Chapitre 24

La semaine touchait à sa fin et les professeurs avaient tous jugé bon qu'en dépit de l'annulation des examens, plusieurs devoirs sur table seraient donnés. A croire qu'ils s'étaient tous consultés pour qu'à chaque cours, on rappelle l'importance de ne pas cumuler de lacunes et d'assurer des bases solides pour la troisième année d'étude à venir. Par ailleurs, McGonagall les avait informés que le mois de juin serait consacré au renforcement des acquis et rattrapages de matières si cela était nécessaire.

Ron et Harry se soutenaient mutuellement dans cet enfer tandis qu'Hermione les motivait à réviser avec eux. Harry rappelait régulièrement à son amie qu'il n'avait pas besoin d'un deuxième Rogue dans sa vie. En effet, deux fois par semaine et chaque samedi, le professeur réclamait Harry dans ses quartiers afin de voir l'avancement de ses devoirs et révisions. C'était la première fois qu'un adulte s'inquiétait autant pour lui et bien que ce soit plaisant, c'était parfois un chouilla oppressant.

Harry avait bien remarqué que le professeur en profitait pour l'observer sous toutes les coutures comme s'il allait exploser d'une minute à l'autre. Maladroitement, il lui posait des questions sur le contenu des cours, s'il dormait bien et s'il se sentait bien. Touché malgré tout, le Gryffondor répondait de bon cœur. Sachant aussi pertinemment qu'il ferait mieux d'obéir s'il ne voulait pas être assailli de questions.

En l'absence de professeur de Défense contre les Forces du Mal suite à la disparition de Lockhart - l'homme avait littéralement fui sans demander son reste - le trio avait une heure de libre avant de manger et ils en profitèrent pour flâner dans le parc.

Hermione lisait ses fiches de révision et posait des questions aux garçons, les forçant à réviser. Ils tombèrent sur un groupe de Serpentard, mené par Drago Malefoy qui envoya quelques quolibets à l'encontre de Harry. Depuis cet incident dans la Grande Salle - Harry en rougissait encore de honte lorsqu'il y pensait - Malefoy trouvait hilarant de nommer Harry, Harry-pue-le-vomi. Évidemment, le serpent et ses amis faisaient toujours tout pour lancer des attaques lorsqu'aucun professeur ne se trouvait dans les parages.

Ron et Harry avaient déjà sorti leurs baguettes pour se battre dans un duel équitable.

- Ça ne sert à rien ! lança Hermione en baissant la baguette - toujours cassée - de Ron.

- Oui oui, écoutez donc cette Miss-je-sais-tout.

- La ferme Malefoy !

- Ouin ouin, bébé Harry-pue-le-vomi veut protéger sa petite Sang-de…

- Drago ! coupa une voix que Harry n'avait presque jamais entendue.

Un garçon maigre aux dents proéminentes, rarement en compagnie de Malefoy, venait d'accompagner ses mots d'un coup de coude. Harry se souvenait de lui comme se prénommant Théodore Nott. C'était le genre de Serpentard taciturne, silencieux et souvent solitaire. Cela semblait être la journée des nouveautés puisque pour la première fois, Harry vit Malefoy s'adresser à un autre élève comme son égal.

- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-il sincèrement.

- Plus tard. Allons-y.

Le groupe de Serpentard hésitait clairement sur la marche à suivre. Il n'était pas nécessaire d'avoir eu tous ses ASPICs avec la note maximale pour comprendre qu'un enjeu sous-jacent à la maison des verts et argents se tramait. D'aussi loin que Harry ne s'en souvienne, Drago Malefoy avait toujours été le chef.

Un jour, il avait même entendu Parvati Patil et Lavande Brown dire qu'il était le petit prince des Serpentard. Il y avait d'ailleurs eu quelque chose dans leur ton que Harry n'avait su identifier mais qui ne lui avait pas vraiment plu.

Finalement, le blond hocha la tête pour faire signe à la bande de suivre non sans lancer un regard de dégoût à Hermione. La jeune fille ne s'en soucia pas et s'installa sur un banc, ordonnant aux garçons de l'aider à réviser ses fiches.

- Franchement, j'aurais préféré une bonne partie de duels, ronchonna Ron à Harry qui acquiesça avec vigueur.

.

Après le déjeuner, le trio se dirigea vers leur premier cours de l'après-midi, à savoir celui de Sortilèges et Enchantements. Flitwick avait décrété quelques jours plus tôt qu'un examen pratique aurait lieu. Une fois devant la porte encore close de la classe, Hermione courut partager son enthousiasme et son angoisse auprès des filles de Serdaigle qui révisaient avec intensité. La jumelle de Parvati Patil, Padma, surenchérit face aux questions de Hermione et Harry se sentit subitement nauséeux. A voir la tête de ses camarades de dortoir, tous semblaient réaliser qu'ils n'étaient peut-être pas aussi prêts qu'ils ne l'auraient pensé.

Cependant, il était trop tard pour rattraper les lacunes que chacun se découvrait car la porte s'ouvrait pour laisser passer les élèves. Dans un silence écrasant, le professeur rappela les consignes de l'examen.

Comme d'habitude, le directeur de Serdaigle organisait les évaluations pratiques de façon très protocolaire. Il appelait d'abord les volontaires et si personne ne se désignait, il tirait au sort. L'élève se retrouvait alors sur l'estrade et piochait un papier sur lequel était écrit le sort à exécuter. L'élève devait également expliquer à quoi servait le sortilège. Pour un étudiant comme Neville, ce genre d'examen était une véritable épreuve mais fort heureusement, Flitwick ne laissait jamais passer une moquerie.

Partageant la classe avec les Serdaigle, plusieurs élèves manifestèrent leur motivation. Après cinq passages plus ou moins bien réussis, Harry hésitait à lever la main pour passer histoire d'étouffer la boule d'anxiété qui grossissait dans sa poitrine. Hermione réussit avec brio le sortilège d'engorgement sur une tasse de thé et le professeur la coupa dans ses explications sur le contre-sort.

Sans nouveau candidat, le professeur tira au sort.

- Harry Potter ! cria-t-il de sa petite voix.

Harry souffla un bon coup. Après cela, ce serait terminé. Un sourire tendu se dessina sur son visage lorsqu'il croisa le regard de Ron qui lui envoyait des signes d'encouragement. Il fouilla longuement dans le bol, priant pour tomber sur un sortilège qu'il maîtrisait suffisamment bien.

- Sortilège de désarmement, lut-il à voix haute.

Ils avaient vu ce sortilège en fin d'année mais Severus Rogue l'avait montré en personne lors du Club de Duel. Une bouffée d'affection balaya l'anxiété qui lui tordait les boyaux. Pour la première fois de sa vie, Harry voulait faire plaisir à un adulte en sachant qu'il provoquerait une réaction positive s'il réussissait.

- Allez-y Mr Potter, désarmez-moi, lança le professeur Flitwick.

Harry pointa sa baguette vers le professeur et souffla un grand coup.

- Expelliarmus !

La sensation chaude et plaisante de la magie qui émanait de son corps vibra dans sa main. La baguette vola largement des mains du professeur et tomba un peu plus loin par terre. Le professeur félicita Harry puis lui posa quelques questions sur le sortilège. Harry répondit à peu près correctement puis descendit de l'estrade, soulagé et ravi d'avoir réussi cette épreuve. Il observa le reste de l'examen l'esprit bien plus léger.

Neville rencontra de grandes difficultés à lancer le sortilège de lévitation - pourtant de première année - mais marmonna une réponse correcte concernant son efficacité. Quand ce fut au tour de Ron, Harry envoya une tape amicale dans le dos de son meilleur ami.

Il tomba sur le sortilège de feu - aussi un acquis de première année. L'erreur n'était donc pas acceptable. Pourtant, dès le départ, Ron oublia d'enfiler des gants comme il était recommandé pour les jeunes élèves. Rouge tomate, il pointa sa baguette sur la bougie qu'il devait allumer. Cela nécessitait une maîtrise parfaite. Mais la baguette de Ron demeurait quasiment brisée et les chances de réussite étaient minces.

Harry réfléchissait à la façon dont il pourrait convaincre Rogue d'appuyer la défense de Ron si jamais les choses se passaient mal lorsque le roux prononça la formule.

- Incendio ! Ouille !

Harry se dirait plus tard que le stress d'un examen et une baguette en mauvais état formaient un cocktail dangereux.

La petite flamme qui aurait dû sortir se matérialisa en gerbe de feu tel un lance-flamme. Harry recula de plusieurs pas, les yeux écarquillés. Une terreur inexplicable comme lors de ses réveils nocturnes s'empara de tous les pores de sa peau. Tout à coup, il était à nouveau dans la Chambre des Secrets. L'odeur de brûlé du Feudeymon lui piqua les narines, la peau du Basilic qui glissait contre le sol humide lui vrillait les tympans et les cris de sa mère se mélangeaient à ceux de cette chose immonde et gluante qu'il avait vu dans le noir.

Harry ne se vit pas plaquer ses mains sur ses oreilles, il ne vit pas les regards intrigués puis carrément effrayés des personnes autour de lui et il ne vit pas le professeur de Sortilèges s'approcher de lui avec douceur. Tout était noir. Il fallait fermer les yeux. Le Basilic était là. Ou du moins, il avait bien trop peur de le voir. Au fond de lui, il savait que ce n'était pas réel mais cela ne le calma pas. Il devenait fou. Et cela l'effraya encore davantage.

Une main le toucha et il repoussa son assaillant avec l'énergie du désespoir. La vision brouillée, Harry s'échappa le plus rapidement possible de cette salle de malheur. On ne chercha pas à l'arrêter et il courut à en perdre haleine.

Il devait trouver un endroit sécurisé.

Et sans réfléchir, il se dirigea vers les cachots.

oOo

Severus Rogue n'était pas le genre d'homme à ressentir de la culpabilité lorsqu'il exécutait un geste pour parvenir à ses fins. Il aurait pu immédiatement utiliser la légilimencie.

Mais il s'agissait de Harry.

Blotti dans le fond de l'armoire, recroquevillé sur lui-même, le souffle court et bruyant, le gamin l'observait tel un chat sauvage.

A cet instant, il avait la désagréable sensation d'avoir fait un bond de neuf mois en arrière.

Il cacha cependant son désespoir. La réaction de Harry était parfaitement légitime. Il savait que ça arriverait un jour. Simplement, il n'avait pas imaginé que le Survivant irait se cacher au fond d'une armoire trônant dans ses appartements.

La colère, la fugue, une crise de larmes, Severus connaissait cela chez le gamin. Mais pas ça. Là, c'était tout ça à la fois et rien de ce que le maître des potions n'avait eu à faire face.

- Harry, chuchota-t-il. Tout va bien d'accord ?

Il approcha sa main avec une lenteur extrême. Le Gryffondor demeurait silencieux mais son corps était raide et ses yeux jonglaient entre la main de Severus et son visage. Il se colla - si c'était possible - encore plus à la paroi de l'armoire lorsque la main du sorcier se posa sur sa petite épaule.

Les secondes s'écoulèrent sans qu'aucun des deux ne bougent. Nul ne savait ce qui pourrait se passer si le maître des potions entamait un mouvement trop brusque.

- Est-ce que tu veux bien m'expliquer ce qu'il se passe ? demanda-t-il lorsqu'il sentit le garçon se détendre légèrement.

Le Gryffondor semblait chercher ses mots qui mouraient les uns après les autres dans sa gorge. Paralysé par la peur, il ne réussit qu'à secouer la tête. Merveilleux. Manquait plus d'un Survivant muet, ironisa Severus.

- Puis-je lire dans ton esprit ? demanda-t-il de but en blanc.

Le gamin ouvrit le yeux de surprise puis opina du chef.

Sans autre mesure, Severus entra dans la tête de l'enfant. Il se percuta à l'étonnement du Survivant. Visiblement, il avait déjà soupçonné les talents du maître des potions quant à la légilimencie. Amusé mais toujours sérieux, Severus trouva rapidement la scène qui avait provoqué cette attaque de panique.

Peiné de sentir la peur et l'angoisse qui avaient saisi Harry, Severus se retira doucement de la tête du garçon puis resserra sa prise sur son épaule, geste qu'il espérait réconfortant.

- Je deviens fou, dit Harry dans un hoquet.

- Absolument pas, coupa le maître des potions. C'est normal de revivre des scènes après un traumatisme. Je peux t'expliquer les mécanismes si tu veux sortir. Comprendre, c'est maîtriser. Est-ce que tu veux maîtriser les choses, Harry ?

Le Gryffondor hocha la tête.

- Alors sors d'ici. Je suis là, il ne peut rien t'arriver, ajouta-t-il.

Les yeux du Gryffondor brillèrent de reconnaissance puis de courage. Harry se leva, encore tremblant mais le menton haut.

Fier de son lion, Severus ébourriffa la tête du gamin sans réfléchir. Puis, il se dirigea vers sa cuisine privée. Quelques minutes plus tard, Severus servait des biscuits et du thé à son protégé. Il était encore pâle mais la crise semblait être passée.

Ils discutèrent longuement. D'abord de ce qu'était un traumatisme et quelles pouvaient être les conséquences de tous les évènements que Harry avait vécu dans sa courte vie.

- J'aurais dû t'expliquer tout ça dès le départ.

- Ce n'est pas grave monsieur.

Ils changèrent ensuite de sujet, parlant des cours et des options à venir pour la troisième année d'étude. Les minutes s'écoulèrent rapidement et le dernier cours de la journée de Severus débutait dans cinq minutes. Autant Harry pouvait louper une leçon d'Histoire de la Magie, autant Severus ne pouvait pas faire l'impasse sur les dernières évaluations. Une fois le mois de juin débuté, il n'obtiendrai plus aucun effort de ses élèves.

- J'ai un cours avec les sixièmes années, je reviens dans une heure.

- Je peux venir ?

Le gamin avait rougi violemment aussitôt la demande formulée. Harry-pot-de-colle était de retour. Il décida d'en profiter. Un jour, il grandirait et le Survivant ferait certainement tout pour l'éviter. Et cette pensée dérangeait quelque peu le maître des potions bien qu'il savait qu'il devrait le laisser grandir.

- D'accord mais tu prends de quoi t'occuper.

Le professeur se leva et Harry le suivit sur ses talons. Il pouvait ressentir l'anxiété et la fragilité de l'enfant mais il ne dit rien. Passant par un petit couloir attenant à l'appartement, Severus atterrit dans son bureau puis dans la salle de potions.

- Comment est-ce qu'on a pu arriver directement dans la salle de classe ? demanda Harry, surpris.

- On est à Poudlard, rappela simplement le professeur. Installe-toi devant.

Harry se percha docilement sur un tabouret et ouvrit l'ouvrage qu'il avait saisi distraitement dans l'appartement. Il n'avait pas pris ses affaires après le cours de Sortilèges et Severus marmonna au tableau près de la porte de prévenir Minerva afin que Harry récupère son sac de cours. Nul doute qu'il passerait le week-end dans les appartements.

Les élèves entrèrent silencieusement et Puffett salua Harry avec joie. Percy Weasley s'approcha du Survivant les sourcils froncés, prêt à demander des comptes au deuxième année.

- Mr Weasley, veuillez regagner votre place. Très bien, ouvrez vos manuels à la page deux-cents-dix…

oOo

Harry fut étonné du silence qui régnait dans la salle de classe. Bien sûr, le professeur Rogue n'avait jamais vraiment eu besoin d'exiger le silence plus d'une fois dans sa classe mais il y avait toujours un chuchotement ou une chaise qui grinçait. Pas chez les sixièmes années. Tout le monde travaillait sans qu'aucun autre bruit que la pointe des plumes griffonnant les parchemins et le bouillonnement des chaudrons ne s'élèvent.

Harry se demanda si un jour il saurait faire preuve d'autant de sérieux en classe.

Puffett lança un énième sourire bienveillant à Harry. A la fin du cours, elle s'approcha de lui pour prendre de ses nouvelles.

- Tu as décidé de devenir sérieux finalement ? demanda-t-elle sans méchanceté, un brin taquin.

- J'ai surtout hâte que l'année se termine, marmonna Harry, légèrement bougon.

Puffett l'observa quelques instants, ses grands yeux profonds semblaient le sonder et par acquis de conscience, Harry détourna les yeux. Ils étaient combien à savoir lire dans les esprits ? Maintenant qu'il avait eu la confirmation pour Rogue, le Gryffondor allait devenir totalement paranoïaque.

- Si jamais tu en as besoin, tu peux venir me voir d'accord ?

Harry opina du chef, surpris par cette gentillesse soudaine et, il fallait l'avouer, bienvenue. La Serpentard balança son sac sur son dos et s'en alla d'un pas conquérant. Il la suivit du regard et lorsqu'elle passa la porte de la classe, il tomba sur Ron et Hermione qui attendaient sur le seuil.

- Hey ! salua-t-il en s'approchant d'eux.

Hermione sembla se faire violence pour ne pas lui sauter au cou et l'assommer de questions. Ron le regardait avec un sourire triste, ne sachant pas trop quoi dire. Finalement, il agita le sac qu'il tenait dans ses mains, un sourire contrit sur le visage.

- Tu avais oublié ton sac.

- Merci.

Hermione pinçait ses lèvres et Ron passait d'un pied sur l'autre. Harry comprit alors la gêne de ses amis. Severus Rogue s'était approché et écoutait la conversation. Prenant son courage à deux mains, Harry se tourna vers le maître des potions dont le regard demeurait impénétrable.

- Est-ce qu'ils peuvent venir dans ma chambre ?

- Ne mettez pas le bazar, offrit-il en guise de réponse.

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Harry fut à la fois heureux et anxieux à l'idée de montrer sa chambre. Ron avait certainement dû ressentir la même chose la première fois que Harry était venu au Terrier. Il laissa ses amis observer la petite chambre. Hermione s'installa sur le rebord du lit et Ron observa au loin à travers la fenêtre.

- Ravie de voir que tu ne vis pas dans une grotte de chauve souris, dit-il finalement.

Harry éclata de rire avant de se jeter sur son lit pour s'installer. Hermione avait remarqué la bibliothèque et lorgnait déjà les livres.

- Tu peux en prendre si tu veux, dit finalement Harry.

Comme si on lui avait annoncé Noël à l'avance, Hermione se jeta sur la bibliothèque, les yeux brillants. Ron en profita pour prendre sa place et caler son dos contre le mur.

- Tu sais, débuta-t-il, je fais des cauchemars parfois… de cette nuit-là dans la Chambre des Secrets. Je rêve que le serpent t'avale ou qu'on arrive trop tard pour Ginny. D'ailleurs, il paraît qu'elle aussi fait des cauchemars. C'est Fred qui me l'a dit.

Harry resta silencieux. C'était la première fois qu'ils avaient une discussion aussi sérieuse tous les deux. Hermione feuilletait son livre mais tout le monde dans cette pièce savait pertinemment qu'elle écoutait la conversation avec grand intérêt.

- Tu sais Harry, ça ne change rien… Tout ça.

Ron balaya l'air d'un geste de la main comme pour inclure Rogue, cette nouvelle vie, les cauchemars… Un poids s'enleva des épaules de Harry. Il observa son ami, un sourire léger sur le visage. Ron avait toujours été là pour lui et il serait toujours là pour Ron.

- Une partie d'échec ? proposa Ron.

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Les semaines défilèrent sans encombre. Le professeur Rogue passait beaucoup de temps dans son laboratoire et Harry fut tenté plusieurs fois de lui rappeler que l'année touchait à sa fin et que par conséquent, il pouvait se détendre. Cependant, le maître des potions affichait un air sérieux et grave. Parfois, Harry le surprenait en discussion intense avec le professeur Dumbledore lors des dîners dans la Grande Salle.

Peu à peu, Harry s'inquiéta. Il avait déjà beaucoup d'angoisse en lui mais il fallait croire qu'il n'avait pas atteint son seuil de tolérance. La nuit, il se réveillait, effrayé à l'idée d'être seul, dans le noir. Alors il allumait sa lumière et s'il était dans la tour de Gryffondor, il ouvrait en grand ses rideaux afin de regarder les reflets de la lune briller sur les fenêtres de son dortoir.

Mais maintenant, c'était la tension, presque imperceptible dans les épaules de Rogue qui inquiétait Harry. Et puis ce regard qu'il posait sur lui quand il pensait que le Gryffondor faisait autre chose, décuplait son angoisse.

Parfois, Harry pensait à la prophétie puis la refoulait loin dans son esprit tant son ventre se tordait de terreur à cette pensée.

Rogue était-il inquiet à cause de cette prophétie ou était-ce quelque chose d'autre ? Était-ce l'histoire de tutelle qui se déroulait mal ? Allait-il devoir se rendre dans une famille d'accueil ?

Harry en était certain, il préférait connaître la vérité plutôt qu'on taise les choses qui le concernaient. Alors un soir de juin, Harry décida de dîner avec le professeur. Il en avait fait la demande à la fin d'un cours et Rogue, après un éclair d'étonnement dans son regard, avait acquiescé. A peine avaient-ils attaqué leur soupe que Harry démarra au quart de tour :

- Est-ce qu'il se passe quelque chose à mon propos ?

- Cette phrase ne veut rien dire.

- Vous… J'ai l'impression qu'il se passe quelque chose, dit maladroitement Harry. Et que ça me concerne.

Le professeur posa sa cuillère et se passa une main sur le visage, l'air las. La boule d'angoisse, quasiment constante, pulsa au creux de l'estomac d'Harry. L'homme semblait chercher ses mots et Harry décida de l'encourager.

- S'il-vous-plait, je ne veux plus qu'on me cache des choses… Je veux la vérité. Je vois bien les regards que vous me lancez et je sais que vous parlez presque tous les jours avec Dumbledore et qu'il semble tout aussi inquiet. C'est la tutelle n'est-ce pas ?

- La quoi ? s'étonna le professeur complètement perdu.

- La tutelle… Le Ministère ne veut pas que je reste avec vous c'est ça ?

Il essaya tant bien que mal de maîtriser son menton qui commençait à trembler. Il n'aurait jamais pensé que cette simple phrase aurait pu le mettre autant à fleur de peau. Le professeur l'observa quelques instants avant de secouer la tête.

- Rassure-toi ce n'est pas ça.

- Alors quoi ?

- Harry, je sais que tu veux savoir les choses mais tant que je ne suis pas certain… Tu dois vivre ta vie d'enfant, d'accord ?

C'était la première fois que Rogue faisait preuve de langue de bois. Fronçant les sourcils, Harry tenta tant bien que mal de maîtriser la pointe de colère qui se disputait à la peur panique dans son estomac. Il se savait fatigué et démarrer une dispute n'aurait aucun intérêt. Comme pouvait le faire le professeur de potions lorsqu'il était sur les nerfs, Harry inspira profondément puis reprit sa cuillère pour manger en silence.

- Harry, regarde-moi.

Le regard du professeur était confiant et sûr de lui mais on distinguait nettement cette raideur dans les épaules de l'homme.

- Je ne suis pas là pour te cacher des choses d'accord ? Mais je me dois de te protéger et de ne pas t'affoler inutilement alors que tu es déjà bien assez angoissé comme ça.

- Je ne suis pas angoissé ! répliqua Harry un peu trop sèchement.

Un court instant, Harry crut que le maître des potions allait lui hurler dessus mais il se contenta de se pincer les lèvres et de reprendre son repas.

- Surveille ta façon de parler.

C'était surprenant de la part de Rogue. Déstabilisant également.

- Dites-moi au moins de quoi il en retourne et sur quoi…

- Ça suffit, coupa le professeur d'un ton sec.

La colère se décupla et Harry n'eut pas le temps de la contrôler. Les assiettes se mirent à vibrer subitement. S'accrochant à la table, il se redressa.

- Vous n'avez pas le droit de me cacher des choses ! Je veux savoir ce qui vous inquiète !

- Tu files dans ta chambre te calmer, on reparlera plus tard.

Harry ne sût pas si c'était le calme apparent du maître des potions ou sa toute nouvelle façon de ne plus entrer en conflit avec lui mais il eut l'envie de hurler face à cette réaction. Cependant, il préféra se lever d'un bond et fuir jusque dans sa chambre en prenant soin de claquer la porte. Puis, pour faire bonne figure, il se jeta sur son lit et hurla dans son oreiller.

Pourquoi était-ce si compliqué ? Pourquoi lui cachait-on encore des choses ? Il pouvait tout entendre, il pouvait même aider à résoudre les problèmes s'il y en avait. Après tout, ça le concernait !

Se retournant sur le dos, Harry observa le plafond qui affichait une eau verdâtre. Il distingua quelques sirènes au loin, flottant paisiblement dans l'eau. Cela eut le mérite de l'apaiser quelque peu.

Presque honteux d'avoir si mal parlé au professeur, Harry se leva et se dirigea vers sa salle de bain pour se préparer à dormir.

oOo

Était-ce un avant-goût de ce que serait l'adolescence ? Severus n'en savait rien mais pria pour que ça ne devienne pas récurrent.

En temps normal, il aurait exigé des excuses et une punition serait tombée face à ce comportement inapproprié mais il était épuisé mentalement. Entre les nombreuses lectures toutes aussi contradictoires et culpabilisantes sur l'éducation d'un enfant et les recherches sur les évènements qui avaient découlé après la brûlure du Feudeymon qui n'avançaient pas, le maître des potions avait abandonné l'idée d'aller jusqu'au conflit.

Par ailleurs, il y avait autre chose qui trottait dans sa tête. Fin mai, Dumbledore lui avait parlé d'une ancienne connaissance ou plutôt ennemi de toujours.

Le Directeur avait annoncé cela entre la poire et le fromage. Littéralement. Comme tous les mercredis midis, Severus avait rejoint la Grande Salle pour déjeuner. Dumbledore était présent et discutait joyeusement avec Rubeus Hagrid. Le vieil homme était un peu trop enthousiaste pour que le maître des potions ne soit pas sur ses gardes. Il avait alors écouté la discussion d'une oreille et toute son attention fut rivée sur les deux hommes lorsque le prénom du Survivant fut évoqué :

- J'ai créé cet album pour lui à la fin de l'année dernière. Je savais que Harry n'avait jamais vu une seule photo de ses parents alors j'espérais lui faire plaisir.

- Vous avez parfaitement bien fait Hagrid. Mais dites-moi, comment avez-vous réuni toutes ces photos ?

- Oh et bien, j'ai contacté tous les anciens amis des Potter. Ceux de l'école et ceux de l'Ordre évidemment…

- Ils vous ont tous répondu ?

- Parfaitement ! Remus Lupin est celui qui m'a fourni le plus de photographies. Il s'inquiétait du bien-être de Harry dans le courrier qu'il a joint.

- Oh je suppose que le garçon lui manque… Ils étaient très amis avec James. Vous a-t-il dit ce qu'il faisait ?

- Je crois que le pauvre homme a du mal à garder un emploi stable.

Et pour cause, avait pensé Severus méchamment. C'était terminé le temps des farces et des pitreries. Et sans ses gardes du corps, le loup-garou devait être bien seul désormais. La petite bande si parfaite n'était plus.

- Oh je me disais à juste titre que je pourrai lui proposer un poste à Poudlard maintenant que nous n'avons plus de professeur de Défense contre les forces du Mal et ainsi il pourra rencontrer Harry. Qu'en pensez-vous Severus ?

Les yeux innocents de Dumbledore eurent pour seul effet d'envelopper Severus dans une colère sourde. Il avait simplement haussé les épaules et marmonné que le Directeur de Poudlard faisait bien ce qu'il voulait. Il savait pertinemment que là n'était pas le sujet mais il avait coupé court à la discussion en se levant d'un bond et en s'enfermant dans son travail.

Plusieurs fois, Dumbledore revint à la charge. Il employait des grandes expressions, rappelant qu'il fallait faire table rase du passé et qu'ils étaient des hommes désormais.

Oui mais voilà, lorsqu'il s'agissait des Maraudeurs, Severus avait la sensation de redevenir l'adolescent perdu et empli de haine. Il ne se sentait pas prêt à revoir Remus Lupin. Et il ne voulait pas se pencher sur les raisons qui l'empêchaient d'avancer.

Mais cette crise que Harry avait faite le remettait en question.

Tout ce qui touchait Harry remettait tout en question.

Il avait bien évidemment le temps avant la prochaine rentrée, cette année scolaire n'ayant pas encore touché complètement à sa fin.

Pour autant, il devait discuter avec Harry.

Cette nuit-là encore, il entendit le garçon se réveiller, s'agiter dans sa chambre afin probablement d'allumer la lumière.

Et dire que cet enfant niait en bloc être angoissé…

Severus avait plusieurs fois hésité à venir le voir mais il ne savait pas trop comment s'y prendre pour le rassurer. Il redoutait un moment particulièrement embarrassant pour l'un comme pour l'autre. Ce n'était pas comme venir auprès de lui lorsqu'il était blessé ou qu'il était en pleine crise. Là, c'était pénétrer dans l'intimité de l'autre et Severus ne savait pas s'il allait être correctement reçu.

Le lendemain matin, après une nuit courte mais portant conseil, le maître des potions invita Harry à Pré-au-lard.

- Que nous ? demanda le Gryffondor.

A cet instant, dans son pyjama, les yeux encore gonflés de sommeil et les joues rosies par le réveil, il paraissait bien plus jeune. Un sourire attendri faillit jaillir sur le visage du maître des potions qui masqua ce sentimentalisme écoeurant par un pincement de lèvres.

- Oui, nous deux. J'aimerais discuter avec toi dans un lieu neutre. Il me semble que tu voulais qu'on parle, n'est-ce pas ? Alors va t'habiller, on part prendre un petit déjeuner là-bas, dit-il lorsque le garçon opina du chef.

Le soleil de juin caressait les feuilles des arbres qui habillaient l'allée principale de Pré-au-lard. Harry marchait à côté de Severus, silencieusement. A cet instant, seul le bruit du vent avait sa place et il était inutile de rompre ce sentiment d'apaisement par des discussions futiles.

Severus guida Harry et prit des petits déjeuners à emporter. Puis, il se dirigea aux abords du village, au cœur d'un parc boisé.

Il n'était pas retourné à cet endroit depuis plus d'une décennie… Pourtant, rien n'avait changé. Le banc sur lequel il avait passé des heures à discuter avec Lily lors des journées à Pré-au-lard était toujours présent. Machinalement, il s'y dirigea et Harry suivit sans rien demander, curieux de découvrir ce nouveau lieu. Ils mangèrent silencieusement, savourant autant les pâtisseries que le chant mélodieux des oiseaux.

- C'est ici qu'on venait avec ta maman lorsque nous voulions être au calme, dit-il finalement.

- C'est un bon endroit. On peut réfléchir calmement.

Severus but une gorgée de café avant de reprendre la discussion. Il ne savait plus vraiment par quoi commencer. Mais avant qu'il ne puisse parler, un chaton s'échappa d'un buisson. Il était robuste, roux et noir et gambadait droit vers le bassin d'eau. Un chat adulte, la mère probablement, sortit à son tour en miaulant. D'un point de vue humain, elle avait tout l'air de passer un savon à son chaton qui n'en faisait qu'à sa tête. L'animal se pencha vers le bassin et de justesse, la chatte l'attrapa par la peau du cou et s'échappa vers le buisson.

Harry qui n'avait rien manqué de la scène, éclata de rire et Severus ne put s'empêcher de sourire. Une idée lui vint soudainement.

- C'est marrant ce chaton qui veut aller plus loin et dépasser les limites. Heureusement que sa mère est venue pour lui.

- Pourquoi marrant ?

- Je ne sais pas… Il me fait penser à quelqu'un. Quelqu'un qui voudrait aller un peu trop vite dans la vie, quelqu'un qui décide d'avancer souvent tout seul et qui a du mal à lâcher-prise. Tu as vu comme il a craché lorsque sa mère l'a pris par la peau du cou ?

Le regard du Gryffondor se perdit sur le bassin d'eau, comme si le chaton était encore présent. Puis il haussa les épaules.

- C'est normal qu'il réagisse comme ça. S'il a toujours été tout seul, il a bien fallu qu'il se débrouille. Et puis c'est important qu'il connaisse les dangers pour les affronter. C'est sa vie.

- Le problème c'est que si sa mère n'était pas venue, il se serait certainement noyé. Ne crois-tu pas qu'elle a raison de l'éloigner des dangers ?

- Peut-être, admit Harry dans un haussement d'épaule.

- Il y a des choses pour lesquelles les chatons doivent attendre avant de pouvoir voler de leurs propres ailes.

- Plutôt courir de leurs propres pattes, rectifia le gamin dans un petit rire.

Severus s'autorisa à sourire et regarder le Gryffondor dont les yeux verts n'avaient jamais été aussi sérieux. Et cette fois, il paraissait bien plus vieux que d'habitude. Il y avait une gravité dans ce regard qu'aucun enfant de douze ans n'aurait dû avoir.

- Mais moi ce n'est pas pareil, dit finalement le garçon à voix basse.

- Pourquoi ce n'est pas pareil ?

- Parce que… Parce que j'ai besoin de savoir ce qui se passe. Un jour, je vais devoir affronter Voldemort, vous me l'avez dit. Il faut que je maîtrise les choses et que je comprenne…

- Harry je vais te dire quelque chose et je veux que tu m'écoutes attentivement, coupa le maître des potions. Il faut que tu saches que rien n'est arrêté dans cette histoire de prophétie et de cela, on en parlera plus tard. Maintenant sache une chose, je te promets sur l'honneur de Merlin que tu sauras tout ce que je découvrirai et qui a une importance pour la suite. Mais je ne veux pas te parler de mes doutes ou des recherches que je peux faire pour la simple raison que tu n'as pas à porter tout ça sur tes épaules. Tu n'es qu'un enfant qui en sait déjà beaucoup trop. Ne me regarde pas comme ça Harry. Je sais que tu te réveilles presque toutes les nuits et que tu gardes la lumière allumée. Tu as le droit à un peu de repos, tu as le droit de te construire comme tous les autres enfants de ton âge. Je vais te préparer à devenir un grand sorcier mais cela n'implique pas que tu grandisses plus vite que tu ne le fais déjà.

A la fin de cette tirade, Severus constata que son cœur battait beaucoup trop rapidement. Les yeux d'Harry étaient brillants de larmes mais il cilla plusieurs fois pour les chasser. Malgré tout, une larme roula sur sa joue et l'essuya rageusement cette dernière.

- Je comprends, souffla finalement le gamin. C'est juste pas facile tous les jours.

- Je te rassure, ce n'est pas tous les jours une partie de plaisir non plus, ironisa le maître des potions. Non mais imagine, on m'a collé dans les pattes un lionceau encore plus têtu qu'une mule !

- Est-ce que vous êtes réellement en train de blaguer avec moi ? s'étonna Harry les yeux ronds, un sourire incertain sur le visage.

- Ne t'avise jamais de le répéter.

Harry éclata franchement de rire et une bulle de complicité mêlée à de l'affection les entoura. Ils dévorèrent leurs derniers toasts avant de se lever.

Severus n'en avait pas réellement terminé. Particulièrement après cette discussion. Ils durent marcher quelques pas avant d'avoir le courage de le faire.

- J'ai appris qui serait le prochain professeur de Défense contre les forces du Mal.

- J'espère qu'il est meilleur que Lockhart.

- N'importe qui est meilleur que cet énergumène, répondit l'homme dans une grimace de dégoût. En réalité, il s'agit d'un ami de ton père. L'un de ses meilleurs amis en réalité. Ta maman aussi était ami avec lui.

- Et vous ?

- Non pas vraiment.

Il tenta autant que possible de ne pas montrer son animosité. Il le faisait pour Harry. Mais l'exercice était très difficile.

- Tu sais, j'ai parfois du mal à faire table rase du passé. Mais je sais où est l'essentiel.

Il espérait grandement que Harry pourrait comprendre la subtilité de ses mots. Le gamin hocha simplement la tête et ils marchèrent jusqu'aux carioles en silence. Les sombrals majestueux observèrent Harry et Severus monter à bord avant de prendre la route.

Le Gryffondor était affalé sur son siège et ses yeux papillonnaient dangereusement.

- Si tu t'endors, je ne te porterai pas jusqu'à ton lit, prévint Severus.

Le gamin répondit par un sourire radieux malgré ses yeux fatigués.

- Ce soir, tu viendras me voir afin que je te donne une potion pour dormir. Tu es trop épuisé.

- Peut-être que ce n'était pas sa maman au petit chaton dans le parc, dit finalement Harry les yeux dans le vague.

- Ah bon ?

- Peut-être que c'était son papa.

Le gamin planta un regard équivoque dans celui, détestabilisé, du maître des potions.

.

La fin de l'année surgit rapidement. Comme toujours, un tas de tâches devait être réalisées avant le grand départ des étudiants. S'ajoutait à cela la recherche d'une nouvelle maison.

Après réflexion, il était hors de question d'aller vivre à l'Impasse du Tisseur. Le maître des potions souhaitait des fondations saines pour cette nouvelle vie.

D'autant qu'il savait qu'il recevrait a minima une visite du Ministère durant l'été. Nul doute également qu'à un moment ou à un autre, Lupin serait au courant de tout. Et qu'il ne laisserait rien passer s'il voyait la moindre chose à critiquer.

Severus trouva finalement une maison de taille modeste mais suffisamment grande pour accueillir un pré-ado et un maître des potions.

Il annonça à Harry qu'ils passeraient l'été dans leur nouvelle maison, à Inverness. Située aux abords du centre-ville, la maison possédait quatre chambres dont une servirait comme laboratoire pour le maître des potions. Un grand jardin permettait, après quelques sortilèges de dissimulation, de pouvoir voler et improviser des matchs de Quidditch.

Il n'avait pas réellement décoré la chambre de Harry mais en quelques jours, des posters de Quidditch et photographies habillaient déjà les murs.

Avant de partir, Albus Dumbledore avait promis d'écrire à Severus pendant son voyage qu'il entreprenait en Albanie, sur les traces du passé du Seigneur des Ténèbres. Il l'avait encouragé à renforcer le lien naissant entre Harry et Severus.

- Je m'occupe du reste, avait-il ajouté.

Le maître des potions ne savait plus quoi penser de toutes ces manigances. Bien évidemment, il ne laisserait jamais Dumbledore lui cacher quoique ce soit en ce qui concernait Harry. Mais il se demandait tous les jours s'il était réellement utile de le préciser à Dumbledore. Car plus le temps passait, plus qu'Harry et lui se trouvaient exactement là où le Directeur voulait depuis la fugue de l'enfant.

Il aurait dû être furieux, tempêter et se venger en bon Serpentard qui se respecte.

Pourtant, c'était tout le contraire.

Lorsqu'il voyait Harry bouquiner sur le canapé, s'endormir sur un transat après avoir volé comme un fou dans le ciel ou rire aux éclats après un sarcasme du maître des potions, plus rien n'avait d'importance. Si cela était le fruit du hasard, d'une stupide prophétie ou des manigances d'un vieillard, quelle importance ?

Il n'avait jamais été aussi heureux.

Et même dans la difficulté, rien ne changeait.

Lorsqu'il préparait une potion calmante pour Harry car il passait des nuits compliquées ou qu'il le ramenait dans son lit suite à une crise de somnambulisme, son instinct de protection se décuplait davantage.

Le maître des potions n'avait jamais été autant en confiance. Il était au bon endroit, au bon moment et avec la bonne personne. Le monde pouvait s'arrêter de tourner, plus rien n'avait d'importance.

Ainsi, quand Harry demanda si Ron Weasley et Hermione Granger pouvaient venir lui rendre visite, Severus accepta.

- En revanche, je crains que ça ne soit après ton anniversaire. Ton ami Ron est en Egypte.

- Comment est-ce que vous le savez ?

Severus posa la Gazette du Sorcier devant lui où Arthur Weasley était mentionné comme grand gagnant du gros lot de l'été, à savoir Sept cents gallions d'or. L'homme annonçait qu'il partirait en Egypte avec sa famille afin de rendre visite à leur fils aîné.

- Oh, dit Harry fort à propos. C'est bien pour eux, ajouta-t-il avec joie et empathie.

Severus était fier de Harry.

oOo

Harry se promenait dans le jardin, balai à la main. La chaleur commençait à être oppressante et il avait assez volé pour la matinée.

Cette maison était merveilleuse. En plus d'avoir tout un tas d'objets magiques, les meubles provenaient de tous les siècles mais tous d'une qualité supérieure. Ce gloubi-boulga rendait le tout sécurisant et accueillant, comme si n'importe qui pouvait venir passer le seuil de cet écrin familial.

Ce sentiment de bien-être venait aussi de l'homme qui lui avait ouvert sa porte. Le professeur Rogue l'aidait régulièrement pour ses devoirs d'été et lorsqu'il faisait des cauchemars, il n'était ni embarrassant ni oppressant. Il se contentait de lui donner quelques gouttes de potions calmantes.

Au bout du jardin, une route en terre battue menait à la lisière d'une vaste forêt dont les chênes semblaient toucher le ciel. Harry mourrait d'envie d'aller y faire un tour mais il n'osait demander au professeur de peur de se voir refuser sa requête. C'était une chose stupide bien évidemment car s'il ne demandait pas, il ne risquait pas d'obtenir une réponse favorable. Pourtant, l'idée d'un simple refus du professeur lui provoquait comme un trou dans l'estomac.

Il observa la forêt, comme toujours, dévorant du regard la cime des arbres qui bougeaient lentement sous la brise matinale. Il s'amusa à repérer les oiseaux dans les branches qui chantonnaient joyeusement.

Mais ce jour-là, les branches bougèrent plus que d'habitude. Harry cligna à peine les yeux qu'un énorme chien noir sortit des fourrées. Les moldus ne pouvaient pas voir le jardin mais ce chien semblait bien voir Harry. Il inclina sa tête sur le côté et aboya avant d'agiter la queue.

Harry sursauta puis la surprise et la peur envolée, il sourit de toutes ses dents.

- Tu peux me voir ? demanda-t-il tout en se sentant un peu stupide de s'adresser à un chien errant.

Mais le chien aboya à nouveau et Harry voulut croire qu'il avait trouvé un nouvel ami.