Chapitre 30

Débarrassé de ses grandes capes, Severus tournait autour de Harry, analysant ses moindres faits et gestes. Au milieu de la salle désaffectée du premier étage, Severus avait fait disparaître chaises, tables et poussière pour ne laisser trôner qu'un mannequin en metal au milieu de la pièce.

Depuis une demi-heure, Harry répétait les mêmes gestes. Maintenant qu'il maîtrisait tout juste le sortilège Levicorpus, le maître des potions et entraîneur du jour, exigeait que le Survivant enchaîne une combinaison de sorts.

Levicorpus, petrificus totalus, expelliarmus.

- Les enchaînements de sortilèges ou autrement dit, les chorégraphies de sorts, sont indispensables lors d'une joute magique, avait expliqué Severus.

Harry avait été attentif comme jamais. Ses yeux brillaient d'attention et une fois Levicorpus acquis, Harry avait refusé une pause, souhaitant se mettre directement au travail.

Fier de son protégé, le maître des potions avait mis le mannequin en léger mouvement. Une demi-heure plus tard, l'objet bougeait bien plus vite, les sorts fusaient à bonne vitesse, jaillissant parfois un peu trop fort mais toujours efficace.

- Plus souple ton poignet ! Relève le menton ! encourageait Severus.

La sueur perlait sur le front du garçon et ses joues rougies prouvaient indéniablement qu'il était temps de faire une pause.

Severus agita sa baguette et le mannequin retomba lourdement sur le sol.

- Ça suffit pour aujourd'hui.

- Vraiment ? demanda Harry le souffle court. Je pouvais continuer. Est-ce que je vais apprendre d'autres combinaisons ?

- Tu en as assez fait pour aujourd'hui, tu vas finir par ne plus avoir de jus si tu continues, dit Severus, stoppant par la même occasion le flot de paroles du Survivant.

Harry rayonnait. Une joie inexplicable se logea dans les entrailles de Severus. Cette idée de transmettre son savoir était grisante. Un an plus tôt, il avait apprécié enseigner les boucliers à Harry et aujourd'hui, il ressentait une immense fierté à voir son protégé apprendre si vite.

Il savait qu'il n'en ferait pas un grand potionniste mais le garçon avait tout le potentiel pour devenir un excellent duelliste.

Il tendit une gourde d'eau au Survivant et en profita pour expliquer l'objet de la prochaine séance :

- L'objectif est que tu maîtrises trois combinaisons de sortilèges avant la fin de l'année scolaire. Ne me regarde pas comme ça, ce ne sera pas si facile que tu le penses. Et si tu es arrogant, cela sera encore plus difficile. Ensuite j'ajouterai des mannequins mobiles.

- Dément !

- Langage, corrigea Severus tout en mettant sa cape sur ses épaules et ouvrant la porte. As-tu des questions ?

- On recommence quand ?

- Je te tiendrai au courant. Tes cours passent avant tout.

- Et… hum… Est-ce qu'un jour je pourrai vous affronter ? En duel je veux dire !

Severus s'arrêta au milieu du couloir, faisant face à Harry qui trouvait visiblement le tableau représentant des gobelins ronflants dans un berceau très intéressant.

- Tu n'es pas encore assez fort pour ça ! provoqua Severus, un brin taquin.

Cela eut pour effet de faire réagir Harry qui adressa un regard outré à son tuteur.

- Quand même ! Je ne me débrouille pas trop mal !

- Certes, concéda Severus, croisant les bras sur sa poitrine. Mais c'est encore beaucoup trop tôt. Chaque chose en son temps.

Harry leva les yeux au ciel, clairement amusé. Severus ricana avant de tapoter l'épaule du garçon.

- Bonne journée gamin, tu as bien travaillé. A plus tard.

.

- Severus mon ami ! J'ai bien cru que nous n'arriverions jamais à nous voir.

Severus prit place dans un des fauteuils du directeur de Poudlard en poussant un soupir las. Un service à thé apparut aussitôt devant lui mais il n'avait même pas la force de se servir.

Albus Dumbledore semblait tout aussi épuisé que lui et si son regard demeurait pétillant et alerte, la lenteur de ses mouvements trahissait sa vieillesse.

La rentrée avait été particulièrement éprouvante et la présence des détraqueurs autour du château rendait l'ambiance morose. Severus avait déjà envoyé deux élèves de première année à l'infirmerie en plein cours. Ce genre de petits évènements lui rappelait à quel point il n'aimait pas faire classe aux plus jeunes.

Trop petits, trop fragiles, trop sensibles. Pas assez concentrés, pas assez rigoureux, pas assez intéressés.

- Par quoi commençons-nous ? demanda Dumbledore, l'œil pétillant de joie. La rentrée ou Harry ?

- Par Harry, répondit aussitôt Severus en se saisissant d'une tasse de thé.

Il ignora le sourire du directeur. Depuis quelque temps, l'homme ne cachait plus sa joie de voir Harry et Severus réunis. Les regards étaient lourds de sens, pétillants et beaucoup trop mielleux pour le maître des potions.

Il assumait d'être le tuteur de Harry et d'en prendre soin. De là à le crier sur tous les toits de façon impudique, il y avait un monde.

- Mes recherches ont permis d'avancer quelques pistes. Avez-vous eu le temps de les lire ?

Le vieil homme prit alors un air grave.

oOo

Harry et Ron marchaient d'un pas pressé pour se rendre à leur deuxième semaine de cours. Le lundi était une journée chargée mais Harry avait hâte de retrouver le professeur de Défense contre les forces du Mal. Pour une fois, les élèves avaient un professeur à la hauteur de la matière. Lupin s'était concentré sur la théorie mais avait promis le début des exercices pratiques dès la semaine suivante.

Lorsqu'ils arrivèrent dans le couloir où patientaient les élèves, Harry ignora royalement les regards haineux que lui envoyaient Drago Malefoy, bien conscient que son tuteur ne lui offrirait aucun traitement de faveur s'il s'aventurait à se battre avec le blond.

Il préféra donc concentrer son trop plein d'énergie sur le professeur de Défense qui tardait à arriver. La semaine précédente, il s'était montré très doux et avait une autorité naturelle avec les élèves tout à fait plaisante. L'homme paraissait fatigué mais ses yeux étincelaient aussitôt qu'il franchissait la salle de classe, passionné par son métier.

Le professeur arriva enfin, ses joues roses lui donnant un air moins maladif et le regard toujours aussi vif.

Lupin eut un vague sourire et balaya du regard la salle de classe.

- Bonjour à tous, veuillez ranger vos manuels. Comme promis, nous allons commencer les travaux pratiques. Vous n'aurez besoin que de vos baguettes magiques. Suivez-moi s'il vous plaît, ajouta-t-il lorsque tout le monde eut rangé ses affaires.

Intrigués, les élèves emboitèrent le pas du professeur. La seule fois où ils avaient eu des cours pratiques en Défense contre les forces du Mal, des lutins de Cornouailles avaient été lâchés en pleine salle de classe. Le professeur Lockhart avait lâchement fui avant que Hermione parvienne à immobiliser les petites créatures sournoises.

Dans le couloir, Peeves flottait au-dessus du sol, un sourire carnassier sur le visage. Il venait de boucher l'une des serrures d'une armoire avec un chewing-gum. Lorsqu'il aperçut le groupe d'élèves accompagné du professeur, il proféra un tas de bruits grossiers et insultants.

Mais le professeur ne s'énerva pas. Au contraire, un sourire amusé se dessinait sur son visage. Il s'approcha de l'esprit-frappeur alors que tous les élèves attendaient de voir comme l'homme allait réagir.

- Attention Peeves, si j'étais toi je retirerai ce chewing-gum où Rusard sera prévenu !

- Tais-toi donc Lupin-le-zinzin !

Les élèves retinrent leur souffle, excités de savoir si le professeur saurait se faire respecter. Drago Malefoy contenait difficilement sa joie de voir l'homme possiblement tourmenté par l'esprit frappeur.

Le professeur se tourna vers les élèves, un sourire joyeux sur le visage. Soudain, il paraissait bien moins malade.

- Jeunes gens, voici un sortilège qui peut se révéler utile ! Waddiwasi !

Aussitôt, la petite boule de chewing-gum sauta du trou de la serrure et se logea droit dans la narine gauche de Peeves. L'esprit frappeur s'en alla en poussant des jurons.

Lupin reprit sa route. Le respect brillait dans le regard de l'intégralité des élèves. Même Drago Malefoy n'osa piper mot.

Ils entrèrent dans une salle quasiment vide, à l'exception de quelques poufs et chaises. Au milieu de l'espace trônait une grande armoire de bois sombre.

Lupin fit signe aux élèves d'approcher. Lorsqu'il passa devant l'armoire, celle-ci se mit à s'agiter et la classe sursauta d'un même bond.

- Tout va bien, rassura le professeur. Il y a un épouvantard là-dedans. Est-ce que quelqu'un peut me dire ce qu'est un épouvantard ?

Aussitôt, Hermione leva la main.

- C'est une créature qui change d'aspect à volonté en prenant toujours la forme la plus terrifiante possible. Généralement, elle se cache dans des endroits sombres et confinés. Personne ne sait à quoi ressemble réellement un épouvantard.

- Excellente réponse, je n'aurais pas dit mieux. Dix points pour Gryffondor.

Hermione rayonnait.

- Nous avons pourtant un avantage sur lui. Pouvez-vous me dire lequel, Harry ?

Harry essaya d'ignorer Hermione qui sautillait presque sur place pour répondre. Aussi, il fit abstraction du fait que cet homme avait été un ami de ses parents, comme lui avec Ron.

- Comme nous sommes nombreux, il ne saura pas quelle forme prendre pour faire peur à tout le monde, dit-il.

- Exactement, lança le professeur dans un sourire. Voilà pourquoi il est préférable d'affronter un épouvantard à deux. Il y a aussi une excellente manière de contrer un épouvantard si vous en croisez un. Ce qui le neutralise, c'est le rire. Pensez à quelque chose de ridicule et il prendra une forme désopilante. Cela demande une grande concentration mentale. Répétez après moi : Riddikulus ! A vous !

- Riddikulus !

- Encore une fois, riddikulus !

La classe s'exécuta mais Harry crut entendre Malefoy pester au fond de la classe.

- C'était la partie la plus facile. Maintenant, vous allez devoir l'affronter un par un. Je vais vous demander de réfléchir à ce qui vous fait le plus peur et comment vous pourriez neutraliser l'épouvantard.

Harry réfléchit à toute vitesse. Qu'est-ce qui lui faisait le plus peur ? Sûrement Voldemort… Mais plus il se figurait l'homme afin de s'imaginer le ridiculiser, moins il y arrivait. En revanche, une image terrifiante lui vint à l'esprit…

Une main putréfiée se cachant sous une grande cape noire… Le froid soudain qui lui enserrait la gorge et cette respiration qui ressemblait à un râle…

Harry frissonna et ouvrit les yeux, inquiet. Autour de lui, tous les élèves se concentraient.

- Tout le monde est prêt ?

Harry fut secoué d'un frisson de terreur mais ne dit rien. De quoi aurait-il eu l'air devant toute la classe ? Tout le monde était prêt.

Ce fut confirmé lorsque les élèves passèrent les uns après les autres, réussissant avec succès le sortilège.

Ron parvint à neutraliser l'araignée géante dont l'épouvantard avait pris la forme puis le tour de Harry Harry. Il avança, les jambes tremblantes et la bouche sèche. Il avait bien affronté un Basilic quelques mois plus tôt, il pouvait arriver à vaincre un épouvantard !

La créature se volatilisa, tournant sur elle-même. Harry leva sa baguette mais…

- Ici !

Lupin se plaça entre Harry et la créature. Pendant un instant, Harry crut qu'elle avait totalement disparu mais une sphère argentée flottait au-dessus d'eux.

- Riddikulus, lança le professeur d'un ton nonchalant avant que la boule ne se transforme en ballon et soit renvoyée droit dans le placard. Hum… Bon très bien, le cours est terminé pour aujourd'hui !

La classe ronchonna pour la forme car tout le monde avait été fasciné par ce cours. Harry quant à lui fixait toujours l'armoire, un brin en colère. Pourquoi le professeur l'avait-il empêché d'affronter l'épouvantard ? Qu'avait-il fait de mal ?

Harry avait un tas de questions à poser à Lupin. Il était sympathique et dégageait une aura rassurante mais quelque chose bloquait Harry. Aussi, plutôt que d'aller parler à l'homme à la fin du cours, Harry suivit Ron quand ce dernier l'appela.

oOo

Le maître des potions écoutait le directeur de Poudlard d'une oreille attentive. Son périple à Paris et ce qu'il avait découvert sur le Feudeymon avait d'abord laissé Albus Dumbledore silencieux. L'espace d'un instant, l'homme avait été à court de mots, digérant et recoupant les informations qui s'accumulaient.

Puis, ce fut au tour du vieil homme de faire son état des lieux.

- Aussitôt Poudlard vidé de ses élèves, je me suis rendu en Albanie. A la mode moldue, précisa le directeur d'un œil vif. J'ai été reçu par un vieil ami qui m'attendait à l'aéroport de Tirana. Nous nous sommes promenés au cœur de la ville. Les bâtiments aux couleurs pastel s'accordent de façon spectaculaire avec la nature. Nos parcs londoniens sont bien plus beaux que les leurs mais la vue sur les montagnes est à couper le souffle.

Les nerfs tendus, Severus inspira profondément pour garder son calme. Avec tout le respect qu'il devait au directeur, il ne comptait pas partir prochainement en vacances en Albanie et il voulut secouer le vieil homme pour qu'il abrège son récit et aille à l'essentiel.

Albus Dumbledore sembla sentir l'impatience du maître des potions puisqu'il enchaîna :

- J'ai passé quelques jours chez cet ami qui m'a gentiment fourni plusieurs informations sur les entrées et les sorties du territoire Albanais. Il a travaillé plusieurs années à la Confédération Magique Albanaise au service des transports magiques.

- Avez-vous retrouvé la trace du Seigneur des Ténèbres ?

- Et bien justement, non.

Severus relâcha la tension dans ses épaules, pestant silencieusement. Cela valait le coup de lui présenter l'Albanie comme une attraction touristique atypique ! A peine eut-il le temps d'accuser le coup que Dumbledore agita sa baguette pour remplir à nouveau les tasses de thé.

- J'étais aussi déçu que vous à cet instant. Mais il m'en faut plus pour abandonner. Vous le savez aussi bien que moi, de nombreux chercheurs se rendent en Albanie.

- C'était le cas de Quirrell, il y a deux ans.

- Exactement, répondit Dumbledore, l'œil pétillant. Certains chercheurs sont sur place depuis des années. Ils logent à l'Auberge Valbona. J'ai souhaité les rencontrer et l'une de mes entrevues a été plutôt fructueuse.

Albus se leva lentement et se dirigea vers un mur caché qui - après trois coups de baguette sur la pierre - laissa apparaître une multitude de fioles. Intrigué, Severus se leva pour voir de plus près. Au même moment, le directeur fit apparaître une pensine.

- Je pense qu'il serait préférable que vous voyez cela de vos propres yeux.

Choqué par l'excès de confiance que lui montrait le directeur, Severus resta stoïque quelques secondes.

Le souvenir flottait à la surface du récipient. Le cœur battant, Severus plongea sa tête dans les volutes argentées.

.

Un soleil éclatant le fit cligner des yeux. Il se trouvait au milieu d'une allée de terre. Au loin, au cœur d'une forêt verdoyante se dressait une montagne. Il eut la sensation d'avoir été projeté droit dans les cartes postales que Lily lui envoyait lorsqu'elle partait en randonnée avec sa famille. A chaque fois, il touchait du bout des doigts le bonheur des vacances d'été.

A ses côtés, marchait Albus Dumbledore, un bâton de pèlerin dans la main droite, un chapeau pointu vissé sur le crâne, sa grande cape grise virevoltant autour de lui. De cette façon, l'homme avait l'air encore plus imposant et même à travers ce souvenir, on pouvait ressentir la prestance naturelle du directeur de Poudlard.

Severus suivit son mentor vers une auberge. Des chèvres broutaient l'herbe autour de la bâtisse et une jeune femme remontait de l'eau dans le puits d'à côté.

Un joyeux brouhaha résonnait à l'intérieur de la bâtisse. Le genre de vacarme chaleureux - même quand on s'appelait Severus Rogue - donnait envie de vous attabler et boire des coups.

Dumbledore se dirigea immédiatement vers un petit homme installé au fond du restaurant. Trapu et l'air revêche, l'homme arborait une longue barbe qui traînait sur ses nombreux parchemins.

- Bonjour Altaïr.

Le susnommé Altaïr releva la tête et son regard se fit plus doux lorsqu'il reconnut le directeur.

- Professeur Dumbledore ! Je ne vous attendais pas aussi tôt.

- J'ai été bien renseigné, s'amusa Dumbledore. Puis-je ? demanda-t-il en désignant une chaise.

- Bien sûr, bien sûr !

A bien écouter, Altaïr possédait un léger accent russe. Il faisait partie de ces nombreux sorciers qui vouaient une admiration et un respect sans faille à Albus Dumbledore. L'homme semblait connaître la raison de la visite du directeur puisqu'il rangea ses parchemins avec précipitation, n'en gardant qu'un seul devant ses yeux.

- On m'a dit que vous étiez ici depuis plusieurs jours.

- J'ai rencontré plusieurs amis et l'un d'entre eux m'a dirigé vers vous. Je vous remercie de me recevoir.

- J'ai fait partie de la résistance Russe lorsque Vous-savez-qui commençait à prendre du pouvoir, se sentit-il obligé de préciser. Toute la communauté mondiale sorcière restait à l'affût. Certains regardaient votre guerre de loin, un brin voyeuriste. Mais il y en avait d'autres comme moi qui s'inquiétaient de la montée de ce mage noir. Une guerre mondiale est vite arrivée.

Si aux yeux de Severus, Altaïr cherchait visiblement à impressionner le directeur de façon agaçante, Dumbledore ne sembla pas le remarquer. Sembler, seulement. Il affichait un sourire de convenance, attendant patiemment que l'autre poursuive son récit.

- J'écris des articles pour divers journaux russes mais comme on a pu vous le dire, la perle des Balkans est une seconde maison pour moi.

Un sourire passionné se dessina sur le visage d'Altaïr.

- On ne trouve nul par ailleurs autant de secret que dans ses forêts, ses montagnes et la mer Adriatique. Je suis tombé amoureux de cet environnement comme beaucoup d'autres sorciers. Vous êtes ici aux croisements des chemins. Tous les sorciers qui se rendent en Albanie viennent au moins une fois ici. Malheureusement, beaucoup s'y sont perdus. Il y a autant de magie noire que de merveilles dans ces terres.

Dumbledore hocha la tête, calme, apaisé. Severus quant à lui aurait voulu accélérer le souvenir afin d'arriver au but. Que pouvait bien savoir ce minus à l'égo quelque peu surdimensionné ?

- J'aime observer les gens.

- C'est pour cela qu'on m'a dirigé vers vous, déclara Dumbledore. Il est dit que rien n'échappe à votre œil de lynx.

L'homme gonfla la poitrine, fier comme un paon. Si fier qu'il ne comprenait pas qu'Albus Dumbledore le dirigeait comme une marionnette.

- J'aurais aimé savoir si vous aviez rencontré un homme du nom de Quirinus Quirrell ?

Severus fronça les sourcils. L'espace d'un instant, il se demanda ce que Quirrell venait faire dans l'équation. Mais c'était logique, lui-même y avait pensé quelques minutes plus tôt. Dumbledore s'assurait simplement que l'ancien professeur de Défense contre les forces du Mal eut été possédé en Albanie.

Le directeur posa une photo de Quirrell sur la petite table ronde. Sur le cliché, l'ancien professeur de Défense contre les forces du Mal se tenait droit comme un i. Il n'avait pas encore son turban sur la tête. Altaïr leva les yeux au plafond, signe qu'il cherchait intensément dans sa mémoire.

- Je me souviens d'un anglais fébrile et peureux. Il avait pour projet de se rendre dans la forêt albanaise. Lorsqu'il est revenu ici, il n'était plus le même. Je ne m'en suis pas spécialement inquiété. Beaucoup de sorciers et sorcières reviennent complètement changés. Y a-t-il eu quelque chose en particulier ?

- Trois fois rien, assura Dumbledore.

Severus haussa un sourcil, légèrement amusé. Après tout, ce n'était que le Seigneur des Ténèbres derrière le crâne d'un pauvre Serdaigle, pensa-t-il avec sarcasme.

Une sorcière s'approcha de la table des deux hommes et y posa deux verres d'hydromel. Le regard d'Altaïr se fit froid mais redevint courtois lorsqu'il croisa celui de Dumbledore.

- Êtes-vous seulement venu pour me demander si j'avais vu cet homme ? Un courrier aurait été suffisant.

Le sourire moqueur s'éteignit aussitôt sur le visage du petit homme lorsque Dumbledore se redressa sur sa chaise. Ce simple geste eut raison de l'attitude mollement supérieure du journaliste Russe.

- En effet, répondit Dumbledore d'une voix calme. Je pense effectivement que Quirrell a fait une mauvaise rencontre lors de ce voyage.

- Certainement une force noire venue des tréfonds de la forêt.

- Ou une mauvaise personne.

- Croyez-moi, il y a suffisamment de créatures sombres et autres forces surnaturelles dans cette forêt pour qu'il y ait en plus des mages noirs.

- Il y a pourtant beaucoup de sorciers aux pratiques douteuses dans cette auberge. Vous le savez aussi bien que moi.

L'homme se renfrogna. Il n'était cependant pas assez fou pour défier et contredire Dumbledore. Il se contenta de boire plusieurs gorgées d'hydromel et de retenir un rot. Il hocha la tête vers le directeur, attendant que celui-ci poursuive la discussion.

Severus sentit la crainte émaner de l'homme. Visiblement, il aimait les potins, observer les gens et dénoncer. Être au cœur de choses plus concrètes semblait soudainement le refroidir. Le maître des potions ne put s'empêcher de le juger cet homme. Sa vanité l'avait poussé à accepter de rencontrer Albus Dumbledore mais il était de ces hommes qui demeurent d'éternels spectateurs.

- Je pense que Quirrell a rencontré un certain Tom Jedusor. En avez-vous entendu parler ?

Le visage du petit homme se vida de son sang. Il reprit une lampée d'hydromel, se laissant le temps de réfléchir s'il devait mentir ou non.

Il se passa alors quelque chose d'étrange. Severus crut perdre pied jusqu'à ce qu'il comprenne qu'Albus Dumbledore avait pénétré l'esprit du journaliste.

C'était petit et vicieux. Une véritable ruse de serpent.

Oui, de toute évidence, Altaïr avait croisé Tom Jedusor. Un garçon froid et déterminé à retrouver un objet important. Un frisson glacé courut sur sa colonne vertébrale. Le jeune Seigneur des Ténèbres était venu un soir pluvieux de décembre. Les décorations de noël le dégoûtait. Son aura sombre avait déstabilisé Altaïr. Severus sentit la peur et la crainte que l'homme avait ressentit. Lui-même avait cherché à savoir auprès du journaliste où se trouvaient les plus beaux trésors. Altaïr s'était liquéfié sur place. La baguette du jeune Jedusor était discrètement pointée sur le ventre du journaliste. Il lui avait donné les lieux légendaires sans trop réfléchir. Tom Jedusor avait eu un sourire malveillant lorsque le russe avait lancé que ce n'était que des rumeurs et que les trésors étaient introuvables dans cette forêt.

Ayant vu l'essentiel, Severus s'échappa du souvenir.

- C'était… Serpentard comme manière de procéder.

Albus se contenta de rire doucement.

Dehors, la pluie avait commencé à tomber. Severus s'approcha de la fenêtre, digérant ce qu'il venait de voir. Le directeur de Poudlard lui laissa le temps de l'analyse et se contenta de manger un énième bonbon au citron.

- Le Seigneur des Ténèbres s'est donc rendu plusieurs fois en Albanie. On peut deviner aisément qu'il aime s'y cacher, en souvenir de cette première aventure sur la terre des Balkans. Savez-vous quel trésor cherchait-il ?

- C'est la prochaine étape, déclara Albus. Tom Jedusor est un homme comme vous et moi. Il a eu besoin de l'aide d'autrui pour devenir le mage noir qu'on connait.

- Il semble souvent avoir abusé de plus faible pour cela.

- C'est pourquoi il sera d'autant plus compliqué d'assembler le puzzle de sa jeunesse. Je pense cependant que lorsqu'il a rencontré Altaïr, il savait déjà parfaitement où il devait aller. Il s'assurait simplement de sa route. J'ai passé la fin de l'été à puiser dans les légendes sorcières du Royaume-Uni en lien avec l'Albanie.

- Avez-vous des pistes ?

- Quelques-unes. Je vous tiendrai au courant.

Severus pinça les lèvres, prêt à rétorquer. Il s'en garda, sachant pertinemment que le vieil homme lui dirait les choses en temps et en heure, une fois qu'il serait sûr de lui.

- En avons-nous terminé ? demanda Severus.

- Je crois bien que oui.

Le maître des potions s'apprêtait à franchir la porte lorsque le directeur le rappela.

- Au fait Severus, concernant cette herboriste en France… Alma Hardi ?

Le cœur de Severus manqua un battement. L'esprit tourné vers Harry, il avait oublié qu'il avait demandé conseil concernant la jeune femme.

- Je pense que vous pouvez lui faire confiance, déclara Dumbledore amusé. En tout point, ajouta-t-il.

Severus opina du chef sèchement et quitta les lieux.

oOo

Les semaines défilèrent sous une pluie incessante. Les professeurs se montraient plus exigeants concernant le travail personnel et Harry peinait à suivre ses différents objectifs. Entre les leçons de piano, les devoirs et les entraînements de Quidditch, il n'avait aucun mal à s'endormir comme une masse à la fin de la journée. Les cauchemars se faisaient plus rares, à son bonheur.

Parfois, il regrettait franchement d'avoir pris l'Étude de runes Anciennes. Ron s'ennuyait clairement en cours de Divination mais il se déchargeait vite des devoirs.

- Il suffit d'inventer et le Professeur Trelawney n'y voit que du feu.

- Tu as bien de la chance, Babbling nous surcharge de travail. On doit apprendre trente nouveaux mots après chaque leçon !

- Tu devrais demander de l'aide à Hermione.

Harry envoya un regard sombre à son ami. Depuis la dispute au sujet de la disparition de Croûtard entre la jeune fille et Ron, cette dernière boudait Harry qui avait pris le parti de son ami.

La brune restait polie et prenait place à ses côtés dans les options où Ron était absent. Cependant, Harry savait qu'il ne fallait pas pousser le bouchon avec la jeune Gryffondor et qu'il serait carrément suicidaire de lui demander de l'aide pour des devoirs.

- Je tiens à ma vie.

Les deux garçons marchaient sous la pluie. Hagrid avait envoyé une invitation pour le thé au trio quelques heures plus tôt. Harry se sentait quelque peu coupable de ne pas avoir rendu visite à son ami. Voilà pourquoi il pénétra dans la cabane du géant les mains chargées de confiseries. Hagrid serra Harry contre lui, manquant de l'étouffer et frappa dans le dos de Ron dans un geste amical. Le roux semblait à deux doigts du pneumothorax et s'affala dans le fauteuil le plus proche.

- Hermione n'est pas avec vous ?

- On s'est disputés, avoua Ron.

En un instant, son visage pâle avait repris des couleurs. Les joues rouges de colère, il se redressa sur son siège.

- Son stupide chat a mangé mon rat ! accusa-t-il.

Hagrid posa les tasses de thé fumantes devant eux, le visage étonné.

- Pattenrond ?

- Vous connaissez ce chat ? s'étonna Harry.

- Bien sûr que je connais ce chat ! s'offusqua Hagrid. Pattenrond chasse les mulots qui rodent autour de mes plantes. C'est un gentil matou. Si tu parles de Croûtard, Ron…

Hagrid se leva bruyamment et fouilla dans son joyeux désordre avant de ressortir le rat rabougri et tremblant dans ses grosses mains. S'il l'avait voulu, le demi-géant n'aurait eu qu'à serrer un peu ses doigts pour que l'animal étouffe et meurt.

- Croûtard !

- Tu dois des excuses à Hermione, déclara Hagrid en déposant le rat dans les mains de Ron.

- Comment l'avez-vous retrouvé ?

- Il se cachait dans mes citrouilles. On aurait dit qu'il voulait aller dans la forêt mais son instinct a dû lui signifier que ce n'était pas très sûr pour lui…

Ron caressa doucement la tête du rongeur. De bonne humeur, les deux amis racontèrent en long et en large leurs premières semaines de cours. Ils avaient hâte de découvrir Pré-au-Lard et ses boutiques. Hagrid leur recommanda d'aller chez Zonko.

Ils ne rentrèrent qu'à l'heure du dîner, déjà bien repus des différentes confiseries qu'ils avaient avalées. Ron et Harry s'approchèrent d'Hermione, légèrement penauds.

La jeune fille avait le nez dans un livre, picorant de temps à autre ses choux de Bruxelles. Elle ignora superbement les garçons lorsqu'ils s'installèrent à côté d'elle.

Harry lança un regard à Ron qui lui fit une grimace, signe évident qu'il ne savait pas comment débuter la conversation. Harry soupira et posa une main sur le bras d'Hermione qui se raidit. La jeune fille leva les yeux et attendit qu'il parle.

- Ron a retrouvé Croûtard. Il voulait s'excuser pour… Enfin… Tu vois.

- Ron n'est-il pas assez grand pour demander pardon lui-même ? Tu n'avais besoin de personne pour me hurler dessus devant tout le monde l'autre jour ! lança-t-elle au roux qui s'était ratatiné sur lui-même.

- Ecoute Hermione, tenta de tempérer Harry, c'était normal de penser que Pattenrond avait mangé Croûtard, non ?

La jeune fille se tourna brusquement vers Harry, les yeux lançant des éclairs. Harry leva les mains en l'air, en signe d'apaisement. Les regards curieux commençaient à se faire nombreux.

- Ok ok, dit-il avant même qu'elle ne puisse déverser son fiel. On est désolés d'accord ?

- Je suis désolé, ajouta Ron.

Hermione regarda ses deux amis tour à tour puis soupira bruyamment. Elle referma son livre d'un geste sec et le posa sur la table dans un fracas qui fit sursauter Neville assit à l'autre bout de la table des lions.

Hermione mangea avec rage son plat et les garçons l'observèrent quelques instants avant de se mettre à manger à leur tour.

Harry et Ron tentèrent de faire la discussion mais la jeune fille ne répondit que par des onomatopés. Lorsque les jumeaux Weasley apparurent au milieu du repas, l'ambiance s'allégea quelque peu. Une fois au dessert, Hermione éclata finalement de rire lorsque Ron manqua de s'étouffer avec un bonbon goût morve de troll que George avait glissé dans son pudding.

Bon joueur, le roux tira la langue à la jeune fille et la dispute fut définitivement oubliée. Afin d'enterrer la hache de guerre, Harry proposa une balade dans le parc avant le couvre-feu.

- Je vais dormir dans mes appartements ce soir, expliqua Harry.

- Comment se passe la cohabitation ? demanda Hermione. Est-ce qu'il t'entraîne à devenir un grand sorcier comme il l'avait promis ?

- J'ai eu une première leçon mais il dit que la priorité c'est de rendre des devoirs irréprochables et de suivre les leçons de piano, bougonna Harry.

- Je suppose qu'il sait ce qu'il fait.

Harry ouvrit la bouche pour répondre lorsqu'un mouvement dans le sous-bois attira son attention. Il s'arrêta, tourna les talons et s'approcha du bruit sans réfléchir.

- Euh Harry ? Tu sais que tu te diriges vers la forêt interdite là ?

- Ron a raison ! On n'a pas le droit d'être là, tu le sais très bien !

- Chut !

Les deux amis rejoignirent Harry qui était presque accroupi, plissant les yeux pour voir le plus loin possible. Il manqua de tomber à la renverse lorsque de gros yeux jaunes apparurent.

- C'est mon chien ! rigola-t-il. Viens mon pépère !

Le chien courut jusqu'à Harry qui avait pénétré aux abords du bois.

- Ton chien ? demanda Hermione. Oh comme il est beau ! Qu'est-ce qu'il y a Ron ?

Harry leva les yeux au ciel quand il vit que Ron avait les bras croisés sur son torse, l'air bougon et craintif.

- Ron dit que c'est un Sinistros.

- Oh Ron ! Ne me dis pas que tu crois en ces choses-là ! répliqua Hermione en s'agenouillant près du chien qui lui lécha la main.

- Je reste méfiant, c'est tout.

- Ce n'est qu'une superstition idiote.

- C'est sûr que ce n'est pas toi qui va y voir un quelconque message, n'est-ce pas ?

Hermione rougit brusquement, le visage fermé. Sentant que quelque chose lui échappait, Harry fronça les sourcils.

- De quoi est-ce que vous parlez ?

- Mademoiselle Hermione Jean Granger n'a aucun don pour la Divination et ça la rend dingue !

- Comme si tu avais un don ! répliqua Hermione les joues rouges, vexée comme un poux.

- Ne vous disputez pas ! coupa Harry. Ce jour est marqué comme celui où mon chien a trouvé le chemin de Poudlard alors hors de question de le gâcher !

Hermione offrit un sourire à Harry et Ron se contenta de s'asseoir sur une souche d'arbre, jetant de temps à autre un regard vers le château, s'assurant que Rusard ne les surprenne pas.

oOo

La vague de travail post-rentrée commençait à s'apaiser pour le maître des potions. Installé à son bureau, il écoutait d'une oreille attentive Puffett, élue préfète-en-chef par le corps enseignant. La jeune fille prenait son rôle très à cœur et faisait un état des lieux à Severus chaque samedi. Elle représentait avec brio la maison Serpentard.

- Nous avons organisé les différents tutorats avec les préfets de Serpentard et on a eu dix volontaires pour encadrer les plus jeunes dans leurs devoirs.

- Tous les premières années se sont-ils bien intégrés ?

- Il y a eu quelques difficultés pour deux d'entre-eux lors des premières semaines mais tout est à peu près rentré dans l'ordre.

La jeune fille paraissait cependant épuisée. Des grosses cernes entouraient ses yeux fatigués. A ce rythme, elle craquerait avant ses ASPICs. Cette éventualité était totalement exclue. Après tout, Severus avait rarement eu une élève aussi brillante et irréprochable dans sa maison. Elle pouvait terminer major de promotion haut la main et redorer quelque peu le blason de Salazar.

- A peu près vous dites ?

Severus avait appris à reconnaître les messages sous-jacents chez les serpents. On apprenait rapidement à garder la tête haute et encore plus lorsqu'on était une femme en devenir.

Eléonore Puffett pinça les lèvres, jugeant s'il était opportun de parler avec le professeur. Il fallait l'avouer, les élèves ne se confiaient que très rarement au directeur de Serpentard.

- On vient me réveiller plusieurs fois par soir car Haymitch Tyler, un des premières années, pleure dans son lit. Il est parfois inconsolable pendant de longues heures. Il dit qu'il veut rentrer chez lui. Je dois le consoler jusque très tard dans la nuit, ajouta-t-elle les joues rouges, l'air gêné.

Severus soupira. Tyler était un garçon un peu balourd et qui semblait avoir du mal à se faire des amis depuis son arrivée à Poudlard.

- Comment se fait-il que c'est vous qui vous en occupiez ? Flint est le plus âgé des préfets garçons, c'est à lui de s'en charger.

- Il m'a envoyé Tyler la première fois et depuis je dois me charger du bureau des pleurs et le consoler jusqu'à ce qu'il s'endorme, grimaça-t-elle.

- Je toucherai un mot à Flint ainsi qu'aux deux autres préfets. Vous avez bien assez à faire. Ce n'est pas à vous de pouponner les premières années. Par ailleurs, Tyler a onze ans. Vous pouvez le consoler mais aucunement rester avec lui jusqu'à ce qu'il s'endorme. Vous avez assez de charge de travail comme cela et vous devez également vous reposer.

- Bien professeur.

Puffett opina du chef docilement et prit congé.

A peine quelques secondes plus tard, alors que le maître des potions faisait de l'ordre dans ses affaires, Harry pénétra par la porte arrière du bureau.

- Ah vous êtes là ! J'étais étonné de ne pas vous voir dans les appartements.

- Je termine de ranger et j'arrive.

- Est-ce qu'on peut jouer aux échecs ? demanda le Gryffondor sur le pas de la porte.

Le professeur acquiesça et Harry repartit en courant dans les appartements, heureux.

- As-tu dîné ? demanda Severus lorsqu'il entra dans les appartements où un feu de cheminée crépitait et réchauffait la pièce.

Le Gryffondor émit un bruit qui voulait certainement dire "oui", concentré sur l'installation de ses pièces. Severus en profita pour l'observer à la loupe. Harry avait des bonnes couleurs et grandissait à vue d'œil. Il ne tarderait pas à enfin rattraper Granger. Assis à même le sol, Severus se félicita d'avoir fait installer ce gros tapis épais près de la cheminée.

- Au fait, je n'ai pas entendu le piano résonner depuis un bout de temps.

- Je sais déjà faire ce que Paloma m'a demandé.

Severus grinça des dents à l'évocation du prénom du professeure de musique. Il n'était pas fan des familiarités entre élèves et enseignants. Un peu plus d'un mois après la rentrée et à raison de deux leçons par semaine, Harry avait bien avancé sur ses cours de piano. Il y mettait de la concentration et même s'il était évident qu'il n'avait pas la musique pour passion, le garçon avançait bien.

Severus lui rappelait régulièrement l'utilité de la musique dans la magie, au cas où, mais ce n'était pas nécessaire. Derrière ses sourires enjoués, Harry masquait mal sa nervosité. Il avait déjà demandé plusieurs fois à Severus pour les leçons particulières de Défense contre les forces du Mal. Le maître des potions rappelait qu'ils avaient encore le temps et qu'il devait se contenter d'être excellent dans la matière avant de vouloir aller plus loin.

Severus était d'ailleurs étonné que Harry ne soit pas si souvent dans les pattes de Lupin. Cela l'arrangeait franchement mais il n'en montrait rien au jeune Gryffondor.

- C'est prêt ! On joue ?

- Laisse-moi prendre un rapide dîner. Si tu me jouais les morceaux que tu as appris avec ta professeure en attendant ?

Harry se redressa avec surprise, les yeux ronds. Le maître des potions haussa un sourcil, interloqué par cette réaction. Le gamin entendait-il à nouveau les voix d'un monstre ? Compte-tenu de son sourire incertain, il était plus à parier qu'il s'agissait d'autre chose.

- Vous voulez voir ce que je joue ? Genre… Comme un spectacle pendant que vous mangez ?

- Si tu veux, répondit-il quelque peu amusé.

Silencieusement, le gamin se leva et ouvrit le piano. Il se positionna devant l'instrument un peu maladroitement mais bon élève. Il laissa cependant ses doigts en suspension et se retourna vers Severus qui tapotait sur sa table afin de faire parvenir quelques mets des cuisines.

- Et bien ?

- C'est pour savoir où j'en suis ou parce que ça vous fait plaisir de me voir jouer ?

- Un peu des deux, déclara Severus en empoignant un sandwich, toujours incapable de comprendre pourquoi ce comportement étrange.

Cette fois-ci, un sourire chaleureux et soulagé se dessina sur le visage du jeune garçon. Puis, il entama quelques gammes avant de montrer les deux morceaux qu'il avait appris avec Paloma. Du Bach et une composition de la jeune femme.

Ravi, soulagé et fier de voir son Gryffondor attentif et concentré, Severus se détendit totalement et mangea avec appétit. Le travail commençait à se faire.

Harry apprenait à se poser, à concentrer son esprit et à réfléchir avec intensité. Il se tenait droit, calmait sa respiration et mobilisait plusieurs sens en même temps.

Il félicita du bout des lèvres Harry et ils profitèrent de la soirée pour jouer aux échecs.

- Je vais me coucher, déclara le Gryffondor après une deuxième partie. J'ai un entrainement de Quidditch demain matin.

- Ce n'était pas l'après-midi normalement ?

- Si mais il y a la sortie à la Pré-au-Lard. On a hâte d'y être !

Severus se leva et fit semblant de ranger la cuisine. Il avait oublié que Harry faisait partie des troisièmes années se rendant au village. Une boule d'angoisse se logea dans son estomac. Pour rien au monde il n'aurait empêché le garçon de profiter de cette sortie mais tout de même… Sirius Black n'avait toujours pas été arrêté et la tension se faisait de plus en plus palpable entre le Ministère et Poudlard.

La raison l'emporta sur l'émotion et Severus conseilla à Harry d'être prudent sans pour autant l'empêcher de sortir. Il pria simplement que des détraqueurs ne débarquent pas et restent loin de son protégé.

- Je ferai attention, assura Harry. Ah oui au fait ! Paloma m'a demandé de choisir un morceau de musique classique et de détecter tous les instruments que je pourrai entendre. C'est pour le prochain cours, ajouta-t-il dans un sourire confus.

- C'est une blague ! Tu ne pouvais pas me le dire encore plus tardivement !

Harry semblait à peine désolé et Severus lui envoya un regard noir.

- Pour la peine, tu rentreras tôt de Pré-au-lard et je te veux ici pour le dîner.

Comment tourner les évènements à son avantage.

Les épaules de Harry s'affaissèrent et il hésita un instant à répliquer. Le regard du professeur se fit suffisamment sévère pour qu'il y renonce. Il souhaita une bonne nuit à l'homme qui s'affala sur son fauteuil une fois la porte de la chambre fermée.

Le lendemain, Severus s'attela à la préparation de ses cours pour la semaine et à la correction des premiers devoirs qu'il avait donné à ses cinquième et septième années. L'après-midi, il se procura également un tourne-disque et fit un saut à Londres pour trouver plusieurs trente-trois tours de musique classique d'occasion.

Il rentra au château un peu avant Harry qui arriva les joues rouges d'avoir couru. Le garçon déposa son sac dans le salon. Plusieurs confiseries en débordaient et Severus s'abstint de demander combien avait dépensé le gamin dans des futilités.

- Tu es en nage, déclara le maître des potions en guise de salutations. Va prendre une douche.

- Mais on doit écouter des morceaux.

- On le fera après ta douche. Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, j'ai un grand nez et il fonctionne parfaitement, même plus que la normale.

Harry râla pour la forme, marmonnant qu'il avait déjà pris une douche après sa séance de Quidditch. Pendant qu'on entendait l'eau couler, Severus installa le tourne-disque et déposa deux tasses de thé sur la table basse.

Ils passèrent la fin de l'après-midi à écouter plusieurs morceaux mais Harry avait du mal à se concentrer, la fatigue et l'excitation de la journée lui tombant sur les épaules.

- On ne va pas passer la nuit à trouver une musique à analyser !

- Et ça c'est quoi ? demanda Harry en pointant du doigt l'un des disques qui n'avaient pas été écoutés.

- La symphonie Numéro sept de Beethoven. Veux-tu l'entendre ?

- Oui, j'aime bien les images qu'il y a sur la pochette.

Severus jeta un œil. Deux oiseaux étaient entremêlés dans une peinture à l'huile. Un peu ému, Severus déposa le disque et se tourna vers Harry

- Je ne voudrais pas t'influencer mais ta maman aimait beaucoup ce morceau. Surtout le deuxième mouvement.

Le regard de Harry s'alluma. Il ne semblait plus du tout fatigué et il demanda à ce qu'ils écoutent immédiatement le deuxième mouvement. Ainsi, ils savourèrent le morceau dans un silence religieux. Harry ne bougeait plus.

Chacun des deux essayaient d'attraper un fragment de Lily. Les notes couraient dans leur esprit, caressaient leur mémoire avec une douce nostalgie.

Severus se voyait à nouveau dans le parc près de chez lui. Rire, jouer et chanter avec Lily. C'était une époque lointaine, presque étrangère. Et lorsque les dernières notes résonnèrent, Severus constata que pour la première fois, il n'avait plus ce trou béant dans la poitrine lorsqu'il pensait à Lily.

Il adressa un léger sourire au garçon qui avait les yeux brillants d'émotions. Harry se reprit en secouant la tête dans un sourire triste, remit le morceau, prit un parchemin et se mit à rédiger son devoir pour Paloma.

.

Halloween arriva bien trop rapidement au goût de Severus. Depuis deux ans, il se passait systématiquement quelque chose d'étrange à cette date. D'abord le troll dans les cachots et ensuite l'attaque de Miss Teigne un an plus tôt. Les dates et les chiffres possédaient des propriétés que seuls les plus grands Aritmanciens maîtrisaient.

C'est pourquoi Severus resta sur ses gardes toute la journée. Cela le rendait irritable et implacable. Il retira trente points à Poufsouffle lorsqu'il tomba sur un couple qui se bécotait d'une façon proche de l'indécence au beau milieu d'un couloir. Il fabriqua la potion tue-loup de Lupin et la lui donna sans un mot. L'homme tenta de lui sourire et de faire la discussion mais Severus s'échappa, toujours méfiant vis-à-vis du loup-garou.

Comme à chaque festins d'Halloween, les elfes se surpassèrent aussi bien dans la décoration que dans les repas.

Des citrouilles géantes flottaient dans l'air. Des nuées de chauve-souris voletaient et des serpentins orange ondulaient paresseusement comme des serpents d'eau sous le ciel magique.

S'il ne s'appelait pas Severus Rogue, il aurait été émerveillé.

Il se contenta plutôt de demander à ses serpents de baisser le volume tant ils hurlaient de rire puis alla s'asseoir, le regard se posant partout.

Il virait complètement paranoïaque.

Lorsque Flitwick lui parla de son inquiétude quant aux capacités de Crabbe et Goyle à valider l'année, le maître des potions répondit à peine. Lupin animait la discussion avec le petit homme, cherchant de temps à autre à engager la conversation avec le maître des potions qui resta de marbre.

A la fin du repas, alors que les fantômes organisaient un spectacle funeste pour les élèves, Severus jeta un œil à Lupin. Avait-il pris correctement sa potion Tue-Loup ?

Et comme à chaque fois qu'il se concentrait sur l'homme, il ne pouvait s'empêcher de le mettre en doute. Il ne faisait absolument pas confiance à Lupin.

Oui, les élèves étaient ravis des cours de Défense. Harry le premier même s'il s'en cachait auprès de Severus. Mais il n'arrivait pas à avoir confiance. C'était plus fort que lui.

L'homme s'en voulait quelque peu de faire ressentir son animosité pour le loup-garou à Harry mais ce n'était pas faute de donner le change.

A la fin du dîner, le maître des potions échangea quelques mots avec les préfets de Serpentard, rappelant deux trois règles pour la soirée. Le festin terminant exceptionnellement à dix heures, il était autorisé pour les élèves de veiller un peu plus tard. Cependant, il rappela qu'il comptait sur les préfets pour envoyer les plus jeunes au lit avant minuit.

Il se dirigeait vers la salle des professeurs pour récupérer quelques copies à corriger lorsqu'il tomba sur McGonagall. La femme avait les joues rouges d'avoir marché vite et le souffle court. Severus ne la laissa pas parler.

- Vivrons-nous un 31 octobre normal un jour ? dit-il avec sarcasme.

- Severus… Le tableau de la Grosse Dame a été attaqué. Elle dit que Sirius Black a pénétré dans le château.

Les paroles de la sous-directrice glaçèrent le maître des potions.. La bouche sèche, Severus tourna la tête vers la Grande Salle, espérant y apercevoir Harry.

- Où est…

- Harry va bien. J'ai demandé au préfet-en-chef Mr Weasley de rassembler les élèves de ma maison. On doit fouiller l'école. Les élèves dormiront dans la Grande Salle.

Severus hocha la tête avec vigueur et s'activa.

Non, visiblement, il était impossible d'avoir un Halloween reposant.

.

Severus chercha de fond en comble le deuxième étage. Il usa de tous les sortilèges qu'il connaissait, interrogea les tableaux, les fantômes et même les armures. Par Merlin, qu'il aurait aimé mettre la main sur Black ! Mais rien. Plus frustré que jamais, le maître des potions descendit à toute vitesse dans la Grand Salle.

Il était proche de trois heures du matin et les élèves dormaient à poings fermés. Il chercha Harry d'un œil expert et reconnut au loin sa tignasse brune. Il était tendu et sa respiration était bien trop rapide pour qu'il dorme. Il s'approcha de lui, s'accroupit et posa une main sur son épaule. Le gamin ne chercha pas à feindre le sommeil et se redressa.

- Vous l'avez retrouvé ?

- Comment ça se fait que tu ne dormes pas encore ? gronda Severus.

Harry haussa les épaules et le maître des potions ne releva pas. Tous deux savaient parfaitement pourquoi Harry ne dormait pas.

- Est-ce que tu veux venir dormir aux appartements ?

Le garçon hocha la tête négativement et se redressa un peu plus.

- Est-ce que vous l'avez retrouvé ?

- Severus ?

- Professeur Dumbledore, salua Severus en se relevant. J'ai fouillé le deuxième étage, aucun signe de Black. Vous permettez ? ajouta-t-il dans un signe de tête vers le Survivant qui écoutait d'une oreille attentive.

Dumbledore inclina le menton, compréhensif. Severus ne manqua pas le clin d'œil qu'envoya le directeur à Harry.

- Il faut que tu dormes.

- Comment est-ce que Black a pu entrer dans le château ?

- Harry…

- Les détraqueurs ne pouvaient-il pas l'arrêter ? Comment est-ce…

- Stop.

- J'ai le droit de savoir !

- Ça suffit maintenant, tu vas réveiller les autres.

Harry observa autour de lui et marmonna des excuses. Des cernes grises entouraient ses yeux verts et la tension se lisait sur ses traits.

Severus soupira et agita sa baguette.

- On ne l'a pas retrouvé, expliqua l'homme en faisant apparaître une fiole.

Il passa sous silence le fait qu'il soupçonnait Lupin. Jamais Black n'aurait pu entrer dans l'école sans un complice… Il comptait cependant en toucher deux mots au directeur.

Les épaules du Survivant s'affaissèrent, l'angoisse le tenaillant et l'empêchant de dormir.

- Bois ça. Il faut que tu sois en forme pour demain.

- Si jamais il arrive et que je ne peux pas me réveiller pour me battre ? demanda le garçon en observant la fiole.

- Il doit déjà être loin. Maintenant bois.

Harry prit la fiole et but la potion non sans une grimace. Il s'allongea dans son duvet. Déjà ses muscles se détendaient.

- Harry ?

- Hmm ?

- Il ne t'arrivera rien. Si Black débarque, je le tuerai de mes propres mains, marmonna-t-il à voix basse pour que personne d'autre que Harry n'entende.

Le garçon dormait déjà mais un sourire soulagé habillait son visage.

.

Dans les jours qui suivirent, l'intégralité de l'école ne parla plus que de Sirius Black. Élèves comme professeurs.

Bien sûr, lorsque Severus fit savoir ses soupçons quant à Lupin, Dumbledore l'ignora, assurant qu'il avait toute confiance dans le loup-garou.

Amer, Severus observait son ennemi dans ses moindres faits et gestes. La pleine lune l'avait totalement affaiblie mais le maître des potions demeuraient sur ses gardes.

- Severus ? appela Minerva.

Le maître des potions cessa d'analyser les gestes de Lupin qui corrigeait ses copies et porta son regard sur la directrice des lions.

- Je vous demande pardon ?

La femme semblait excedée mais n'en montra rien. Il pinça les lèvres et se reprit :

- Je vous disais que le Quidditch risquait d'être dangereux pour Harry Potter. Si Sirius Black… Enfin vous voyez. J'en ai parlé à Harry qui connait la réputation de l'homme puisque vous lui avez tout expliqué.

Severus opina du chef, l'encourageant à terminer.

- Il aime beaucoup le Quidditch.

- Et une défaite vous rendrait amère, compléta le directeur de Serpentard dans un sourire sarcastique.

Minerva releva le menton. Severus et elle menaient une guerre ouverte pour la coupe de Quidditch.

- En tout cas, Harry veut continuer de jouer et de s'entraîner. C'est pourquoi j'ai demandé à Madame Bibine d'assister aux entraînements. Est-ce que ça vous va ?

Severus confirma.

Il aurait préféré que Harry cesse de voler sur un balai. D'abord pour sa sécurité mais aussi pour que Serpentard gagne la coupe, il devait le reconnaître.

Cependant, le gamin était assez perturbé comme cela pour lui retirer le moindre plaisir dans sa vie.

C'est ainsi que quelques jours plus tard, Severus se retrouva dans la tribune des professeurs à observer Gryffondor qui affrontait Poufsouffle sous une pluie battante.

Le vent était violent et le tonnerre faisait un tel vacarme qu'on entendait à peine Lee Jordan qui commentait le match.

Harry était trempé jusqu'à l'os. Pourquoi Severus pensait plus au fait de donner au gamin une bonne soupe en rentrant plutôt que le score, il n'en savait rien. Toujours était-il que son cœur manqua quelques battements lorsqu'il vit Harry manquer de justesse une collision avec deux autres joueurs.

De temps à autre, un éclair illuminait le ciel qui s'était assombri brusquement.

Il eut un temps mort et Severus se fit violence pour ne pas courir dans les pattes de Harry. Lorsqu'ils remontèrent sur leur balais, le gamin semblait mieux voir et enchainait les tours de terrain pour mettre le doigt sur le Vif d'Or.

Soudain, il y eut du mouvement. Le genre de moment où l'on savait que la fin du match était proche. Le gardien et capitaine de l'équipe de Gryffondor s'agita sur son balai, faisant des grands signes à Harry, Diggory filait comme une fusée et Harry se tourna à temps pour voir la petite balle dorée.

- Voilà qui va être intéressant ! lança Flitwick.

Puis le temps s'arrêta.

Un froid glacial envahit le terrain. La désagréable et inoubliable sensation de froid qui pénétrait jusqu'aux tréfonds de l'âme mit les sens de Severus en alerte.

Severus entendit Dumbledore jurer.

Il aurait aimé sourire de la situation mais ce fut impossible. Il ne pourrait plus jamais rire ou même sourire. Des flashs de souvenirs lui revinrent en mémoire. La voix de son père le brutalisant. Les pleurs de sa mère.

- ROGUE !

Severus s'ancra dans la réalité. Il tomba sur le visage de Lupin. Un halo blanc l'entourait. Une douce chaleur émanait de la baguette de l'homme et Severus inclina la tête comme pour dire à Lupin que tout allait bien. Plus bas, une centaine de détraqueurs avançaient.

A son tour, il lança un patronus. De puissantes traînées blanches voguèrent et plusieurs détraqueurs s'échappèrent. Il continua de chasser les ténèbres, s'étonnant quelque part de ne pas voir sa biche habituelle se matérialiser.

Il leva la tête vers Harry, espérant que le garçon était bien perché sur son balai.

Tout de suite, Severus comprit que quelque chose clochait. L'estomac noué, il vit le garçon chanceler dangereusement et il se demanda un instant ce qui pouvait bien se passer. Puis, Harry tomba à la renverse. Dumbledore prit les devants et aida Harry dans sa chute.

Cette fois, ce fut Severus qui jura.

.

Le maître des potions entra en trombe dans l'infirmerie. Cédric Diggory avait saisi l'opportunité d'attraper le Vif d'Or aussitôt les Détraqueurs chassés. S'en était suivi un chaos sans nom. Les supporters de Gryffondor réclamant un nouveau match, les supporters de Poufsouffle fêtant leur victoire, les Serpentard ajoutant de l'huile sur le feu et les Serdaigle souhaitant simplement retourner dans leur tour. Les professeurs avaient tant bien que mal sécurisé les lieux. Dumbledore avait envoyé Harry à l'infirmerie, toujours inconscient.

Severus savait que le gosse en verrait d'autres - et c'était déjà le cas. Seulement, il détestait voir Harry dans cet état. D'autres élèves étaient également chamboulés par les détraqueurs et il leur fallut quelques morceaux de chocolat et des mots réconfortants. Severus ne s'en chargea pas - cela allait sans dire.

- Il vient de se réveiller ! lança Colin Crivey lorsqu'il aperçut le professeur.

Les capes virevoltants autour de lui, le maître des potions lança un regard noir à l'assemblée qui comprit aussitôt le message silencieux et quitta les lieux.

Harry, le visage pâle et les lèvres bleues, offrit un sourire désabusé à son tuteur.

- Regarde moi dans quel état tu t'es mis.

- Je n'y suis pour rien !

- Langage !

Severus s'installa sur la chaise à côté du lit et remonta les couvertures sur les épaules du Gryffondor dans un geste mécanique.

- Tu vas être bon pour une belle grippe.

Harry haussa les épaules, triste et bougon.

- Tu gagneras d'autres matchs.

Le garçon répondit par un soupir à fendre l'âme et Severus leva les yeux au ciel. Il n'était pas doué pour réconforter sur des choses aussi futiles.

- Je sais qu'on pourra se rattraper mais quand même… En plus, je suis encore le seul à m'être évanoui à cause des détraqueurs. C'est vraiment trop la honte.

Severus observa le garçon, incertain du comportement à tenir. Cependant, le Gryffondor semblait plutôt se parler à lui-même et poursuivit :

- Mon balai a été détruit par le Saule Cogneur.

Pendant un instant d'horreur, Severus se demanda si Harry n'allait pas fondre en larmes.

- C'était l'un des premiers cadeaux qu'on m'a offert. Pour une fois, je faisais partie d'un groupe, d'une équipe et on m'aimait pour ce que je faisais en tout conscience.

- Pas la peine de mettre autant d'émotions dans un balai Potter, répliqua Severus.

Harry lui envoya un regard sombre et la culpabilité rongea aussitôt le maître des potions.

- Tu es en vie, c'est ce qui compte. Le reste ce n'est que du matériel.

Parce qu'encore une fois, Harry l'avait échappé belle.

- Je compte sur toi pour faire une carte de remerciement au directeur.

Harry se redressa dans son lit, les yeux écarquillés.

- Hein ? Mais je ne vais pas faire une carte de remerciement au directeur !

- C'est comme ça qu'on fait quand on est un anglais bien élevé ! Il t'a rattrapé de justesse alors que je chassais les détraqueurs avec ta directrice de maison et le professeur Lupin.

Harry répondit par un grognement.

L'adolescence approchant à grands pas, Severus devrait probablement se satisfaire d'onomatopées et autres joyeusetés de ce genre à l'avenir. L'homme leva les yeux au ciel et posa une main maladroite sur l'épaule du garçon.

- On regardera les modèles de balais sur le prochain Quidditch Magazine et je t'en prendrai un pour Noël d'accord ?

Le regard de Harry s'illumina en guise de réponse et cette fois, le garçon eut un véritable sourire affiché sur - Merlin merci - ses joues encore rondes et enfantines.