Chapitre 29
La première fois que Remus John Lupin s'était retrouvé sur le quai 9 ¾, son cœur avait cogné si fort dans sa poitrine qu'il avait cru qu'il allait en sortir, provoquant sa mort avant qu'il ne puisse découvrir Poudlard.
La peur et l'espoir qu'il avait ressenti à cet instant étaient au-delà de ce que n'importe quel élève avait pu un jour goûter à l'idée d'entrer dans cette école. Ce jour de 1er septembre 1961 marquait le début d'une vie qu'il avait toujours cru impossible.
On lui avait suffisamment martelé pendant son enfance qu'il serait compliqué pour lui d'avoir des amis et que le monde sorcier ne faisait pas confiance aux personnes de son genre. Les nombreux déménagements motivés par la crainte qu'on découvre sa condition ne lui avaient jamais permis de tisser des liens amicaux.
La lycanthropie faisait face à des préjugés pétris de peur. Le père de Remus en savait quelque chose…
Et il ne voulait pas que la chair de sa chair subisse la moindre discrimination. C'est pourquoi Remus avait grandi sous cloche.
L'idée de franchir les portes de Poudlard était donc morte dans l'œuf le jour où, lors d'une nuit de pleine lune, il avait détruit la porte du cabanon de jardin malgré les sortilèges de protection de son père.
Nombreuses étaient les fois où Remus avait rêvé d'avoir des amis, de faire les quatre-cents coups avec eux et rire à gorge déployée. Alors, lorsque sa mère l'avait installé dans la cuisine, son air des jours graves sur le visage, pour lui annoncer qu'il n'irait jamais à Poudlard, Remus pleura comme jamais il n'avait pleuré de toute sa vie.
Et pourtant…
La providence en la personne d'Albus Dumbledore avait frappé à sa porte un soir de juillet. L'aura du vieil homme était si imposante que Remus s'était tassé au plus profond du canapé. Puis, l'homme lui avait envoyé un clin d'œil bienveillant tout en annonçant qu'on l'attendait à Poudlard et que tout serait fait pour qu'il puisse suivre une scolarité normale.
Alors sur ce quai, la première fois, Remus avait eu l'œil brillant d'émotion.
Un peu plus de vingt ans plus tard, le sentiment était à peu près le même.
Encore une fois, Albus Dumbledore avait frappé à sa porte pour lui proposer un poste, une potion tue-loup gratuite chaque mois - qu'il n'avait jusqu'alors jamais eu l'occasion d'acheter compte tenu de son instabilité financière - et l'opportunité de rencontrer Harry Potter.
Au même titre que la première fois, l'excitation et la peur se disputaient dans la tête de Remus à l'idée de remettre les pieds à Poudlard. Et encore une fois, Albus Dumbledore le sortait de sa condition précaire, lourde de solitude.
Dix ans avait été suffisants pour bander les cicatrices autour de son cœur meurtri… Bien sûr, on ne se remettait jamais de perdre les gens qu'on aimait mais il se savait prêt. Et à moins qu'il ne retourne chez son père, sa bourse était tellement vide que la proposition de Dumbledore s'apparentait à un miracle.
Il savait qu'il ne retrouverait pas une bande d'amis qui l'accepterait pour ce qu'il était. Mais l'école de sorcellerie se suffisait à elle-même pour donner du baume au cœur.
Le visage bouffi par la fatigue de la dernière pleine lune, Remus traîna sa lourde malle sur le quai encore vide. Identique à ses années d'études, le Poudlard Express laissait échapper de grosses vapeurs de fumée et l'odeur le transporta à la meilleure époque de sa vie.
C'était pour ce genre de sensation qu'il avait accepté de faire le voyage comme un élève lambda. Dumbledore en était ravi, avec Sirius Black dehors, un combattant de la première heure était quasiment indispensable.
Remus ne perdit pas de temps pour s'installer dans le dernier compartiment. La tête se reposant contre la vitre, ses pensées voguèrent d'abord vers les cours qu'il donnerait bientôt puis vers Sirius. Il n'avait jamais autant pensé à l'homme que ces dernières semaines. A croire que son propre esprit voulait le torturer.
Il se souvenait encore de sa rencontre avec James et Sirius dans le compartiment. Le visage lumineux et intelligent de Sirius. Le rire cristallin qui avait émergé lorsque James avait raconté une blague.
Le sommeil emporta Remus, le visage de Sirius gravé sur ses paupières.
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- Qui est là ?
- Ginny ?
- Hermione ?
- Qu'est-ce que tu fais là ?
- Je cherchais Ron.
- Entre et assieds-toi.
- Pas ici ! Je suis là !
Remus se demanda pendant un quart de seconde ce qu'il fichait dans le noir, entouré visiblement de jeunes adolescents. Émergeant totalement, il se rendit compte que le froid s'engouffrait de façon bien trop insidieuse dans le compartiment et l'heure n'était pas assez avancée pour qu'ils soient déjà à Poudlard.
- Ouille !
- Silence, dit-il finalement.
L'Ordre du Phénix avait pris fin dès le lendemain de la chute de Lord Voldemort. Pourtant, tel un traumatisme corporel, les réflexes de combattant demeuraient, solides et puissants.
Remus fit apparaître une flamme au creux de sa main. Il observa les enfants autour de lui. Un frère et une soeur, certainement apparenté au clan Prewett - le garçon avait la même expression d'étonnement sur le visage que feu ses oncles -, le fils d'Alice et Franck Londubat, une jeune fille à la chevelure ébouriffé et au regard intelligent et - son coeur manqua un battement - Harry James Potter.
Il aurait pu le reconnaître entre mille autres enfants. Il était un parfait mélange de ses deux parents. Il ne se souvenait pas d'avoir vu James aussi petit mais sans les yeux verts de Lily, il en était le portrait craché.
Le temps n'était cependant pas à l'émotion.
Les sens en alerte, Remus se leva, ordonnant aux autres de rester dans le compartiment. Les poils sur sa nuque se redressèrent au moment même où il ouvrit la porte.
Debout dans l'encadrement, éclairée par les flammes vacillantes, se dressait une haute silhouette enveloppée d'une cape.
Croiser un détraqueur n'arrivait pas tous les matins.
C'est pourquoi Remus mit un temps un peu trop long pour lever sa baguette. L'être avait déjà commencé à inspirer dans un râle glauque.
Le froid se fit plus intense et Remus vit que la créature des ténèbres aspirait l'âme du jeune Harry.
Son cœur se brisa en le voyant s'écrouler aussitôt, pâle comme la mort et le regard épouvanté.
Il faillit lui aussi se laisser emporter par la tristesse qui lui enserrait la gorge. Paralysé l'espace d'un court instant avant de se reprendre totalement, il enjamba Harry dont le corps était secoué de spasmes.
- Personne dans ce compartiment ne cache Sirius Black ! Allez-vous-en !
Il lança un patronus en bonne et dûe forme, se rappelant facilement son premier trajet à Poudlard et sa rencontre avec ses amis - première fois qu'il se sentait intégré aux autres.
Une lumière aveuglante se projeta droit vers le détraqueur et en un rien de temps, la créature des ténèbres disparut.
Les jambes flageolantes et une nausée qu'il n'avait pas ressenti depuis fort longtemps le laissa pantois quelques secondes. Les enfants autour de lui tremblaient. La jeune fille rousse pleurait à chaudes larmes et Harry demeurait au sol, raide comme la mort.
- Il va se réveiller, assura-t-il à la bande qui commençait à hurler le prénom de Harry. Relevez sa nuque, s'il-vous-plait.
Le garçon roux réagit en premier puis donna des petites tapes sur la joue du Survivant qui émergea de son malaise, le visage pâle comme s'il avait vu la mort.
Remus cacha son émotion en coupant plusieurs morceaux de chocolats. S'il avait sû qu'il tomberait aussi rapidement sur le fils de James et Lily…
- Tenez, dit-il à Harry en lui tendant le plus gros morceau. Vous vous sentirez mieux.
- Qu'est-ce que c'était ? demanda Harry la voix pâteuse.
- Un détraqueur, expliqua-t-il en distribuant les carrés de chocolats aux autres. L'un d'Azkaban.
Celui-ci n'avait rien à faire là et encore moins à attaquer un élève… La bande le regardait, plein de curiosité. Le regard de Harry était aussi doux que celui de Lily mais la tristesse qui en émanait à cet instant déstabilisa Remus. Il n'eut pas le temps de s'appesantir sur la mélancolie qui menaçait de le submerger. La présence de ce détraqueur n'était absolument pas normale.
Remus froissa le papier qui enveloppait le chocolat et le mit dans sa poche.
- Mangez, répéta-t-il, ça vous fera du bien. Excusez-moi, il faut que j'aille dire quelque chose au machiniste.
Bonne excuse également pour fuir le sosie de son regretté meilleur ami.
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Remus se sentait quelque part assez lâche. Lorsque James et Lily avaient été tués, le père de Remus lui avait demandé pourquoi est-ce qu'il n'allait pas prendre des nouvelles de Harry Potter. Remus n'avait pu répondre que par un haussement d'épaules.
Par où pouvait-il commencer ?
D'abord, il était dévasté par le chagrin. Il lui avait fallu deux bonnes semaines avant de réussir à sortir de son lit et de ne pas fondre en larmes dès qu'il apercevait quelque chose qui lui rappelait ses amis.
Ensuite, la fin soudaine de l'Ordre du Phénix l'avait renvoyé à une soudaine précarité et une immense solitude. Le monde fêtait la fin du Survivant. Lui, avait tout perdu : des amis, son travail pour l'Ordre et par-dessus tout sa joie de vivre et l'estime de lui-même.
Il s'en voulait de ne rien avoir vu. Il avait été aveuglé. Sirius était fort, beau, grand, parfait.
Le peu de confiance qu'il possédait en lui était morte ce soir du 31 octobre.
Comment pouvait-il alors prendre soin de Harry ? Il était un loup-garou. Il ne pouvait rien lui apporter : ni la sécurité financière, ni la sécurité physique.
Il avait bien essayé de prendre des nouvelles du garçon deux ou trois fois auprès de Dumbledore. L'homme lui avait assuré que la sécurité de l'enfant était assurée et cela avait suffit à Remus qui ne se sentait pas digne d'aller vérifier les dires du directeur de Poudlard.
Le temps n'était plus aux regrets. Il devait avancer.
Le machiniste du Poudlard Express était lui aussi en état de choc. Remus lui donna un morceau de chocolat et échangea quelques mots avec lui. Le détraqueur était arrivé subitement. Le train avait freiné, ralenti par la glace qui s'était formée sur les rails.
Le loup-garou envoya ensuite un courrier à l'attention du professeur McGonagall pour l'informer de l'attaque et du malaise de son élève. Il hésita longuement à envoyer le même courrier au professeur de potions. Après tout, l'homme était le tuteur de l'enfant. Finalement, détestant le conflit et sachant pertinemment que le directeur de Serpentard cherchait la moindre occasion pour descendre Remus, il envoya une note à Severus Rogue.
Quelques minutes plus tard, Remus revint dans le compartiment. Harry avait repris des couleurs mais semblait mal à l'aise. Remus lui adressa un sourire, demanda s'il allait bien.
Tout aussi gêné que l'enfant, le loup-garou se plongea dans un livre après avoir annoncé qu'ils arriveraient dans dix minutes à Poudlard.
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Une fois à quai, Remus salua les deux Aurors qui attendaient à Pré-au-Lard. Hagrid - le demi-géant n'avait pas changé d'un pouce- salua le loup-garou d'une tape vive dans le dos. Les muscles encore endoloris par la dernière pleine lune et le patronus lancé plus tôt, Remus se fit violence pour ne pas s'effondrer au sol.
Avant de pouvoir prendre sa diligence, il s'assura que personne ne traînait dans les compartiments mais hormis un couple d'adolescents visiblement ravis de se retrouver, rien ne fut à signaler.
Le sourire amusé sur son visage mourut rapidement lorsqu'il entendit des cris aux abords des calèches. Baguette en main, son cœur tomba comme une pierre dans son estomac lorsqu'il tomba sur la scène de combat qui se déroulait sous ses yeux.
Par Merlin, il avait l'impression d'avoir fait un bond dans le passé.
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Harry essayait de cacher tant bien que mal la honte qui l'habitait. Pourquoi était-il le seul à s'être évanoui alors que tout le monde semblait déjà aller mieux ? Il se sentait malade, comme s'il avait attrapé une mauvaise grippe.
Une fois le professeur Lupin partit, Ron et Hermione lui avaient expliqué ce qu'il s'était passé lorsque le détraqueur avait pénétré dans le compartiment. Harry avait cru que son souffle s'était arrêté, comme figé dans sa poitrine. Le froid avait pénétré dans sa peau et s'était glissé dans tout son corps. Le seul fait d'y penser de nouveau lui donnait la nausée. Cette sensation paralysante, l'impossibilité de bouger alors qu'il entendait un long cri déchirant, allait le hanter encore plusieurs jours, il en était certain.
Le chocolat avait eu un effet salvateur.
Le trio laissa le compartiment se vider avant de prendre le chemin pour les diligences. Ils saluèrent Hagrid de loin, la foule étant trop compacte pour rejoindre le géant. Les hiboux hululaient et Harry libéra immédiatement Hedwige qui s'impatientait de retrouver Poudlard. Le crapaud de Neville, caché sous son chapeau, coassait et le chat d'Hermione miaulait d'un ton grave dans sa caisse. Ron jetait des regards en biais à l'animal, la main sur sa poche où Croûtard avait trouvé refuge.
Un rideau de pluie fine et glaciale tombait sans relâche. Harry en avait le bout du nez gelé.
C'était la première fois pour Harry et Ron qu'ils se rendaient aux diligences pour rejoindre Poudlard. Un an plus tôt, ils s'étaient rendus à l'école en voiture volante. La fureur du maître des potions avait tétanisé Harry. Maintenant qu'il y pensait, c'était certainement à ce moment-là qu'il avait découvert son envie de faire bonne figure aux yeux de l'homme. Le chemin avait été long et tortueux entre les deux sorciers. Désormais, il avait hâte de retrouver son tuteur. Il se voyait déjà lui raconter ses vacances et son trajet dans le Poudlard Express et tout particulièrement sa rencontre avec le détraqueur.
Le trio accompagné de Neville atteignaient les diligences lorsqu'ils tombèrent sur Dean Thomas et Seamus Finnigan. Le groupe ne parla que de l'attaque du train et Harry préféra observer au loin les diligences qui démarraient toutes seules. Elles étaient probablement tirées par des chevaux invisibles car dès que les élèves fermaient la porte, elles se mettaient aussitôt en marche.
Ron et Hermione jetaient régulièrement des regards inquiets à Harry qui se força à paraître parfaitement en forme malgré la faiblesse qui l'habitait toujours.
- Alors Potter, il paraît qu'on s'est évanoui dans le train ?
La voix traînante et enjouée était reconnaissable entre mille. Harry se retourna lentement, baguette déjà en main.
Drago Malefoy était accompagné de ses deux amis qui avaient pris une bonne vingtaine de centimètres en l'espace de deux mois. Ainsi entouré, Malefoy paraissait encore plus fier et hautain que les années précédentes.
Le garçon s'approcha, bousculant Neville d'un coup de coude au passage et domina Harry du regard. Son air narquois rendit Harry fou de rage. En retrait, Pansy Parkinson et son amie Millicent Bullstrode ricanaient sous cape. Théodore Nott, qui quelques mois plus tôt avait évité une bagarre, ne semblait pas disposé à prendre partie.
- Dégage Malefoy, grinça Ron, les dents serrées.
- Oh bah alors Weasmoche ? Toi aussi tu t'es évanoui ? T'as eu peur du vilain détraqueur ? Maman va t'envoyer une beuglante. Mais peut-être que Potty-pue-le-vomi fera quelque chose pour toi !
Cette fois-ci, Ron, Hermione, Dean, Seamus et Neville avaient dégainé leur baguette. Cela amusa grandement Malefoy qui éclata de rire tout en sortant la sienne. Parkinson, Bullstrode, Crabbe et Goyle tenaient également leur baguette en main.
Des étincelles s'échappaient de la baguette de Harry, furieux. Il était évident que Malefoy ne s'arrêterait pas de provoquer Harry suite à l'accident malheureux qu'il avait eu au milieu de la Grande Salle en fin de deuxième année. Que pouvait-on espérer d'un sale petit harceleur ?
Le sourire du blond diminua quelque peu lorsque la baguette de Harry pétilla, laissant échapper un petit feu d'artifice rouge. Pansy et Millicent avaient reculé de quelques pas, inquiètes. Cela motiva Harry qui imita le sourire de Malefoy.
- Rappelle-toi que vous êtes en sous-nombre Malefoy, dit Harry voyant que Nott attendait toujours les bras croisés mais le regard alerte.
- Et avec tes deux idiots qui te servent d'amis, je ne ferai pas le malin, compléta Ron.
Les deux idiots en question mirent un temps considérable avant de comprendre qu'on parlait d'eux. Pendant ce temps, le regard de Malefoy se fit dur et méchant.
- Parce que vous croyez qu'avec Londubat à vos côtés vous avez vos chances ? cracha Malefoy. Il risque d'envoyer un sortilège sur vous tellement il est incapable de viser correctement.
- La ferme ! cria Hermione.
- Oh comme c'est mignon, la sang-de-bourbe amoureuse du demi-cracmol.
Pansy Parkinson hurla littéralement de rire comme si Drago avait fait la meilleure blague du monde. Dean et Seamus, auparavant en retrait, étaient désormais totalement alignés avec les autres Gryffondor, prêts à en découdre.
Harry coula rapidement un regard sur Neville qui était décomposé et se retenait de pleurer. Blessé pour son camarade, Harry leva sa baguette et le sort d'entrave fusa.
Drago leva aussitôt un bouclier. Nul doute qu'il avait eu un petit entraînement durant l'été. Autrefois, il était incapable de dresser un protego aussi correct.
Ce fut le chaos. Neville évitait les sorts de Millicent Bulstrode en bondissant de gauche à droite. Pansy Parkinson jetait des sortilèges à Hermione comme si sa vie en dépendait et hurlant tout un tas d'insultes. Dean et Seamus saucissonèrent rapidement Crabbe et Goyle qui se retrouvèrent au sol à beugler comme des harpies. Ron se retrouva face à Nott qui avait finalement décidé d'entrer dans le combat - certainement par loyauté pour sa maison. Un instant d'inattention eut raison du combat et Ron fut frappé d'un maléfice de bloc-jambes. Le Serpentard ne s'imposa pas dans le reste des duels, comme s'il avait fait sa part et retourna vers la calèche, le pas léger.
Drago et Harry enchaînèrent les maléfices et autres sortilèges. Une rage indicible émanait des deux garçons. Harry fulminait et voulait écraser son ennemi de toujours une bonne fois pour toute. La fatigue et l'attaque du détraqueur étaient à des années lumières de ce duel. Un court instant, il se demanda pourquoi Malefoy le haïssait autant. Il lui rappelait tellement Dudley que Harry redoubla d'effort pour le toucher d'un maléfice d'entrave lorsqu'un souffle le fit décoller du sol et arriver lourdement sur ses fesses.
L'espace d'un moment, Harry crut que Malefoy avait réussi l'exploit de manifester une magie de haut niveau et encaissa l'humiliation de cet échec avec aigreur. Puis, il releva la tête et sa colère retomba comme un soufflet pour laisser place à la panique totale.
Ses longues robes noires voltigeant autour de lui, Severus Rogue envoyait des regards assassins à chacun des élèves. Crabbe et Goyle avaient cessé de pousser des cris mais personne n'avait jugé bon de les libérer du maléfice d'entrave. Ron était à nouveau sur ses jambes, le nez en sang. Dans son champ de vision, Harry vit Nott ranger sa baguette dans sa robe. Il ne put cependant s'attarder sur ce geste, pétrifié à l'idée de se prendre la soufflante de sa vie.
- Vous allez tous me suivre, déclara Rogue de sa voix la plus doucereuse.
Harry savait que la sentence serait terrible. Lorsque le maître des potions ne criait plus, c'est que les bornes avaient été largement dépassées. C'était encore pire.
Crabbe et Goyle s'étaient redressés et Harry remarqua seulement à ce moment-là que le professeur Lupin était aussi présent.
Quand était-il arrivé ? Avait-il arrêté lui aussi le combat ?
Le professeur envoya un regard sévère à l'assemblée.
- Suivez votre professeur ! lança-t-il.
Ils montèrent tous ensemble dans la diligence. Serrés comme des sardines, tout le monde s'envoyait des regards en biais. Pansy Parkinson envoya un geste grossier à Hermione et Ron donna un coup de coude à Nott lorsqu'il s'installa dans la calèche.
Une vague odeur de paille et de moisi flottait à l'intérieur de l'habitacle. La calèche se mit en route et Harry lutta contre l'épuisement. Ses muscles endoloris et la faiblesse due à l'attaque du détraqueur revint à la charge tant et si bien qu'une nausée le prit au cœur.
Sachant pertinemment que vomir sur les pieds de son tuteur actuellement furieux n'arrangerait pas les choses, Harry se força à respirer lentement.
Severus Rogue sortit le premier de la calèche, sans un mot.
- Il ne se passera rien hein ? demanda Ron à voix basse. T'es comme son fils maintenant, tu devrais être son chouchou.
Harry ne répondit pas. Il n'était pas certain que le traitement de faveur dont le maître des potions avait toujours fait preuve auprès du blond allait évoluer. Et cette simple réflexion le mettait dans une colère noire.
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Le cœur de Severus Rogue finirait un jour par rendre les armes. L'ambiance de cette soirée de rentrée n'avait cessé de monter en pression pour atteindre son apogée lorsqu'il avait reçu un courrier de Lupin, l'informant que Harry avait fait un malaise dans le train. Une histoire de détraqueur… Severus avait couru chez Minerva pour savoir où était Harry mais elle était bien incapable de répondre. Elle tenait un courrier similaire signé du nom du loup-garou tout en précisant qu'elle avait aussitôt contacté l'infirmière.
Le temps s'écoula de façon excessivement longue. Voyant que les dernières diligences arrivaient sans l'ombre de Potter ni celle du professeur de Défense contre les forces du Mal, Severus n'avait pas attendu une minute de plus pour parcourir la distance qui le menait aux portes du château. De là, il transplanna immédiatement jusqu'à Pré-au-Lard.
Il ne fut même pas étonné de voir des éclairs jaillirent dans tous les sens.
Des cris s'élevaient et il n'eut qu'à suivre les sons et les illuminations que provoquaient les sortilèges dans la nuit tombée pour trouver les garnements qui se battaient en duel.
Evidemment, Harry était en chef de file. S'il avait été attaqué par un détraqueur, le Gryffondor allait désormais parfaitement bien. Il envoyait maléfice sur maléfice, bloquait et se jetait dans la boue s'il le fallait pour ne pas être touché par Drago Malefoy.
Les regards de haine que s'envoyaient les deux garçons peinèrent Severus. Il n'expliquait pas ce sentiment et n'eut le temps de s'attarder dessus puisque ses yeux accrochèrent celui de Remus Lupin qui venait d'apparaître en même temps que lui, à l'opposé. Ils échangèrent un regard lourd de sens, chargé des rancœurs du passé, avant de jeter en même temps un sortilège pour cesser les combats. Leurs sorts ricochèrent et un souffle propulsa les différents combattants.
Voyant Harry dans un état lamentable et les élèves de sa maison majoritairement humiliés, le sang de Severus ne fit qu'un tour. Il contint à coup de profondes respirations sa colère. Une explosion ne servirait à rien.
Le groupe de jeunes commençait déjà à comprendre qu'il allait passer un mauvais quart d'heure. Les visages se faisaient graves et sérieux mais en réalité ils avaient tous l'air de chiots perdus qu'on aurait traîné dans la boue.
Malgré sa fureur, le maître des potions s'assura que Harry allait bien en jetant régulièrement des coups d'œil au Gryffondor qui demeurait renfrogné. Fut un temps, le garçon avait au moins l'air d'avoir peur de le décevoir… Depuis quelque semaines, il avait juste l'impression que le moindre recadrement pouvait provoquer une explosion de colère chez son protégé.
Une fois à Poudlard, il marcha d'un pas pressé, laissant Lupin se débrouiller pour trouver la Grande Salle.
- Où va-t-on professeur ? demanda Malefoy d'une voix polie.
- Vous le saurez bien assez vite, siffla-t-il en guise de réponse.
Il entendit imperceptiblement Harry ricaner. S'il croyait que sa position le protégerait… Il se mettait la baguette dans l'œil. Hors de question pour Severus de refaire les mêmes erreurs.
Il pénétra sans grande cérémonie dans le bureau de la sous-directrice. Pomfresh, déjà présente, poussa un cri outré en voyant dans quel état se trouvait les élèves.
Les Gryffondor salissaient le tapis rouge et épais avec leurs chaussures boueuses. Les Serpentard restaient sagement devant la porte, attendant qu'on les autorise à entrer. C'était une des nombreuses règles que Severus exposait aux élèves de première année : on ne pénétrait pas dans une pièce tel un hippogriffe en pleine balade. Gare à celui qui oubliait les bonnes manières.
- Il ne me semble pas qu'on vous ait autorisé à pénétrer dans les lieux, grinça le maître des potions aux lions.
Ils eurent tous le bon goût de paraître gênés. Tous, sauf Harry. A cet instant, Severus sut que le garçon allait chercher à franchir les limites et il se prépara mentalement à réagir de façon la plus adulte possible.
- On vous a juste suivi. D'ailleurs, vous n'avez pas non plus demandé l'autorisation au professeur McGonagall de rentrer.
- Votre insolence vous coûtera une retenue Mr Potter. Malefoy et les autres, entrez ! lança-t-il aux élèves de sa maison d'un ton sec.
Des protestations s'élevèrent tandis que Pomfresh demandait à Thomas de cesser de bouger afin qu'elle termine de l'examiner. Elle semblait loin de ces histoires d'adolescents intenables.
Le regard de Harry se fit dur et un brin déçu. Severus ignora le Gryffondor et relata les faits de façon précise et honnête.
La directrice des lions fulmina à son tour de colère.
- C'est un comportement intolérable ! J'avais espéré un peu de discipline et d'entraide de votre part. Mr Nott et Miss Granger, je suis profondément déçu de votre participation à cette mascarade. Vous êtes des exemples pour le reste des élèves, tâchez de le rester.
- En réalité, je n'ai pas vu Mr Nott en plein combat, précisa Severus.
- Bien sûr que si, il se battait avec nous ! Il a touché Ron et a ensuite rangé sa baguette ! se défendit Harry sous l'approbation des lions et le déni des serpents. C'est Malefoy qui a commencé ! Il nous provoque.
Les protestations s'élevèrent dans un bruit insupportable. Minerva se pinça l'arête du nez, déjà épuisée par cette rentrée.
- Peu importe qui a commencé ! coupa Severus, agacé par ces enfantillages.
- La bagarre n'est jamais une solution aux problèmes, compléta Minerva. Certainement pas dans cette école !
Pendant ce temps, Pomfresh examinait Potter, lançant tout un tas de sorts dans une agitation qui n'était propre qu'à elle. Harry paraissait si furieux qu'il ne semblait même pas voir que l'infirmière lui tournait autour tel un bourdon sur une fleur.
- Avez-vous mangé du chocolat Potter ? demanda-t-elle.
- Il passe son temps, lui et sa bande à nous provoquer ! répondit Harry, ignorant l'infirmière qui lui colla un morceau de chocolat dans la main qui pointait Malefoy.
- Surveillez votre ton Mr Potter, prévint Severus.
Le ricanement de Malefoy fut la goutte de trop pour Harry qui se jeta sur le blond et lui écrasa le chocolat sur le visage. Tout le monde cria et Severus attrapa le Gryffondor qui cherchait à frapper le Serpentard qui chouinait d'avoir mal au nez.
- Severus, supplia Minerva.
Le maître des potions hocha la tête, comprenant implicitement la demande. Il prit Harry par le bras d'une main ferme et le traîna dehors puis le tira sur plusieurs mètres vers les cachots.
- C'est bon je sais marcher, cracha Harry en se débattant.
Severus lâcha sa poigne mais le força à le regarder dans les yeux, le tenant fermement par les épaules.
- Écoute-moi bien mon garçon, ce genre de comportement est totalement proscrit. Tu vois le cirque que tu viens de faire dans le bureau de ta directrice ? Recommence encore une fois et tu viendras récurer les chaudrons plutôt que de te rendre à Pré-au-Lard avec tes copains qui s'amusent à se lancer dans des duels avec les autres élèves, c'est clair ?
Harry serrait les mâchoires, ses yeux lançaient des éclairs et son corps semblait prêt à frapper. Merlin, que c'était compliqué… Ce sale caractère pouvait s'expliquer par bien des choses mais Severus refusait de tomber dans la pleurnicherie. Il était hors de question que Harry Potter, désormais sous la tutelle de Severus Rogue, ait des agissements immatures. L'éducation du Survivant l'engageait totalement. Pas seulement sur le papier mais parce qu'il avait juré de tout faire pour lui. Et face au Lord Noir, il ne pourrait certainement pas se défendre correctement s'il ne gérait pas ses émotions.
Severus le vit prendre plusieurs inspirations et finalement baisser les yeux.
- C'est bon, tu es calmé ?
- Oui monsieur, désolé monsieur.
Le Gryffondor venait de dire cela avec tant de résignation que Severus se trouva déstabilisé quelques instants. Harry avait les yeux rivés sur ses chaussures, la déception ayant pris la place de la colère.
Mais Severus chercha à ne pas trop s'en émouvoir. Il savait que ce genre de conflits finiraient par arriver un jour ou l'autre.
Il préféra donc changer de sujet et revenir sur un terrain apaisant.
- Quelle est cette histoire de détraqueur ? Est-ce que tu te sens mieux ?
- C'était rien. Il m'a attaqué et je suis tombé dans les pommes, expliqua-t-il les joues rouges.
- Est-ce qu'il te reste de la potion pour ce soir ?
- Je n'en ai pas besoin, répliqua-t-il de mauvaise foi.
Severus leva les yeux au ciel mais reprit son chemin. Il ne pouvait pas constamment remettre Harry sur les rails. Un enfant qu'on prenait sous son aile, avec un âge aussi avancé que celui de Harry, possédait sa propre histoire et son propre passé. Il était impossible de raser tout ce qu'il avait vécu et exiger des choses non acquises. La politesse et le savoir-vivre viendraient avec le temps. Si déjà il pouvait éviter d'exploser de colère et agresser les gens avant la fin de l'année, Severus aurait fait un grand pas en termes d'éducation.
Harry était un petit animal sauvage. Son petit animal sauvage. Et en plus d'être sauvage, il était blessé.
S'évanouir à cause d'un détraqueur était la preuve ultime que Severus ne faisait pas assez pour ce garçon. Que tous les malheurs que Harry avait enduré étaient bien trop conséquents pour qu'il soit un enfant comme les autres. Severus se sentit soudainement désemparé.
Il réprima cependant ses ardeurs sentimentales et entra dans la Grande Salle, le menton haut.
Ils retrouvèrent les autres élèves qui avaient été libérées par Minerva. Weasley et Granger sautèrent sur Potter, lui expliquant qu'ils avaient un parchemin à rendre avant la fin du weekend en guise de punition ainsi qu'une retenue samedi matin.
Severus s'approcha de ses serpents.
- Votre comportement était intolérable. Vous aurez la même punition que vos camarades de Gryffondor et j'informerai vos parents de votre attitude exécrable. Vous pouvez aller manger. Tâchez de ne pas traîner, vous avez tous une bonne douche à prendre avant d'aller vous coucher.
- Vous ne voulez pas savoir ce qu'il s'est passé ? demanda Drago d'un air curieux.
- Non Mr Malefoy, je ne veux pas savoir ce qu'il s'est passé. J'aimerai que vous revoyez votre conduite au plus vite. Je me doute que Mr Potter et sa bande n'ont pas été tout blanc pour que vous alliez jusqu'au duel. Cependant, je crains que Mr Potter ne dise vrai lorsqu'il affirme que vous l'avez provoqué.
- Mais…
- Cela suffit Mr Malefoy ! Voulez-vous une retenue en plus pour l'impertinence dont vous faites preuve ? Croyez-moi, vous vous en souviendrez encore…
- Laisse tomber Drago, répliqua Théodore Nott à voix basse.
Drago Malefoy hésita et Severus ne put faire l'impasse sur le regard terriblement perdu et choqué du blond. Le maître des potions en profita pour lever un sourcil, menace sous-jacente qu'il mettrait ses paroles à exécution si besoin. Le jeune Serpentard le comprit et s'en alla.
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Dans la Grande Salle, le directeur de Serpentard salua les élèves de sa maison d'un geste du menton, recadra un groupe de deuxième année qui parlait trop fort et put enfin s'installer dans un grand mouvement de cape. Il sentit le regard de Lupin sur sa nuque mais conserva son attention sur les grandes portes qui laisseraient bientôt apparaître les nouveaux élèves.
Cette année, vingt-huit élèves venaient grossir les rangs de Poudlard. A l'instar de Serdaigle, peu d'élèves entraient chez Serpentard, au plus grand plaisir de Severus. Les groupes de classe restaient généralement équilibrés même si le duo Gryffondor/Serpentard étaient toujours donnés aux professeurs n'ayant besoin que d'un simple regard pour calmer les troupes. A savoir : lui et Minerva. Le professeur de Défense contre les forces du Mal se coltinait aussi ce duo par la force des choses.
Il se demanda un instant si Lupin réussirait à gérer une classe mélangée de lions et de serpents puis décida que ce n'était pas son problème.
- Harry semble tendu, résonna la voix du loup-garou à ses côtés.
Severus se raidit imperceptiblement. Il ne voulait pas lui parler. Que croyait-il ? Que les choses pouvaient s'arranger maintenant qu'ils étaient adultes ?
Coulant tout de même un regard vers Harry, il vit que le troisième année, de la boue sur sa joue, boudait, avachi sur sa table. Le poids du regard du maître des potions força le Gryffondor à lever les yeux. Severus haussa un sourcil lorsque son regard percuta celui du gamin et ce dernier se redressa, les bras croisés sur sa poitrine.
- Il a les yeux de Lily.
Severus se tourna lentement vers son rival et prit tout son temps pour parler. Coupant chaque mot et espérant qu'à la fin de sa tirade, Lupin lui lâche définitivement la chemise.
- Tu t'en serais rendu compte si tu avais daigné t'en soucier toutes ces années. Me crois-tu si stupide pour ne pas comprendre que tu évoques Lily dans le simple objectif de me faire baisser ma garde ? Tu parles à un Serpentard, ne l'oublie pas Lupin. Et si tu veux récupérer tous les mois ta potion, sache qu'il vaudrait mieux rester loin de moi. Compris ?
Lupin ne cacha même pas sa déception. Satisfait, Severus jeta un coup d'œil à l'horloge, s'impatientant de ne pas voir les nouveaux élèves pénétrer dans la Grande Salle. Enfin, les portes s'ouvrirent. Comme toujours, les élèves de première année paraissaient encore plus petits que les années précédentes. Mais ils auraient, sans aucun doute, tous pris une dizaine de centimètres avant la fin de l'année scolaire.
Severus durcit son regard, certain que la première impression était toujours la plus importante. Il garda son air sévère tout au long de la cérémonie, écoutant à peine le discours de Dumbledore. Quelques enfants sursautèrent lorsque le choixpeau se mit à chanter. Parlant d'amitié et de pardon, Severus retint un soupir exaspéré.
Les élèves furent répartis assez rapidement. Severus récoltait dans sa maison trois filles et quatre garçons. La moitié étaient des sang-mêlés. Aucun né-moldu ne grossissait ses rangs. Une bonne chose lorsqu'on savait à quel point ces élèves pouvaient être en danger et mal accueillis dans sa maison. Lorsqu'un né-moldu entrait chez Serpentard, il avait le droit à un entretien personnalisé avec le maître des potions. Il donnait des conseils et exigeait qu'on vienne le voir au moindre problème.
C'était toujours délicat entre son rôle d'espion à tenir et ses positions éthiques mais il arrivait toujours à se débrouiller.
Severus savoura le festin comme toutes les autres personnes autour de lui. Les discussions allaient bon train et le maître des potions crut réellement que Remus Lupin avait compris sa menace lorsqu'ils arrivèrent au dessert sans que le loup-garou ne lui adressa plus la parole.
Evidemment que l'autre allait revenir à la charge. Croire le contraire était utopique et naïf.
- Rogue, je voulais m'excuser pour les années à Poudlard… J'aurais même aimé qu'on devienne ami mais…
- La ferme Lupin !
Severus avait parlé bien trop fort. Minerva et Dumbledore l'observaient les yeux ronds. Fort heureusement, aucun des élèves, trop inspirés par l'effervescence de sucreries sur leur table, n'avaient entendu la scène.
Le maître des potions contrôla avec grand peine les tremblements de sa jambe gauche et serra ses poings pour contenir toute la colère qui menaçait d'exploser.
Il repoussa également au fond de son crâne la petite voix qui se moquait de son incapacité à se contrôler, arguant que c'était bien la peine de critiquer Harry pour cela.
L'air morose, le loup-garou secoua la tête.
Severus se leva d'un bond et s'échappa par la porte arrière de la Grande Salle. Il ne pouvait plus supporter ce spectacle.
Ami… Ami ?! Comment osait-il ? Le culot de cet homme dépassait l'entendement. Il devait certainement se sentir en position de supériorité auprès d'Albus et Minerva. La provocation avait ses limites et il pouvait bien mettre ses ridicules excuses là où Severus pensait !
Ami ! Et puis quoi encore ? C'était la blague de l'année. Comme si le Remus Lupin d'il y a vingt ans avait ne serait-ce que bougé le petit doigt pour lui.
Lily l'avait fait.
Que cet homme ose se mettre sur le même pied d'égalité… Severus claqua la porte de son bureau avec violence et alluma un feu de cheminée de façon si brusque que des étincelles s'échappèrent et crépitèrent sur le tapis.
Il avait définitivement raison de se méfier de cet homme. Et il garderait un oeil sur la relation que pourrait tenir Harry avec son professeur de Défense.
Aucune certitude que le loup-garou ait fait son deuil de Sirius Black…
oOo
- Non mais combien de temps est-ce que cette mascarade va durer ? Je vous le demande !
Drago Malefoy pestait depuis plusieurs minutes, tournant en rond dans son dortoir. Vincent et Gregory hochaient la tête d'un air bougon, de la boue encore présente sur leur uniforme. Blaise Zabini semblait vouloir se noyer sous la douche et n'en était toujours pas sorti. Théodore Nott, comme à son habitude, demeurait plongé dans son livre. Il avança vers le brun.
- Ça ne te fait rien de voir que Rogue accepte qu'on soit punis ?
- Tu veux dire de façon équitable ? répliqua Nott sans quitter les yeux de son livre. Faut croire que les choses changent.
- Que les choses changent ? répliqua Drago d'une voix aiguë. Comment peux-tu être aussi…
- Aussi quoi ? répliqua le brun en se redressant, le menton haut.
Théodore Nott était l'un des seuls garçons pour qui Drago avait un peu d'estime. Il était issu de la grande famille des Nott. Héritier de Teignous Nott, créateur du registre des sang-purs. Par ailleurs, Théodore était un garçon intelligent, travailleur et ses notes explosaient celles de ses camarades. Seule Hermione Granger rivalisait avec lui.
Mais Théodore était un sang-pur donc il était meilleur.
Drago chercha ses mots et agita ses bras dans un moulinet pour faire comprendre qu'il fallait faire quelque chose.
- Rogue prend son rôle trop à coeur, expliqua-t-il à Nott - Vincent et Gregory ne pouvant de toute façon pas comprendre la conversation. Il veut la meilleure place et a soif de pouvoir, très bien. Mais mon père a dit que…
- Peu importe ce que ton père dit Malefoy.
- Pardon ? répliqua Drago outré.
Théodore posa son livre avec délicatesse sur son lit et se redressa complètement pour le regarder droit dans les yeux. Il n'y avait aucune haine dans son regard et la maturité qui émanait de ce garçon donna à Drago un air de petit enfant. Il croisa ses bras sur sa poitrine, tentant de reprendre contenance. D'un geste du menton, il fit signe à Théodore d'expliquer son point de vue.
- Potter est sous la tutelle de Rogue. Peu importe ses motivations, on ne doit pas faire de vagues. Déjà parce qu'on représente la maison Serpentard. Ensuite, que ce soit intéressé ou non, Rogue protège Potter. Il fera tout pour le moment pour rester dans les bonnes grâces de Dumbledore. Mets toi en travers de Rogue et sois certain qu'il ne te loupera pas, peu importe qui tu es.
Drago serra les mâchoires, digérant les paroles de son camarade de chambre. Ce rat-de-bibliothèque avait raison.
Saint Potter avait conquis le cœur de Rogue. Ou si cela était faux, l'homme jouait bien la comédie. Peu importait finalement que ce soit vrai ou non, la justice serait du côté de Potter. Pour changer.
- Par ailleurs, la punition est équitable. On a tous la même chose. Par ailleurs, j'aurais pu fuir et vous laisser vous débrouiller. De rien Drago.
Drago envoya un regard assassin à son camarade qui avait pris sa serviette de toilette pour rejoindre la salle de bain. Si Théodore n'avait pas été aussi élevé dans la hiérarchie des sang-purs, Drago lui aurait déjà refait le portrait.
La punition n'était pas équitable, quoiqu'en dise le brun. Une punition équitable donnée par le directeur de Serpentard - qui plus est Rogue - impliquait le fait que le balafré et sa bande en prenne deux fois plus.
Une haine viscérale contre Potter circula dans ses veines. Ce nain binoclard et ses deux mochetés d'amis récoltaient encore tous les avantages. Et désormais, le seul adulte qui était toujours de son côté avait retourné sa veste.
Heureusement pour Drago, les cours commencèrent un jeudi et il n'eut aucune leçon avec Gryffondor.
Le vendredi en revanche, il enchaînait deux heures avec eux. Et pour ne rien arranger, il débutait ce double cours par une heure de potion. Ruminant les paroles de Théodore Nott, Drago observa attentivement le déroulé de la classe et comment se comportait Rogue avec Saint-Potter.
Drago chercha à déceler des rictus agacés, un geste tendu ou encore une remarque acerbe de la part du professeur. Pire, même face à Londubat, Rogue ne distribuait plus de réplique cinglante. On était loin des compliments, il y avait des regards qui ne cachaient pas l'exaspération dans les yeux de l'homme mais tout de même !
Le poids du regard de Nott brûla la nuque de Drago qui se tourna vers son camarade. Le garçon inclina la tête d'un air de dire "tu vois ?". Et oui, Drago n'avait jamais été aussi clairvoyant. Et plus il comprenait que les choses avaient changé, moins il ne décolérait.
Lors du weekend, Drago eut tout le loisir de se détendre. D'abord parce que le capitaine de l'équipe de Quidditch, Marcus Flint, lui proposa d'aller voler un peu et travailler sa technique. Adorant voler, le blond oublia toute sa colère et termina l'entraînement en sueur mais parfaitement détendu. Cette année, il écraserait Potter et sa clique au Quidditch. Ensuite parce qu'il ne vit pas la sale tête de Potter, ni de ses amis et qu'il eut tout le loisir d'envoyer un sortilège de blocjambes à Longdubat alors qu'il se tenait en haut des marches du troisième étage. Les cris de douleur de ce lourdaud de Gryffondor lorsqu'il dégringola les marches lui envoya une bouffée de plaisir.
Le lundi fut cependant bien plus morose et il pesta longuement lorsqu'il vit Potter et Granger aux cours de Runes anciennes. Généralement, on ne trouvait que des Serdaigle et des Serpentard à ces leçons. Donc il semblait aussi que Rogue fournissait des informations précises à Potter pour que le balafré travaille mieux.
- Tout le monde sait que les cours de Divination et d'Etude des Moldus sont une perte de temps, répliqua Théodore lorsque Drago évoqua cet outrage. Les personnes qui choisissent le cours de Divination ont soit un véritable don pour voir l'avenir, soit veulent glander. Ne parlons même pas de l'Etude des Moldus.
Drago soupira. Il n'était vraiment pas aidé et le sort s'acharnait sur lui. Heureusement Vincent et Gregory étaient présents pour acquiescer à tout ce qu'il disait.
Drago quitta la table des Serpentard, jetant un regard de dégoût à celle des Gryffondor où Weasley ne prenait même pas la peine d'avaler sa bouchée avant d'en enfourner une nouvelle dans son immense gosier.
Lorsque le cours de Soins aux Créatures Magiques débuta, Drago ne put s'empêcher de se moquer de ce lourdaud de Hagrid. Il se languissait d'écrire à son père pour lui raconter que le demi-géant était incompétent et dangereux.
Pendant un court instant, il eut envie de provoquer l'animal - un hippogriffe - que le demi-géant avait apporté.
Puis, il croisa le regard de Nott. Le garçon semblait avoir lu dans ses pensées puisqu'il tourna lentement sa tête de gauche à droite avant de murmurer entre ses dents :
- N'agit pas comme un stupide Gryffondor. Sois malin. Sois un serpent.
Drago avala sa salive avec difficulté. Encore une fois, Nott avait raison.
Mais lorsque Potter se mit à voler sur le dos de l'animal, Drago ressentit une pointe de jalousie telle qu'il fut à deux doigts de céder à sa pulsion. Nott posa une main ferme sur son bras et Drago capitula, un brin agacé d'être aussi bien dirigé.
oOo
Harry fut enchanté de son cours de Soins aux Créatures Magiques. Il était fier de Hagrid. L'homme avait mené le cours d'une main de maître même si plusieurs élèves avaient manqué de se faire pincer par Buck, le bel hippogriffe. Hagrid avait parfaitement géré les états d'âmes de l'animal et comme tout le monde écoutait attentivement, aucun blessé ne fut à déplorer.
Harry courut jusque dans les cachots, heureux de rejoindre les appartements en cette fin de semaine. Son premier cours de musique allait débuter.
Lorsqu'il avait annoncé à Olivier Dubois qu'il n'était pas disponible avant dix-sept heures trente, le garçon avait supplié pour qu'il s'arrange dans ses horaires.
Harry était loin d'être ravi également mais il ne pouvait pas y faire grand chose. Il n'oubliait jamais qu'un jour, il devrait vaincre Lord Voldemort. Et il faisait confiance en Severus Rogue. Alors s'il lui disait d'apprendre la musique, il le faisait sans broncher.
- Tu es en retard, signala le professeur Rogue lorsque Harry pénétra dans l'appartement.
- Désolé, le cours de Soins aux Créatures Magiques a pris plus de temps que prévu.
- Tâche d'être à l'heure la prochaine fois. S'il le faut, je te ferai un mot. Harry, laisse-moi te présenter Miss Paloma Crescent.
Une jeune femme que Harry n'avait pas aperçu en entrant, était positionnée aux côtés de l'homme. Fine, ses longs cheveux raides tombaient au creux de ses reins et encadraient son visage souriant. Harry se sentit rougir aussitôt mais ne su définir pourquoi. Etait-ce à cause de sa tendre beauté ou de la honte de paraître malpoli ? Peut-être un peu des deux…
- Oh, veuillez m'excuser, se précipita-t-il de dire avant que le maître des potions lui remette les pendules à l'heure devant la jeune femme. Bonjour.
- Bonjour Harry.
- Je vous laisse. Ça va aller ? demanda le professeur à l'attention de Harry.
Oh oui, ça irait plus que bien, pensa le Gryffondor. Lui qui s'attendait à avoir pour professeur un vieil acariâtre ou une cantatrice chauve, il était tout bonnement aux anges.
Une fois seuls, la jeune femme s'installa en face du piano droit qui avait été positionné contre l'un des murs du salon.
- Tu viens ?
Harry sentit ses jambes le guider et il s'installa sur le fauteuil. Il se demanda un instant si elle allait lui demander immédiatement de jouer.
- Tout d'abord, je suis ravie de faire ta connaissance. Ensuite, je voulais savoir ce que tu connais et aimes de la musique ?
- Euh, je ne sais pas vraiment, répondit Harry qui se sentit comme un parfait idiot.
Le regard bleu de la jeune femme, légèrement maquillée, laissa apparaître la surprise.
- Mince alors ! Es-tu bien sûr de toi ?
- Oui madame.
- Paloma, corrigea-t-elle dans un sourire et Harry vira cramoisie. Alors ? Je pensais que les garçons de ton âge écoutaient de la musique.
- Ah !
Décidément, Harry était peu loquace. Il se redressa instinctivement, cherchant un peu de contenance. Il n'y avait aucune raison de stresser.
- On écoute du rock dans la Tour de Gryffondor.
- Et tu aimes bien ?
- Ça donne de l'ambiance.
Dire qu'il aimait ça… Il ne savait pas vraiment. En réalité, c'était surtout un bruit de fond et il n'avait jamais réfléchi au fait qu'il aimait ou pas cette musique. A bien y réfléchir, il y avait tellement de bruit autour qu'il ne prenait pas le temps d'écouter les groupes qui défilaient à la radio sorcière.
- Très bien, poursuivit Paloma. Et sinon, est-ce qu'il t'arrive de chanter ?
- Non ! répondit automatiquement Harry.
- Même pas à l'école ? Lorsque tu étais enfant ?
- Oh ! se rappela Harry. Oui, il y avait quelques comptines et chansons qu'on avait chanté à l'école.
- Quoi par exemple ?
- Je ne suis pas sûre que vous connaissiez, répondit Harry un peu gêné et complètement paniqué à l'idée qu'on lui demande de pousser la chansonnette.
- Dis moi toujours.
Paloma était souriante et joueuse. Harry sentit immédiatement qu'il pouvait lui faire confiance et il voulut faire un effort. Il fouilla alors dans sa mémoire.
Harry pensait de moins en moins à sa période chez les Dursley. Occulter lui faisait du bien et il préférait ne pas ressasser le passé.
Dans son école primaire, une femme était responsable des cours de musique. Harry avait bien tenté de pousser la voix une fois ou deux mais Dudley avait aussitôt lancé une campagne de moqueries si puissante que Harry était resté muet jusqu'à la fin de l'année scolaire. Puis, l'expérience n'avait jamais été répétée, Harry préférant se mettre au fond de la salle de chant.
- On chantait les comptines connues mais j'aimais bien la chanson de The Cure, Pictures of you. On a chanté cette chanson lors de la fin de l'année scolaire.
- Et qu'est-ce qui te plaisait dans cette musique ?
- Je trouvais les paroles jolies et la mélodie était agréable à écouter.
Paloma hocha la tête, écoutant attentivement les paroles du Gryffondor. Puis, elle posa ses mains sur le clavier et joua quelques accords et Harry reconnut la mélodie de la chanson. Il se contenta d'adresser un immense sourire à ce nouveau professeure qui était bien étonnante et drôlement douée.
- Est-ce que ça te plait ?
- Beaucoup.
- Je te promets que tu sauras jouer ce genre de morceaux dans un an si tu travailles tous les jours comme je te le demande. Est-ce que tu t'en sens capable ?
Le regard de Paloma était sérieux, intense. Harry gigota sur sa chaise dans une grimace contrite.
- Je ne suis pas sûr de réussir à jouer aussi bien que vous.
- Je te demande si tu te sens capable de travailler tous les jours et faire ce que je te demande, répéta Paloma doucement.
- Je pense que oui.
Harry espérait intérieurement qu'elle ne donnerait pas une charge monstrueuse de travail. Entre les cours, les devoirs, le Quidditch, Harry souhaitait tout de même profiter de son temps libre.
Le Gryffondor fut rapidement rassuré. Paloma expliqua à Harry le fonctionnement d'un piano. Elle ouvrit le couvercle de l'instrument, lui montra les marteaux qui frappaient sur les cordes à chaque fois qu'on appuyait sur les touches du clavier puis lui précisa l'utilité des pédales. Harry se prit rapidement au jeu, emballé par la passion que la jeune femme lui transmettait.
Il joua peu lors de ce premier cours. Il ne réalisa qu'un exercice de base qui consistait à faire courir les doigts note après note en positionnant correctement ses doigts, ses mains mais aussi son dos. D'abord la main droite puis la main gauche et enfin les deux mains ensemble. Harry tirait la langue tant il était concentré et il comprit que la tâche était bien plus difficile qu'elle n'y paraissait. Cependant, le fait de répéter le geste encore et encore laissait le temps au cerveau de s'habituer et, à la fin du cours, il réussit l'exercice sans trop de difficulté.
Paloma lui demanda de répéter ce mouvement jusqu'au prochain cours.
A la fin de la séance, alors que Harry ramenait la jeune femme jusqu'aux Grandes Portes, le Gryffondor constata qu'il était parfaitement détendu avec la sensation étrange d'avoir actionné des rouages dans son cerveau qui n'avaient jusqu'alors jamais fonctionnés.
Harry remonta dans la tour de Gryffondor un peu avant le dîner. Les cris d'Hermione et Ron s'entendaient à travers le tableau de la Grosse Dame.
- Fortuna Major !
- Bon courage ! répondit le portrait d'un ton agacé. Et dites à vos amis de baisser d'un ton !
Harry passa au travers du tableau et se précipita vers les hurlements. Un cercle d'élèves s'était formé autour du duo. Tout le monde arborait un air intrigué hormis Fred et George qui ne cachaient pas leur amusement, se régalant de voir leur petit frère vert de rage.
Hermione tenait son chat dans ses bras qui crachait sur Ron. Ce dernier, les oreilles rouges semblaient prêt à étrangler la bestiole au nez aplati.
Harry atteignit ses amis sans mal. Tout le monde lui laissait la place comme pour voir pour qui le Survivant allait prendre parti.
- Croûtard n'a jamais disparu jusqu'à aujourd'hui ! Je te dis que c'est ton horrible chat le responsable !
- Il s'appelle Pattenrond ! s'égosilla Hermione.
Harry jaugea la scène du regard. Nombreuses étaient les fois où Ron et Hermione se disputaient mais cette fois-ci, les deux amis semblaient à deux doigts de se lancer des sortilèges en pleine tête.
Harry ouvrit la bouche pour calmer le jeu mais il fut interrompu par Percy qui bousculait les élèves curieux.
- Ça suffit ! lança-t-il d'un ton pompeux, bombant le torse. Puis-je savoir d'où vient ce vacarme ? Certaines personnes essayent de travailler !
- Ce chat a mangé Croûtard ! lança Ron en pointant du doigt l'animal.
Hermione secoua la tête en signe de négation, visiblement incapable de parler. Percy avait été le premier propriétaire de l'animal et il était peu probable qu'il saute de joie à l'idée que son ancien rat ait été dévoré.
Le garçon redressa ses lunettes sur son nez et observa le chat roux d'un air calculateur.
- Ron, es-tu sûr que tu n'as pas plutôt égaré ton rat ?
- Non ! grinça le benjamin, agacé.
- Pattenrond était avec moi toute l'après-midi et il n'a pas bougé de mes genoux. Ça ne peut pas être lui ! se défendit Hermione avec courage.
Percy soupira d'un air faussement épuisé. Tout le monde dans la pièce savait qu'il adorait gérer des conflits et être au cœur des médiations.
- Écoute, ça ne sert à rien de hurler de la sorte. Attends de voir s'il revient. Ça lui est déjà arrivé de partir certains jours. Allez ! Tout le monde retourne à ses occupations !
- Autrefois il n'y avait pas un chat assoiffé de sang près de lui, marmonna Ron si bas que seul Harry entendit.
Harry proposa d'aller faire un tour dans le parc avant d'aller dîner mais ses deux amis faisaient la tête. Préférant éviter toute cette mauvaise humeur, le Gryffondor quitta la tour des lions.
Ses pas le guidèrent naturellement vers les cachots. A l'angle du couloir menant aux appartements, il percuta le professeur Rogue qui marchait d'un pas vif. Ce genre de démarche qui avec ses longues robes lui donnait un air de chauve-souris en chasse.
- Quel bon vent t'amène ?
- Ron et Hermione ne font que de se disputer et font la tête. Je m'ennuie.
- Tu n'as pas des cours à réviser ?
Harry haussa les épaules. La rentrée avait à peine commencé. L'homme était un peu extrême. Cependant, le Gryffondor garda le fond de sa pensée pour lui, peu enclin à recevoir une leçon de morale en plein milieu d'un couloir.
- J'ai bien aimé le cours de piano aujourd'hui, dit-il. Où est-ce que vous allez ?
Le professeur de potions plissa les yeux, l'air de dire "bien sûr, change de sujet".
- Je vais prévenir tes petits camarades de Serpentard du lieu de leur retenue demain matin.
L'air faussement amusé du professeur signifiait qu'il n'avait absolument pas passé l'éponge sur la petite bataille qui avait eu lieu entre les troisièmes années. Il faisait vraiment tout un plat de rien du tout…
- Par ailleurs, tu devras aussi honorer la retenue que je t'ai donnée.
- Quoi ! s'exclama Harry les yeux ronds de surprise. Mais je croyais que c'était pour faire bon genre devant les Serpentard ! Vous n'allez quand même pas…
- Je te demande pardon ? coupa le professeur.
Cette fois, Harry recula d'un pas et n'eut pas besoin de faire croire qu'il était gêné. L'homme lui attrapa le bras et l'entraîna dans la classe vide la plus proche, pleine de poussière. Harry se demanda si ce n'était pas la même pièce où presque un an plus tôt, lui, Ron et Hermione avaient monté leur plan du Polynectar.
- Qu'est-ce qui te fait croire que ton insolence pouvait te dispenser d'une retenue ? demanda le professeur les bras croisés sur le torse.
Ses sourcils étaient froncés. Harry comprit immédiatement que des enjeux plus importants s'activaient dans la tête du maître des potions sans trop réussir à mettre le doigt dessus.
- Je me suis excusé alors je pensais…
- Mais Harry, cela n'enlève en rien la sanction que j'ai prononcée.
La déception et la colère atteignirent si rapidement son coeur que Harry ouvrit la bouche sans réfléchir :
- Oui bien sûr, suis-je bête ! Je ne suis pas un Serpentard alors je vaux toujours moins qu'eux à vos yeux !
- Mais qu'est-ce que tu me chantes ? répliqua le professeur dans une grimace étonnée.
- Vous avez toujours favorisé Malefoy et sa bande depuis toujours mais même si je suis votre pupille, je n'aurais jamais le droit à ce traitement de faveur.
- Es-tu vraiment en train de me faire une crise de jalousie ?
- Absolument pas ! Juste des faits ! répliqua Harry, piqué au vif.
Il tenta de tourner le dos à son tuteur pour fuir cette pièce. Il se sentait humilié mais surtout incapable de comprendre et d'analyser clairement ce qui se déroulait dans son esprit. Peut-être se sentait-il un peu trahi et déçu. Oui, il avait franchement cru que le professeur de potions serait toujours de son côté comme il l'avait été pour Malefoy. Quitte à être de mauvaise foi.
Le professeur le rattrapa et l'empêcha d'avancer, le ceinturant par la taille.
- Pas si vite jeune homme, toi et moi devons discuter.
- Ça ne sert à rien. J'ai compris, c'est bon !
- Ah bon ? Et qu'a déduit ton brillant esprit ?
Le ton sarcastique du professeur blessa Harry et il cessa de se débattre. Le professeur le relâcha et le força à lui faire face. Le regard dur de l'homme le décortiquait et Harry eut l'impression de n'être rien d'autre qu'un petit garçon.
- Alors ? Dis moi.
- Il n'y a rien à dire. J'ai compris. Peu importe nos relations, je n'aurais pas de traitement de faveur. C'est pas comme si je n'y étais déjà pas habitué, marmonna-t-il à voix basse.
Le professeur s'installa sur une chaise et prit un air grave. Il invita Harry à s'asseoir. Le Gryffondor hésita un court instant puis se laissa tomber sur un tabouret.
- Avant ? Tu veux dire ma partialité avec les membres de ma maison ou autre chose ?
Harry haussa les épaules en guise de réponse, incapable de verbaliser davantage. Penser au passé lors de ce cours de piano lui avait visiblement chamboulé l'esprit. Bien sûr qu'il pensait au traitement de faveur que sa tante et son oncle donnait à Dudley. De là à l'avouer… Une part de lui savait pertinemment que ça n'avait rien à voir avec ce que faisait le professeur de potions et pourtant, une petite voix lui répétait sans cesse que ce serait parfaitement légitime qu'il passe en second plan.
- Harry, je suis désolé si j'ai été injuste ces dernières années. Je te l'ai déjà dit, je te le répéterai aussi longtemps qu'il le faudra et je te le prouverai. Mais cela n'implique pas que je te laisse t'adresser aux autres comme tu l'as fait la dernière fois. Est-ce clair ?
Harry opina du chef, légèrement boudeur mais bien conscient que c'était juste. Pensant que la discussion était terminée, Harry commença à se lever mais l'homme l'arrêta d'une main.
- Je ne suis pas comme ton oncle et ta tante. Tu es le seul qui compte Harry. Tu le sais ?
Un ange passa. Harry gardait les yeux rivés sur ses pieds, les trouvant soudainement très intéressants. Une part de lui voulait sauter dans les bras de son tuteur mais l'autre se gardait de s'emballer.
- Je sais que c'est normal d'avoir quelqu'un qu'on préfère, dit-il finalement comme pour pousser le professeur à avouer que finalement, il en donnerait toujours plus pour Drago Malefoy.
Harry n'expliquait pas du tout ce comportement. Il devait se satisfaire des mots du maître des potions alors pourquoi poussait-il le bouchon au point d'ouvrir la porte et faire fuir le professeur ?
- Et tu crois vraiment que Drago est mon élève préféré ?
- Bah oui ! lança Harry en relevant la tête. Il l'a toujours été. C'est votre chouchou.
- A qui est-ce que j'ai appris les sortilèges de bouclier ?
- Bah à moi et alors ? Si Malefoy vous l'avait…
- Je n'ai jamais appris ça à un autre élève que toi. Pourquoi, à ton avis ?
Harry resta muet. Fixant l'homme dans les yeux qui hocha la tête d'un air évident.
- Qui s'est inquiété lorsqu'un stupide Gryffondor s'est cassé le bras à son match de Quidditch ? Qui a eu le droit de manger dans mes quartiers pendant trois mois ? Qui a reçu la visite du meilleur potionniste de tous les temps lorsqu'il était à Ste Mangouste ? Qui a eu la promesse d'une protection éternelle ? Qui va avoir des cours particuliers avec l'un des meilleurs duellistes du pays ? Qui reste ici à rassurer le Gryffondor le plus têtu de Poudlard dans cette salle de classe miteuse alors qu'il a encore un tout un tas de travail qui l'attend ?
Peu à peu, un mince sourire contrit se dessina sur le visage du Gryffondor.
- Mr Potter est-il rassuré ? ajouta le professeur d'un ton sarcastique qui laissait transparaître une certaine affection. Dans ce cas, ravis de t'apprendre que je t'attends demain soir pour un récurage de potions.
Harry grogna mais la chaleur réconfortante dans son ventre était si intense qu'il ne put réprimer un sourire. Puis, il s'arrêta d'un coup, les yeux écarquillés face à ce qu'il venait d'entendre.
- On va réellement faire des cours particuliers alors ?
Le maître des potions opina du chef puis croisa les bras sur son torse.
- Je pensais te proposer dimanche prochain à huit heures du matin. Entre nos deux emplois du temps, je ne peux pas faire mieux. On essayera de s'arranger selon les semaines.
- C'est très bien ! se précipita de dire Harry.
- Dans ce cas c'est parfait. Pense à manger avant.
Harry hocha la tête docilement et salua son professeur, heureux de passer aux choses sérieuses.
NDA : D'après Livia Tournois (béta de qualidad), Drago paraît tellement intelligent à côté de Harry que ce dernier fait un peu benêt xD.
Par ailleurs, le blond va sûrement vous agacer et je sais que dans le milieu de fanfiction, il a plutôt bonne réputation. Mais au même titre que mes autres personnages, j'essaye de garder leur essence pour une évolution que je tenterai de rendre profonde et logique... Je dis bien TENTER xD. Pour le moment, ça reste un p'tit con harceleur.
N'hésitez pas à aller écouter les podcasts Univers Alternatif d'IACB/Nina Hazel (autrice entre autre du Contrat, Supercut et d'un tas d'autres pépites) qui parle d'écriture et de la fanfiction . Drago revient souvent et c'est ultra intéressant. Je conseille l'épisode 5 "Recette d'une bonne histoire", l'épisode 14 "Le dramione avec Loufoca Granger" et l'épisode 17 "La psychologie des personnages". Et de manière générale, tous les épisodes sont incroyables au même titre que ses histoires. Disponible sur Youtube, Spotify et Appel Podcast. L'écouter m'a beaucoup inspirée. Vu vos reviews, je pense que ça en intéressera plus d'une !
RDV le 14 juin 2023 pour le chapitre 30 !
