Note de l'Autrice : Ce chapitre a été corrigé par Livia Tournois.

Bonne lecture, on se dit au 31 décembre pour le dernier chapitre de l'année 2022 !

Et comme toujours, n'hésitez pas à commenter (la légende qui dit que je mords est fausse).


Chapitre 20

Les nerfs à vif, Severus avançait à pas de loups, l'oreille tendue.

Pas un bruit.

Le goutte à goutte d'un tuyau rythmait l'avancée du maître des potions dans le tunnel qui ne cessait de tourner. Une fois au bout, Severus tomba sur un mur ouvert l'invitant à entrer.

Pénétrant avec prudence, il resserra ses doigts autour de sa baguette, le cœur battant. La salle était longue et faiblement éclairée. Des piliers de pierre soutenaient le plafond dont on ne distinguait rien d'autre que des ombres noires dans une atmosphère étrange et verdâtre. Les serpents enroulés autour des colonnes donnaient l'impression qu'ils observaient Severus. Ce n'était pourtant pas le moment de déclencher une crise paranoïaque, il fallait avancer. Et vite.

Finalement, des voix brisèrent le silence angoissant.

Celle de Harry et une autre, plus âgée.

Pouvait-ce être un de ses élèves ? Lui qui les avait si bien observé durant l'année serait-il passé à côté de quelque chose ? Après tout, il avait échoué avec Harry.

Son début de crise existentielle mourut dans l'œuf lorsqu'il distingua la grande statue de Salazar Serpentard. Au pied de celle-ci reposait le corps de Ginny Weasley où son frère demeurait à genoux, caressant le front de la petite endormie. Mais Severus n'avait d'yeux que pour Harry qui se tenait droit comme un i, le corps tendu et les sourcils froncés. En face de lui, un jeune homme de grande taille, les cheveux noirs, discutait avec lui.

Il s'approcha un peu plus et s'aperçut que l'intru était étrangement flou. C'était comme le regarder à travers une fenêtre givrée. Il ne fallut pas longtemps au maître des potions pour sentir la noirceur qui émanait de l'homme. Il s'en dégageait une magie noire si puissante qu'il resserra sa prise sur sa baguette déjà levée.

- Qui êtes-vous ? grinça-t-il. Potter, reculez.

Sans surprise, le Gryffondor ne bougea pas d'un pouce. Cela n'empêcha nullement Severus de faire face au jeune homme. Il ne l'avait jamais vu. Le garçon devait avoir seize ou dix-sept ans et dégageait une telle assurance que sa beauté s'en trouvait froide, presque écœurante.

Son regard était impénétrable et son sourire glacial.

Les sens déjà en alerte, Severus comprit que les choses allaient empirer lorsqu'il constata que l'adolescent mi-fantôme, mi-humain détenait la baguette de Potter dans sa main.

- Qui êtes-vous ? demanda-t-il à nouveau.

- C'est incroyable n'est-ce pas ? s'amusa le garçon qui ne semblait nullement effrayé par le regard noir du maître des potions. Je m'apprêtais à expliquer au célèbre Harry Potter pourquoi cette petite sotte de Ginny Weasley est tombée dans mes filets. Ce n'était pas bien compliqué. Il a suffit que Ginny s'ouvre à moi. J'ai supporté avec patience ses stupides histoires. A quel point ses frères l'embêtaient, à quel point elle avait hâte d'être à Poudlard et surtout - il tourna la tête de façon animale vers Harry- à quel point elle espérait un jour que le beau, le bon, le courageux et le célèbre Harry Potter allait un jour l'aimer !

Le jeune homme éclata d'un rire froid.

Severus sentit son sang se glacer.

Réflexe ancien, réflexe d'espion, il renforça immédiatement ses barrières mentales.

Ce ne pouvait pas…

- Je dois reconnaître que j'ai toujours eu le don de séduire les gens dont j'avais besoin alors la fillette m'a ouvert son âme à travers ce journal. Et c'est tout ce qu'il me fallait.

- Harry… recule…

- Comme c'est touchant ! cracha le jeune homme d'un air dégoûté. Alors comme ça tu as changé de camp ?

Le souffle coupé, le maître des potions tenta de ne pas laisser la peur panique se répandre dans ses veines. Quelque chose clochait. Comment était-ce possible ? En un rien de temps, ne cherchant plus à comprendre le pourquoi du comment, Severus compartimenta son esprit. Les questions et explications viendraient plus tard. Dissociant son esprit de son corps, Severus redressa son dos, leva le menton, définitivement prêt à passer à l'attaque. Cela faisait dix ans qu'il n'était plus dans les rangs des combattants mais les rouages dans son esprit se réenclenchaient comme s'ils avaient toujours été prêts.

- Oh oui… Tu as compris… Severus.

- Qu'est-ce qu'il raconte ? beugla Weasley qui tentait de prendre sa sœur dans ses bras pour fuir Merlin ne savait où.

- Harry, recule, répéta Severus. Fais ce que je te demande.

Le jeune homme observait la scène avec un certain amusement tel un chat jouant pendant de longues minutes avec une souris avant de la dévorer. Ils étaient pris au piège.

La douleur dans son bras gauche était-elle réelle ou dans sa tête ?

Par quel moyen le Seigneur des Ténèbres s'était retrouvé en version adolescent lui échappait totalement. Mais c'était une magie sombre et la moindre faiblesse serait exploitée.

- Oh je vois que tu as compris mon cher serviteur… Mais l'es-tu encore ? Oh non ne réponds pas, nous aurons tout le loisir de le savoir une fois que j'aurais aspiré l'âme de la gosse. Me ferais-tu l'honneur d'expliquer à ce gamin sans cervelle ? Dire que c'est lui qui a vaincu le plus grand mage noir de tous les temps…

Severus posa une main sur l'épaule de Potter qui s'apprêtait à répliquer, toujours aussi effronté.

- Il a ensorcelé Ginny Weasley pour qu'elle ouvre la Chambre des Secrets et qu'elle fomente les attaques. Elle n'avait pas conscience de ce qu'elle faisait, ajouta-le maître des potions lorsqu'il vit le gamin ouvrir la bouche.

- C'était très amusant ! jugea utile de préciser cet espèce de souvenirs mi-humain, mi fantôme. Il fallait voir lorsqu'elle a commencé à paniquer. Cher Tom, récita-t-il en balayant l'assemblée du regard mais en s'arrêtant sur chacun d'eux, je crois que je suis en train de perdre la mémoire. Je ne comprends pas ce qu'il m'arrive. Je me réveille à des endroits sans me souvenir d'y être allée. Il y a des plumes de coq sur ma robe, je ne sais pas d'où ça vient. Cher Tom, je ne me souviens plus de ce que j'ai fait à Halloween mais un chat s'est fait attaqué et j'ai de la peinture sur moi. Cher Tom, Percy n'arrête pas de me tourner autour, je crois qu'il me soupçonne… Il y a eu une autre agression et je ne me rappelle de rien encore une fois. Tom qu'est-ce que je dois faire ? Dois-je en parler à mes parents ? J'ai peur de devenir folle et de finir à Ste Mangouste…

Severus pouvait sentir la colère de Harry monter de plus en plus. Quelle était cette histoire de journal ? Visiblement un artefact de magie noire tombée entre des mains naïves.

- Elle a enfin compris qu'il valait mieux se méfier de ce journal et elle chercha à s'en débarrasser. Et là sur qui je tombe ? Sur celui que je rêvais le plus de rencontrer ! Le célèbre Harry Potter…

- Et pourquoi souhaitez-vous me rencontrer ?

Une ombre passa sur le visage du jeune homme. Severus, la bouche-sèche, maudit la témérité du gamin une fois de plus. C'était d'ailleurs un miracle qu'ils ne soient pas déjà tous morts. Réfléchissant à un plan de sortie, Severus observa autour de lui et mémorisa chaque colonne, chaque mur et chaque pierre pouvant les aider à s'échapper.

- Mais tu devrais lui dire, Severus…

Malgré la jeunesse et la beauté du garçon, Severus aurait pu reconnaître entre mille ce regard. Un frisson désagréable le parcourut mais il ne baissa pas les yeux. Ce n'était qu'un espèce de souvenir, rien de plus.

- Il s'agit du Seigneur des Ténèbres.

- Non…, murmura Harry le visage horrifié tandis que Ron Weasley s'était levé, brandissant sa baguette.

Le Lord Noir explosa d'un rire froid.

- J'ai tué cette idiote de Serdaigle lors de mon passage à Poudlard mais cette fois-ci mon plan sera achevé.

- Vous n'allez rien achever du tout ! s'emporta Harry.

- Potter, silence ! siffla Severus en brandissant à son tour sa baguette et en faisant barrage au gamin qui tremblait de fureur.

Ils auraient une petite discussion sur sa témérité idiote s'ils s'en sortaient.

- On réussira à ramener à la vie tous ceux qui ont été pétrifiés ! Tout le monde saura que Hagrid est innocent et Dumbledore reviendra à la tête de l'école, poursuivit Harry.

- Dumbledore a été chassé de ce château par mon simple souvenir !

- Il n'est pas aussi loin que vous le pensez.

A quoi jouait-il ? Severus s'apprêtait à prendre la décision d'envoyer un patronus à Dumbledore - le seul qui pourrait les sortir de là - lorsqu'une musique retentit. C'était une mélodie étrange, effrayante, qui provoquait des frissons le long de l'échine.

Severus eut l'impression que son cœur avait doublé de volume, la musique vibrant en lui. Des flammes surgirent au sommet du pilier le plus proche et un oiseau écarlate apparut. Les plumes de sa queue, aussi longues que celles d'un paon, brillaient d'une lueur dorée. L'oiseau observa Harry puis Severus. Ses yeux étincelaient et il semblait réfléchir. Puis, il s'envola et se posa sur l'épaule de Severus en jetant aux pieds de Harry un chiffon rapiécé. Le Gryffondor s'en empara telle une bouée de sauvetage.

- Fumseck, murmura le maître des potions.

- Alors voilà ce qu'envoie Dumbledore, un vieux chapeau et un oiseau… Mais dis-moi Severus, Dumbledore sait-il que tu es de mon côté ? Lui soit-disant si brillant… Sera-t-il là lorsque tu m'aideras à mettre fin au grand Harry Potter ?

- Vous ne ferez rien du tout, claqua-t-il, se redressant de toute sa taille.

Il sentit les serres de l'oiseau lui presser l'épaule.

Le visage du Seigneur des Ténèbres se crispa dans une fureur noire.

- Très bien.

Dans un sifflement rauque, le Seigneur des Ténèbres enchaîna un flot de paroles incompréhensibles mais Severus n'eut pas besoin de comprendre le langage pour savoir ce qui allait se produire.

Harry Potter avait laissé échapper un soupir de crainte et il regardait désormais autour de lui. Le visage géant de Serpentard s'était mis à bouger.

- Harry, rejoint Weasley, dit-il avec précipitation.

Pour la première fois, il regardait l'enfant droit dans les yeux, lâchant le Lord Noir. Le gamin paraissait tout autant effrayé que Weasley qui s'était approché dans une position de défense maladroite, sa baguette cassée brandit devant son visage.

- Ma baguette…

- Ça va aller, je m'en occupe, dit-il alors que la statue continuait de bouger. Il faut que vous fassiez un bouclier pour vous protéger. Harry, tu sais parfaitement bien le faire.

Severus sentit Fumseck lui caresser la joue avec sa tête puis s'envoler.

- Mais je n'ai pas ma baguette et celle de Ron est cassée ! dit-il avec désespoir, la panique se lisant clairement dans son regard.

- Allez derrière un pilier avec Miss Weasley ! dit Severus avec précipitation tandis que la bouche de la statue se résumait désormais un énorme trou noir.

Quelque chose remuait à l'intérieur et en un rien de temps le maître des potions envoya les enfants valser derrière un pilier et lança un protego qui forma une bulle autour d'eux.

- Tu vas découvrir ce que c'est que de me tourner le dos sale traître. A la fin, tu perdras tout et je reviendrai plus fort et plus puissant !

oOo

Harry avait à peine compris qu'il avait glissé jusque derrière un pilier en compagnie de Ron et Ginny, toujours endormie. Il toucha sa main, de plus en plus froide.

- Elle respire encore, dit simplement Ron la respiration erratique. Qu'est-ce que tu crois qu'il va faire Rogue ?

Harry secoua la tête, signe qu'il n'en savait rien. Il tenta d'avancer mais la bulle de protection l'en empêcha. Il tendit le cou et réprima un cri d'horreur.

Monstrueux, le Basilic mesurait bien six mètres. Ses écailles vertes scintillaient sous la lumière sombre et brumeuse. Harry s'apprêtait à dire à Ron de fermer les yeux lorsque le phénix quitta les épaules de Rogue, se dirigeant droit sur le serpent.

Le monstre ondulait dangereusement vers le professeur de potions. L'homme avait les yeux fermés et semblait marmonner une incantation.

- Harry regarde ! lança Ron en pointant du doigt le mur à leur droite sur lequel se reflétait l'ombre du Basilic.

L'oiseau attaquait le serpent géant avec son bec. En piqué, l'oiseau planta son bec dans l'œil de la bête qui poussa un rugissement de rage. Elle essaya d'attraper l'oiseau avec sa mâchoire mais plus habile, le phénix déploya ses ailes et planta à nouveau son bec dans l'autre œil. Le serpent se débattit dans les airs tandis que le phénix continuait de voler au-dessus de la bête, l'attaquant encore et encore avec ses coups de bec. Les trous à la place des yeux laissaient échapper des flots de sang noir.

- Professeur, vous pouvez ouvrir les yeux ! hurla Harry lorsque le Basilic cessa de hurler.

De justesse, le professeur s'exécuta et se baissa afin d'éviter la queue du serpent. Puis il agita sa baguette dans un mouvement ample et habile. Un immense oiseau de feu s'échappa de la baguette de Rogue. On aurait dit un aigle géant en flamme. Le professeur agitait son bras gauche comme pour diriger l'animal de feu qui s'était échappé de sa baguette. L'aigle géant s'envola haut puis battit des ailes lorsque Rogue fendit l'air avec sa baguette d'un geste sec et maîtrisé.

La bulle de protection autour de Ron, Harry et Ginny était toujours intacte, vacillant à peine.

Des gouttes de feu s'échappèrent des ailes de la création de Rogue tandis que le phénix poursuivait son chant lugubre, perché sur un pilier.

Lorsque le feu toucha le serpent, celui-ci ouvrit sa gueule immense pour tenter de croquer à l'aveugle.

- Tue le garçon, à ta droite, sens-le, sens son odeur !

Harry serra le choixpeau contre lui et sans réfléchir, il le mit sur sa tête.

- Aidez-nous, aidez-nous, supplia-t-il de toutes ses forces tandis que le Basilic échappait aux flammes de l'oiseau de feu et qu'il plongeait droit sur lui.

Le chapeau se contracta autour de sa tête.

Un objet tomba alors sur sa tête, manquant de l'assommer. Groggy, Harry retira le chapeau et se saisit de l'objet long et dur qui glissait sous ses doigts.

Une épée d'argent était apparue. Sans s'appesantir sur les détails, il se leva d'un bond, prêt à se défendre.

Ce simple mouvement aida le Basilic à repérer Harry. Il tourna son énorme tête brutalement et Harry vit les orbites de ses yeux morts et sanglants. Les écailles du serpent brûlaient à chaque goutte de feu qu'envoyait l'aigle géant. La chair de l'animal était à vif et fumait.

Le professeur semblait avoir trouvé une solution pour l'éliminer mais le temps pressait. Serrant l'épée des deux mains, Harry sortit de la bulle de protection sous les protestations du professeur de potions.

Sourd à celles-ci, Harry avança de plusieurs pas tandis que le serpent frappait à l'aveuglette. L'oiseau de feu tournoya dans les airs puis piqua droit vers le Basilic. Le reptile plongea sur un pilier, détruisant une partie avec sa lourde tête. Sa langue fourchue claqua dans les airs avant d'attraper Harry par la taille, l'élevant de plusieurs mètres au-dessus du sol.

Il pouvait sentir la chaleur de l'oiseau de feu au-dessus qui arrivait droit sur eux. Sans réfléchir, Harry leva l'épée et la planta dans le palais de l'animal. Au même moment, l'aigle de feu entoura la gueule du Basilic avec ses ailes.

Une douleur fulgurante lui traversa le bras et il poussa un cri de douleur. Sa robe avait pris feu et il se sentit attiré vers le sol, retombant doucement, comme si on l'avait aidé.

Le serpent se consumait, agité de convulsion, s'immolant avec l'aigle de feu.

Harry se retrouva bien vite aspergé d'eau mais il avait l'impression que rien n'aurait pu calmer la chaleur brûlante qui émanait en bas de son dos.

Tentant de se relever, Harry remarqua enfin que la douleur dans son bras venait d'un des crochets du Basilic qui s'était enfoncé profondément dans sa chaire. Des mains autour de sa taille l'entouraient comme pour l'empêcher de trop bouger.

C'était presque rassurant.

Du sang chaud ruisselait sur sa robe mais la chaleur l'étouffait bien plus encore. Il empoigna le crochet et l'arracha dans un gémissement de douleur. Il savait déjà que c'était trop tard.

Il sentit son corps tomber à la renverse mais une main attrapa sa tête avant qu'elle ne frappe le sol. Tournant doucement le visage, il vit Ron, livide. Le phénix était à ses côtés, poussant quelque chose avec son bec.

Il reconnut l'éclair de lucidité dans les yeux de son meilleur ami.

- Échec et mat, murmura Harry dont le corps tremblait à cause de la fièvre.

Puis Ron s'approcha en courant, saisissant le crochet du Basilic. Il avait le journal dans sa main. Il entendit des cris et puis soudain une explosion. Ron avait planté le crochet du Basilic dans le journal. Tom Jedusor n'était plus.

- Brillant, ajouta-t-il avant que le noir l'emporte.

oOo

- Harry ! Harry ouvre les yeux !

Les mains tremblantes et poisseuses, Severus continua de marmonner des sorts de guérison. Sa respiration se faisait de plus en plus faible et si la petite Ginny Weasley avait ouvert les yeux, il ne se préoccupa de rien d'autre que d'essayer de réveiller Harry.

Pourquoi avait-il fallu que sa témérité prenne le dessus ?

Severus gérait parfaitement la situation mais lorsqu'il avait lancé son Feudeymon droit sur le Basilic, il n'avait pas eu le temps de le faire disparaître avant qu'Harry soit touché par les flammes de magie noire.

Pire, le gamin s'était retrouvé avec un crochet dans le bras.

Severus essayait de se dire que le venin n'était peut-être pas à l'intérieur du corps de l'enfant mais sa fièvre ne laissait aucun doute… Et à quel point avait-il été touché par le Feudeymon, le maître des potions l'ignorait encore.

Paniquant franchement, il perdait peu à peu ses moyens, hurlant presque la formule pour faire cesser les flots de sang. Harry ne pouvait pas mourir… C'était impossible.

Severus ne pouvait pas l'accepter. Le visage tordu par l'angoisse, il tenta un nouveau sortilège mais la plaie demeurait béante.

Poussant un cri de rage, il ne remarqua pas immédiatement le phénix s'approcher du corps de l'enfant et pencher sa tête auprès du bras ensanglanté.

C'est à peine si Severus entendait les sanglots de la cadette Weasley et les phrases de consolation que le frère essayait de lui prodiguer.

Le cœur battant, il observa Fumseck chanter et lâcher ses larmes libératrices sur le bras de l'enfant qui cicatrisa.

Mais Harry restait inconscient et l'angoisse parasitait l'esprit de Severus.

- Professeur, murmura un voix derrière lui.

Ginny Weasley, le visage couvert de larmes se tenait dans les bras de son frère. Les deux enfants avaient l'air perdu, effrayés et épuisés.

Il fallait sortir d'ici. Il était le seul responsable.

Severus se remobilisa. Il envoya la peur, la panique, la tristesse et la colère très loin dans son esprit.

- Harry ne se réveille pas monsieur, déclara inutilement la fillette.

Severus observa le phénix qui avait déjà déployé ses ailes. L'oiseau le regarda avec gravité. Harry avait besoin d'aide médicale de toute urgence.

En un instant, Harry était dans les bras de Severus. Les serres de l'oiseau agrippant le haut de sa robe, Severus jeta un regard aux enfants pour qu'ils s'accrochent à lui.

Ils n'hésitèrent pas longtemps, l'inquiétude se lisant sur leur visage.

Et enfin, ils s'envolèrent, quittant cet endroit maudit.

oOo

Noir. Il n'y avait rien d'autre que du noir. Du noir et de la chaleur.

Harry plissa les yeux, cherchant autour de lui ne serait-ce qu'un puits de lumière.

Rien.

C'était comme le placard sous l'escalier lors des nuits d'hiver à l'exception qu'il faisait chaud. Très chaud.

Tournant sur lui-même, le souffle court, Harry avança à l'aveugle, les mains devant lui. Comment était-il arrivé là ?

Il chercha dans son esprit encore et encore mais seule la chaleur lui répondait. Continuant d'avancer, Harry trébucha et s'étala sur le sol. Il se rendit alors compte que le sol était recouvert d'une couche d'eau d'une dizaine de centimètres.

Toujours aveugle, Harry tenta de se relever lorsque sa main se posa sur quelque chose de gluant qui couina et bougea doucement.

Effrayé, il se redressa dans un cri et chercha à nouveau autour de lui. L'espèce de bête sur laquelle il était tombé se remit à gémir.

Tentant de prendre le plus d'espace possible entre lui et cette chose, il recula avec précipitation, la peur au ventre et le cœur tambourinant dans ses tempes.

La sueur coulait sur son front et il s'essuya avec le revers de sa manche.

Les gémissements de la créature s'élevèrent de plus en plus dans une plainte stridente et désagréable. C'était comme griffer un tableau noir avec ses ongles.

- STOP ! hurla Harry qui plaqua ses mains sur ses oreilles.

Sa voix résonna comme un écho. La bête gluante sur le sol se tût. Puis, un bruissement d'ailes se fit entendre.

Harry chercha la source du bruit quand soudain une créature de feu volante apparut devant lui.

Il l'avait déjà vu quelque part… Et s'il ne savait plus exactement où, Harry était certain qu'elle était dangereuse. Cette chaleur brûlante, c'était elle qui la provoquait.

La bête à la tête d'aigle poussa un cri et maintenant qu'il y voyait mieux, Harry se mit à courir le plus vite possible, s'enfonçant dans les ténèbres.

Il passa à nouveau à côté de cette forme gluante et Harry eut un haut-le-corps. On aurait dit un bébé décharné mais le visage était tout rabougris et vieillissant. Il n'eut ni le temps, ni l'envie de s'appesantir dessus, préférant poursuivre sa fuite.

L'aigle de feu passa à sa droite puis à sa gauche. Il était nul part et partout à la fois, souhaitant entourer Harry de ses ailes suintant la mort et la magie noire.

Le cœur au bord des lèvres, Harry continua sa course dans cette infinité noire. Il se savait perdu mais il ne voulait pas être dévoré par les flammes. Ces dernières semblaient parfois le toucher. Il avait chaud et une sensation désagréable de brûlure lui irradiait le bas de son dos. Il serra les dents, cherchant à ne pas hurler pour ne pas attirer d'autres monstres. Paniqué, il poursuivit sa course tandis que la bête s'approchait de plus en plus de lui.

Au bout d'un moment, il n'en puis plus et laissa échapper un hurlement de douleur. Il avait la sensation d'être en feu même si rien ne le laissait deviner. La douleur émanait de partout mais le pire étant le bas de son dos comme si sa peau était à vif contre un fer chaud.

- Au secours ! cria-t-il en s'effondrant sur le sol. S'il-vous-plait, aidez-moi, marmonna-t-il dans un sanglot de désespoir.

Il devait être en enfer. Il était mort et il était en enfer. La chaleur, l'angoisse, les monstres… Tout s'expliquait.

Lui qui pensait qu'il retrouverait ses parents le jour où il ne serait plus là.

Mais il avait été un mauvais garçon. Un monstre. Il désobéissait tout le temps et il n'avait pas réussi à voir que Ginny n'allait pas bien.

Ginny… Ron… Le professeur Rogue…

Les souvenirs remontaient à la surface avec une douce violence.

Ils les avaient mis en danger, c'était de sa faute. Désormais, il allait pourrir en enfer.

L'oiseau de feu fondit à nouveau droit vers lui et Harry se recroquevilla en position fœtale sur le sol mouillé, protégeant son visage avec les mains. Plus rien n'importait.

Le bruissement des ailes, les cris de la créature gluante et la chaleur embrumèrent Harry qui pria pour que tout s'arrête.

Puis le silence.

Harry n'osa ouvrir les yeux. Il resta prostré sur le sol, le cœur battant la chamade. Il ne savait même pas s'il était en capacité de se lever tant ses jambes lui paraissaient être en coton.

- Harry, murmura une voix qui le fit sursauter de terreur.

C'était une voix de femme. Il l'avait déjà entendu un jour mais c'était il y a si longtemps…

- Harry, répéta la voix. Lève la tête, je suis là.

Retirant ses mains qui cachaient son visage, Harry ouvrit les yeux.

Au loin un cube blanc, source de lumière réconfortante. Se relevant avec difficulté, le Gryffondor marcha puis courut finalement à toute vitesse.

En s'approchant, Harry constata que cube était en réalité une pièce. On aurait dit une chambre de bébé. A côté du berceau, se tenait une femme rousse, un sourire bienveillant sur le visage.

- Maman ? demanda Harry dont la voix se brisa d'émotion.

Sa mère tendit la main vers lui et Harry franchit les derniers pas à toute vitesse avant d'entrer dans la chambre. Lorsqu'il se retourna, la pièce était fermée. Il n'y avait plus le noir angoissant et la chaleur brûlante. Plus de créature de feu, plus de hurlement.

- Dans quel état t'es-tu mis mon chéri ?

Sa robe était brûlée, son bras était en sang et il était trempé.

Mais ça n'avait pas d'importance.

Lily Potter était en face de lui.

La petite chambre contenait un berceau de bois où des peluches avaient été installées sur une petite étagère. Un rocking-chair et une bibliothèque d'enfant complétaient la pièce.

Sa chambre.

La porte était entrouverte et une musique douce s'échappait de l'étage du bas qu'on devinait aisément.

Était-il finalement au paradis ? De retour avec ses parents ? A cette pensée, Harry sourit.

Il observa sa mère.

Ses longs cheveux roux encadraient son doux visage dont les yeux verts - à l'identique de ceux de Harry- pétillaient. On ne l'avait jamais regardé avec les yeux de l'amour. C'était tellement fort qu'une boule obstrua la gorge de Harry et il ne sût plus quoi dire.

Lily brisa alors le silence en tendant les bras vers lui et chuchotant :

- Viens.

Il ne se le fit pas dire deux fois et plongea dans les bras de sa mère.

C'était étrange. Cette étreinte était surnaturelle. Mais c'était si doux qu'il aurait pu y rester pour l'éternité.

- Pas trop longtemps mon chéri, ajouta Lily en repoussant Harry dont le rejet lui donna envie de pleurer comme un bébé.

Lily lui offrit un sourire bienveillant chargé de tristesse. Elle paraissait navrée.

- On ne peut pas rester ici mon ange. Il faut que tu retournes d'où tu viens. Tu as encore beaucoup de choses à vivre.

- Non…

Harry ne comprenait pas. Il ne voulait pas comprendre. Jetant un coup d'œil à la porte ouverte qui menait à l'étage inférieur, Harry devina que son père s'y trouvait. Il tenta de s'approcher à nouveau de sa mère mais elle secoua la tête, chagrinée.

- Harry…

- S'il-te-plait maman, supplia Harry les yeux chargés de larmes.

- Tu ne peux pas rester avec nous, tu as une vie à vivre.

Lily semblait en proie à une douleur incommensurable mais elle resta ferme sur ses positions. Et bien qu'il n'ait jamais connu sa mère, Harry savait pertinemment qu'il ne pourrait lui faire changer d'avis.

- Je n'aime pas ma vie là-bas, répondit Harry avec amertume tout en cherchant à convaincre sa mère pour qu'il reste avec elle.

- C'est faux Harry. Tu as des amis qui t'aiment et que tu aimes. Et le professeur Rogue est là pour toi désormais.

- Le professeur Rogue me déteste, répliqua Harry d'une voix qu'il essaya de rendre neutre mais qui vacilla.

- Il a du mal avec les sentiments. Il ne sait pas dire les choses simplement. Mais je sais que vous avez un bout de chemin à parcourir ensemble, lui et toi.

- Maman, supplia à nouveau Harry, des larmes dévalant sur les joues. Je veux rester avec toi maman. Tu me manques tellement. Et je suis tellement fatigué…

Et cette fois, Harry explosa en sanglots. C'était beaucoup trop cruel de voir sa mère en face de lui et de ne pas avoir le droit de la toucher ou encore de savoir son père en bas, si proche et pourtant si inaccessible.

- Je suis toujours là Harry. Partout où tu es, je suis là. Est-ce que tu me fais confiance ?

Harry hocha la tête. Bien sûr qu'il faisait confiance à sa mère.

- Alors tu dois vivre. Tu dois combattre. On sera toujours là mon chéri. Ne l'oublie jamais.

Harry regarda à nouveau la porte en essuyant ses joues humides. Contrôlant ses sanglots avec férocité. Sa mère devait être fière de lui.

- Fais confiance à Severus et surtout Harry, fais toi confiance.

- Je t'aime maman.

- Je t'aime de tout mon cœur mon chéri.

Harry recula d'un pas, puis deux et peu à peu la silhouette de Lily devint floue et la chambre s'évapora pour laisser à nouveau l'océan d'obscurité l'envahir.

Il n'y eut plus aucun bruit hormis celui de son souffle erratique. Puis, le son des bruissements d'aile qui provoqua une sueur froide chez Harry qui se mit à trembler comme une feuille.

L'oiseau de feu arriva droit sur lui.

Ce fut un hurlement qui parvint à ses oreilles.

Son propre hurlement.