je vous remercie Mrs Jones pour toutes les informations fournies.
- J'écrirai un rapport que j'enverrai au professeur McGonagall, répondit-elle. Il est en sécurité à Poudlard. Lui-même dit que c'est en grande partie grâce à vous. Et avec les récents évènements…
- Probablement une mauvaise farce d'un ou plusieurs élèves. Nous sommes sur le coup, coupa Severus.
Hors de questions de mettre l'école en difficulté en évoquant les attaques récentes. Le Ministère faisait de plus en plus pression sur Dumbledore et Hestia Jones restait une agente du Ministère. Bien évidemment que l'objet de cette visite ne concernait pas seulement le Survivant et nul doute que le Ministre eut suggéré qu'elle fasse quelques recherches au sujet des attaques. C'est pourquoi il devenait urgent d'arrêter le petit malin qui s'amusait à pétrifier les élèves.
Mais il y avait d'abord une priorité. Severus salua Hestia Jones et retourna au château, ses capes virevoltant sur le sol enneigé. Il devait immédiatement trouver Potter et s'il devait le gaver comme une oie la veille d'un réveillon de noël français, il le ferait.
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Severus chercha partout dans le château. Aucune trace de Potter. Deux solutions : soit il avait entraîné ses amis dans une nouvelle fugue étant donné qu'eux aussi manquaient à l'appel, soit le trio s'était fourré dans un complot dont Severus n'était pas certain d'apprécier le contenu.
Il interrogeait un tableau des couloirs lorsqu'il tomba nez-à-nez avec le Baron Sanglant qui traversait un mur.
- Le bruit court qu'ils sont dans les toilettes des filles de Mimi Geignarde.
Le sang de Severus ne fit qu'un tour. Qu'avaient encore prévu ces mioches ? Lorsqu'il pénétra dans les toilettes, l'odeur qui lui parvint au nez le dirigea directement vers la première cabine. Le trio semblait l'avoir entendu puisque qu'un silence anxieux régnait dans la pièce.
D'un geste sec il ouvrit la porte.
- MAIS QU'EST-CE QUE C'EST QUE CELA ? rugit-il sans réussir à contenir sa colère.
Du polynectar. Ces diablotins faisaient du polynectar. N'avaient-ils pas mieux pour faire suer le corps enseignant ? Que prévoyaient-ils ? Et ses ingrédients qui avaient disparu, voilà donc où ils se trouvaient !
Il fusilla du regard le trio et leur ordonna de sortir. Granger avait déjà fondu silencieusement en larmes. Weasley était pâle comme un linge et Potter tremblait de tous ses membres.
Sans commune mesure, Severus claqua la porte de la cabine avec brutalité. Le trio sursauta dans une parfaite harmonie. Les trois demeuraient la tête basse sans oser le regarder. Ils savaient donc à quel point ce qu'ils avaient fait était grave et c'était encore pire aux yeux du maître des potions.
- Alors après la voiture volante, vous faîtes du polynectar en douce ! Avez-vous conscience de la gravité de vos actions ? Par Merlin que peut-il bien vous passer par la tête ? Moi qui pensait que vous feriez preuve d'intelligence suite à votre sursis ! REGARDEZ MOI DANS LES YEUX ! explosa-t-il.
La déception s'insinuait en lui. Ces gamins n'avaient visiblement aucune notion du danger qu'ils couraient en prenant du polynectar de la sorte. A la moindre erreur dans la concoction, cela pouvait prendre des proportions dramatiques. Le pire étant qu'à première vue, la potion paraissait parfaitement réalisée. S'il n'avait pas été autant en rage, il en aurait été impressionné.
Des larmes d'inquiétude roulaient sur les joues de Granger et Weasley semblait au bord du malaise désormais. Mais Severus ne se préoccupa que d'Harry qui ne cessait de cligner des yeux.
- Je croyais vraiment que tu ferais des efforts, dit-il d'un ton amer. Visiblement rien ne rentre dans ton crâne.
Le gamin, le regard blessé, était sur le point de répliquer mais Granger attrapa la main de Potter.
- Ce n'est pas de sa faute ! lâcha-t-elle en s'essuyant le visage. On a fait ça pour Harry et pour l'aider ! On voulait trouver l'héritier de Serpentard.
- Hermione tais-toi, glapit Weasley dans un soupir.
- On était obligé de le faire ! poursuivit-elle en ignorant le roux. Tout le monde soupçonne Harry et personne ne cherche à trouver qui a fait les attaques ! Personne ne cherche à trouver l'héritier de Serpentard ! explosa-t-elle.
Bon sang, cette gamine avait du courage et une loyauté qui envahit Severus d'une bouffée de nostalgie. Mais comme à leur habitude, les lions avaient toujours à se mêler de ce qui ne les regardaient pas. Leur plus grand défaut.
- Je vous trouve bien présomptueuse et arrogante Miss Granger, siffla Severus. Vous n'avez aucune idée de ce qu'a mis en place le corps professoral. Tous les trois devriez arrêter de vous mêler de ce qui ne vous regarde pas. Ce n'est pas votre rôle ! Vous jouerez les héros lorsque vous en aurez l'âge. Avez-vous conscience que ce que vous comptiez faire pouvait avoir des répercussions dramatiques ?
L'homme savait à cet instant qu'il ressemblait probablement à un fou en pleine crise de démence. Il sentait ses joues chauffer et ne pouvait s'empêcher de faire les cents pas, tournant en rond pour ne pas en prendre un pour taper sur les deux autres.
Il s'arrêta et domina le trio de toute sa taille, le regard dur.
- Vous avez enfreint beaucoup de règles de l'école et je vais devoir en tenir informé le directeur.
- On voulait juste prouver que Malefoy était l'héritier de Serpentard ! répondit Potter qui sembla soudain se réveiller de sa peur paralysante d'avoir été pris sur le fait. On aurait rendu service à l'école et…
- Tais-toi ! aboya Severus. Si vous étiez un peu plus intelligent, vous sauriez que Mr Malefoy n'est pas l'héritier de Serpentard ! Il n'y a pas d'héritier de Serpentard actuellement à Poudlard, ajouta-t-il d'une voix dangereuse en s'approchant du trio qui recula d'un pas. Chercher dans les livres de la généalogie magique vous aurait apporté bien moins de problèmes plutôt que de faire mumuse avec des ustensiles de potion ! Il s'agit sans nul doute d'une blague de mauvais goût de la part d'un ou plusieurs élèves et nous ne tarderons pas à les retrouver. Maintenant vous allez me suivre immédiatement !
Sans un mot, le maître des potions tourna les talons dans une sortie des plus imposantes.
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Ils étaient dans une véritable panade. Pourquoi fallait-il que Rogue découvre leur plan à quelques jours de le mettre en œuvre ?
Qu'allait-il se passer désormais ? Hermione pleurait silencieusement et Harry se sentit affreusement coupable. Elle qui aimait tant l'école allait être renvoyée. La mine basse, Ron demeurait les lèvres pincées. Mrs Weasley allait être folle de rage. Peut-être même qu'elle ne voudrait plus jamais voir Harry.
Le professeur Rogue leur demanda d'attendre tandis qu'il touchait deux mots au directeur. Une boule d'angoisse se logea dans la gorge d'Harry. Débusquer l'héritier de Serpentard lui aurait évidemment permis de souffler un peu, bien que ses problèmes ne s'arrêtaient pas à sa capacité de parler aux serpents.
Il y avait autre chose. La déception du professeur de potions.
Comme s'il avait reçu un coup de poignard dans l'estomac, Harry avait été à deux doigts de se mettre à genoux pour demander pardon. Il s'en voulait terriblement. Jamais dans toute sa vie il n'avait autant souhaité qu'un adulte le rassure et excuse une de ses bêtises.
Le professeur Rogue prenait souvent soin de lui depuis le début des vacances d'été. C'était l'une des rares personnes à garder un œil et à s'assurer qu'il allait bien. Harry avait tout gâché. Il s'en rendait compte seulement maintenant.
Il n'avait plus rien à perdre alors il avait dévoilé ses soupçons envers Malefoy mais cela avait empiré les choses.
Severus Rogue le détestait à nouveau.
Quel idiot il faisait ! Evidemment qu'il allait le détester ! Malefoy avait toujours été son préféré, son chouchou. C'était la pire idée que de l'accuser pour essayer de se défendre.
L'homme apparut et agita simplement le menton, signe qu'ils pouvaient entrer. Harry baissa les yeux lorsqu'il passa à côté du professeur. Un sentiment de déception mêlé à de la culpabilité lui nouait la gorge et désormais il allait devoir affronter les mots de Dumbledore.
Sans surprise, le professeur McGonagall était déjà présente -le regard sévère et les lèvres pincées - mais il fut surpris de voir le professeur Rogue se positionner aux côtés de la sous-directrice.
Il y avait là une image terrifiante, les trois professeurs de Poudlard les uns à côté des autres. Une magie puissante se dégageait du trio et Harry se sentit minuscule.
- Le professeur Rogue nous a tout expliqué, indiqua Dumbledore d'une voix déçue. Vous allez avoir une punition en conséquence de vos actes.
Harry rentra imperceptiblement sa tête dans ses épaules. Pourquoi le directeur faisait-il des ronds de jambes pour annoncer qu'ils allaient être renvoyés ?
- Cependant, il nous a également expliqué la raison de vos actes, poursuivit le directeur d'une voix calme. Nous n'irions pas jusqu'à vous féliciter pour la qualité de la potion ainsi que votre envie de débusquer qui terrorise l'école mais sachez que ceci n'est pas votre rôle.
- Oui monsieur, soupira Hermione.
Ron hocha la tête avec vigueur et Harry se détendit légèrement.
- Vous êtes bons pour un mois de retenue ainsi qu'un parchemin de cinquante centimètres à me rendre dans une semaine, déclara McGonagall d'une voix sèche. Ce sera soixante points en moins chacun. Encore un pas de travers de la sorte et c'est le conseil de discipline. Vos parents seront également prévenus. Est-ce bien clair ?
Tremblant de tous leurs membres, le trio opina du chef. Ils n'en revenaient tout simplement pas !
- Maintenant retournez dans votre salle commune et n'en ressortez que pour le dîner. Sauf toi Harry, ajouta le directeur.
Harry retint un soupir et partagea un regard complice avec ses amis, leur promettant silencieusement de les rejoindre le plus vite possible. Il risqua un regard vers le corps professoral. Les trois adultes semblaient en colère mais ils avaient apparemment quelque chose à lui annoncer.
Le souvenir de la visite d'Hestia Jones lui revint en mémoire. Lui avait-on déjà trouvé une famille d'accueil ? Et d'un coup, il se rendit compte à quel point il avait été stupide. Pourquoi n'avait-il pas pensé à demander à l'agent du Ministère s'il pouvait vivre chez les Weasley ?! Il se fustigea mentalement. Quel idiot ! Il ne voulait pas d'une nouvelle famille. Cette idée était particulièrement angoissante.
- Tu sais que tu peux t'adresser à chacun de nous sans problème Harry n'est-ce pas ? demanda de but en blanc le directeur de Poudlard. Est-ce qu'il y a quelque chose dont tu voudrais nous parler ? Si besoin, nous pouvons quitter la pièce si tu préfères t'adresser à seulement l'un de nous.
Dumbledore observa l'assemblée et posa son regard pénétrant sur Harry. La gorge toujours nouée, Harry secoua la tête de gauche à droite sans rien dire. A vrai dire, il aurait dû être soulagé de n'avoir qu'un mois de retenue, des points en moins et une dissertation à rédiger. Alors pourquoi la boule d'angoisse qui logeait dans son estomac ne voulait pas partir ?
- Bon très bien, dit Dumbledore. Tu peux y aller mais il me semble que le professeur Rogue a des potions à te donner.
- Je ne suis pas malade, répondit Harry en fronçant les sourcils.
Severus Rogue claqua sa langue contre son palais d'un ton sec. Oh oui, Harry en était certain, il le détestait…
- Mrs Jones a constaté quelques carences sur vous, expliqua le professeur Rogue. Vous prendrez donc ces potions à moins que vous souhaitez arrêter votre croissance dès maintenant ?
Harry se sentit rougir violemment et ne répondit rien, vexé.
- Très bien, dans ce cas, si vous n'avez rien à dire suivez moi.
Assommé par la frustration qui montait crescendo, Harry resta silencieux, son esprit tournant à mille à l'heure.
Rien n'allait.
Les professeurs ne cherchaient pas vraiment l'héritier de Serpentard. C'était stupide et inconscient de leur part. Harry aurait mis sa main à couper qu'un héritier rôdait dans les couloirs, quoiqu'en dise Rogue.
Maintenant que le polynectar n'était plus une option pour trouver qui pétrifiait les élèves, Harry allait de nouveau subir les rumeurs. Peut-être même qu'aucune famille ne voudrait de lui en apprenant cela. Mais il s'en fichait ! Il ne voulait pas de nouvelle famille.
Et quelle était cette histoire de potions ? Pourquoi devrait-il être soigné comme un petit être malade et fragile ? C'était ridicule !
Et puis si Rogue le détestait autant désormais, pourquoi est-ce qu'il voulait lui donner des potions ? Il n'y avait plus aucune raison qu'il prenne soin de lui. Il avait perdu la confiance du maître des potions et du peu qu'ils avaient réussi à construire l'un et l'autre.
Toutes ces questions finirent par lui vriller la tête.
L'air lui manqua. Il fallait sortir, il fallait partir loin d'ici.
Sans comprendre ce qu'il faisait, prit d'une impulsion sauvage, Harry sentit ses jambes se mettre à courir.
- Potter ? Potter ! Revenez ici ! Harry !
Mais Harry continua son embardé, courant à toute vitesse. Il voulait rejoindre la forêt. Il voulait de l'air. Il voulait juste fuir et se retrouver seul. Parce qu'il allait se retrouver seul n'est-ce pas ? Personne ne viendrait le retrouver. Pas les Dursley qui l'avaient abandonné, pas Dumbledore qui avait trop de travail et pas Rogue qu'il avait déçu alors qu'il voulait juste bien faire.
Il n'avait jamais couru aussi vite de toute sa vie sauf peut-être lorsque Dudley et ses copains s'amusaient à la "chasse au Harry". Une bouffée de colère lui enserra la gorge en pensant à ce souvenir et il accéléra encore plus sa course.
Soudain, il se sentit plaqué au sol sur le ventre. Il se débattit avec hargne mais les bras qui l'encerclaient étaient puissants.
- Lâchez-moi ! hurla-t-il avec désespoir.
Pourquoi ne voulait-on pas le laisser tranquille ? Il était bien tout seul et il n'avait besoin de personne.
- Harry stop ! lui répondit une voix ferme.
Il réussit à se retourner en se tortillant sur le sol et vibrant d'une colère sombre qui s'échappait par tous les pores de sa peau.
Dans cette brume de fureur, Harry distingua les robes noires du professeur de potions. A genoux à côté de lui, Rogue lui maintenait les poignets. Les mains liées contre son torse, Harry ne pouvait plus bouger et cela décupla sa colère.
- Je ne te lâcherai que lorsque tu te calmeras.
- Arrêtez ! Lâchez-moi ! Laissez-moi tranquille ! Vous me faites mal ! Lâchez-moi ! continua Harry sans écouter.
- Il n'y a aucune raison de te donner en spectacle de la sorte, continua la voix du maître des potions d'un ton monocorde mais autoritaire.
- Vous ne comprenez rien, personne ne comprend rien !
Harry s'acharnait à se débattre, des larmes de colère perlant au coin de ses yeux. La poigne du professeur était toujours aussi solide, à croire que cela ne lui faisait rien ! Il tenta de pousser sur ses jambes afin de se redresser, en vain. Il avait la sensation d'être un insecte enfermé dans une boîte. Il avait beau se débattre comme un diable, impossible d'échapper au maître des potions. Mais il pouvait encore parler alors il tenta le tout pour le tout :
- Je vous déteste, je vous déteste tous ! cria Harry complètement envahi par ses sentiments qu'il était incapable de comprendre. Vous auriez mieux fait de me renvoyer ! C'est un enfer Poudlard ! Et vous êtes le pire professeur que Poudlard ait connu !
- Je croyais que tu avais fugué pour rester ici ? répondit le professeur de son ton habituellement sarcastique.
Harry poussa un cri de rage et finalement explosa en larmes. Ses cris mélangés à des sanglots lui déchiraient la gorge. Justement, il avait peut-être fait une erreur ! Peut-être que les Dursley n'étaient pas si mauvais. Au moins, il n'y aurait pas eu la visite de Hestia Jones. Peut-être qu'il aurait pu trouver un terrain d'entente avec son oncle et sa tante. Désormais, il allait être envoyé chez des gens qu'il ne connaissait pas. Peut-être que ça allait être pire qu'avant.
Il ne sût combien de temps il resta ainsi à crier sa colère, sa peur et son sentiment d'injustice mais Severus Rogue était toujours là. Et plus il tenait bon pour ne pas abandonner Harry, plus la colère laissa place à des larmes de soulagement chargées de tristesse.
Tremblant, Harry chercha à se calmer en puisant dans sa respiration. Soudain, il sentit la poigne le libérer mais il garda ses mains contre son torse. Il ne voulait pas bouger tout de suite. Son corps frissonnait et des sanglots revenaient dès qu'il pensait à tout ce qui se passait dans sa vie.
Une main vint se poser sur son front pour lui relever la tête et bien que le geste fut maladroit, Harry se sentit aussitôt apaisé.
- C'est bien, respire.
Le professeur, comme la fois où Harry avait fait son attaque de panique, l'encourageait à respirer pour se calmer. Il n'y avait aucune moquerie. Juste une voix ferme mais terriblement sécurisante.
Au bout d'un long moment, il se redressa en séchant son visage avec les pans de sa robe. Il se sentait terriblement honteux tout à coup. Pire, plusieurs élèves l'avaient vu mais restaient à plusieurs mètres au loin. Lorsqu'il contrôla définitivement les sursauts intempestifs de ses épaules, Harry tenta un regard vers l'homme. Il n'y avait ni colère ni déception dans ses yeux. Le maître des potions l'observait avec prudence.
- Ça n'arrangera pas les rumeurs, dit-il d'une voix rauque pour détendre l'atmosphère.
- Je vois que ça va mieux, répondit Rogue sarcastique. Maintenant puis-je savoir ce qui t'a pris de partir tout à coup ?
- Je ne sais pas, avoua Harry en baissant les yeux avant de renifler et se prenant la tête entre ses mains. J'avais juste besoin d'air. Il y a tout dans ma tête qui se mélange. Vous ne pouvez pas comprendre.
- Je peux parfaitement comprendre, répliqua Rogue d'une voix sèche. Mais Dumbledore t'a dit que si tu avais besoin tu pouvais parler à un adulte. Harry, tu ne peux pas partir comme ça dès que quelque chose t'angoisse ou te met en colère.
- Mais qu'est-ce que ça peut vous faire de toute façon ? marmonna Harry sans conviction, arrachant un pauvre brin d'herbe.
- Ne réponds pas de la sorte ! Personne ne veut te voir partir et prendre des risques comme tu l'as fait cet été, répondit Rogue d'une voix si ferme qu'Harry baissa encore plus le regard. On sera là pour te retrouver. Je serai là pour te retrouver et pour t'infliger le plus grand nettoyage des chaudrons s'il le faut. Harry tu n'es pas seul, est-ce que tu comprends cela ?
Harry sentit son corps se tendre. Il planta son regard dans celui de son professeur de potions. Lui-même paraissait choqué par ses paroles. Il avait les lèvres pincées et le regard fuyant. Mais il était incroyablement soulagé. Le professeur Rogue n'était pas fâché à vie contre lui. Depuis quand son avis comptait à ce point ?
- Je… Je veux bien prendre mes potions, dit finalement Harry sentant une gêne de plus en plus palpable.
Le professeur se redressa et lui tendit la main pour qu'il se mette sur ses pieds. Harry fut à deux doigts de le repousser, arguant qu'il était assez grand pour se lever tout seul mais il glissa sa petite main dans celle -ferme et froide- de son professeur qui le tira d'un geste sec.
- Allons-y Mr Potter, dit finalement Rogue se retournant d'un mouvement de cape.
L'observant marcher plusieurs mètres devant lui, Harry se fit la réflexion que le professeur avait quand même une certaine classe.
oOo
Le gamin-qui-avait-terminé-de-piquer-sa-crise était assis au premier rang dans la salle de classe, attendant sagement ses potions.
Il faudrait une analyse plus poussée de la part de Pompom mais ce philtre alimentaire allait déjà faire du bon travail. Posant la fiole devant lui, Severus observa l'enfant quelques instants. Il avait l'air épuisé. Des cernes entouraient ses yeux verts et il jouait avec ses poignets avec nervosité.
Hestia Jones lui avait signifié que le gamin était anxieux mais jamais Severus ne s'était rendu compte à quel point. Pourtant, tous les signes étaient là. Il n'avait simplement jamais voulu les voir. Résultat, Potter était une bombe à retardement et à chaque fois qu'il craquait, c'était d'une manière totalement disproportionnée. Outre le fait qu'il avait voulu de nouveau s'enfuir, le gamin avait littéralement explosé de colère tel un enfant de deux ans.
Severus avait bien cru ne jamais réussir à le calmer. Il avait dû jouer de son meilleur regard noir pour éloigner les curieux et lancer quelques sorts afin que personne n'entendent les paroles de Potter. L'enfant s'était débattu si fort que Severus fut presque heureux du poids plume du gamin.
Il se rappela alors la raison pour laquelle il avait cherché Potter une bonne partie de l'après-midi avant de le retrouver à jouer à la dînette avec ses copains et que tout n'explose.
- Vous allez manger ici, déclara-t-il. Buvez cette potion.
Sans un mot, il fit apparaître d'un geste sec quelques mets des cuisines devant Potter. De quoi nourrir un régiment. Potter avait toujours le philtre dans la main et observa le maître des potions perplexe.
- Vous devez manger et je vais m'assurer de cela.
- Mais je n'ai pas faim.
Severus retint un soupir d'exaspération. Evidemment, il n'avait pas faim. Mais il devait manger. Ne souhaitant pas entrer dans un énième caprice, Severus prit un ton autoritaire afin que le gamin comprenne le message.
- Commencez par la soupe, déclara-t-il en s'installant à son bureau.
Une soupe de légumes n'allait pas lui faire de mal, bien au contraire. Le Gryffondor hésitait clairement mais finit par se servir deux petites louches. Severus ne put que saluer l'effort de Potter. Il était indéniable qu'il faisait de son mieux pour manger et terminer sa soupe. Son esprit était ailleurs, il se mettait à rêver mais revenait sur son plat avec courage.
Et aussi bien qu'il n'avait pu nier plus longtemps que Potter n'était pas aussi pourri gâté qu'il l'avait pensé, aussi bien qu'il n'avait pu nier plus longtemps que Potter était qu'un enfant, aussi bien qu'il n'avait pu nier plus longtemps que Potter était aussi le fils de Lily, il ne pouvait plus nier désormais que Potter était un enfant en souffrance et que - Merlin cache cette faiblesse - il en était touché.
- Ta mère adorait cette soupe, lâcha-t-il de but en blanc. Citrouille, potimarron et crème de champignons.
Potter relâcha sa cuillère avec brusquerie. Ses grands yeux écarquillés, il était figé sur sa chaise comme s'il n'était pas sûr d'avoir correctement entendu les choses.
- Ferme la bouche, dit le maître des potions légèrement embarrassé que le gamin l'observe avec tant d'émotions dans le regard. Prends ce que tu veux dans ton assiette, non pas de la tarte à la mélasse ! Le dessert c'est après.
Harry grogna imperceptiblement, toujours aussi mutique et se servit des petits pois et de la purée sans conviction. Severus Rogue continua de corriger la copie de Puffett qui frôlait l'excellence. Lorsqu'il n'entendit plus les raclements de la fourchette sur l'assiette - ce qu'il était bruyant ! - Severus leva les yeux. Potter attendait visiblement l'autorisation pour dévorer sa tarte à la mélasse. Severus lui fit un simple geste de la main, indiquant qu'il pouvait bien évidemment continuer de manger.
Quelle était donc cette manière d'attendre l'autorisation pour manger ? L'homme se gifla mentalement. Par le passé, il devait attendre l'autorisation lorsqu'il était en présence d'adulte. Et leur relation n'était pas au point où Potter pouvait se sentir libre de tout mouvement en sa présence.
Les choses changeraient.
Severus se leva et s'approcha de la table de Potter puis s'installa à ses côtés, à bonne distance. Le gamin avait l'air d'un petit renard qu'il fallait apprivoiser. Il semblait à deux doigts de lâcher sa tarte et partir en courant.
- Tu viendras deux fois par semaine prendre ce philtre, dit-il d'une voix plus sèche qu'il ne l'aurait voulu.
Décidément, il ne savait vraiment pas y faire avec les enfants.
- Hum, j'aimerais aussi que tu manges ici les soirs où tu viens, dit-il d'une voix plus douce qu'il trouva affreuse.
- D'accord, répondit le gamin en reposant sa part.
- Avec cette potion, tu dois absolument manger. C'est une condition sinequanone. Est-ce clair ?
- Oui monsieur.
Il y avait été un peu brutalement mais le maître des potions ne savait pas faire autrement. Et puis après tout, c'était pour sa santé et si le Survivant trouvait à redire, il pouvait toujours aller pleurer chez Pomfresh !
- Mais… Monsieur ?
Severus posa ses yeux sur Potter, interloqué que le gamin ne se rebiffe pas en prétextant qu'il voulait manger avec ses copains. Un comble quand on voyait la crise qu'il avait faite quelques heures plus tôt… Désormais Potter ressemblait à un petit chaton fragile qu'il fallait absolument protéger.
Severus l'encouragea d'un regard.
- Hum… Je… En fait c'est juste que parfois mon estomac se noue et je ne peux pas manger. Je vous jure que je ne fais pas exprès.
- Visiblement ton estomac était souvent noué ces derniers temps.
- Oui, avoua le gamin dépité.
- Est-ce que tu as remarqué quelque chose dans ces moments-là ?
- Bah c'est quand je pense à tout ce qui arrive, répondit Potter en jouant avec un bout de pain après avoir réfléchi plusieurs secondes. Au début c'était parce que je repensais à Quirrell et puis ensuite lorsque je me suis échappé dans la forêt, je ne savais pas vraiment si j'allais retourner chez les Dursley. Et puis maintenant il y a les attaques et pour ne rien arranger je parle le Fourchelangue alors…
- Alors rien du tout, coupa Severus. Tu n'as pas à en avoir honte. On en a déjà parlé.
- Mais les gens pensent que je suis l'héritier de Serpentard !
- Es-tu sûr que c'est l'avis des gens qui te préoccupent autant ?
Potter se renfrogna, croisant les bras sur son torse mais Severus attendit patiemment sans bouger.
- Non, lâcha-t-il après une longue minute. J'ai peur d'être l'héritier de Serpentard.
- Tu ne l'es pas, assura Severus.
Quelles drôles d'idées avait ce gamin ! Mais Potter se mit à gigoter sur sa chaise, lançant des regards au professeur comme s'il doutait de ce qu'il allait dire.
- Pourtant… Enfin… Le choixpeau a voulu m'envoyer à Serpentard ! ajouta-t-il dans un souffle.
- Cela ne fait toujours pas de toi un héritier de Serpentard, répondit Severus d'une voix calme alors que son cœur s'était accéléré d'un coup.
Comment cela ? Potter avait failli se retrouver à Serpentard ? Mais comment était-ce possible ? C'était le portrait craché du Gryffondor parfait !
Qu'auraient donc été leurs rapports s'il avait été envoyé à Serpentard plutôt qu'à Gryffondor ? Severus balaya cette question dans un coin de sa tête.
- Harry écoute moi, ajouta Severus qui sentait la migraine pointer le bout de son nez. Il n'y a aucune raison que tu t'inquiètes à ce sujet d'accord ? L'important c'est ta santé et tes résultats scolaires. Tu as douze ans. Tu n'es pas l'héritier de Serpentard, je te l'affirme. Je ne veux plus que tu t'occupes de trouver un potentiel héritier, est-ce clair ? Ni toi, ni tes amis.
Harry pinça les lèvres, en proie à une réflexion intense.
- Bon d'accord.
- Il commence à se faire tard, je te raccompagne à ta salle commune.
Ils marchèrent silencieusement, chacun perdu dans ses pensées. Les couloirs étaient vides pour la plupart et ils ne croisèrent que quelques élèves de Serpentard et de Poufsouffle sur leur chemin.
Tandis qu'ils montaient les marches du troisième étage, Potter s'arrêta brusquement. Le regard dans le vide, il demeurait silencieux. Ses yeux brillaient d'inquiétude et sa respiration était courte.
Soupçonnant une crise d'angoisse, Severus saisit le bras du garçon fermement afin qu'il s'ancre dans la réalité.
- De… quoi ? demanda Potter rouge vif.
- Que se passe-t-il ?
- Euh… Rien.
A bien y regarder, Severus n'était plus certain qu'une crise d'angoisse soit la raison du comportement de Potter. Le gamin masquait mal son agitation et son trouble soudain. Le maître des potions plissa les yeux dans une suspicion non feinte. Que lui cachait-il ? Il le regardait désormais trop dans les yeux pour ne pas avoir quelque chose à cacher. Mais le brusquer n'allait mener à rien.
- Alors allons-y.
Severus continua d'observer Potter du coin de l'œil. Le gamin cherchait autour de lui, le corps en alerte.
Le duo tourna à droite et Severus sentit l'odeur de la mort avant même de voir le drame. D'un geste sec, il attira Potter contre lui et il sortit sa baguette.
Devant eux, le fantôme de Gryffondor flottait dans le vide comme figé. Mais ce fut le petit corps à terre qui interpella le maître des potions.
- C'est Justin, souffla Potter.
Jetant un hominum revelio couplé à des sortilèges de défenses, Severus s'assura qu'il n'y avait plus aucune trace de danger. Le petit malin qui s'amusait à pétrifier des élèves devait déjà être loin. Potter s'était avancé à grandes enjambées vers le Poufsouffle.
- Il a été pétrifié je crois, dit-il d'une voix inquiète.
Malheureusement, aucun tableau dans le coin ne pouvait faire office de témoin… Le ou les assaillants savaient comment opérer. Il fallait prévenir le professeur Dumbledore immédiatement.
Hagrid allait finir par avoir raison. Il l'avait encore dit lors de la dernière attaque. Un jour il y aurait un mort.
- Reviens ici, ordonna Severus à Harry qui tenait la main du Poufsouffle. Il n'est pas mort, il reviendra à lui tu m'entends ? Alors reviens.
Au même moment, le concierge se pointa. Ce n'était pas la meilleure personne à croiser mais la chance ne semblait pas être au beau fixe.
- VOUS ! PRIS SUR LE FAIT ! explosa Rusard en voyant Potter qui recula de trois bons pas en secouant la tête pour nier.
- Non Mr Rusard, siffla Severus. Mr Potter était avec moi, je le raccompagnais lorsque nous sommes tombés sur le drame.
- Pro…Professeur Rogue ? sursauta le concierge qui s'aperçut seulement à cet instant de la présence du maître des potions.
- Si vous le voulez bien, merci d'aller chercher le directeur et la sous-directrice.
Le concierge parût hésiter avant de faire demi-tour. Nul doute qu'il aurait aimé renvoyer Potter sur le champ.
Le cerveau de Severus tournait à cent à l'heure.
Il avait toujours cru à une vaste blague. L'ouverture de la Chambre des Secrets et les attaques. Peut-être l'œuvre d'un mage noir à venir qui voulait faire peur.
De toute évidence, Potter n'était jamais apparu sur la liste des suspects à ses yeux. Pétrifier demandait une grande maîtrise de sa magie. Et Potter était à des années lumières d'avoir une maîtrise de sa magie… Bien au contraire.
Il n'y avait que trois possibilités : il s'agissait soit d'un élève de sixième ou septième année - à la rigueur un groupe d'étudiants souhaitant se faire connaître par des actes de magie noire et idées politiques douteuses- soit d'un professeur Quirrell bis ou une possession venue de l'extérieure.
Cette troisième hypothèse lui était apparue lorsqu'il avait vu Harry parler le Fourchelangue mais cette idée avait vite été mise de côté. Du moins pour Potter. Car un autre élève ou professeur aurait pu être possédé et ainsi mener ces attaques.
- Par Merlin ! s'exclama la voix de Minerva derrière lui, talonnée par Dumbledore.
Severus expliqua à nouveau le déroulé des faits et insista sur la présence de Potter à ses côtés. Les rumeurs pourraient potentiellement se calmer à son sujet. Le gamin y était plus sensible qu'il n'y laissait paraître.
- Qu'allons-nous faire Dumbledore ? Certains parents ne voudront plus envoyer leurs enfants à Poudlard après les vacances de Noël si nous n'arrêtons pas la personne qui agit ainsi !
- Nous allons faire ce qui est le mieux. Je vous attends dans un quart d'heure avec l'ensemble du corps professoral pour un conseil de défense.
Severus retint un soupir. Il n'était pas couché avant deux heures du matin. Le Ministre allait sûrement pointer son nez.
- Minerva, voulez-vous bien ramener Mr Potter dans son dortoir ? demanda Dumbledore.
- C'est le professeur Rogue qui me ramenait, intervint Harry comme si cela avait de l'importance.
Dumbledore l'observa à travers ses lunettes en demi-lune, le regard pétillant. Et bien que la situation fut extrêmement grave, un sourire amusé se dessina au travers de sa barbe blanche.
- Très bien dans ce cas, je suppose que le professeur Rogue doit maintenir sa mission. Est-ce bon pour vous ?
Severus n'apprécia que très moyennement le regard victorieux de son mentor et inclina la tête. Il contourna les deux nouvelles victimes et s'échappa d'un mouvement de cape, suivi par le Gryffondor.
.
- Est-ce que vous allez l'arrêter ? Vous allez y arriver hein ?
Potter était un moulin à paroles et une fois en bas des escaliers de la tour de Gryffondor, Severus ne put réprimer un soupir agacé.
- On va y arriver et tout ce qu'on te demande c'est de respecter le règlement, est-ce clair ? Tu te rappelles de ce qu'on s'est dit tout à l'heure ?
Tout criait en Potter qu'il n'avait aucune confiance en la compétence des professeurs pour comprendre la gravité de la situation et Severus se retint de justesse de lui passer une soufflante pour être aussi arrogant. Harry était juste inquiet.
- On y arrivera, répéta-t-il. Alors tu ne t'en mêleras plus ? Concentre toi sur tes devoirs et tes notes. J'ai entendu dire que c'était plutôt moyen ces derniers temps.
Le Gryffondor haussa les épaules d'un air nonchalant mais son regard brillait d'une émotion nouvelle. De la surprise mais surtout, et c'était bien nouveau, de la reconnaissance.
- Promets que tu ne te mêleras plus de ça, insista le maître des potions.
- D'accord… Je promets, répondit le gamin en détournant le regard.
- Très bien, au lit maintenant !
Il ne quitta pas du regard le Gryffondor qui grimpait les marches de sa tour quatre à quatre et c'est seulement lorsqu'il entendit le tableau pivoter qu'il se dirigea d'un pas conquérant vers le bureau du directeur.
La nuit allait être longue.
NDA : La nuit va être longue pour notre Severus international ! On se retrouve le 19 novembre prochain pour le chapitre 18.
Pour les lecteurs qui aimeraient me laisser un commentaire sans trop savoir quoi dire voici quelques idées (ça faisait longtemps) :
- Qu'avez-vous pensé d'Hestia Jones ? Avait-elle raison de divertir Harry afin de trouver des informations sur lui ?
- Selon vous, Harry va-t-il tenir sa promesse de ne plus se mêler des attaques ?
- Selon vous, la présence Severus Rogue aux côtés du Survivant aux yeux de tous sera-t-il salutaire pour Harry ou pas ?
- Qu'est-ce que vous avez le plus aimé dans ce chapitre ?
- Il y a-t-il des scènes ou des personnages que vous aimeriez voir plus souvent ?
A bientôt ! Et merci à tous les reviewers qui font vivre cette histoire !
