Chapitre 21

Les secondes semblaient durer des heures. Pourtant, ils arrivèrent rapidement aux portes de l'infirmerie.

Severus gardait Harry tout contre lui. L'enfant n'avait toujours pas ouvert les yeux. Il essaya tant bien que mal d'ignorer à quel point il avait la sensation de porter une poupée de chiffon et de refouler la panique qui lui vrillait l'estomac.

- Feudeymon, dit-il en voyant l'expression choquée de Pomfresh.

- Ste Mangouste, répondit-elle aussitôt.

En mode pilote automatique, Severus se dirigea droit vers la cheminée, resserra sa prise sur l'enfant qui se mit à gémir de douleur et balança sa destination sans réfléchir plus longtemps, laissant les Weasley dans les mains de l'infirmière de l'école.

.

Le hall d'entrée de l'hôpital Ste Mangouste était d'un blanc immaculé et l'odeur de produit désinfectant le prit au nez. Analysant la grande pièce, Severus repéra au loin l'accueil où une dizaine de patients attendaient leur tour.

Hors de question d'attendre.

Le maître des potions se déplaça d'un pas si rapide et puissant que l'intégralité des personnes le laissèrent passer, n'osant se plaindre.

- Il a été touché par un Feudeymon, expliqua-t-il aussitôt avant même que l'infirmière aux lunettes carrés n'ouvre la bouche.

- Les urgences se trouvent de l'autre côté.

- ALLEZ VOUS FAIRE FOUTRE AVEC VOS URGENCES ! J'AI BESOIN D'UN MÉDICOMAGE IMMÉDIATEMENT ! beugla-t-il, à deux doigts de la rupture.

- Monsieur, veuillez respecter les consignes de bienséances où je me verrai en droit de…

- C'est bon, résonna une voix féminine derrière Severus qui se tourna, maintenant Harry tout contre lui, tel un nouveau-né. Qu'arrive-t-il à votre fils monsieur ?

- Il a été touché par un maléfice de magie noire, Feudeymon, précisa-t-il alors qu'une goutte de sueur froide glissa le long de son dos. S'il vous-plaît…

Ces mots-là semblèrent suffisants pour la médicomage.

Sans même se souvenir de confier Harry au personnel hospitalier et de marcher jusqu'à une salle de réanimation, Severus se retrouva face à l'enfant allongé sur un lit.

Pâle et inconscient, une agitation ordonnée s'égrènait autour d'eux. Un monde fou tournait autour du lit. Deux médicomages autour de la tête de Harry incantaient des formules dans une litanie morbide, deux infirmières déshabillaient l'enfant pour laisser apparaître les brûlures du Feudeymon sur ses reins et un médicomage -celui-ci semblait être le coordinateur - donnait des ordres dont Severus était incapable d'en comprendre un traitre mot tant son esprit était embrumé.

Il n'y avait que Harry.

Harry qui allait peut-être mourir.

Et Severus ne put s'empêcher de se dire que ce serait de sa faute.

S'il n'avait pas crié sur Harry, s'il avait su lui expliquer les choses correctement, si sa colère n'avait pas -une fois encore - pris le dessus.

Lui, le plus puissant Occlumens de Grande-Bretagne, incapable de réussir à se mobiliser lorsqu'il était pétri de peur. Comme à cet instant.

Severus se déplaça de quelques pas, la peur lui tordant les entrailles, afin d'observer le visage pâle de l'enfant posé sur le matelas, toujours endormi. Il paraissait si jeune. Même si Severus l'avait nourri pour trois ces derniers mois et s'était assuré que l'enfant mangeait bien, Harry était toujours si petit et maigrichon pour son âge.

Soudain, toujours les yeux clos, l'enfant commença à s'agiter. Son visage se crispa de douleur et de terreur. Ses jambes se mirent à bouger comme s'il essayait de s'échapper.

- Rythme cardiaque en hausse, indiqua l'infirmière d'une voix si sérieuse que le cœur de Severus tomba dans son estomac.

Puis, dans un hurlement déchirant l'atmosphère plombée d'angoisse, Harry se tourna violemment sur le dos. Le corps raide, l'enfant se mit à griffer les draps dans un gémissement de désespoir. Un sanglot s'échappa de ses lèvres et Severus crut défaillir. Les jambes en coton, il se sentait inutile et incapable d'aider.

Cette simple constatation le rendit furieux. De près ou de loin, il avait toujours fait en sorte d'intervenir pour la sécurité de l'enfant. Et voilà qu'il restait planté là, tel un pot de fleur au milieu de cette chambre où une armada de soignants tournaient autour de l'enfant.

- Maman…

Severus s'approcha un peu plus du lit ce qui lui valut de percuter une infirmière.

- Monsieur, s'il vous-plaît, veuillez attendre dehors, dit la femme qui semblait enfin se rendre compte de la présence du maître des potions.

- Hors de question ! siffla-t-il.

L'infirmière était prête à répliquer mais Harry s'agita à nouveau et le médicomage lança un nouvel ordre d'une voix pressante. Il se mit à remuer de plus en plus à tel point qu'une infirmière s'étendit sur ses jambes afin de l'immobiliser.

- Il va sortir de la deuxième phase, préparez-vous, annonça le médicomage.

Dans toute cette panique, Severus avait oublié les effets que produisait un tel sortilège de Feudeymon lorsqu'il ne touchait que partiellement un individu.

D'abord, il y avait l'évanouissement où la victime du sort se retrouvait en proie à son démon qui le poursuivait et le brûlait. La douleur était avant tout mentale. Puis, il était dit que la seconde phase menait à la mort après une paix de courte durée. Cependant, dans de très rares cas, la personne reprenait conscience et arrivait la troisième phase.

La pire.

Celle où le sort reprenait de la vigueur au point de réveiller la victime pour quelques derniers cris d'agonies.

Harry allait souffrir. La sensation de brûlure le prendrait partout au point de certainement vouloir en finir avec la vie.

A cette pensée, le maître des potions en fut horrifié. L'estomac en vrac, il fut à deux doigts de vomir et de s'effondrer en larmes.

Une main douce se posa sur son épaule et il comprit qu'on lui parlait depuis plusieurs secondes.

- Monsieur, votre fils va avoir besoin de vous. On peut s'en sortir. Vous l'avez amené suffisamment tôt.

- Je ne vais pas y arriver, lâcha-t-il pitoyablement.

- Mais si. Donnez lui juste la main. Il aura besoin de s'accrocher à la vie…Rien n'est perdu monsieur.

Severus s'approcha avec raideur du lit de l'enfant dont les râles de souffrance s'échappaient de ses lèvres gercées.

- Comment s'appelle votre fils monsieur ?

L'infirmière était derrière lui, visiblement prête à le soutenir.

- Harry. Il s'appelle Harry.

Il aurait voulu supplier de tout son être pour qu'on sauve l'enfant mais ses mots restèrent bloqués au fond de sa gorge sèche.

- Prenez sa main…

- Attention, retentit la voix du médicomage.

Alors même que Severus attrapait la main de l'enfant qui commençait à se débattre sérieusement, Harry poussa un hurlement déchirant. Il se redressa, ouvrit les yeux, terrorisé, couvert de sueurs froides. Harry reposa - ou plutôt jeta - sa tête sur l'oreiller avant que son visage ne se transforme en grimace de souffrance et qu'un nouvel hurlement, presque animal, résonne dans la chambre.

Severus se sentit se détacher de son corps comme si son cerveau ne pouvait supporter l'angoisse de voir le gamin souffrir.

C'était tout ce qu'il avait redouté depuis plusieurs semaines. Et voilà que sa plus grande peur se réalisait sous ses yeux. Pourtant, maintenant qu'il était face à la réalité et que plus rien ne pouvait être pire, Severus se sentit diriger par son instinct. Sa main gauche se porta sur le front de Harry pour l'aider à la maintenir sur l'oreiller et que les médicomages poursuivent leurs soins. Les ongles de l'enfant se plantaient dans sa main droite et il hurlait à s'en déchirer la gorge.

Les joues ravagés par des larmes de douleur, Harry prit sa respiration.

- Aidez-moi, supplia-t-il avant qu'une nouvelle plainte ne s'échappe de ses lèvres tandis qu'il se tordait sur lui-même.

Severus se retint d'insulter les médicomages et de leur suggérer de remettre en cause le protocole de soin mis en place.

- Harry est-ce que tu nous entends ? demanda une des médicomages.

- Oui ! pleura Harry qui continuait de se tortiller de douleur.

- C'est bien mon grand. Tu es courageux, on va te sortir de là. Peux-tu nous dire où tu as mal mon chéri ? demanda-t-elle à nouveau.

- Partout ! beugla-t-il d'une voix aiguë.

- Il faut se concentrer sur son corps entier, dit le coordinateur.

Cette fois, Harry pleurait franchement. Il ne semblait pas avoir remarqué Severus et son regard vert était empli de désespoir, de crainte et de douleur.

- Harry, il y a une mauvaise chose dans ton corps. On va la faire sortir d'accord ?

Severus serra les dents pour ne pas répliquer qu'il était inutile de parler au Survivant comme s'il avait quatre ans et demi.

- Non, non ! Ça me brûle, ça va être pire ! Ce que vous faites, ça empire !

Tout compte fait… Il était peut-être utile de lui parler comme un enfant. Severus aurait pu jurer que s'il l'avait pu, Harry aurait appelé sa mère. Il était si effrayé, si déboussolé et si triste que le cœur de Severus fondit comme neige au soleil. Harry avait besoin d'un pilier à cet instant. Harry avait besoin qu'on lui donne de la force. Et Severus serait cet homme.

- Harry, regarde-moi, dit-il d'une voix ferme.

L'enfant sursauta et se rendit enfin compte que son professeur était présent. Il était au bord de la rupture. Ses mèches étaient collées sur son front et les cernes sous ses yeux désespérés lui donnaient un air maladif.

- Harry, laisse-les faire leurs sortilèges. Cela ne durera pas longtemps, mentit Severus. Essaye de ne pas bouger. Si tu as mal, tu serres ma main d'accord ?

Harry pinça les lèvres et hocha la tête. Severus ancra son regard dans celui de Harry, masquant la terreur qui lui bouffait les entrailles. Le soin que les médicomages s'apprêtaient à faire était la dernière chance.

Il vit Harry tenter de contrôler ses sanglots.

Puis la litanie reprit. Harry serrait ses dents et planta ses ongles dans la main de Severus aussitôt.

- C'est bien Harry, ne bouge pas. Tu t'en sors très bien.

Les chants continuaient et les larmes se firent plus nombreuses. Harry reprit son souffle dans un gémissement.

- Dites-leur de se dépêcher, supplia-t-il dans un pleur bruyant.

- Ils y sont presque, continua Severus qui laissait les encouragements sortir de sa bouche sans même réfléchir. C'est bien, tu es courageux. C'est bientôt fini, ajouta-t-il lorsqu'un cri mêlé à des larmes s'échappèrent de la bouche de Harry. Je suis fier de toi.

La surprise se lut sur le visage du Gryffondor puis son souffle se coupa dans un hoquet et son visage se figea.

Le cœur de Severus tomba comme une pierre.

- Harry ?

Mais Harry gardait la même expression, statufié. Comme mort.

- Non… Non…

- Monsieur, reculez, on y est presque.

Le maître des potions s'apprêtaient à hurler sur ces incompétents de médicomages lorsqu'il les vit manipuler le corps de l'enfant. Aussitôt, il se mit à convulser.

Severus en aurait presque soupiré de soulagement. Au moins il bougeait. Au moins il y avait quelque chose qui ressemblait à de la vie.

Mais à en juger le visage du personnel médical présent dans la pièce, la situation ne semblait pas complètement stabilisée.

Harry convulsait toujours puis il laissa échapper un nouveau hurlement. Une médicomage redressa l'enfant, faisant apparaître un haricot en carton sous son menton pour qu'il vomisse. Son petit ventre se tordait sous les assauts des haut-le-cœur.

- C'est bien mon chéri, lança la médicomage. C'est terminé maintenant, il n'y a plus de magie noire en toi.

- Maman, soupira Harry dans un sanglot tel un tout petit.

La médicomage se tourna vers Severus pour lui faire signe de venir.

- Maman n'est pas là Harry mais ton papa est ici.

Severus voulut expliquer la situation mais il n'eut aucune force de le faire. Encore moins lorsque les pleurs de Harry redoublèrent.

Seul le maître des potions pouvait comprendre la raison de cette tristesse.

- On va vous laisser, suggéra le coordinateur. Au moindre problème, vous appelez. Nous passerons dans quelques minutes. Il faudra le laisser se reposer.

La médicomage lança un sourire bienveillant à Severus qui prit place à côté de Harry désormais en position fœtale. Était-il en pleine capacité mentale ? Quels dommages avaient provoqué le Feudeymon et toute cette aventure ? Harry avait-il atteint le quota de traumatismes ?

Et surtout, que devait-il faire lui, Severus ? Maladroitement, il posa sa main sur le dos de Harry mais cela ne sembla pas réellement être efficace puisque Harry se mit à marmonner des paroles incompréhensibles. Severus tendit l'oreille et comprit qu'Harry continuait d'appeler sa mère.

- Harry… Harry, je suis désolé.

Le chagrin terrassa Harry qui se mit à pleurer dans son oreiller, laissant Severus totalement désemparé.

Il tenta d'accentuer ses cercles réconfortants dans le dos de l'enfant mais les tremblements et les larmes ne cessèrent pas.

Finalement, il observa autour de lui, sûr qu'aucun témoin n'était présent en cas d'échec cuisant, puis se pencha sur l'enfant et l'attira tout contre lui.

Lui-même se raidit, ne sachant absolument pas quoi faire, mais Harry sut. Il plongea sa tête contre le torse du maître des potions, pleurant de tout son soûl. Ses petites mains étaient fermement accrochées à la cape de Severus telle une bouée de sauvetage.

- Maman… J'ai vu maman…, expliqua-t-il la voix hachée par les sanglots. Maman… Il y avait l'oiseau de feu et aussi un autre monstre… Mais maman m'a sauvé… Maman… Elle ne voulait pas que je reste avec elle…

Severus ne chercha pas à comprendre le flot de paroles décousu et serra Harry contre lui. Tout à cet instant, il pouvait deviner à quoi ressemblait le trou béant dans le cœur de l'enfant de ne plus pouvoir voir sa mère. Là, ils purent partager le même chagrin.

La perte de Lily.

Harry continua d'appeler sa mère et cela sembla l'apaiser. A croire qu'il pleurait ses douze années de manque de figure maternelle. Severus se mit alors à demander pardon et ce fut comme une litanie entre Harry et lui qui berçait l'enfant contre lui.

Enfin, les sanglots s'espacèrent, les tremblements se calmèrent et il n'eut plus que quelques reniflements de temps à autre.

- Je suis là, dit finalement Severus.

Harry répondit en resserrant encore plus son étreinte.

oOo

Les paupières lourdes, Harry luttait pour ne pas s'endormir bien qu'une somnolence agréable l'habitait.

Il savait qu'il était à Ste-Mangouste, l'hôpital pour les sorciers car le professeur de potions le lui avait expliqué un peu plus tôt. Il y avait donc atterri et désormais, son esprit était comme dans du coton.

Remuant doucement sous les draps fins qui effleuraient sa peau nue, une main bienveillante lui pressa l'épaule. Il n'eut pas besoin d'ouvrir les yeux.

Le professeur Rogue parlait d'une voix égale et calme à l'infirmière. Harry ne comprenait pas vraiment l'objet de la conversation et pour une fois, il n'avait plus envie de s'en inquiéter. Il avait plus important à penser…

Il avait vu sa mère cette nuit. Et maintenant qu'il était bien en vie, un tas d'émotions contradictoires le traversaient. S'endormir pour toujours et retrouver sa mère le tentait autant qu'elle le terrifiait.

Le Gryffondor cessa de feindre le sommeil lorsqu'il entendit le professeur Rogue se redresser sur sa chaise.

- Professeur Dumbledore.

Le directeur de Poudlard se tenait dans l'encadrement de la porte et fixait Harry. Était-ce parce qu'il était diminué mais Harry jugea l'homme très impressionnant. Soudain, il comprenait ce que les autres sorciers trouvaient à Albus Dumbledore de grandiose. Sa présence, imposante, sobre et franche, auréolait la pièce et réchauffa les entrailles de Harry.

Le directeur allait tout arranger.

Aucun des membres du personnel médical n'osa congédier le directeur.

- Comment te sens-tu Harry ?

- Je vais bien monsieur.

- Tu as été très courageux cette nuit mais également très loyal envers moi. Jamais Fumseck n'aurait pu vous venir en aide sans cela…

Le directeur s'approcha un peu plus du lit et adressa un regard à Rogue. Harry aurait pu jurer qu'ils échangeaient une discussion silencieuse.

- Il a besoin de repos, lâcha finalement le professeur Rogue.

- Et de toute évidence vous aussi mon cher Severus. J'ai simplement quelques questions à poser à Harry qui ne dureront pas plus de quelques minutes.

- C'est bon, dit Harry qui sentait un malaise grandir dans la pièce. Je peux répondre à vos questions.

Harry tenta de se redresser. La peau de son dos se mit à le brûler violemment et il grimaça de douleur.

- Reste allongé, marmonna le professeur Rogue.

Harry se contenta d'hocher la tête, la sueur perlant sur son front.

- Il s'est passé beaucoup de choses ces derniers mois, commença Dumbledore. Autant pour toi que pour le professeur Rogue. Je suis ravi de voir à quel point vous avez pu défendre l'école, chacun à votre manière.

- On doit encore travailler notre coordination, répondit Harry dans un sourire moqueur.

Le professeur Rogue lui lança un regard noir qui eut pour seul effet de faire rire Harry.

- J'ai eu peur que le professeur Rogue se fasse mordre par le serpent. J'ai demandé de l'aide au choixpeau et une épée est apparue. Alors sans réfléchir, j'ai couru et j'ai planté l'épée dans le palais du Basilic.

- On discutera par ailleurs de la différence entre témérité et stupidité, notamment sur le fait que la ligne est très fine et que tu l'as franchie cette nuit.

Harry plongea son regard dans celui du professeur Rogue, se souvenant des mots de sa mère. Severus Rogue était un homme qui avait du mal avec les sentiments. Et si Harry n'avait jamais eu le souvenir de l'amour de ses parents, c'était un sentiment indélébile qui demeurait en lui.

- Je ne voulais pas vous perdre. Au même titre que vous m'avez cherché dans la Chambre des Secrets. On a juste fait du mieux qu'on pouvait.

Le professeur Rogue se raidit distinctement et son visage pâlit violemment. Harry se demanda un instant s'il n'allait pas hurler de colère comme il avait pu le faire quelques jours plus tôt.

- On tâchera juste de faire mieux la prochaine fois, ajouta Harry d'une voix incertaine. Il faudra bien n'est-ce pas ?

Le maître des potions demeurait sans voix tandis que Harry se sentit plus léger. Par ces mots, Harry scellait officiellement leur pacte qui était en réalité déjà présent depuis des mois. Il n'y avait plus besoin de faire semblant. Severus Rogue était celui qui avait dit à Harry toute la vérité. Et même si elle faisait mal, Harry se concentrait sur l'essentiel. Il se tourna alors vers Dumbledore :

- Je vais devoir affronter Voldemort un jour et on sera mieux préparé. On s'en est quand même bien sorti.

- D'où vient cette soudaine confiance pour le professeur Rogue ? demanda Dumbledore le regard pétillant.

- Pendant que le sortilège faisait effet sur moi, j'ai vu ma mère.

- Harry… Je ne crois pas que c'était réellement…

- Oh voyez-vous Severus, coupa Dumbledore, les mystères de l'effet d'un Feudeymon sont impénétrables. Et si ce qu'a vu Harry l'aide, pourquoi devrait-on balayer cette idée ?

- Alors ce n'était pas que dans ma tête ? C'était réel ?

- Bien sûr que c'était dans ta tête Harry… Mais pourquoi cela voudrait-il dire que ce n'est pas réel ?

Sur ses paroles lourdes de sens, Harry sentit la fatigue le gifler. Il s'enfonça dans ses oreillers, essayant de digérer les informations qui venaient à lui.

- Le Feudeymon est un puissant sortilège de magie noire. Nous n'en connaissons pas encore toute l'étendue mais certains sorciers disent que lorsqu'on se bat contre les flammes, cela se passe à l'intérieur de nous-même.

Le professeur de potions avait débité les paroles d'une traite. Harry s'étonna qu'il ose avouer avoir utilisé de la magie noire - qui plus est devant le professeur Dumbledore !

Pour autant, l'explication des effets secondaires du sortilège paraissait cohérente aux yeux de Harry. D'une certaine manière, sa mère vivait un peu en lui…Soudain, il pensa à cet espèce de bébé décharné gluant et dégoûtant qu'il avait aperçu. Perdant ses couleurs, Harry sentit une nausée monter.

- Tout va bien gamin ? demanda le professeur Rogue en saisissant un haricot en prévision d'un drame.

- Oui oui, répondit Harry la gorge sèche.

Un peu honteux, Harry évita le regard de Dumbledore. Tripotant le draps nerveusement, il hésitait à raconter tout ce qu'il avait vu mais le directeur le prit de cours.

- Y a-t-il quelque chose dont tu voudrais nous parler ?

Le professeur Dumbledore l'observait de sa bienveillance habituelle. Quant au professeur Rogue, celui-ci gardait un air impénétrable pour quiconque ne connaissait pas l'homme. Mais au fond de ce regard onyx, Harry put y lire une compassion qu'il n'avait jusqu'ici jamais su interpréter.

Il y avait dans la question de Dumbledore un écho aux mois précédents lorsque Harry et ses amis avaient été pris sur le fait, en pleine préparation de polynectar. Après la réprimande était venu le moment où le directeur lui avait posé une question similaire.

Voulait-il parler ?

Harry s'agita dans son lit, pris d'un malaise angoissant.

Il savait déjà que ce qu'il avait vu n'était pas tout à fait normal et qu'il devait le dire aux adultes.

- J'ai vu quelque chose de bizarre, déclara-t-il dans un souffle, presque un murmure. Avant d'être avec ma mère, l'oiseau qu'avait fait apparaître le professeur Rogue me suivait partout. Et puis ensuite il y a eu cette chose…

- Continue Harry, encouragea Dumbledore mais Harry avait la gorge serrée.

- C'était comme un autre monstre, ça ressemblait à un bébé tout rabougri et vieux.

- Un bébé rabougri et vieux ? répéta le maître des potions.

- Je… Je ne sais pas comment le décrire mais…

Harry s'agita un peu plus dans son lit mais la peau de son dos se rappela à lui. Un verre d'eau apparut sous son nez. Le professeur Dumbledore s'était approché de lui sans même qu'il ne s'en rende compte. Saisissant le verre, Harry plongea son regard dans celui du directeur qui paraissait si fatigué mais brillant d'intelligence. Comme souvent, il eut la sensation que l'homme lisait dans son esprit.

- Je pense que Harry doit dormir désormais. Le jour va bientôt se lever et il a à peine fermé l'œil de la nuit.

- Il en va de même pour vous Severus, dit finalement le directeur en rompant le contact visuel avec Harry.

Le professeur Rogue se leva presque d'un bond et soudain Harry se sentit subitement seul. Il n'avait pas envie de s'endormir. Qu'allait-il trouver dans son sommeil ? Ravalant ses craintes, Harry se cala contre ses oreillers. Il aurait aimé demander quand est-ce qu'il pourrait sortir de l'hôpital et si sa peau allait bientôt guérir mais il ne voulait pas passer pour un enfant pleurnichard.

- A bientôt Harry, nous nous reverrons rapidement et je suis certain que le professeur Rogue sera à ton chevet demain à ton réveil.

Harry trouva cette idée particulièrement hilarante mais il n'eut pas la force de sourire. Il se contenta seulement d'observer le professeur de potions qui hocha la tête dans un signe d'adieu.

oOo

- Severus… Severus…

Le maître des potions tentait tant bien que mal d'ignorer les appels du directeur. Poursuivant son chemin, il se dirigeait vers la salle d'attente sans trop savoir pourquoi il ne rentrait pas au château.

Harry était sorti d'affaire, Harry était en sécurité.

Et pourtant.

Serrant les mâchoires, Severus pensa à la peur panique qu'il avait eue cette nuit. La sensation que son monde allait à nouveau s'effondrer à l'idée que cette terreur ambulante, fils de Lily et James Potter, puisse mourir.

C'était déroutant, perturbant, effrayant. Et en même temps, grisant, étourdissant, exaltant. Parce que pour la première fois depuis bien trop longtemps, alors que la haine était l'unique sentiment qui rendait Severus Rogue vivant, c'était un autre sentiment qui l'avait animé jusqu'aux fond de ses tripes. Et c'était bien mieux que toute la colère réunie.

Amour.

Il avait appris à aimer ce gamin.

Ô bien sûr, il ne savait pas très bien s'y prendre.

Comment en était-il arrivé là ?

Alors que Dumbledore le suivait désormais silencieusement, Severus se figura les mois et les sentiments qui avaient défilé à la vitesse de la lumière.

Il y avait d'abord eu la colère et le rejet envers cet enfant qui lui gâchait ses projets pour l'été. Colère qui avait ensuite laissé place à la surprise. Surprise de voir cet enfant seul, pas si gâté, pas si roi. La curiosité s'en était alors mêlée. Harry Potter possédait un talent dans la Défense contre les Forces du Mal et Severus Rogue avait appris à connaître Harry. Juste Harry. Pas le fils de Lily ni celui de James. Harry.

Un enfant jeté dans un monde d'adultes bien trop vite mais qui gardait une innocence et une bonté que même Helga Poufsouffle aurait pu envier.

Un enfant souffrant. Il avait tenté de prendre soin de lui comme sa propre mère avait tenté de le faire. Et à l'image d'Eileen Prince, Severus Rogue avait été maladroit et dur. Mais il avait fait ce qu'il savait faire pour l'enfant : veiller à ce qu'il se nourrisse et l'empêcher de s'empêtrer dans des situations dangereuses voire mortelles.

Il l'avait soigné lorsque son bras était en lambeaux. Il l'avait disputé tel un père excédé par les bêtises de sa progéniture. Parce qu'il voulait le meilleur pour Harry Potter. Parce qu'il aimait Harry Potter.

Réalisant cela, Severus trébucha violemment et s'effondra sur le sol du couloir de l'hôpital. Il n'entendit pas Dumbledore s'inquiéter, il ne sentit pas la main anxieuse de l'infirmière sur son dos et il ne vit pas les regards étonnés et voyeurs des patients dans la salle d'attente au bout du couloir.

La paume des mains sur le sol, le maître des potions n'avait jamais été dans une telle position de faiblesse et pourtant, il éclata de rire. Au début, son rire était doux mais il devint rapidement incontrôlable et bruyant. Et plus il pensait au fait qu'il devait avoir l'air d'un fou, plus il riait.

- C'est le contre coup, entendit-il. Il a failli perdre son fils.

Cette simple phrase eut le don de redoubler les rires du professeur qui se tenait les côtes. Des larmes perlaient au coin de ses yeux et en un instant, il pleurait. Et ça faisait du bien. Il rigolait, il pleurait et bientôt, Albus Dumbledore l'aidait à se relever dans une embrassade réconfortante. On lui tendit un verre sous le nez.

- Buvez Severus.

Tout était parti à vau-l'eau depuis des mois alors pourquoi pas accepter une potion sans réfléchir ? Il s'autorisa ce moment de faiblesse.

Dans le coton, Albus Dumbledore l'attira vers une zone de transplanage et l'entraîna avec lui jusqu'à Poudlard.

Le maître de potion aurait aimé protester et dire qu'il souhaitait rester auprès de Harry mais ses yeux se fermaient déjà. C'est à peine s'il put se souvenir le lendemain que Dumbledore l'avait mené à son lit et que le vieil homme lui avait offert un sourire bienveillant, chargé de tristesse.

.

Severus se réveilla dans un sursaut, sortant d'un cauchemar où Harry se faisait dévorer par le serpent géant. Le maître des potions grogna en sentant toutes les courbatures dans son corps et soupira de honte en repensant à sa petite décompensation nerveuse de la veille. Il n'avait jamais été autant dans une situation de faiblesse depuis ses années d'école…

Il aurait pu rester dans ses appartements jusqu'à la fin de sa vie suite à cet évènement qu'il jugeait particulièrement honteux mais une raison le poussait à sortir de son lit immédiatement.

Une douche froide afin de se réveiller et un café avalé, Severus ne tarda pas pour se diriger dans le bureau du directeur.

La fatigue et l'inquiétude se dessinaient sur le visage du vieil homme mais il accueillit le maître des potions avec un sourire sincère. Ses gestes étaient lents et graves et Severus ressentit une certaine peine pour le directeur. Avait-il été enfermé à Azkaban, avait-il eu un traitement de faveur ?

- Mon cher Severus, je suis ravi de vous voir en meilleure forme.

- J'aurais aimé en dire autant pour vous.

- Ah voyez-vous Severus, après mon retour d'Azkaban, j'ai dû m'entretenir quelques instants avec la famille Weasley puis j'ai foncé aussi vite que j'ai pu à Ste Mangouste. Lorsque je suis arrivé à l'hôpital, on m'a dit que le jeune Harry était avec son père.

Un silence ponctua cette information et Severus concentra sa contemplation le parc de Poudlard.

- Fort heureusement, le jeune Ron Weasley m'avait déjà expliqué tout ce qui s'était passé dans la Chambre des Secrets et j'ai rapidement compris qu'il s'agissait de vous.

- N'avez-vous pas jugé bon de faire taire la rumeur ?

Dumbledore répondit par un sourire espiègle et Severus leva les yeux au ciel avant de se concentrer à nouveau sur le parc de Poudlard dont les rayons du soleil matinal se reflétait sur le lac noir.

- Je n'ai malheureusement pas pu dormir Severus, déclara alors le directeur d'une voix grave qui rendit le maître des potions bien plus attentif. Les paroles du jeune Harry n'ont fait que tourner dans ma tête ces dernières heures. J'aurais pu imaginer qu'il n'avait fait qu'un cauchemar lorsqu'il était sous l'emprise du Feudeymon mais ce Journal que vous avez détruit tous les trois…

Le directeur pointa du doigt le Journal de Jedusor totalement brûlé qui trônait au milieu du bureau. Avait-il été le chercher dans la nuit ? Fumseck roucoula, comme pour répondre à cette interrogation intérieure. Severus mit cette question de côté, les souvenirs de la veille devenaient de plus en plus flous et il avait besoin de se concentrer sur ce qu'allait dire Dumbledore.

- Il y a quelque chose d'étrange. Ron Weasley m'a expliqué qu'une espèce de fantôme en est sortie et qu'il s'agissait de Tom Jedusor ou autrement dit Lord Voldemort.

- C'est exact, répondit Severus en réprimant un frisson à l'idée d'entendre le prénom du Lord Noir.

- Je crois que nous avons affaire à de la magie noire comme je n'en ai encore jamais vu auparavant. J'ai déjà entendu des histoires anciennes où, dans l'antiquité, des sorciers conservaient une partie de leur âme dans des chats.

- Pensez-vous réellement que cela puisse être vrai ?

- Toutes les légendes puisent dans une source de vérité. Mais ce qui m'inquiète d'autant plus, c'est que Harry a vu cette chose étrange en lui et j'ai la sensation qu'il y a un lien entre ces deux mystères. Je vais enquêter mais en toute honnêteté Severus, je suis inquiet.

- Harry sait parler aux serpents, déclara Severus qui commençait également à apercevoir le chemin de pensées de Dumbledore.

- Et sa cicatrice le fait souffrir lorsqu'un danger menace.

Les deux hommes s'observèrent sans dire un mot, se comprenant désormais d'un simple regard. Il n'était pas dans la nature de Severus Rogue de céder à la panique pourtant cette fois, son cœur tambourina violemment contre sa poitrine tandis qu'un autre souvenir étrange s'imposait à son esprit. Il n'avait pas voulu en parler au directeur à l'époque mais la situation était bien trop étrange pour passer cet événement sous silence.

- L'été dernier, lors de l'explosion de chaudron des Jugson, Harry a eu un comportement bizarre. Vous avez lu mon rapport, cette potion était chargée de magie noire mais le plus étrange étant que Harry n'aurait pas dû la ressentir. Cette potion avait été réalisée pour attirer les moldus, jamais un sorcier. Et puis lorsqu'il s'en est approché, il semblait presque possédé et son regard avait drastiquement changé, expliqua Severus qui en avait des frissons d'horreur à ce souvenir. Je ne sais pas si… enfin…

- Je vais faire mes recherches Severus.

- Je veux aider.

- Je vous promets que je viendrais à vous lorsque cela sera nécessaire.

- Ne faites pas les choses dans votre coin Dumbledore. Je veux être au courant. Pour Harry.

Dumbledore laissa un ange passer puis demanda :

- Avez-vous finalement de l'affection pour ce gamin ?

- Oui.

Ce n'était finalement pas si compliqué d'assumer ses sentiments. Pourtant Severus baissa les yeux face à ce sourire de victoire impudique qu'affichait Dumbledore. Cette révélation semblait avoir fourni au directeur une dose d'énergie nouvelle.

- Dans ce cas, je dois vous informer de certaines choses. D'abord les cours ont été annulés pour la journée. Vous pourrez ainsi aller voir Harry. Concernant son séjour à l'hôpital, il ne devrait pas rester plus d'une semaine mais des soins devront être faits pour sa brûlure. Ne faites pas ce regard Severus, il s'agissait d'une mauvaise coordination entre l'enfant et vous, dit Dumbledore en reprenant les mots de Harry dans un sourire. Bien évidemment, je ne vous blâme pas pour l'utilisation de magie noire. Je sais votre façon de penser à ce sujet bien que je ne la partage pas, vous avez fait au mieux.

Dumbledore se leva pour se mettre à faire les cents pas, signe que la discussion restait sérieuse mais que le directeur maîtrisait les évènements à venir.

- Le Ministère s'intéresse évidemment à Harry et Hestia Jones devrait venir dans la journée.

- J'imagine qu'ils ont trouvé une famille pour Harry.

- À ce propos Severus… J'aurais quelque chose à vous proposer.


NDA : Plus que 4 chapitres avant la fin de la 1ère partie. Il est encore temps de me dire ce qui vous plait dans cette histoire, vos personnages préférés, ce que vous aimeriez voir plus, ce que vous attendez pour la suite, si vous avez des suggestions d'amélioration etc. N'oubliez pas que ce sont les commentaires qui font vivre les histoires ET je réponds à tout le monde !

On remercie également Livia Tournois pour la correction de ce chapitre !

On se retrouve le 14 janvier (mon demi-anniversaire) pour le chapitre 22.