Partie 2 - Andante

.

Chapitre 26

Les lèvres formant un O bien rond, un sifflement s'échappa et transperça le silence de l'après-midi d'été. La lisière de la forêt absorba le son, comme pour le transmettre à qui de droit.

Le jeune garçon réitéra l'appel et un aboiement au loin lui répondit enfin. Un sourire aux lèvres et l'air faussement sévère, Harry Potter laissa le gros chien noir gambader vers lui. Depuis un mois, les deux comparses avaient trouvé un rythme agréable et les rendez-vous amicaux se faisaient toujours plus nombreux.

- Tu n'étais pas là hier mon ami ! reprocha-t-il à l'animal qui se contenta de se rouler sur le dos afin de se faire pardonner.

Harry s'agenouilla pour caresser la bête qui se laissa faire docilement. Puis, il sortit de sa poche une cuisse de poulet et l'offrit au chien qui mangea délicatement.

C'était quelque chose qui amusait grandement le jeune garçon. Malgré son statut de chien, il mangeait aussi proprement que sa condition le lui permettait.

Assis sur une souche d'arbre, le Gryffondor observa la bête manger puis se lécher savoureusement les babines.

- Je devrais t'appeler Mr Le Prince tellement tu es distingué !

En guise de réponse, le chien aboya bruyamment et grogna, signe de son désaccord évident.

- Ne crie pas comme ça ! Je te rappelle que si on t'entend, c'est terminé pour toi ! Mon tuteur a bien été clair lorsque je lui ai demandé si je pouvais avoir un chien. Ne grogne pas comme ça ! Il est tendu ces derniers jours à cause de l'évasion de Sirius Black…

Et c'était repartie, Harry passait parfois des heures à discuter - ou plutôt raconter sa vie au du chien. Le pire dans tout ça, c'est qu'il avait l'impression que l'animal le comprenait parfaitement bien. Il s'était senti un peu stupide la première fois qu'il avait commencé à lui parler de Poudlard mais le regard du chien si compréhensif l'avait poussé à continuer.

A l'école primaire, Dudley se moquait souvent d'une fillette qui disait que son chien était son meilleur ami. Aujourd'hui, Harry comprenait tout à fait cette petite fille.

Bien sûr, ce chien n'était ni Ron et Hermione et il avait hâte de revoir ses amis. Mais lorsque cette boule de poil posait son museau sur sa cuisse et le regardait avec des yeux attendris, Harry aurait pu lui offrir le monde tant c'était réconfortant.

Et puis avec un chien, on ne se sentait jamais jugé.

- Mes amis m'ont envoyé des cadeaux pour mon anniversaire car tu sais, j'ai treize ans aujourd'hui. Parfois, mon tuteur me regarde comme si j'allais tout à coup devenir un adolescent boutonneux et grincheux mais moi je ne me sens pas du tout changé. Apparemment, j'ai un peu grandi cet été. Faudrait voir comme il me goinfre et s'assure que je mange bien. Qui aurait cru que la chauve-souris des cachots était une mère-poule, rigola Harry.

Le chien aboya comme pour se joindre à l'hilarité de Harry dont le rire redoubla. Les séances avec cet ami peu commun était un véritable souffle d'air pur pour le garçon. C'était comme prendre une fiole de potion calmante. Il se sentait toujours bien après avoir vu ce chien.

- Je vais devoir y aller avant qu'on s'aperçoive de mon absence. Je n'ai pas le droit de sortir sans permission mais pour rien au monde je manquerai de venir te voir. Tu es mon ami.

Le chien inclina la tête et un doux pleur s'échappa. Harry le prit dans ses bras avant de frotter son flanc.

- Reste à l'abri mon ami. Fais attention à toi ! Je reviens demain à la même heure !

Harry se faufila à travers les buissons pour retourner dans le jardin et improviser une balade, l'air de rien.

La chaleur avait brûlé l'herbe jauni mais le jardin n'en demeurait pas moins splendide. Parfaitement aménagée, une allée centrale menait à la porte vitrée du salon. Harry s'y dirigea et, sans surprise, découvrit la pièce vide.

Le maître des potions passait beaucoup de temps dans son laboratoire l'après-midi. Cependant, il revenait toujours pour le thé puis discutait avec Harry des choses importantes.

Importantes pour le maître des potions, s'il fallait le préciser.

A peine les vacances avaient-elles débuté que l'homme cherchait à savoir où Harry en était dans ses devoirs. Sans compter que le gardien du garçon avait également donné des tâches supplémentaires à réaliser avant la fin des vacances.

En premier lieu, et sans que Harry n'en comprenne l'utilité, l'homme avait donné plusieurs brochures et livres à lire portant sur les options que les troisièmes années débutaient dès la rentrée. Au départ, Harry avait soupiré qu'il attendrait de voir avec Ron afin de choisir les mêmes options que lui. Le regard du maître des potions avait été tellement équivoque sur cette façon de penser que Harry s'était senti parfaitement ridicule. Il lui avait ensuite fait un long et barbant discours sur l'importance de choisir des bonnes options.

Toujours est-il qu'au trente-et-un juillet, Harry n'avait toujours rien choisi.

Il avait bien autre chose à faire que de lire des livres pénibles. La météo avait été de son côté et sa peau affichait désormais un beau bronzage à force de passer ses journées sur son Nimbus 2000. En plus de profiter de la liberté ressentie sur un balai, c'était l'occasion de voir au loin lorsque son ami le chien arrivait.

Aussi, et cela était encore plus incompréhensible, le professeur lui avait demandé de trouver et choisir un instrument de musique qu'il pourrait apprendre. Ron lui avait répondu dans une lettre que c'était très commun chez les sorciers aristocrates de Sang-pur d'apprendre la musique. Cela rejoignait ce que lui avait dit le maître des potions qui avait ajouté par ailleurs que c'était extrêmement important pour la magie de l'esprit.

Cependant, Harry n'était absolument pas attiré par ce domaine. Alors encore une fois, il laissait traîner les choses.

Il savait bien qu'il devrait répondre à toutes ces exigences tôt ou tard mais pour le moment, le maître des potions se contentait de pincer les lèvres d'un air sévère. Après tout, juillet mourrait à peine, il avait bien le temps.

C'était bien plus agréable de jouer au Quidditch, se confier à son ami le chien, lire Quidditch Magazine, regarder les jolies mannequins de Sorcières Hebdo…

Oh oui, Harry n'avait jamais passé un aussi bel été et il comptait bien continuer sur cette lancée.

oOo

Qui avait dit que les vacances étaient reposantes ?

Severus Rogue n'avait jamais été aussi épuisé. Il ne savait pas si c'était le contre-coup de l'année scolaire plus que mouvementée qui venait de se dérouler ou les nombreuses recherches sur lesquelles il devait travailler mais il s'endormait comme une masse tous les soirs. Pour être tout à fait honnête avec lui-même, il aurait aimé s'autoriser des grasses matinées et ne pas sortir de son lit de la journée.

Seulement, il y avait un garçon de treize ans désormais sous son toit et plus généralement dans sa vie. Par conséquent, l'idée folle de paresser dans son lit était totalement exclue.

Tout avait commencé un an plus tôt et aujourd'hui, il se demandait de quelle façon il avait pu se passer de la présence de cet être quelque peu bruyant et bavard durant douze ans. Désormais, ce gamin était tout comme le sien.

Très ironique lorsqu'il pensait d'où toute cette histoire partait mais cela n'avait plus d'importance.

Ce qui comptait était la survie de cet enfant et le guider de la meilleure façon afin qu'il devienne un sorcier puissant et équilibré. Lorsqu'il y pensait, cela lui donnait le vertige. Mais Harry rendait les choses simples.

En un mois à Inverness, chacun avait trouvé sa place. L'enfant semblait s'ennuyer de ses amis mais après l'évasion de Sirius Black, il était hors de question que Harry aille se promener seul. Il semblait cependant l'avoir bien compris et le maître des potions était fier de le voir réagir avec autant de maturité.

Bien sûr, Harry Potter restait un enfant mais un enfant désormais prêt à se lancer dans le grand bain des hormones. Le maître des potions ne savait pas vraiment quand les choses allaient basculer avant qu'il ne devienne un adolescent grincheux et boutonneux mais il appréhendait ce moment avec angoisse et fatigue.

Dans un moment de pure faiblesse, il en avait touché deux mots à Hestia Jones lorsqu'il s'était rendu au Ministère de la Magie afin de présenter ses avancées sur différentes potions. Bien sûr, il n'avait absolument pas dit à quel point il était terrifié de voir cet enfant, son enfant, grandir. Mais Hestia Jones semblait lire dans vos pensées avant même que vous ne les ayez formulées dans votre esprit.

Il n'avait pas eu le temps de nier en bloc que la femme lui expliquait à quel point les choses se feraient naturellement, qu'il faudrait rester à l'écoute de Harry et qu'au moindre problème, le Ministère se tenait tout prêt pour aider.

Severus avait des doutes sur le dernier point. Toujours était-il qu'il s'était senti quelque peu rassuré, tout en gardant à l'esprit qu'il s'agissait de Harry Potter, autrement dit l'enfant-qui-trouvait-les-problèmes-plus-vite-que-son-ombre, et que donc il fallait rester prudent. Question de santé mentale.

Mais pour le moment, Merlin soit loué, hormis deux centimètres de plus, Harry Potter était toujours le même depuis la fin de l'année scolaire. Il était juste "un peu plus".

Un peu plus souriant, un peu plus joyeux, un peu plus bavard, un peu plus gourmand.

Et en même temps, il y avait moins de colère dans ses yeux, moins de tristesse, moins de cauchemars, moins de doute.

Et c'était plaisant à voir.

Alors un léger sourire se dessina sur le visage du maître des potions lorsqu'une tarte à la mélasse décorée de treize bougies apparût devant eux après un petit geste de la baguette.

Les yeux de Potter brillaient suffisamment pour qu'il ne se sente pas obligé de chanter une stupide chanson.

Il était presque certain que le gamin n'en avait jamais eu autant. Pas la peine de créer une gêne inutile.

- Qu'attends-tu pour souffler ?

- Qu'il neige, répondit du tac au tac Harry.

Cela aussi, c'était nouveau. Cela faisait partie des "un peu plus". A force de passer du temps avec le Directeur de Serpentard, le gamin avait pris quelques tics de langage. Le pire, c'est qu'il savait doser et les utiliser à bon escient.

Severus haussa un sourcil et Harry lui adressa un sourire amusé avant de souffler ses bougies. L'enfant n'attendit pas pour se servir. Lorsqu'il s'agissait de tarte à la mélasse, il n'y avait pas besoin de le supplier de manger.

Ce mois de juillet lui avait permis d'apprendre à connaître Harry d'une toute autre manière. Ils avaient une véritable routine et hormis l'évasion de Sirius Black, aucun danger immédiat ne planait sur eux.

Autre chose que Severus découvrait était la crainte de décevoir l'enfant et l'envie irrépressible de lui faire plaisir.

Quand il fit apparaître sept cadeaux à la suite du gâteau, une boule de joie sautilla dans son estomac. Ce qui était particulièrement étrange car Severus n'avait pas de boule de joie dans l'estomac. Comme pour se faire un peu plus connaître, la boule se mit presque à ronronner de plaisir lorsque Harry cria de ravissement face à son premier cadeau - un pull aux couleurs de l'équipe nationale de Quidditch d'Angleterre.

Oui, sept cadeaux étaient peut-être beaucoup. Mais il n'avait qu'un gamin et ce dernier n'avait pas souvent eu l'occasion d'être gâté dans sa vie.

Le Gryffondor ouvrit alors un par un ses paquets, l'émerveillement se disputant à l'excitation : le pull de l'équipe d'Angleterre donc, des lunettes de soleil adaptée au Quidditch, un an d'abonnement au Quidditch Magazine - l'homme hésita un instant à le charrier en lui proposant également un abonnement pour Sorcière Hebdo en précisant que les sorcières n'étaient pas toujours en maillot de bain mais se ravisa à la dernière seconde - une tenue d'entraînement complète de Quidditch rouge pourpre, la suite des aventures de Pullman et le Dragon - saga que Harry dévorait- une bande dessinée sur l'histoire du Quidditch et un jeu de cartes explosives nouvelle version.

Après avoir ouvert tous ses cadeaux, Harry resta silencieux quelques secondes, dévorant du regard les présents comme s'ils allaient disparaître d'une seconde à une autre. Puis finalement, il bougea lentement la tête pour planter son regard dans celui du maître des potions.

Avant même de comprendre ce qu'il se passait, Harry avait glissé dans ses bras dans une étreinte appuyée et assumée.

- Merci… Merci… Je suis tellement heureux…

Severus resserra son étreinte. Avec le temps, ces dernières étaient de plus en plus naturelles et ses muscles ne se contractaient plus de gène. Il espérait à travers celle-ci lui donner toute son affection et les mots qui ne pouvaient pas sortir. Il voulait que le Gryffondor comprenne que c'était normal d'être gâté pour son anniversaire. Il voulait qu'il comprenne que ça lui faisait plaisir de le rendre heureux et qu'il n'attendait que ça. Il voulait qu'il comprenne qu'il comptait pour lui. Qu'il l'aimait comme s'il était de son propre sang.

- Veux-tu faire une partie d'échec ? proposa-t-il finalement.

- Oui mais je vais ranger mes affaires avant !

Lorsque Harry descendit de l'étage quelques minutes plus tard, il arborait avec fierté son nouveau pull.

- Dois-je te rappeler qu'il fait plus de vingt-cinq degrés ? soupira Severus faussement blasé.

- Je sais mais je l'aime trop !

Comment ne pas sourire face à cette réponse ? Severus Rogue n'en avait plus aucune idée.

.

La soirée se déroula sans encombre et après deux parties d'échecs, Harry commença à se frotter les yeux. Le garçon avait bien récupéré de la fatigue accumulée des derniers mois mais il lui arrivait encore de faire quelques cauchemars. Parfois, il suffisait d'un tout petit évènement dans la journée pour que la nuit devienne peuplée de monstres pour le gamin.

Severus restait très attentif à cela et depuis deux semaines, Harry dormait bien.

Ce n'était pas sans rien.

L'homme s'assurait de l'accompagner dans sa chambre au moment du coucher, de lui parler avant qu'il ne s'endorme mais aussi de lui donner deux gouttes de dérivé de potion calmante sur la langue. Il avait lui-même créé ce filtre et Dumbledore lui avait suggéré de déposer cette marque. Severus avait aussitôt saisi cette opportunité. Actuellement, le Ministère de la Magie analysait le filtre sous toutes ses coutures. Si jamais il était validé, le filtre pouvait être mis en vente ainsi que sa recette.

- Tu me feras un peu de rangement là-dedans, dit Severus en entrant dans le capharnaüm qui servait de chambre au gamin.

Harry se glissa sous ses draps en grognant et comme toujours le maître des potions fit mine de rien. Qu'aurait dit Harry si officiellement, le maître des potions venait le border ? Non, il fallait faire les choses subtilement et cela allait également parfaitement à Severus.

L'homme s'approcha avec la fiole et Harry ouvrit la bouche automatiquement. Si un oiseau avait été perché sur la branche de l'arbre près de la fenêtre, nul doute qu'il aurait cru que le maître des potions donnait la becqué à son petit.

- On ira demain sur le Chemin de Traverse pour tes uniformes et autres vêtements.

- Déjà ? s'étonna Harry, la tête posée sur l'oreiller.

- Hors de question d'y aller quand ce sera noir de monde.

- C'est à cause de Sirius Black n'est-ce pas ? Ce ne serait pas moins dangereux d'être dans la foule justement ? demanda le Gryffondor avant de bailler.

Severus hocha la tête. En réalité, c'était aussi parce qu'il avait horreur de la foule et que c'était parfaitement stupide d'attendre la dernière minute pour faire des achats qu'on pouvait faire à l'avance.

Le maître des potions s'installa sur la chaise du bureau du garçon. C'en était devenu un rituel. Chaque soir, il prenait place à cet endroit et discutait.

- Foule ou non, si Black veut attaquer, il le fera. Mais rassure-toi, je ne pense pas que ce soit son plan.

- Vous êtes amer quand vous parlez de lui, dit Harry le regard hésitant.

- Je te l'ai déjà dit, nous n'étions pas particulièrement amis lui et moi.

- Mais c'était l'ami de mon père et il l'a trahi. Est-ce que… Est-ce que le fait que ce soit mon parrain le lie à moi par la magie ou un truc du genre ?

- Absolument pas. Il aurait pu demander ta garde ou s'il meurt et en l'absence d'héritier, tu pourras obtenir son patrimoine. C'est tout.

Il laissa le garçon digérer les informations fournies. Le Gryffondor avait le regard perdu, observant le ciel étoilé à travers la fenêtre.

- Je ne suis pas vraiment certain de vouloir l'héritage de quelqu'un qui a provoqué la mort de mes parents.

Une boule d'angoisse enserra la gorge du maître des potions. Le fait de s'occuper de Harry, de l'élever et de le choyer ne retirait jamais la culpabilité qui le rongeait.

Oui, Black avait donné le lieu de vie des Potter. Mais il était tout aussi responsable d'avoir fournie cette stupide prophétie au Seigneur des Ténèbres.

C'était toujours un sujet délicat et difficile à aborder avec le garçon. Severus savait que sans ce manque d'affection qu'avait le Gryffondor, les choses n'auraient jamais été aussi faciles pour lui. La crainte qu'un jour Harry lui balance des choses vraies mais déplaisantes à la tête l'habitait continuellement.

- Vous croyez qu'il cherche à retrouver Vol… Vous-savez-qui ? se corrigea-t-il de justesse en croisant le regard du maître des potions.

C'était la première fois que Harry demandait aussi franchement les choses au sujet de Black. L'espace d'un instant, Severus hésita entre avouer tout ce qu'il avait sur le cœur et ce qu'il pensait de Black ainsi que des plans qu'avaient probablement l'évadé en tête ou de tout cacher au Gryffondor afin de le préserver.

Les deux émeraudes qui servaient d' yeux à l'enfant brillaient plus que d'habitude. Severus se demandait sérieusement si le garçon n'en jouait pas lorsqu'il voulait quelque chose. S'il n'était pas certain de cela, il savait que le Gryffondor irait chercher et trouverait les réponses tôt ou tard concernant Black. Il opta alors pour l'honnêteté, cherchant par ailleurs à dissimuler le venin qui menaçait de sortir à chaque fois qu'il prononçait le nom de l'homme.

- Black n'a pour seul objectif que de terminer le travail du Seigneur des Ténèbres. Il a très bien caché son jeu sur les dernières années. Ici, tu ne risques rien et il en sera de même à Poudlard. Peut-être qu'il tentera de retrouver le Seigneur des Ténèbres mais cela va être très compliqué pour lui. Tous les détraqueurs sont à ses trousses et les meilleurs Aurors sont sur le terrain.

Il ne dit rien quant à son avis sur les compétences du Département des Aurors et son soupçon grandissant quant à une arme que pourrait avoir Black afin de ne pas se faire repérer.

- Parfois j'ai envie de le retrouver et de le tuer de mes propres mains, lâcha le gamin presque honteux.

- Ceci est parfaitement légitime comme sentiment mais je te déconseille de faire le moindre essai allant dans ce sens, dit Severus en se levant. Ou alors je te retrouverai par mes propres moyens avant que Black ne puisse lever sa baguette contre toi.

Étrangement, Harry trouva cette menace particulièrement hilarante puisqu'un éclat de rire s'échappa de ses lèvres.

Décidément, il n'était plus le maître des potions de l'époque et il avait définitivement perdu de son aura naturellement menaçante… Du moins aux yeux de Harry.

Et à bien y réfléchir, ce n'était pas si déplaisant. Ils restèrent silencieux quelques instants puis Severus reprit la parole, d'un ton solennel :

- Malgré tout, je t'ai promis de t'aider. Si tu le souhaites, on peut commencer les séances particulières de préparation au duel. Cela pourrait t'être utile pour te défendre. Qu'en dis-tu ?

Harry releva si brusquement la tête de son oreiller qu'on put presque entendre ses os craquer.

- Je me demandais quand est-ce que vous alliez me le demander ! Oui bien sûr ! On commence quand ?

Severus s'autorisa un mince sourire avant de promettre qu'il mettrait cela en place très vite.

oOo

Lorsque Harry se réveilla le lendemain matin, il lui fallut quelques secondes afin de comprendre pourquoi il était si joyeux et excité. Il n'avait alors jamais ressenti cette sensation au réveil.

Les souvenirs de la veille se rappelèrent à lui et il bondit aussitôt de son lit. Il avait hâte de lire sa nouvelle bande-dessinée.

Lorsque le maître des potions arriva au petit-déjeuner - que Harry avait préparé avec plaisir - le Gryffondor terminait sa lecture tout en dévorant un énième toast.

- Ravie de voir qu'une lecture peut te faire lever aux aurores.

- J'ai préparé du café, dit Harry en guise de réponse tout en donnant des morceaux de pain à Hedwige, perchée sur la table.

- Je t'ai déjà dit de ne pas lui donner ce genre d'aliments. Et je te rappelle qu'une petite volière a été aménagée pour elle.

- Elle aime bien être avec moi le matin.

Le maître des potions soupira, visiblement trop fatigué pour entrer dans un conflit dès le matin.

- Je la sors dans cinq minutes, ajouta Harry.

Le petit déjeuner se déroula dans un silence apaisant et Harry se prépara bien vite, se souvenant qu'il allait faire les courses avec son tuteur.

.

Le Chemin de Traverse grouillait de monde et il n'était pas utile de sortir des hautes sphères du Ministère pour comprendre que cela irritait le maître des potions. Lui qui avait fait tout un hiatus sur la route les menant à la zone de transplanage sur l'importance de faire ses achats en avance, se retrouvait désormais plongé au milieu d'une foule de sorciers tous plus surexcités les uns que les autres.

Après un rapide coup d'œil agacé, l'homme attrapa le Gryffondor par le bras et le traîna à travers les différentes ruelles. Harry ne s'étonna même pas de le voir connaître tout un tas de raccourcis.

La boutique de Mrs Guipure était calme et sentait l'encens. La femme prit immédiatement les mesures du Gryffondor et écouta à la lettre les indications que le maître des potions donnait à la femme.

Il commanda ainsi deux robes de soirées standards, trois ensembles d'intérieurs en plus des robes pour Poudlard.

- A ce propos, la dernière commande de robe de soirée vous a-t-elle convenue Mr Rogue ?

- Je suppose que oui, déclara l'homme d'une voix que Harry jugea nerveuse.

C'était comme lorsqu'il ne voulait pas qu'on sache quelque chose de particulièrement intime sur lui. Le Gryffondor releva la tête, curieux. Le regard de son tuteur se faisait presque fuyant. Il posait les yeux partout sauf sur lui.

Seule la couturière ne semblait rien avoir remarqué.

- Oh mais tout à fait, je ferai mieux de vous demander à vous Mr Potter.

- Euh…, répondit intelligemment Harry, coulant un regard indécis vers l'homme qui trouvait l'étagère de chaussures particulièrement intéressante.

- La robe de soirée que je vous ai créé, expliqua-t-elle tout en comprenant peu à peu que quelque chose se tramait.

Un éclair de surprise traversa Harry qui ouvrit la bouche tel un strangulot hors de l'eau. Il se tourna sans se préoccuper des tissus et des épingles à nourrice qui entouraient son torse. Était-ce réellement possible que l'homme lui ait offert une robe de soirée.

Dumbledore lui avait bien sûr fait un cadeau ainsi que McGonagall mais jamais, ô grand jamais, il n'aurait pu penser que Rogue aurait pu lui offrir quoique ce soit. Particulièrement à cette époque.

- C'était vous ?

- Je vais chercher d'autres tissus, annonça la couturière.

Le professeur se tourna lentement afin de faire face à son élève qui continuait de l'observer comme s'il lui était poussé une deuxième tête. Finalement agacé, l'homme claqua la langue sur son palais.

- C'était pour les prochaines soirées. Cela faisait mauvais genre d'être habillé comme un as de pique à une soirée aussi spéciale ! Pas besoin d'en faire tout un fromage, dit-il en balayant l'air de la main.

Harry leva les yeux au ciel. Cet homme était définitivement un handicapé des sentiments. Il préféra ne pas l'outrager plus que de raison et le remercia simplement à haute voix. Il savait très bien que s'il s'aventurait à dire que l'homme avait bon cœur, il n'aurait droit qu'à un regard furibond.

Après cet évènement, les deux sorciers restèrent silencieux plusieurs minutes, chacun inspiré dans ses propres pensées. Le professeur le traîna dans toutes les boutiques du Chemin de Traverses afin d'acheter tout le matériel scolaire.

- La liste n'est pourtant pas encore arrivée, remarqua soudain Harry tandis qu'il inspectait une plume.

- L'avantage d'avoir un tuteur qui est aussi professeur à Poudlard. Tu t'es décidé ? Non, prends-en plusieurs, ça te fera un bon stock pour l'année, ajouta le professeur lorsqu'il vit que le Gryffondor n'avait pris qu'une boîte.

Un brin gêné, Harry laissa l'homme régler la somme au petit sorcier qui tenait la boutique. Il savait que tout cela était dans l'ordre des choses et établi sur papier mais lui qui avait toujours eu l'habitude de tout payer lui-même était quelque peu mal à l'aise.

A l'extérieur, l'allée principale du Chemin de Traverse s'était presque vidée. Tournant la tête à droite puis à gauche afin de repérer où avait pu passer la foule, il remarqua un attroupement au loin. La poigne ferme du professeur sur son épaule l'empêcha de se précipiter vers ce monde qui s'agglutinait autour de sa boutique préférée.

- Reste près de moi, dit fermement le professeur.

- Les gens sont devant la boutique de balais, expliqua Harry afin de rassurer l'homme dont le visage s'était brusquement fermé.

- Pour le moment on n'en sait rien donc tu restes près de moi.

Se renfrognant mais définitivement intrigué, le Gryffondor laissa l'homme observer la scène et calmer sa paranoïa excessive. Quand tout danger immédiat fût écarté, ils avançèrent enfin et Harry lutta pour ne pas courir telle une groupie des Bizarr's Sisters. De toute manière, le professeur lui tenait toujours fermement l'épaule.

Ils entrèrent dans la boutique noir de monde et d'un simple regard de la part du Survivant, le professeur concéda à lâcher son épaule. Se faufilant à travers la foule, Harry arriva devant l'estrade où le plus beau des balais trônait au milieu. Il était écrit sur la pancarte "Eclair de feu".

- L'équipe d'Irlande en a commandé plus d'une dizaine, expliquait une jeune femme à son petit ami.

- Avec ça, ils partent favoris !

Harry lut l'écriteau posé à côté du balais et il eût définitivement envie de courir à Gringotts pour remplir sa bourse et l'acheter immédiatement. L'objet était une merveille de technologie magique. En bois de bouleau, la bête pouvait monter à plus de deux-cent kilomètres par heure en l'espace de quelques secondes.

- Il y a écrit que le prix est sur demande, soupira Harry en sortant du magasin duquel attendait le professeur contre le mur.

- Tu as déjà un Nimbus 2000, déclara le professeur.

- Vous dites ça parce que vous ne voulez pas que je batte Serpentard !

- Et que je ne veux pas faire de toi un pourri gâté.

Harry grimaça, accusant légèrement le coup. N'était-ce pas son équipe qui avait eu la chance d'obtenir des Nimbus 2001 ? La mauvaise foi habitait de toute façon le professeur dès qu'il s'agissait de Quidditch.

Il ravala une réplique cinglante lorsqu'il crut apercevoir au loin près de Gringotts une forme noire. Cela ne dura que quelques secondes et lorsqu'il fixa correctement la ruelle, rien d'inhabituel ne se dégagea.

S'il commençait à voir son copain le chien, c'est que l'animal devait véritablement lui manquer.

- Pourquoi est-ce que tu souris comme ça ?

- Pour rien…

Le maître des potions fronça les sourcils puis haussa les épaules comme pour dire "je ne préfère même pas savoir".

.

L'intégralité des courses réalisées, le professeur ne souhaitant pas traîner, ils rentrèrent immédiatement à Inverness à la plus grande déception de Harry qui aurait aimé faire quelques emplettes. Il avait des sous à lui et rien ne l'empêchait de dépenser un peu… Mais sans grande surprise, Rogue n'était pas un grand amateur de lèche vitrine.

Le Gryffondor se consola en se disant qu'il ferait certainement à nouveau un tour sur le Chemin de Traverse avec Ron et Hermione avant la rentrée.

En plus, à partir de la troisième année, les élèves de Poudlard pouvaient se rendre à Pré-au-lard une fois par mois. Pour cela, il suffisait de signer le document d'autorisation de sorties que Harry avait gardé précieusement dans sa chambre.

Il considéra que c'était le bon moment pour le faire signer et se dirigea à peine dix minutes plus tard devant le bureau du professeur.

- Entrez ! lança le maître des potions lorsqu'il eût frappé trois fois. Ne t'approche pas du chaudron, je suis en pleine expérience.

Les souvenirs de l'été précédent s'invitant dans la pièce, Harry grimaça et resta à bonne distance avant de tendre le parchemin.

- Qu'est-ce que c'est ? demanda le professeur, le nez dans ses notes.

- Le document de sortie pour Pré-au-lard.

L'homme marqua un arrêt puis prêta sa pleine attention à Harry, saisissant le parchemin. Une bouffée de joie s'empara du garçon, heureux de voir l'homme signer le document.

- Moi qui croyais que tu venais me donner ton devoir de potions, marmonna-t-il cependant. Dois-je te rappeler que le mois d'août est là et que tu ne m'as encore rien rendu ?

- Je vais m'y mettre, promit Harry qui sentait bien que le professeur commençait à perdre patience.

S'il avait été chez les Dursley, sans doute aurait-il déjà terminé l'intégralité de ses devoirs. Mais à Inverness, il pouvait voler dans les airs, bouquiner à loisirs, flâner dans le jardin, discuter avec le chien… Bref, il avait du temps pour vivre tranquillement et profiter de son été comme il n'avait jamais profité auparavant.

Par ailleurs, il savait aussi au fond de lui qu'après l'année passée et l'évolution de sa relation avec le professeur, il pouvait se permettre de paresser. Une petite voix en lui se demandait même parfois jusqu'où irait les limites du professeur dans sa patience. Et c'était extrêmement rassurant de voir à quel point l'homme se maîtrisait et gardait son calme.

Toujours était-il que lui-même ne souhaitait pas s'activer à la dernière minute pour ses devoirs. C'est pourquoi il se rendit immédiatement dans sa chambre pour travailler mais il fût difficile de ne pas papillonner. L'Eclair de Feu occupait toutes ses pensées.

oOo

Severus avait failli refuser de signer l'autorisation de sortie pour Pré-au-lard. La raison avait pris le dessus et, à moins de le mettre sous une cloche, il ne pouvait garder Harry constamment auprès de lui, sans compter la déception qu'aurait eu le Gryffondor. Le compromis était de démarrer des leçons pratiques de duel dès que possible. Dans sa tête, il avait commencé à mettre une routine d'entraînement en place.

Il retourna à ses notes. Il pourrait prochainement proposer cette potion qui ouvrait l'appétit. Il devenait le parfait chimiste à la botte des laboratoires pharmaceutiques depuis qu'il avait Harry sous son aile. Mais c'était plus fort que lui… Dès lors qu'il voyait une difficulté chez le gamin, une idée de potion lui traversait l'esprit. Un an plus tôt, il aurait trouvé cela peu glorieux voire rabaissant de créer ce genre de filtre mais aujourd'hui, il s'en fichait. Du moment que ça aidait Harry…

Et puis, on ne pouvait pas dire que le salaire d'un professeur de Poudlard atteignait des sommets. Une entrée supplémentaire d'argent ne se refusait pas. Il comptait bien mener Harry le plus loin possible et cela incluait les études supérieures, peu importe ce que le garçon choisissait.

Satisfait de voir que son protégé révise enfin, le maître des potions prépara un déjeuner rapide et ils mangèrent en silence. Le professeur brûlait d'envie de demander sur quelles leçons le Gryffondor avait avancé mais il préféra ne pas le brusquer. Il l'informa plutôt qu'il se rendait à Poudlard fin août.

- J'ai pensé que tu aimerais retrouver ton ami Ron et prendre le Poudlard Express comme tout le monde. Mrs Weasley m'a envoyé une lettre m'informant de leur retour en Grande-Bretagne et que tu étais les bienvenues chez eux.

Cela n'enchantait guère Severus d'échanger des banalités avec la mère Weasley comme si lui-même était une mère poule mais, encore une fois, il faisait cela pour le gamin. Et cela n'avait aucun prix, surtout lorsque la joie illuminait les traits du Survivant.

.

Le reste de la journée se poursuivit comme à son habitude si ce n'est que Harry retourna travailler dans sa chambre. A croire que l'idée d'aller voir Weasley l'avait enfin motivé à se pencher sur ses devoirs et les terminer dans les temps.

Le maître des potions l'entendit cependant sortir en fin d'après-midi. Il ne l'arrêta cependant pas. Harry avait besoin de son indépendance. Il savait qu'il ne pouvait pas le mettre sous cloche et lui imposer un tas de règles que le garçon n'avait jamais connues. Encore merci Hestia Jones et ses nombreux bouquins.

En dépit du fait que le garçon avait interdiction sortir en dehors de la maison, l'homme se demanda cependant si une fille n'était pas une source de motivation pour le gamin qui sortait pratiquement tous les après-midi à la même heure. Une voisine à une fenêtre peut-être ?

Cependant, lorsqu'il dû batailler le soir venu afin que Harry concède à aller prendre une douche, il sût que le temps des amours n'était pas encore arrivé pour le Gryffondor. Merlin merci.

.

Les jours s'enchainèrent et si Harry avait montré une certaine motivation pour ses devoirs au début du mois, on en était à nouveau au même point. La patience de Severus s'effritait de plus en plus et il commençait à fatiguer de répéter tous les soirs que Harry devait choisir un instrument de musique ainsi que ses options pour la rentrée.

Il expliquait à chaque fois en long et en large l'importance de tous ces apprentissages. Harry acquiesçait mais il semblait se dire qu'il avait encore bien le temps.

Un matin où Harry traînait au lit, le maître des potions reçut une missive aux armoiries de Poudlard. L'aspect formel l'alerta rapidement et lorsqu'il parcourut la lettre, il pesta.

- Dumbledore, grogna-t-il dans sa barbe inexistante.

Ce vieux fou n'en aurait jamais terminé avec ses manigances. Il savait pertinemment pourquoi il le faisait venir.

Accueillir les nouveaux professeurs… Tu parles ! Le Directeur espérait surtout un rapprochement entre Lupin et le maître des potions. C'était tellement grotesque que l'homme en aurait presque ricané. Mais il n'y avait strictement rien de drôle à la situation et il était partagé à l'idée de laisser Harry seul dans cette maison.

Harry qui demeurait toujours dans sa chambre par ailleurs. L'agacement montant d'un cran, il réveilla le garçon de trois coups secs sur la porte.

- Il est pas loin de onze heures, réveille-toi et descends, c'est important.

Le Gryffondor était visiblement déjà réveillé puisqu'il sortit en quelques minutes de sa chambre. L'idée de savoir qu'il paressait alors que la rentrée approchait irrita le maître des potions. Il savait cependant que sa patience lui jouait des tours à cause de la lettre reçue plus tôt et il s'évertua à rester calme.

- Je dois me rendre à Poudlard aujourd'hui. Je te fais confiance pour que tu travailles sur tes devoirs. Je veux que tu approfondisses ton deuxième paragraphe concernant ton devoir de Botanique. Sauf erreur de ma part, je n'ai toujours pas vu l'ombre de ton devoir de Potions. Il reste du poulet et des pommes de terre dans le four pour ce midi si je ne suis pas rentré. Tu sais qu'il est imprudent de sortir donc je compte sur toi pour rester entre ces quatre murs. Ce sera l'occasion pour toi de te décider à choisir un instrument de musique, je te rappelle que les cours commenceront dès la rentrée.

Le visage du Gryffondor se ferma, visiblement peu heureux de recevoir une tonne de tâches, mais il opina du chef.

- Je reviens le plus vite possible, se sentit-il obligé de préciser.

.

Severus soigna son entrée dans le bureau du Directeur d'un grand claquement de cape impressionnant et classe - cela allait sans dire.

Il ne montra pas à quel point l'idée même de se retrouver dans la même pièce que l'un des Maraudeurs l'irritait au plus haut point, ni qu'il redoutait ce moment.

Lui-même avait ressassé sur le chemin de Poudlard qu'il n'avait aucune raison valable de craindre ce moment. Il était adulte. Un adulte parfaitement intégré à la société. Il avait un travail, un gamin dont il s'occupait comme le sien et même des projets en dehors de Poudlard.

Il n'était plus le garçon maigrichon et associable de quinze ans. Du moins, il n'était plus un garçon maigrichon.

L'air impassible, il coula un regard rapide vers Remus Lupin qui attendait debout contre la fenêtre, une tasse de thé à la main. Dumbledore semblait vouloir faire goûter toutes les sucreries possibles au pauvre loup-garou qui, évidemment, ne savait pas encore qu'il valait mieux refuser sous peine de rouler à chaque fin d'entretien avec le Directeur.

- Lupin, Dumbledore, salua-t-il. Je n'ai pas beaucoup de temps, allons à l'essentiel.

- Oh Severus, ravi de vous voir ! lança Dumbledore, l'air joyeux. Tout se passe bien à Inverness ? Comment va Harry ?

- Très bien merci. Il est actuellement seul à la maison et j'aimerais réduire les risques qu'un fou furieux échappé d'Azkaban profite de mon absence pour le retrouver.

Ce fût quasiment imperceptible mais le maître des potions vit à travers son champ de vision Remus Lupin se raidir. Une cruelle satisfaction s'empara de lui. Le Directeur s'apprêtait à répondre mais Severus le devança.

- Lupin, commençons par le bureau et les appartements du professeur de Défense contre les forces du Mal. Cela ne devrait pas prendre trop de temps, tu connais déjà le château comme ta poche, n'est-ce pas ?

Cette fois-ci, il se tourna pour faire face à l'homme, calculant le moindre de ses gestes et mouvements. Le coup de vieux qui se dessinait sur le visage du loup-garou était si important qu'il se demanda un instant si lui aussi avait autant vieilli. Mais non. Il n'avait pas autant de rides ni de cheveux grisonnants. Par ailleurs, quand le maître des potions constatait parfois à regret qu'il prenait du poids sans vraiment le contrôler, il remarqua que Lupin était maigre et ses joues creusées par la vie. Les vêtements miteux que portaient l'homme rendaient le tableau carrément pathétique.

Les recherches sur la condition de loup-garou demeuraient rares mais il était connu que ces créatures faisaient rarement de vieux os.

En voyant les yeux marrons de l'homme, cernés par des nuits probablement trop courtes, Severus n'eut même pas à cœur de rire de la situation.

Ils marchèrent silencieusement, gardant une distance respectable et protectrice.

Le maître des potions avait autant répondu aux coups que les Maraudeurs à l'époque. Et à cet instant, seul le bruit des souvenirs résonnaient, se fracassant contre les murs à chacun de leurs pas et à chaque respiration.

L'air devenait presque irrespirable, trop chargé de cet arrière-goût de rancœur.

Ils arrivèrent enfin vers les appartements. Severus lui montra le tableau, marmonna les indications, posant son regard partout ailleurs que sur Remus Lupin.

La gêne se régalait de ce spectacle et le maître des potions préféra se mettre à nouveau en mouvement. Il déblatéra d'une voix morne les conditions de travail. Trente-quatre heures en présentiel avec les élèves, des rondes une nuit par semaine jusqu'à minuit, jamais d'inspection du Ministère - Merlin merci -, les noms des professeurs et les matières qu'ils enseignaient.

- Le professeur Gobe-Planche ne sera plus là l'an prochain, coupa Remus.

Severus s'arrêta et plongea son regard dans celui du loup-garou, prêt à lui sauter à la gorge. En réalité, il se rendit désormais compte qu'il n'attendait que ça. Un geste, une parole ou un regard lui permettant de justifier un acte de violence envers cet ennemi de toujours.

Ce fût compliqué à réaliser puisque rien n'indiquait dans la posture de l'ancien Gryffondor une envie de se battre.

En même temps, Lupin avait toujours été spectateur. Jamais acteur.

- C'est Rubeus Hagrid qui la remplace. Elle prend sa retraite.

Le maître des potions haussa un sourcil de jugement face à ce choix pour le moins ridicule et dangereux puis reprit sa marche.

Avec un peu de chance, Harry ne prendrait pas cette option. Le reste, il s'en fichait pas mal.

Pensant au Survivant, il accéléra le pas, pressé d'en finir avec Lupin.

Il lui montra la salle des professeurs, les différentes maisons au cœur de Poudlard et refoula le sentiment de vulnérabilité lorsqu'il lui indiqua ses appartements et la salle commune de Serpentard.

- Je t'épargne la visite de la tour de Gryffondor ainsi que le parc et le tunnel menant au saule cogneur. Tu connais déjà tout ça. Je suppose d'ailleurs que la moitié des informations étaient inutiles compte-tenue de tes balades nocturnes avec tes amis d'antan.

Tranchants et froids, les mots atteignèrent parfaitement leur cible. Lupin ne chercha même pas à cacher les émotions contradictoires qui se disputaient sur son visage : tristesse, trahison, colère, mélancolie… Ou peut-être ne savait-il pas comment faire pour cacher tous ses sentiments impudiques.

- A ce propos…, commença Lupin.

L'homme s'était approché d'un pas. Un de trop. Les sens en alerte, Severus dégaina sa baguette.

Le loup-garou en resta coi. Son regard se balada entre la baguette et le visage du maître des potions. Une farandole d'émotions se disputaient à nouveau sur son visage. Incapable de mettre de l'ordre dans ses pensées, le loup-garou secoua la tête et recula prudemment d'un pas, les mains levées.

- Je te fais confiance, offrit-il dans un signe de paix. Dumbledore m'a dit que tu pourras réaliser la potion tue-loup, ajouta-t-il les joues rouges.

C'était étrange comme les rôles semblaient aujourd'hui totalement inversés. Lupin paraissait bien seul et complètement paumé.

Severus avait souvent pensé à l'amitié que le loup-garou avait trouvé dans les Maraudeurs. Il avait été accepté pour ce qu'il était. On l'avait aimé malgré ce qu'il était. Et Severus savait à quel point cela avait fait du bien au loup-garou. Peut-être pour cela qu'il restait autant dans l'ombre et spectateur de la situation. Particulièrement lorsqu'il s'agissait de Sirius Black…

Severus était peut-être un cœur de pierre égocentrique mais cela ne l'empêchait pas de voir les faiblesses chez les autres… Black était l'unique raison pour laquelle Lupin ne réagissait pas à l'époque lorsque les Maraudeurs se battaient avec Severus. Bien sûr, l'idée de faire partie d'un groupe, d'avoir des amis qui vous aiment tel que vous êtes était déjà certainement suffisant pour fermer les yeux sur les injustices que Severus pouvait parfois vivre.

Cependant, Black était la source de tout. La justification du laisser-faire du loup-garou.

Et en observant le loup-garou qui cherchait un terrain d'entente, la conscience de Severus poppa de nulle part en la voix de Lily.

Tu n'étais pas non plus tout blanc Sev'... Ne te victimise pas. Harry a besoin de toi…

- Effectivement, je peux réaliser ta potion, dit-il les dents serrées tout en rangeant sa baguette à l'intérieur de sa robe. Il suffira de venir me voir quelques jours plus tôt.

- Est-ce que cela pourrait ne pas s'ébruiter ? Je sais que Harry est proche de toi mais…

- Je suis le tuteur de Harry et il m'a choisi comme tel, coupa Severus, agressif. Je lui dirai ce que je veux.

Remus Lupin se passa un main sur le visage. Le voir peiner ainsi afin d'être dans les bonnes grâces du maître des potions était assez jouissif. Severus reprit la route et le loup-garou mit un temps avant de le suivre.

- Ma condition n'est pas simple Rogue.

- Epargne-moi tes chouineries Lupin.

- Pourrais-je voir Harry avant la rentrée ? demanda le nouveau professeur de Défense avec une approche aussi délicate qu'un hippogriffe.

- Alors maintenant le gamin t'intéresse ? questionna Severus sans s'arrêter. Tu as eu plusieurs années pour le contacter. Pourquoi maintenant ?

- Je… Je n'ai pas d'excuses.

Et visiblement aucune fierté, pensa Severus. Il continua de marcher d'un pas rapide mais Lupin ne s'arrêta pas, continuant de le talonner.

Le maître des potions s'amusa de la loyauté du Gryffondor pour le Directeur de Poudlard. Il savait pertinemment que l'homme avait expressément demandé aux amis des Potter de ne pas chercher Harry. Qu'il était en sécurité chez sa tarée de tante.

Par ailleurs, nul doute que l'ostracisation des loup-garous dans la société sorcière n'avait pas aidé Lupin. Mais malgré tout, Severus ressentait une pointe d'agacement.

L'homme aurait pu aller voir. Au moins de loin. Il aurait vu Harry dans son placard ou malmené. Peut-être que les choses auraient pu être différentes.

Encore une fois, la voix de Lily lui rappela que lui aussi, Severus Rogue, aurait pu rendre visite à Pétunia.

Finalement, ce que Severus reprochait à Lupin n'était rien d'autre que ses propres démons.

Mais bien que conscient des paradoxes et des contradictions qui l'habitaient, cela ne changeait rien au fait qu'il ne voulait pas présenter le loup-garou à Harry.

C'était trop facile.

- Harry rentre à Poudlard le 1er septembre comme tous les autres élèves. Tu auras l'occasion de le voir dans le Poudlard Express. Ah oui, tu es de garde dans le train, ajouta-t-il en s'arrêtant à nouveau et évitant de justesse Lupin qui faillit lui rentrer dedans. Avec ce malade de Black dehors, on a besoin des meilleurs Défenseurs.

- Je ne peux pas le voir avant ?

Severus plissa les yeux. Son cœur s'emballa de colère lorsqu'il comprit ce qu'il se passait dans la tête de cet idiot.

- Tu le crois malheureux avec moi.

- Non !

- Ce n'était pas une question, dit-il en détachant chaque syllabe, furieux. Harry est heureux avec moi. Il n'a pas été ensorcelé ou quoique ce soit qui te passe par ton crâne étriqué. Il a vécu une enfance merdique. Je n'ai pas été parfait avec lui mais sache aujourd'hui que personne ne pourra attaquer Harry sans me passer dessus. Je suis ce qui se rapproche le plus d'un père pour lui. Et surtout, surtout, je n'ai rien à te prouver Lupin, tu entends ?

- Rogue, tenta l'homme dont les yeux trahissaient l'amertume et la tristesse.

- Ferme-la. Je ne sais pas ce que tu cherches mais je ne suis plus le gamin d'il y a vingt ans est-ce clair ?

Severus tourna le dos à l'homme et s'échappa à toute vitesse, laissant le loup-garou cloué au sol. Il ne fût cependant pas suffisamment éloigné pour ne pas entendre les mots de l'homme.

- Toi aussi tu étais l'ami de Lily. Toi aussi tu aurais pu veiller sur Harry bien plus tôt.

Severus fit comme s'il n'avait pas entendu.

Sa conscience lui rappelait suffisamment tous les jours cette évidence. Il n'avait pas besoin qu'un loup-garou s'y mette aussi.

.

De retour à Inverness, Severus était à peine calmé de sa rencontre pour le moins tendue avec Remus Lupin. Dumbledore espérait certainement en faire de grands amis. Mission impossible.

Comment regarder cet homme avec qui les combats avaient été trop nombreux et faire la paix ?

Par ailleurs, Black et Potter ne faisait qu'un et pourtant, la trahison avait été telle que même Severus en avait été étonné. Ces deux-là formaient une amitié à faire jalouser le plus grand des ermites. Et tandis que Pettigrow suivait Potter comme son ombre, c'était Lupin qui talonnait Black à chaque minute de la journée. A la recherche de son regard, à la recherche de sa validation, à la recherche de son amour.

Cela en était presque dégoutant, tant d'impudeur.

A Serpentard, on cachait ses sentiments. Encore plus lorsqu'ils étaient hors normes.

On ne s'étalait pas dans ses émotions, on ne pleurait pas à chaudes larmes en plein cours, on refoulait ses élans romantiques. Seule la colère était tolérée. Particulièrement si on s'en servait pour en faire de la bonne magie.

Alors, si Black avait trahi Potter, comment être certain que Lupin n'était pas celui qui avait aidé le prisonnier à s'échapper ?

Au fond de lui, il espérait presque ce scénario.

Ainsi, adieu Lupin. Pas d'explication à Harry. Pas de présentation à Harry. Pas de risque de voir Harry fuir pour mieux.

Un orage menaçait d'éclater et le ciel était bas. Severus se dépêcha d'entrer dans la maison, étonnamment silencieuse.

Refoulant immédiatement l'angoisse qui palpitait dans son cœur, il se dirigea vers la fenêtre. Le gamin était probablement sur son balais, comme d'habitude à cette heure-ci. Certes, il avait demandé à l'enfant de ne pas sortir mais il ne pouvait pas être ailleurs que dans le jardin.

Il jeta un coup d'œil et dégaina alors sa baguette brusquement, Severus se mit à crier le nom de Harry lorsqu'il vit le jardin vide. Il marcha d'abord d'un pas souple mais rapide vers l'étage. A chaque pièce vide, Severus paniquait un peu plus et précipitait ses gestes.

Lorsque l'intégralité de la maison fût passée au peigne fin, le maître des potions se précipita à l'extérieur, notant mentalement aucune trace d'effraction.

L'orage tonna et rapidement, la pluie se mit à battre la terre sèche. Mouillé jusqu'à l'os, Severus cria à nouveau le nom du gamin, observant inutilement le ciel.

La gorge serrée, il avança rapidement au bout du jardin.

Il se voyait déjà appeler Dumbledore et supplier Lupin dans les recherches - ou le torturer si ses doutes ne se dissipaient pas après un interrogatoire salé. Il se figura la Une de la Gazette du soir "Harry Potter disparue, Sirius Black, soupçonné". Et puis le retour du Seigneur des Ténèbres, une bataille sanglante. Harry n'était pas prêt. Lui-même n'était pas prêt.

- Harry ! hurla-t-il avec l'énergie du désespoir.

Seul le tonnerre lui répondit.


Note de l'Autrice : Hello hello, le printemps est là, le chapitre est à l'heure, Severus va finir chauve…

J'espère que ce premier chapitre vous aura plu. A dans deux semaines !

Réponse à Guest : Merci pour ton commentaire et tes compliments. C'est en effet difficile de rester fidèle aux personnages, d'autant que je n'ai pas envie de tomber dans le "fanservice". Heureusement, la liberté d'écriture va devenir un peu plus grande pour moi au fil des chapitres (merci l'effet papillon). A très bientôt et merci encore !