NDA : Chapitre béta-readé par Livia Tournois. Gracias !

Bonne lecture !


Chapitre 23

Harry arriva à Poudlard un peu avant le déjeuner par poudre de cheminette. A peine avait-il fait un pas à l'extérieur de l'âtre de la cheminée que Pomfresh lui sautait dessus, enchaînant mille-et-unes recommandations. Harry écoutait d'une oreille distraite, se réjouissant de voir que l'intégralité des pétrifiés n'occupaient plus les lits, jusqu'à ce que l'infirmière désigne le sien pour les prochains jours à venir.

- Non ! dit-il sans réfléchir.

- Je vous demande pardon jeune homme ?

Pomfresh avait les mains sur les hanches, l'air sévère et les sourcils froncés. Mais d'humeur téméraire, Harry s'évertua à expliquer qu'il allait très bien, que la douleur diminuait de jour en jour et qu'il pouvait remonter dans la tour de Gryffondor. Le regard de Pomfresh se fit bien plus sévère et Harry se ratatina sur lui-même. Une semaine hors de Poudlard lui avait suffit à oublier le caractère buté de l'infirmière et qu'il était parfaitement idiot de vouloir négocier.

- Inutile de discuter ! Vous avez pu sortir parce que l'hôpital sait que vous allez être soigné comme il se doit. Et aussi car ils n'ont plus assez de gallions pour accueillir tous les malades avec toutes ces coupes budgétaires, ajouta-t-elle pour elle-même dans un murmure tout en se dirigeant vers le lit où un pyjama attendait Harry.

Malgré tout, Harry continua d'argumenter tel un condamné à l'échafaud. Il n'en pouvait plus d'être traité comme un infirme et d'être constamment en pyjama ou blouse d'hôpital. Visiblement et sans surprise, les protestations n'émurent absolument pas l'infirmière qui retournait déjà à ses occupations, les yeux rivés sur la cheminée.

Harry se rappela alors que Severus Rogue était venu le chercher. Comme tous les soirs depuis son hospitalisation, l'homme venait à heures fixes, donnait les leçons manquées à Harry et l'accompagnait dans ses devoirs.

Il ne savait pas si cela tenait du fait que l'homme venait de devenir officiellement son tuteur mais c'était la première fois qu'un adulte l'aidait dans ses leçons. Habituellement tante Pétunia faisait les devoirs avec Dudley pendant que Harry préparait le dîner. Ce n'était que tard le soir, à l'intérieur de son petit placard, qu'il pouvait se pencher sur son travail scolaire.

Les souvenirs mornes se volatilisèrent lorsque le maître des potions pénétra dans la pièce avec une prestance noble. Ses robes voletaient autour de lui et il entra dans la pièce d'un air pressant. Ses sourcils se froncèrent presque immédiatement. Harry se rendit compte de sa position défiant l'autorité et le regard équivoque de Pomfresh.

- Je te laisse deux minutes et il faut déjà que tu assures le spectacle ?

La phrase était lancée sans méchanceté. Harry ne se vexa pas, au contraire. Il voyait en Rogue une bouée de sauvetage. Désespéré, il tenta le tout pour le tout.

- S'il-vous-plait, dîtes-lui que je peux retourner dans mon dortoir.

- Certainement pas, déclara l'homme d'un ton qui ne laissait aucune place à la négociation.

L'homme se dirigea vers l'infirmière, lui glissant des documents - probablement son dossier médical. Dépité, Harry soupira et se mit à faire les cents pas, cherchant les arguments qui pourraient faire mouche. Finalement, il observa l'homme qui était désormais son tuteur et une idée s'alluma dans son esprit. Il n'avait plus rien à perdre et l'idée de rester à l'infirmerie encore plusieurs jours durant le rendait malade… Il s'approcha doucement de son professeur et leva la tête pour le regarder dans les yeux.

- Est-ce que je peux rester avec vous ? supplia-t-il, ajoutant quelques trémolos dans la voix.

- Ne joue pas à ce jeu avec moi, menaça le maître des potions.

- S'il-vous-plaît, rajouta-t-il encouragé par le regard onyx du professeur qui vacillait. C'était assez difficile comme ça cette semaine. Si je ne peux pas retourner dans la tour de Gryffondor, est-ce que je peux rester avec vous ? Vous avez aidé pour mes pansements et vous avez fait un stage en médicomagie. C'est même vous qui me l'avez expliqué hier.

- Ô Severus !

C'était dans la poche en ce qui concernait Pomfresh. Il faudrait garder en tête cette corde sensible pour les prochaines fois. Harry se mordit les lèvres pour ne pas sourire d'une victoire presque attrapée en plein vol. Il plongea ses yeux verts dans ceux de son professeur, le suppliant silencieusement d'accepter.

Un combat intérieur semblait animer l'homme et il fallut de longues secondes avant que le visage du maître des potions s'anime d'une décision manifestement prise.

Le cœur de Harry s'emballa aussitôt. Il eut la soudaine impression que plus important se jouait à cet instant.

- Au moindre signe que ta santé décline, tu reviens immédiatement ici, est-ce clair ?

Harry souriait de toutes ses dents, hochant la tête avec vigueur et se retenant avec peine de ne pas débuter une danse de la joie. Ce genre d'élan passionné était rarement apprécié chez le professeur. Harry savoura donc sa victoire avec calme, et les adultes continuèrent leurs échanges au sujet de sa santé. Il ne comprenait pas pourquoi tout le monde s'inquiétait autant alors qu'il allait très bien. Ce n'était qu'une brûlure ! Enfin, le professeur salua l'infirmière et ils purent se rendre jusque dans les cachots où se trouvait l'appartement du maître des potions.

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Un sentiment étrange s'empara de Harry lorsqu'il traversa les couloirs. Ils croisèrent peu d'élèves en chemin. Harry se languissait de retrouver Ron et Hermione et un peu de normalité de sa vie d'avant. Il avait aussi hâte de voir Ginny. Comment allait-elle ? Tout à coup, il ne savait plus trop s'il voulait rester avec le professeur cette nuit. Quand pourrait-il retourner dans sa tour ?

Harry poussa un cri de surprise lorsqu'ils pénétrèrent dans l'appartement du professeur. La pièce était chaleureuse et des bougies dansaient au plafond un peu comme la grande salle. Sauf que le plafond n'était pas un ciel magique mais littéralement l'eau du lac. C'était comme être dans un sous-marin. Le reflet de la lune éclairait les algues et les poissons qui dansaient au-dessus de lui tout en apportant un panel de lumière émeraude dans la pièce. Sur la droite, enfoncée dans la roche, un feu crépitait dans la cheminée qui faisait face à un immense canapé et autres poufs.

Suivant le maître des potions, Harry traversa une salle à manger et sa cuisine attenante. Un couloir menait aux chambres et découvrit la sienne avec une exclamation enjouée.

La chambre était spacieuse et les murs blancs et bleu nuit. Là aussi, il pouvait voir le lac s'il levait la tête mais étrangement, une fenêtre donnait sur le parc, comme s'il était au ras-du-sol.

- J'adore la magie, soupira Harry dans un plaisir non dissimulé.

- Ta salle de bain se trouve ici, indiqua le professeur. Tes affaires vont être transférées le temps qu'il faut. J'exige que tu respectes tout ce qui a été convenu avec Pomfresh.

- Euh… Ce qui a été convenu ?

Harry se sentit rougir de honte. Il n'avait strictement rien écouté de la discussion entre les deux adultes. Le professeur lui envoya un regard sévère et résuma les règles d'un ton qui indiquait qu'il avait tout intérêt à retenir ce qu'il allait lui dire :

- Tu devras prendre un bain tous les soirs avec les potions indiquées et je ferai ton pansement le temps nécessaire. Concernant les cours, tu reprends demain uniquement le matin. Pas de Quidditch, la saison est terminée de toute façon. Mais interdiction d'aller voler pour le moment. Ne me regarde pas comme ça, c'est pour ton bien. L'après-midi, tu reviens ici afin que Pomfresh ou moi surveillons tes constantes et ta cicatrisation puis repos jusqu'au dîner. Tu pourras évidemment retourner à la bibliothèque avec tes amis pour faire tes devoirs. Je t'aiderai pour les leçons à rattraper, comme on faisait à Ste Mangouste.

Harry s'apprêtait à protester mais le professeur ne lui en laissa pas le temps.

- Maintenant concernant les règles de cet appartement, dit lentement le professeur et Harry déglutit. J'exige le respect et la politesse. Tu es parti sans dire au revoir à l'infirmière tout à l'heure, c'est la dernière fois. Tu dois être en pyjama à vingt heures, les dents lavées et seules les activités calmes sont autorisées à partir de cette heure-ci. A l'instar du règlement intérieur de cette école, tu devras être au lit à vingt-et-une heure et extinction des feux à la demie.

- Mais personne ne respecte cette règle, ne put s'empêcher de répliquer Harry.

- Chez Gryffondor peut-être. Je peux t'assurer que tous les Serpentard sont au lit à l'heure exigée selon leur année d'étude. Tu peux utiliser la bibliothèque de l'appartement, venir quand tu veux ici mais tu dois me demander l'autorisation si tu veux faire venir des amis. Ma chambre est évidemment interdite. La tienne doit être rangée toutes les semaines et ton linge ne doit pas traîner partout. Pour finir, je suis là pour t'aider dans ton travail si besoin donc je ne tolérerais pas des devoirs non rendus. Je suis aussi là si tu as besoin de nouveaux livres, vêtements ou chaussures. A ce propos, on fera une commande dans la semaine pour tes vêtements d'intérieur. As-tu des questions ?

Harry secoua la tête négativement. Il était dépité et en même temps, toutes ces règles n'étaient pas si terribles au premier abord. Seulement, il n'était pas sûr de pouvoir toutes les respecter… Notamment celles de se coucher tôt. C'était ridicule ! A Gryffondor, lorsque les feux s'éteignaient dans leur dortoir, ils allaient dans la salle commune où les lumières étaient toujours allumés. Bien sûr, McGonagall et les préfets étaient déjà venus leur dire d'aller au lit mais cela devait se compter sur les doigts de la main. Chez les lions, on marchait à la confiance et même s'il arrivait que certains élèves veillent un peu plus tard, cela n'arrivait pas souvent.

Mais alors l'empêcher de faire du Quidditch était injuste ! Il n'avait rien. Sa brûlure se soignait parfaitement bien. Il le prouverait dès le lendemain lorsqu'il irait en cours. Voilà qu'on voulait lui faire faire une sieste maintenant ! Hors de questions. Il n'avait généralement qu'une heure ou deux de leçons l'après-midi, il pouvait largement les faire. Après tout, le professeur ne dirait rien qu'il aille plus en cours que demandé.

- Bien, dans ce cas, tu peux aller manger. Je suppose que tes amis t'attendent avec impatience. Sans courir !

OoO

Severus soupira. Il hésitait encore à se féliciter ou s'insulter d'avoir accepté que le gamin reste avec lui pour les soins. Ce petit malin avait été un très bon acteur. Mieux, il aurait eu tout à fait sa place à Serpentard à cet instant. C'est peut-être cela qui l'avait décidé. Cela et le fait qu'il était grandement responsable de sa blessure, que Jones et Dumbledore lui avaient retourné le cerveau et qu'il ne savait plus où donner de la tête pour éteindre la flamme de la culpabilité qui lui rongeait les entrailles.

La Grande Salle grouillait de monde et le bruit des couverts claquaient bruyamment sur les assiettes débordant de mets plus délicieux les uns que les autres. Severus s'approcha de la table des Serpentard, réclamant un peu de silence.

Satisfait d'asseoir son autorité, le maître des potions put enfin aller manger. Les Gryffondor et Poufsouffle pouvaient faire autant de bruit qu'ils le voulaient, il était hors de question que ses serpents aient un comportement aussi puérile. Des cris de joie s'élevèrent et Severus ne prit même pas la peine de lever les yeux de sa soupe pour savoir que cela venait de la table des Gryffondor.

Le rire sous cape de Minerva le força cependant à observer la petite scène de retrouvaille entre Harry et ses camarades de maison. Hermione Granger étreignait le Survivant avec joie et Ron Weasley décoiffait encore plus les cheveux de son ami. Thomas et Finnigan poussaient des cris de joie, encouragés par les jumeaux Weasley qui faisaient monter l'ambiance en applaudissant et peu à peu, l'intégralité de la table des Gryffondor applaudissait Harry qui virait cramoisie, visiblement gêné. Londubat et Weasley fille s'approchèrent du trio pour discuter avec Harry et l'inviter à s'asseoir et manger et un semblant de calme revint.

- Merci Severus, glissa la directrice de Gryffondor dans un soupir. Pour tout ce que vous avez fait pour Harry.

Son regard scintillait de gratitude et de bienveillance. Malgré lui, Severus se prit cet élan de bons sentiments en plein cœur. Il fallait le reconnaître, les Gryffondor savaient faire de leurs émotions une force. C'était tellement assumé que cela paraissait naturel. Harry était comme ça. Le maître des potions hocha la tête, légèrement troublé et se concentra sur son dîner.

A la fin du repas, Severus retourna dans ses appartements, attendant patiemment que Harry revienne. Il savait pertinemment qu'il ne vaudrait mieux pas entrer directement en conflit mais il fut soulagé de voir que le garçon respectait finalement les horaires lorsqu'il entra, les joues rouges.

- Viens ici, dit-il sans animosité.

Le garçon trottina jusqu'à lui. Ses yeux brillants confirmaient déjà ce que Severus craignait. Par acquis de conscience, il posa délicatement sa main sur le front brûlant de l'enfant.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Tu as de la fièvre, bois ça.

Le maître des potions offrit une fiole que Harry saisit sans pour autant la boire. Il semblait plus intéressé par la demande qu'il cherchait à formuler. Qu'allait-il encore annoncer ? La tension et l'appréhension montant en flèche, il attendit avec une patience exemplaire que Harry parle.

- Hum… Je voulais savoir… Est-ce que je pourrai toujours aller chez les Weasley même si vous êtes mon tuteur ?

Severus tourna le dos à l'enfant afin de ne pas éclater de rire face à ce regard inutilement inquiet. Cet enfant avait affronté les pires horreurs mais il avait peur de demander une simple sortie. C'était tellement enfantin que ça en devenait touchant.

- Bien évidemment que tu pourras, répondit-il finalement en s'installant sur le canapé. Maintenant, bois ce que je t'ai donné, va prendre ton bain, les elfes y ont mis tes potions de soins. Tu m'appelles lorsque tu as terminé et je ferai tes pansements, déclara-t-il en saisissant l'un des bouquins que Jones lui avait fourni.

L'éducation positive, comment appréhender la pré-adolescence, lut-il.

- Je sens que ça va être passionnant, marmonna-t-il avec sarcasme.

oOo

Nu, devant le gigantesque miroir Harry observait le bas de son dos. Visiblement, sa peau ne faisait jamais de cicatrices ordinaires s'amusa-t-il à penser. Désormais, les ailes de l'oiseau-tonnerre se distinguaient parfaitement sur ses reins. Les arcs de cercle étaient gonflés et rougis. Poussé par la curiosité, Harry tordit son bras afin de toucher la cicatrice. Sèche et chaude, il poussa un cri de douleur lorsqu'il appuya un peu trop fort sur sa peau. Il suffit de quelques secondes pour que résonnent les pas du maître des potions puis trois coups secs sur la porte.

- Tout va bien là-dedans ?

- Oui oui !

- Comment se fait-il que tu ne sois pas encore dans l'eau ?

Comment avait-il deviné ? Harry grogna pour la forme et se glissa dans son bain. Soupirant de bien-être au contact de l'eau tiède et des potions apaisantes pour sa peau, il ferma les yeux et les images de la soirée défilèrent sous ses paupières. Ses camarades l'avaient accueilli avec joie. Hermione avait littéralement sauté dans ses bras et Ron ne cessait de dire qu'il était heureux de le revoir. Son ami avait apparemment eu sa petite heure de gloire suite à son passage dans la Chambre des Secrets. Harry en fut content pour lui, après tout c'était lui qui avait détruit le journal et il avait fait preuve d'un grand sang-froid. Ginny et Neville l'avaient invité à passer à table. Ginny, les joues rouges, s'était confondue en excuses par rapport au journal de Jedusor mais Harry lui avait assuré que ce n'était pas sa faute et qu'elle n'avait rien à se reprocher. La fillette avait viré cramoisie dans un sourire soulagé. Le repas s'était déroulé dans une ambiance festive. Tout le monde posait des questions à Harry. Au début, il répondait avec joie mais arrivé au dessert, la fatigue l'avait submergé telle une vague géante. Il était finalement heureux de retourner chez le professeur afin de se reposer. Dans la tour de Gryffondor, il aurait dû répondre à tout un tas de questions, parler avec ses camarades. Fred et George auraient certainement trouvé un moyen d'organiser une petite sauterie festive où Harry aurait été l'animation principale.

Jamais il n'aurait cru pouvoir le penser un jour, mais les cachots étaient bien plus réconfortants.

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Le professeur l'attendait dans sa chambre pour réaliser ses bandages.

- A partir de demain, on laissera la peau à l'air libre. A la moindre douleur anormale, tu le signales d'accord ?

- Oui.

Docile et surtout épuisé, Harry se laissa manipuler sans mal. Il lorgna sur son lit avec impatience. Pour cette fois, il n'aurait pas de mal à respecter le couvre feu. Il dormirait bien avant.

Une fois le pansement mis en place, le professeur analysa Harry d'un œil calculateur.

- Tu as mal quelque part ?

- Non.

- Est-ce que tu te sens fiévreux ? Tu as des frissons ?

- Non, tout va bien, assura Harry. Je suis un peu fatigué, je vais aller me coucher.

- Très bien. Dans ce cas bonne nuit.

Le professeur s'en alla dans un mouvement de capes parfaitement maîtrisé. Enfilant le haut de son pyjama, Harry prit le temps de découvrir sa chambre. Une grande armoire en bois longeait le mur. Quelques vêtements avaient été mis à l'intérieur mais il restait encore de la place pour au moins trois malles pleines. La chambre possédait également un bureau et une petite bibliothèque. Harry n'avait jamais été un grand lecteur mais en l'absence de ses amis et rien d'autre pour l'occuper, il s'intéressa aux différents livres disponibles. Il fut surpris de découvrir d'autres ouvrages que des manuels de potions et fut particulièrement attiré par une série d'ouvrages ludiques : Pullman, dresseur de dragon. Le premier tome racontait l'histoire de Pullman, un sorcier se retrouvant malgré lui nounou d'un bébé dragon. Sans même s'en rendre compte, Harry lut pendant une heure complète les aventures de ce sorcier un peu loufoque et diablement courageux. Il s'endormit, le livre sur le nez.

Lorsqu'il se réveilla, les lumières étaient éteintes et une frayeur sourde et incompréhensible lui tordait les boyaux. Harry chercha sa baguette dans son lit.

- Lumos !

Harry soupira de soulagement, se reconnectant avec la réalité et se rappelant enfin où il était. L'eau du lac clapotait au-dessus de lui et la lune avait disparu. Le souffle court, il se laissa le temps de se calmer mais la peur s'accrochait à son ventre sans aucune raison. Tout ce que Harry savait, c'est que la lumière le rassurait quelque peu alors il posa sa baguette allumée sur sa table de chevet. Finalement, après de longues minutes angoissantes, Harry se rendormit.

Le lendemain, Harry tournait au ralenti, épuisé. Il n'en montra rien. Il voulait par-dessus tout reprendre une vie normale et il se dirigea au petit-déjeuner avec joie, une fois sa cicatrice vérifiée par son professeur.

- Alors cette première nuit chez la chauve-souris ? demanda Ron se servant une assiette d'oeufs brouillés.

- Arrête Ron ! s'exclama Hermione.

- Ça s'est bien passé, répondit Harry dans un sourire, heureux de retrouver ses amis égaux à eux-mêmes.

Il passa sous silence la panique qui l'avait pris en pleine nuit et se servit un bol de céréales, prêt à affronter sa journée qui commençait par un cours de Botanique. Désormais, les Poufsouffle étaient beaucoup plus détendus en présence de Harry et Justin fit équipe avec le trio afin de tailler des figuiers d'Abyssinie et de jeter les brindilles desséchées sur le tas de compost à l'extérieur de la serre. Lors de la récréation, Susan Bones et Ernie Macmillan échangèrent des banalités avec Harry qui accepta leurs mains tendues avec bon cœur.

- On se revoit au cours d'histoire de la magie cet après-midi ! salua Susan d'un geste de la main.

- Oui à tout à l'heure !

Le poids du regard d'Hermione obligea Harry à se tourner vers elle tandis que Ron ouvrait la marche pour se rendre au cours de Sortilèges. Harry haussa un sourcil, attendant qu'elle parle.

- Depuis quand est-ce que tu vas en cours l'après-midi ?

- Depuis quand est-ce que tu sais que je ne dois pas aller en cours l'après-midi ? répondit-il du tac au tac.

- L'infirmière a informé Percy qui m'a lui-même demandé de garder un œil sur toi.

- C'est ridicule ! s'agaça Harry. Je n'ai pas besoin de baby-sitter !

- Peut-être mais tu es en convalescence et…

- Je ne suis pas un infirme ! Et depuis quand est-ce que tu empêches les gens d'aller en cours ?

Furieux, Harry pressa le pas, rejoignant Ron et Neville. Il écouta d'une oreille la discussion sur la prochaine saison de Quidditch et des nouveaux arrivants dans l'équipe des Canons de Chudley. Cette discussion mena invariablement à son interdiction de voler pour une durée indéterminée.

- Heureusement que la saison est terminée, déclara avec philosophie Neville.

- J'aurais quand même aimé voler, contra Harry dont le ventre se tordit à l'idée de ne plus jamais jouer au Quidditch.

- T'inquiète pas Harry, rassura Ron. Cette blessure sera bientôt guérie et tu pourras faire du Quidditch comme avant.

Les mots de son ami ne suffirent pas à lui remonter le moral mais il offrit un sourire à ce dernier. D'humeur morose sans vraiment identifier la raison de ce spleen, Harry entra en cours de Sortilèges et se plongea directement dans son livre. Le professeur Flitwick ramassa les devoirs demandés et il ne cacha pas sa surprise lorsque Harry tendit son parchemin.

- Vous étiez en convalescence, ce n'était pas nécessaire Mr Potter mais je prends ce travail avec plaisir.

Un peu plus, le petit homme offrait des points aux rouge et or. Harry se renfrogna à nouveau. Il ne voulait pas de traitement de faveur. Était-ce trop demander ? Et voilà que maintenant plusieurs élèves de Serdaigle le regardaient avec curiosité. Comme si les Gryffondor ne pouvaient jamais faire preuve de rigueur…

Hermione, au premier rang, se tourna vers lui et lui adressa un regard équivoque qui voulait dire "Tu vois ?". Harry résista à l'envie de lui tirer la langue de façon puérile et se plongea dans son livre de cours dans un haussement d'épaules. La leçon se dirigea sans encombre et sans surprise, Harry se sentit parfaitement d'attaque pour poursuivre son cours de l'après-midi. Il restait un quart d'heure avant l'ouverture du déjeuner et Harry se dirigea vers l'infirmerie comme convenu.

Pomfresh l'attendait de pied ferme et enchaîna les différents sortilèges. Harry n'ouvrit pas la bouche. Il était suffisamment habitué à l'infirmerie pour savoir que lors d'un examen médical, il valait mieux se taire. La moindre phrase anodine pouvait mener à des conclusions catastrophiques aux yeux de Pomfresh.

- Très bien Mr. Potter, vous pouvez vous rendre au déjeuner. Tenez, vous prendrez cette fiole pendant le repas. J'imagine que vous irez vous reposer dans vos appartements et non ici ?

Harry opina du chef. Ses entrailles chauffaient à l'idée d'aller dans ses appartements. Même s'il ne comptait absolument pas s'y rendre, il y avait quelque chose d'agréable quand il entendait qu'il avait un chez lui.

Hermione, vexée comme un poux, resta avec des élèves de troisième année au déjeuner. Harry avala son repas rapidement et Ron fit de même.

- On devrait y aller, suggéra Harry en jetant un coup d'œil à sa montre. Rogue ne va pas tarder à venir et s'il me choppe ici, il s'assurera que j'aille faire cette stupide sieste.

Ron accepta et se leva d'un bon.

- Une chance que le prochain cours soit celui d'Histoire de la Magie. Binns n'ira jamais rapporter que tu étais présent.

Ils marchèrent jusqu'à la salle de classe du fantôme. Bien décidé à prouver qu'il pouvait tenir une journée entière, Harry resta debout jusqu'à que la porte s'ouvre. Le professeur Rogue terminait ses cours à dix-sept heures. En toute logique, il ne remarquerait absolument pas que Harry avait désobéi avant la fin de la journée. Il serait alors trop tard pour une réprimande car il se rendrait compte que c'était stupide de lui imposer un mi-temps thérapeutique.

Le déni complet dans lequel se trouvait Harry lui permit de passer sereinement l'heure de cours. Avec Ron, ils jouèrent à composer des équipes de Quidditch parfaites et idéales avec les joueurs du moment. Rapidement, Seamus, Dean et Neville se mélèrent à leur petit jeu.

- Qu'est-ce que vous faites ? chuchota Macmillan dont les traces de sommeil se dessinaient sur son visage.

- Tiens, regarde ! dit Ron en lançant le parchemin. Essayez de composer la meilleure équipe.

- Loupard en défenseur ? s'étonna le Poufsouffle sans même tenter de baisser la voix. On va vous faire une bien meilleure équipe, nous !

Macmillan se tourna vers ses camarades qui se penchèrent sur le parchemin, joyeux de faire quelque chose d'intéressant. L'excitation dans la salle de classe ne plût résolument pas à Hermione qui fronça des sourcils. A la fin de la leçon, seuls quelques élèves de Poufsouffle et Hermione n'avaient pas abandonné le cours. Mais pour la première fois depuis bien longtemps - sûrement depuis le début de sa scolarité à Poudlard - les élèves sortirent de classe d'Histoire de la Magie avec le sourire aux lèvres.

- On a enfin trouvé une occupation pour la fin de l'année ! lança Dean Thomas dans un sourire joyeux.

- Ne comptez pas sur moi pour vous donner les cours ! dit Hermione en observant Harry d'un regard analytique.

La jeune fille semblait inquiète pour lui et des vagues de culpabilité traversèrent les veines de Harry. Il posa sa main sur l'épaule de la Gryffondor.

- Allez Hermione, ne fait pas la tête. Je vais très bien. Et puis les examens de fin d'année ont été annulés alors on peut bien se détendre non ?

Penchant sa tête sur le côté, Harry offrit son plus beau sourire. Le sourire dissimulé d'Hermione prouvait qu'elle avait passé l'éponge.

- Tu viens avec nous dans le parc ? Il fait beau.

- Je dois réviser, dit-elle. J'ai loupé plusieurs semaines de cours et…

- Et rien ! Allez viens !

Harry lui saisit la main et la traîna jusqu'au groupe de garçons qui avaient déjà pris de l'avance. Hermione sembla se faire violence pour ne pas rappeler à Harry qu'il devait aller se reposer et il lui en fut reconnaissant. Encore une fois, il n'y avait aucune raison de s'inquiéter. Et s'il sentait une certaine fatigue, cela n'avait absolument rien à voir avec sa blessure.

Le groupe flâna autour du lac puis se posa dans l'herbe. Dean et Seamus proposèrent une partie de bataille explosive et même Hermione posa son livre pour jouer avec eux. En début de soirée, Ron étant une montre à lui seul lorsqu'il s'agissait des heures de dîner, informa qu'il était temps d'aller dîner.

Quand Harry se leva, un immense frisson parcourut son corps et un vertige l'obligea à demeurer immobile un instant. Seule Hermione l'avait aperçu mais elle tint sa langue, certainement de peur d'être rabrouée. Relevant le menton d'un air de défi, Harry accéléra la marche. Mais plus il avançait, plus il se rendait compte que quelque chose clochait. Il se sentait frissonner et une nausée menaçait de lui faire rendre son déjeuner. Légèrement paniqué, il tenta de faire bonne figure et de ne pas y penser. Il allait manger et tout irait mieux. Il devait juste prendre des forces.

Mais dès qu'il eut franchi les portes de la Grande Salle, l'odeur de la nourriture l'écœurant aussitôt, sa tête se mit à tourner. Il se laissa tomber sur le banc et observa ses camarades se jeter sur les crudités, frites, viandes et autres joyeusetés. Hermione servit Harry et lui lança un regard calculateur, cherchant à savoir s'il allait manger ou non. Nul doute qu'elle irait rapporter à Rogue qu'il n'avait rien mangé si tel était le cas.

Harry porta une frite à ses lèvres et mâchouilla difficilement. Son mal-être prenait de plus en plus de place et il se tortilla sur son banc. Il avait chaud puis froid et des bouffées de chaleur ne cessaient de l'attaquer. Au bout d'un moment, il comprit qu'il n'arriverait pas à faire abstraction de cette désagréable sensation et il chercha du regard le maître des potions à la table des professeurs. Il savait qu'il se ferait remonter les bretelles mais malgré tout, l'idée de sa présence le rassurait. Mais l'homme était absent.

Le Gryffondor tenta de se concentrer sur la discussion que Ron entretenait avec Seamus et Neville tout en mangeant un peu.

- Ma mère m'a promis d'aller voir un match de l'Irlande cet été si mon bulletin est bon.

- Est-ce que tu sais pour quel match ?

- Sûrement un amical, les officiels coûtent beaucoup trop chers…

- C'est déjà bien, ma Grand-mère trouve que le Quidditch est un sport stupide et que tout le monde peut voler et lancer des balles.

- C'est quand même plus compliqué que ça…

- Je sais bien Ron mais tu sais… Elle a tendance à avoir des idées très arrêtées sur certaines choses.

- Quand on sera majeur et riche, on ira voir un match tous ensemble ! Hein Harry ? Ça va Harry ? Tu es tout pâle, s'inquiéta Ron.

- Oui, oui.

Non, ça n'allait pas du tout. Il avait peu mangé mais c'était déjà trop. Sa nourriture tournait dans son estomac. Il se leva doucement, s'accrochant à la table. Les toilettes les plus proches n'étaient pas si loin… Juste à l'entrée des portes de la Grande Salle. Presqu'au ralentis, il se vit enjamber le banc. Une sueur froide coula le long de sa colonne vertébrale et une peur panique à l'idée de vomir devant tout le monde s'accrocha à ses tripes - qui étaient déjà en mauvaise forme à cet instant. Les yeux rivés vers la porte, il sentit à peine la main d'Hermione se poser sur son épaule. Il vacillait, tremblait et un violent spasme lui serra l'estomac. Il fit un pas, puis deux puis largua le contenu de son estomac en plein milieu du sol de la Grande Salle, la respiration coupée par les folles contractions de son estomac.

Des cris d'horreur mêlés au dégoût dont les adolescents savaient si bien user s'élevèrent aux différentes tables. Heureusement, ses camarades s'approchèrent de lui - à distance raisonnable - s'inquiétant de son état. Tout le monde parlait en même temps mais ça ne suffit pas à couvrir les cris moqueurs des Serpentard à l'autre bout de la salle. Pansy Parkinson en tête.

- T'es dégoûtant Potter ! Potty pue le vomi ! lança-t-elle dans un rire aiguë.

Rouge de honte mais encore mal en point, Harry préféra marcher le plus rapidement possible jusqu'aux portes de la Grande Salle. Il n'avait jamais été aussi humilié en public.

Les Serpentard riaient et plusieurs d'entre-eux reprenaient les mots de Parkinson.

Potty pue le vomi.

C'était puéril et stupide mais amusait grandement les serpents.

- Ça suffit ! raisonna une voix que Harry mit du temps à identifier.

Il continua cependant sa route, souhaitant trouver un trou de souris et y rester jusqu'à ce que mort s'en suive. Une poigne ferme lui attrapa le bras avec vigueur et il s'obligea à relever la tête.

L'agacement se disputait avec l'inquiétude sur le visage d'Eleonore.

- Je t'emmène voir Rogue. Tu comprends maintenant pourquoi tu devais rester au calme ?

Harry haussa les épaules. Un peu plus et elle lui disait que c'était bien fait pour lui s'il s'était humilié devant l'école entière. Mais surtout, comment, comment par Merlin, était-elle au courant qu'il devait se reposer cet après-midi ?

- Le professeur a eu raison de ne pas intervenir quand je lui ai rapporté que tu étais dehors. Ça te servira de leçon !

Elle marchait d'un pas pressant mais elle le tenait si fermement qu'il n'eut pas le choix de suivre.

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Severus tournait la dernière page de son livre sur la psychologie de l'enfant lorsqu'on frappa à la porte.

A raison de trente-quatre heures de cours en présentiel, la préparation de ces derniers, la correction des copies, les courriers à envoyer aux parents de ses serpents et les points hebdomadaires avec les Préfets, le maître des potions se demandait sérieusement comment il réussirait à associer dans son emploi du temps désormais la "problématique Potter".

En plus de comprendre ce qui avait bien pu se passer avec le Feudeymon, Hestia Jones lui avait fourni un tas de recommandations de lectures. Severus en était au troisième livre et il ne savait plus quoi penser.

Au début, il trouvait que l'idée d'être constamment à l'écoute de l'enfant, de le laisser faire ses choix et ses expériences était contre-productif. Un enfant avait besoin de cadre, point.

Puis, il avait creusé la chose en projetant sa propre enfance. Les coups, les cris et les punitions n'avaient jamais rien donné de concluant. Au contraire, il avait fini par détester son père et pire encore. Oui, un enfant avait besoin de cadre mais pas n'importe comment. D'autant que sa maigre expérience lui avait prouvée qu'une discussion sérieuse avait davantage d'impact que des cris.

Alors quand Puffet l'avait informé que Potter s'amusait dans le parc au lieu d'être à l'appartement comme prévu, il avait décidé de lui donner une leçon. Le gamin ne semblait pas comprendre sa fragilité. Ainsi soit-il. Il rentrerait épuisé et fiévreux et il comprendrait qu'il ferait mieux de l'écouter pour les prochains jours.

Bien évidemment, cette décision n'avait pas été prise sans cette colère sourde qui le titillait d'aller chercher l'enfant par le col et lui asséner la soufflante de sa vie. Cependant, il savait que ça ne servirait à rien. Il n'avait pas d'énergie à perdre.

Il referma son livre lorsque des coups retentirent à la porte. Il s'approcha pour ouvrir la porte , prêt à rappeler à Potter qu'il avait le mot de passe.

Il tomba nez-à-nez avec Puffett qui tenait l'enfant fermement par le bras. Le teint verdâtre et l'air penaud qu'affichait le gamin n'annonçait rien de bon.

- Que s'est-il passé ? demanda-t-il d'un ton sec en attrapant le bras du Gryffondor pour l'approcher de lui dans un geste protecteur.

Totalement apathique, Harry se laissa faire et s'appuya même un peu contre lui. S'il fallait en douter, il ne faisait pas de cinéma.

- Il a vomi dans la Grande Salle.

Severus ignora le soupir de honte que lâcha le gamin.

C'était bien fait. Au moins, il ne désobéirait plus de la sorte. Il remercia Puffett à coup d'une poignée de points pour Serpentard puis ferma la porte en traînant cet incorrigible enfant dans le salon pour l'asseoir sur le canapé.

Sans un mot et d'un geste de baguette, il attira vers lui une potion contre la fièvre et la douleur et une autre contre la nausée. Hors de question que le Survivant lui redécore son tapis.

- Bois.

Faible mais bien conscient de la situation délicate où il s'était fourré, le Gryffondor prit ses potions rapidement. Un soupir de soulagement s'échappa de ses lèvres quelques instants plus tard.

- Je vais mieux merci, lâcha-t-il dans un souffle.

- Ce n'est pas la solution à tes âneries, claqua-t-il d'une voix sévère. On avait conclu un marché toi et moi. Tu restais ici dans le cas où tu respectais les règles. Tu as désobéi délibérément mais en plus tu as mis ta santé en danger.

Harry eut le bon goût de rougir et de river son regard sur ses pieds.

- Est-ce que tu comprends qu'on ne fait pas ça pour t'embêter ? poursuivit le maître des potions qui trouva l'exercice étonnamment facile. Sais-tu que ton corps se bat constamment pour cicatriser et que si tu le mets à rude épreuve, tu vas le fatiguer plus rapidement ? Veux-tu être dans cet état encore plusieurs semaines alors que tu pourrais être guéri dans quelques jours si tu respectes ce qu'on te dit ?

- Je… Je ne me rendais pas compte. Je vais bien la plupart du temps.

- Tu crois que tu vas bien, corrigea le maître des potions.

Le Gryffondor se ratatina sur lui-même. Les mots semblaient faire sens pour lui. Il se tortilla un peu avant de relever le visage. Ses yeux verts de chiots battus eurent presque raison du maître des potions mais il maintint un air implacable. Harry devait comprendre. S'il ne faisait pas preuve de fermeté tout de suite, le futur n'en serait que plus compliqué.

- Je suis désolé, s'excusa le gamin dans un souffle.

Il jugea que c'était bien assez. Évidemment, il aurait dû le renvoyer chez Pomfresh à coup de pieds aux fesses pour aller jusqu'au bout mais Harry regrettait vraiment. Il voyait bien dans son regard que le gamin avait agi sans réfléchir aux conséquences. Cela aurait dû être intolérable à ses yeux et pourtant… Bien des choses avaient changé.

Severus hocha le menton, signe que les évènements étaient clos. Cependant, Harry esquissa un mouvement vers lui, l'air inquiet. Visiblement, il devrait mettre le couvercle sur la subtilité pour les prochaines années à venir. Oui, les prochaines années. Car nul doute qu'il aurait le gamin dans les pattes pour un bon bout de temps.

- Est-ce que vous êtes fâché ?

- Je suis déçu que tu n'aies pas écouté mais j'admets qu'il y a eu sûrement beaucoup de règles à assimiler d'un coup. N'en parlons plus. Va prendre ton bain et mets toi en pyjama.

- Des élèves se sont moqués de moi tout à l'heure, ajouta-t-il d'une voix plaintive.

Quel culot… Mais Severus devait supposer que les enfants agissaient ainsi avec leurs parents. Même s'ils avaient fait une bêtise, ils cherchaient du réconfort.

- Il y aura un autre évènement demain dans l'école et ton petit accident sera déjà oublié, assura-t-il d'une voix confiante. Maintenant au bain !

Harry soupira, visiblement peu convaincu mais ne dit plus rien et se rendit dans sa salle de bain. Une fois certain que le gamin faisait ce qu'il avait ordonné, Severus s'autorisa à s'affaiser sur sa chaise de bureau et jeter sa tête en arrière. Il était épuisé comme il ne l'avait pas été depuis longtemps. D'un geste automatique, il fit apparaître des sandwichs, n'ayant pas encore eu le temps de manger.

Il devait encore corriger les copies de ses septièmes années et répondre à quelques courriers de parents d'élèves. Il n'aurait pas fini avant une heure avancée de la nuit sans compter qu'il devait s'assurer que le gamin ait bien fait ses devoirs, vérifier sa cicatrice et soit au lit à l'heure.

Au moins, Harry n'avait cours que le matin le lendemain et compte-tenu du petit incident de la soirée, il saurait respecter les règles établies.

Harry l'appela lorsqu'il eut fini de prendre son bain et le professeur se rassura un peu en voyant que la blessure cicatrisait bien. Dans quelques jours, tout irait mieux si le Survivant ne décidait pas de briser les règles.

- As-tu fait ton devoir de Métamorphose pour demain ?

- Oui, avec vous.

- Je t'avais demandé d'ajouter certaines choses.

Harry réprima un grognement et se rendit dans sa chambre pour se mettre au travail.

Voilà, au lieu de perdre son temps à jouer pendant des heures dehors, il aurait pu rédiger ce devoir. Il n'y avait pas grand chose à faire mais il était hors de question que Harry rende un travail moyen. Il manquait cruellement de rigueur mais Severus était là pour combler ses lacunes. Vingt minutes plus tard, le Gryffondor sortait de sa chambre assurant qu'il avait terminé. Le maître des potions ne chercha pas à vérifier ni lui indiquer qu'il serait judicieux de s'avancer sur ses autres leçons. Les cernes de l'enfant étaient visibles et il devait bien se détendre un peu avant d'aller dormir.

Assis près du feu, le Gryffondor entreprit de lire un livre.

Le maître des potions se félicita intérieurement d'avoir choisi quelques livres ludiques pour alimenter la bibliothèque. Avec un peu de chance, le gamin irait ensuite lire des ouvrages un peu plus sérieux et académiques.

Un silence apaisant uniquement troublé par les petites vagues du lac et le feu de cheminée envahit la pièce. Severus travailla dans le calme et avança plus vite que prévu. Le niveau des septièmes années était correct et le travail engagé sur toutes ces dernières années payait ses fruits.

Lorsqu'il releva les yeux de ses copies, prêt à rappeler au Gryffondor que l'heure du coucher était passée de dix minutes, il retrouva l'enfant dormant à poings fermés sur le canapé.

Il hésita à le réveiller. Mais pas sûr que le gamin réussisse à se rendormir et il avait définitivement besoin de sommeil. Il retira alors doucement le livre de ses mains. Harry bougea dans son sommeil mais il semblait déjà bien loin au pays des rêves.

Et puis flûte, pensa-t-il pour lui-même. Personne n'était là pour le voir.

Il attrapa le Survivant dans ses bras et le porta sans difficulté jusqu'à son lit.

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Les semaines suivantes se déroulèrent aussi bien que possible. Harry put reprendre les cours à plein temps après son retour à Poudlard. Severus entendit quelques moqueries de la part de ses serpents suite au petit incident du Survivant. Malefoy et Parkinson en tête. Des insultes sorties tout droit d'une cour de maternelle. Une fois les remontrances passées et une discussion en tête à tête avec chacun d'eux, les choses s'apaisèrent.

Drago Malefoy semblait troublé par ce changement. À juste titre. Il avait toujours favorisé cet enfant et plus il y pensait, plus il se disait qu'il avait fait une énorme erreur. Cette problématique s'ajoutait à toutes les autres. Il savait qu'un Serpentard blessé pouvait faire des bêtises plus grosses que lui. D'autant que Drago restait un enfant gâté qui avait peu l'habitude de se prendre des réflexions ou être remis à sa place d'enfant ordinaire. La haine qu'il avait lu dans le regard de l'enfant n'engageait rien de bon. Aux yeux du blond, le maître des potions était un traître et un arriviste. Son petit cerveau était déjà bien formaté.

Mais les choses ne pouvaient pas être aussi arrêtées, surtout à un si jeune âge. Lorsque le jour viendrait, il ferait tout pour empêcher ses petits serpents de basculer du côté obscur. A chaque fois qu'il y pensait, la voix de Lily résonnait, gentiment moqueuse et lui rappelant qu'il aurait eu toute sa place à Gryffondor dans ce cas. Bien évidemment, il repoussait cette voix tout au fond de son crâne. Il n'avait rien de Gryffondor.

Du reste, tout se passait bien. Harry avait rejoint sa tour des lions avec joie mais venait à chaque invitation qu'envoyait Severus. Officiellement, le maître des potions justifiait ces rendez-vous par le suivi scolaire de l'enfant. Après tout, il était son tuteur et c'était bien normal. Officieusement, il s'assurait qu'il allait bien.

Il avait lu un tas d'articles et de livres concernant la psychologie de l'enfant, les traumatismes, l'adoption tardive (même si en théorie, il n'était pas le père adoptif) et il attendait désormais que le gamin explose à tout moment. Mais rien. Harry Potter était une énigme à lui seul.

Il crut cela jusqu'à ce vendredi après-midi.

Le maître des potions enchaînait deux heures de cours avec les troisièmes années réunissant les Serpentard et les Gryffondor. Il leur avait donné un devoir sur table faisant office d'examen non officiel de fin d'année. La direction avait annulé les épreuves de fin d'année mais le professeur voulait s'assurer que les acquis étaient assurés chez tous ses élèves. L'évaluation pratique se déroula la première heure sans souci et lors de l'interclasse, les élèves préparaient leurs parchemins pour l'épreuve écrite quand Percy Weasley débarqua le souffle court.

Instinctivement, Severus sût qu'un problème était survenu et que cela concernait Harry. Le poids de l'angoisse tomba sur ses épaules et il n'eut besoin que d'hocher la tête pour que le Weasley-qui-aurait-du-finir-à-Serpentard ne parle.

- C'est Harry.

Le bourdonnement dans ses oreilles ne lui fit plus distinguer que quelques mots "sortilèges", "disparu", "Professeur Mcgonagall".

Severus annula le cours aussitôt, la boule au ventre. Il retira trente points à Gryffondor lorsque l'un des élèves manifesta sa joie de voir le cours terminé.

Inquiet, il respira trois fois pour se remettre les idées en place.

Percy Weasley restait planté là, attendant visiblement un ordre, remontant avec nervosité les lunettes sur son nez.

- Savez-vous vers où il est parti ?

- Vers les cachots monsieur. Mon frère a…

Le maître des potions ne l'écoutait déjà plus. Dans un mouvement de cape, il détala dans les couloirs.

Il chercha dans les salles et placards abandonnés sans réussir à comprendre pourquoi le gamin avait déguerpi.

Décidément, cela devenait une habitude voire un thème récurrent lorsqu'il s'agissait de retrouver le Survivant comme s'ils jouaient à cache-cache.

Et comme toujours, il se frappa le front quand l'évidence lui vint à l'esprit. Il n'avait même pas cherché chez lui ! Dans un demi-tour parfaitement contrôlé, il marcha à grandes enjambées vers ses appartements. Il souffla le mot de passe puis pénétra dans ses quartiers.

Sombre, aucune lumière n'avait été allumée. Sortant sa baguette, Severus avança à pas lents, l'oreille tendue. Il balaya le salon du regard puis pénétra dans la chambre du gamin.

Rien. Personne.

Il s'apprêtait à repartir lorsqu'il entendit un bruit sourd provenant… De l'armoire.

L'estomac en vrac, le cœur battant, Severus s'avança doucement.

- Harry ?

Seul un gémissement lui répondit.

Il tendit la main précautionneusement pour ouvrir le placard.

Ce qu'il vit lui enserra le cœur.


NDA : P'tite question aux personnes qui commentent uniquement sur l'application, recevez-vous mes messages de remerciements et réponses ? Sinon, il faut vous rendre à l'ancienne, depuis le site internet.

SINON, sachez qu'il n'y a plus que le chapitre 24 le 11 février puis le chapitre 25 qui arrivera aussitôt la semaine suivante pour la simple raison qu'il est court ! Viendra ensuite la petite pause dont je vous avais parlé et si vous avez bien tout suivi. Je reviendrai au printemps pour la partie 2 déjà bien écrite mais je veux prendre de l'avance car la partie 3 s'annonce chargée et tendue (ouais je me suis prise pour une productrice Netflix). Ce sera un chapitre toutes les deux semaines, comme d'habitude. En revanche, j'hésite à rester sur la publication le samedi. Ce sera sûrement un jour de la semaine. J'ai un peu de temps devant moi pour me décider !

Je vous dis au 11 février ! :)