Note de l'Autrice :

Réponse reviews anonyme :

Elia : Merci pour ton commentaire. J'ai passé un super anniversaire, merci ! J'ai adoré écrire le passage avec Drago et Harry, c'était amusant et les mots tombaient sans réfléchir. A bientôt !

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Bêta-reader : Livia Tournois

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Chapitre 33

Le minuteur résonna dans la pièce et Severus observa à travers le tableau la salle de classe des potions.

Il avait eu là une idée de génie.

S'inspirant directement de la police moldu et de leur salle d'interrogatoire, le tableau donnait une image distincte sur sa salle de classe depuis son bureau. Il pouvait ainsi observer le duo que formait Harry et Drago tout en leur laissant une marge de manœuvre afin qu'ils arrivent enfin à s'entendre.

Pour le bien du monde magique et la santé mentale de Severus.

Les punitions, les hurlements et autres menaces ne menaient à rien. Il jouait là un véritable coup de poker.

Et cela semblait marcher du feu de Merlin.

Bien sûr, les garçons étaient retombés dans leurs travers mais le risque de se retrouver encore et encore ensemble en retenue semblait les avoir aidé à se contrôler.

Avec un peu de chance, dans l'objectif d'avoir un coup d'avance, une possible entente entre le Survivant et le fils Malefoy pouvait être bénéfique pour l'avenir.

Severus se leva et pénétra dans la salle de classe. Les garçons venaient tout juste de transvaser la potion de ratatinage dans une fiole. Drago Malefoy avait lancé un sortilège rapide pour le nettoyage du chaudron, sous les yeux ébahis de Harry.

Parfois, le Gryffondor semblait oublier qu'il était un sorcier. Il arrivait aussi à Lily de réagir de la même façon.

- Bien messieurs, déclara Severus d'une voix grave. Comme vous pouvez le constater, vous êtes capable de vous entendre. Rappelez-vous de cela. Vous pouvez disposer, autorisa-t-il en s'installant à son bureau.

Le blond ne demanda pas son reste mais Harry s'approcha de Severus, les mains dans les poches. Il avait la mine fatiguée, comme souvent. Le maître des potions se tâta à proposer au garçon de venir dormir aux appartements afin qu'il puisse surveiller ses horaires de coucher. Mais le Gryffondor était un adolescent désormais et il ne voulait pas prendre le risque de l'étouffer et provoquer sa fuite.

- Ce n'était pas si horrible finalement, dit Harry. Il suffisait de prendre sur soi et on a finalement réussi à faire la potion.

- Je savais que tu en étais capable. Ravi d'avoir donné un coup de pouce utile.

Harry offrit un sourire à son professeur.

- On ne pourra jamais être amis Malefoy et moi. On est trop différents. Il me fait beaucoup penser à mon cousin Dudley par moment.

Severus marqua un temps d'arrêt pour observer son garçon. Harry parlait peu de sa vie chez les Dursley et Severus respectait cette pudeur. Une telle opportunité ne se représenterait peut-être plus avant un bout de temps et il donna toute son attention au Survivant.

- Ah oui ? encouragea-t-il.

Harry souffla et se gratta machinalement la tête avant de tordre ses doigts.

- Oui. Le même genre d'enfants un peu trop gâtés par leurs parents et où tout leur est dû. La première fois que j'ai rencontré Malefoy, c'était chez Madame Guipure. J'ai aussitôt pensé à Dudley. Le même genre d'air supérieur. Et dans le Poudlard Express, il s'est moqué de Ron et de sa famille. Malefoy se croit au-dessus des autres. Je sais que j'ai été parfois trop loin mais je n'ai fait que me défendre. C'est lui qui a commencé.

Harry sembla se rendre compte que ses mots sonnaient enfantins et grimaça. Severus leva un sourcil, attendant que le garçon poursuive.

- Je suis désolé pour mon comportement vis-à-vis de Malefoy. Vraiment. Il m'exaspère mais je promets de faire des efforts. Il n'y aura sûrement jamais d'amitié entre lui et moi mais je sais que c'est important de bien s'entendre. Je commence à comprendre ce que vous vouliez dire l'an dernier quand il s'agissait de l'avenir.

Harry envoya un regard équivoque à Severus. Outre le fait que le maître des potions était particulièrement fier de son pupille et de sa maturité grandissante, Severus soupçonnait un message caché dans le discours du Survivant.

Le Gryffondor continua d'une voix calme et posée :

- Un jour, je devrais affronter le plus grand mage noir du monde sorcier. Je n'ai pas besoin d'ennemis supplémentaires. Je ne sais pas ce que fera Drago Malefoy dans le futur. Je pense qu'il rejoindra les forces du mal mais j'ai déjà été surpris plus d'une fois alors j'ai décidé de ne pas m'empêtrer dans des préjugés. Car il ne faut pas compliquer les choses, n'est-ce pas ?

- Tu as tout à fait raison, déclara Severus quelque peu sur ses gardes.

Depuis quand ce gamin avait autant grandi ? Depuis quand maniait-il l'art de la rhétorique ? Le maître des potions voyait bien que Harry Potter le menait vers une autre discussion, un autre sujet plus important.

- Si plus tard Malefoy se dirige vers le bien, je ne veux pas me retrouver dans une situation comme Lupin et vous.

Alors là pour être direct, Harry ne faisait pas dans la dentelle. Mais comme c'était Harry, le maître des potions ne s'énerva pas. Au contraire, il confronta son regard à celui du Survivant. Il n'était plus ce petit garçon peu sûr de lui et cabossé par les épreuves de la vie. Bien sûr, Harry n'avait rien à voir avec les adolescents lambdas. Son regard brillait d'une détermination farouche, ancienne et, dans ces moments, il semblait avoir quatre ou cinq ans de plus. Il lui manquait une innocence que jamais Severus ne pourrait lui offrir.

Parce que Harry avait raison. L'avenir flottait juste devant eux. Menaçant, angoissant et prêt à se confronter à eux. Il y avait des guerres inutiles. Et si toutes les amitiés n'étaient pas envisageables et qu'un Woodstock version sorcier relevait de l'utopisme, un apaisement des différents conflits était indispensable.

Quand cela s'ajoutait au bien-être du Survivant…

- Je vois, dit Severus d'une voix posée.

Il se leva et fit les cents pas, cherchant ses mots avec précision. Il se tourna vers Harry.

- Je ne suis pas particulièrement doué pour faire confiance aux gens.

- Si j'arrive à m'entendre avec Malefoy et lui laisser le bénéfice du doute pour l'avenir, vous le pouvez bien pour Lupin non ?

- Les choses sont plus compliquées que tu ne le penses.

Harry soupira, perdant son regard sur les fioles en haut de l'armoire. Les lèvres pincées, marmonnant pour lui-même, il était le portrait craché de sa mère en cet instant. Une douce nostalgie s'empara de Severus. Harry reprit la parole, ses yeux verts ne lâchant pas ceux du maître des potions :

- Vous avez confiance en moi, n'est-ce pas ? demanda Harry.

- Bien sûr, répondit Severus sans réfléchir.

- Dans ce cas, faites confiance en mon jugement. Je sais que c'est un homme bien. Essayez d'apaiser les choses entre-vous. Vous feriez ça pour moi ?

Était-ce une vile manipulation digne d'un apprenti de Salazar ? Severus en douta quelques instants. Mais si c'était le cas, l'essentiel était qu'il voulait créer une relation de confiance avec le Survivant. Ne pouvant pas lui donner tort sur toute la ligne, Severus opina du chef.

- Très bien. Je ferais des efforts. Mais il me semble que je te dois des excuses, ajouta-t-il sous le regard surpris du Gryffondor. Je suis désolé de t'avoir transmis les tensions entre le professeur Lupin et moi-même. Les rancœurs du passé n'ont pas à t'affecter. Je promets que ça ne se reproduira plus.

Lorsque Harry s'échappa par la porte à toute vitesse, Severus fut définitivement certain qu'une étape de plus avait été franchie.

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Severus eut tout le loisir de mettre à l'épreuve sa promesse les semaines qui suivirent.

Le mois de mars demeurait froid et pluvieux. Les Détraqueurs n'aidaient pas à l'apparition du soleil au plus grand désespoir de Pomona Chourave. La directrice de Poufsouffle redoublait d'ingéniosité pour combiner différents sortilèges afin de faire pousser les nombreuses plantes du château.

Aussi, l'anniversaire des évènements de la Chambre des Secrets approchait et Harry montrait tout un tas de signes de nervosité. Severus glissa dans la main du Survivant des fioles de sommeil sans rêve à la fin d'un cours de potions où il avait distinctement vu Harry somnoler. Lui-même était en proie à des réveils en sursaut, son cerveau se remémorant tour à tour le Basilic, le Feudeymon et l'hôpital.

Le maître des potions eut la charmante surprise d'apprendre que Harry ne dormait pas la nuit mais préférait se balader lorsque, par un soir pluvieux, il tomba sur le garçon en beau milieu d'un couloir alors qu'il était en ronde.

Sa baguette illuminée, le garçon ne chercha même pas à se cacher. Il resta planté au beau milieu du couloir, un parchemin à la main, muet comme un niffleur.

- Je suppose que tu ne viens pas rendre un devoir à cette heure-ci ? demanda Severus l'air sévère.

Harry secoua vivement la tête. Le maître des potions marqua un temps d'arrêt et observa son protégé. Le dos raide, le visage crispé, il se passait quelque chose. Fronçant les sourcils, il s'approcha un peu plus près du Gryffondor.

- Qu'est-ce qu'il y a ? Un cauchemar ?

- Non ! grinça Harry, agacé.

- Alors dis-moi ce qu'il se passe avant que je m'énerve.

- Rogue ? résonna une voix timide au fond du couloir.

Pointant sa baguette vers l'origine de la voix, Severus se retint de pousser un juron. Remus Lupin, les traits tirés par la dernière pleine lune qui s'approchait.

- Oh Harry ! Tout va bien ?

Harry dansa sur ses pieds, mal à l'aise et en proie à un doute. Le regard de Lupin se porta sur le parchemin que tenait Harry dans ses mains. Severus observa le petit manège qui se jouait entre les deux lions, comprenant que quelque chose se tramait et le dépassait.

- Qu'est-ce que c'est que ça ? demanda le maître des potions en pointant du menton l'objet de tous les regards.

Harry s'humidifia les lèvres et jeta un regard de panique au loup-garou.

- C'est bon Harry, dit Lupin d'une voix douce.

La tension dans les épaules du Gryffondor s'échappa et Harry expliqua aussitôt :

- C'est une carte du château.

Son regard se fit hésitant mais lorsque Lupin hocha la tête, Harry continua. Severus n'était pas certain d'être à l'aise à l'idée de voir Harry et l'homme si complice. Son côté ultra-possessif lui donnait envie d'hurler sur le loup-garou mais, Merlin soit loué, le maître des potions se retint de démontrer un comportement puéril et stupide.

- Il permet de voir n'importe qui dans n'importe quel lieu du château.

- Et donc tu étais au courant de ça Lupin ? attaqua Severus d'une voix glaciale. Par ailleurs, ça n'explique toujours pas pourquoi tu te promènes à cette heure tardive, tout seul, dans les couloirs.

- Je n'étais pas au courant, se défendit Lupin d'une voix posée. Je suis simplement étonné de voir que cette carte ait pu atterrir dans les mains de Harry. Aux dernières nouvelles, elle nous avait été confisquée…

- Nous ? s'étonna Severus.

- C'est une carte qui appartenait aux Maraudeurs, intervint Harry qui semblait se délecter qu'on oublie qu'il avait été pris en dehors des dortoirs.

- Et si mes souvenirs sont exacts Rogue, lança Lupin un sourire ouvertement et odieusement amusé sur le visage, tu étais d'ailleurs la raison pour laquelle Rusard nous avait pris la carte.

Severus adressa un regard sombre à son collègue. Comme si c'était un bon souvenir, pensa-t-il avec sarcasme et colère. Se mordant les joues pour ne pas envoyer un sort bien placé à l'homme afin d'écraser son sourire nostalgique, il se concentra sur le Gryffondor.

Face au manque de réaction du maître des potions, Lupin se tourna vers Harry.

- Cependant, pourquoi êtes-vous en dehors de votre dortoir à cette heure-ci Harry ? Dois-je vous rappeler qu'un tueur rôde dans la nature et qu'il est tout à fait imprudent de vous balader seul la nuit ?

Comme Lupin semblait vouloir lui couper l'herbe sous le pied en termes de remontrances, Severus se contenta de croiser les bras sur le torse et d'observer son protégé se dépatouiller dans ses explications.

Harry se gratta la tête et soupira, capitulant :

- J'ai cru voir quelque chose d'étrange sur la carte alors j'ai décidé de voir par moi-même.

- Tu te souviens quand je te parlais de la limite entre témérité et stupidité ? demanda Severus d'une voix douceureuse.

Par précaution, Harry se contenta de pincer les lèvres et hocher la tête.

- Je te laisse donc deviner que tu as franchi la limite avec brio.

- Ce n'est pas rendre honneur à James et Lily qui ont sacrifié leur vie pour vous que de vous promener de la sorte dans les couloirs, compléta Lupin.

Cette facilité à s'accorder avec le Maraudeur mit mal à l'aise Severus. Pour autant, cela sembla faire effet car Harry afficha un air penaud.

- Vous avez raison, je suis désolé.

- Qu'est-ce qui était si étrange sur cette carte ? demanda tout de même Severus.

- Je pense que c'était stupide mais sur le moment… En fait, je crois que la carte ne marche pas toujours. Elle a affiché quelqu'un qui est mort il y a bien longtemps.

- Qui ça ? demanda Lupin la voix tendue.

- Peter Pettigrow.

- C'est impossible, souffla Lupin.

Severus se retint de lever les yeux au ciel face à ce manque de maîtrise de soi et préféra changer de sujet, les méninges tournant déjà à cent à l'heure.

- Donne-moi cette carte, on va l'analyser de plus près. Et je te raccompagne aux appartements.

- Je préfère dormir dans la tour de Gryffondor, déclara Harry en glissant le parchemin dans la main de Severus.

- Je ne pense pas que tu sois en mesure de décider de quoi que ce soit.

Severus ne laissa pas place à la moindre protestation et tourna les talons. S'il ne fut pas étonné d'entendre Harry le suivre, il fronça les sourcils lorsqu'il aperçut que Lupin l'avait rejoint. Il se garda de dire quoique ce soit, se rappelant pertinemment la promesse qu'il avait faite à Harry.

Le loup-garou eut l'intelligence d'attendre au bout du couloir lorsqu'ils arrivèrent à destination. Severus envoya Harry au lit, lui collant une fiole de potion calmante de sa création dans les mains.

Lorsqu'il sortit, Lupin attendait toujours au même endroit, adossé au mur d'un air nonchalant. Pour une fois, il avait l'air de faire son âge.

- Alors ? demanda-t-il lorsque Severus arriva à sa hauteur.

- Alors quoi ? répliqua sèchement le professeur de potions.

- Tu as dit qu'on allait analyser cette carte, il n'y a rien à analyser. La carte ne ment jamais. Comment Harry sait pour Peter Pettigrow ?

- Je ne lui ai rien caché, dit simplement Severus. Je lui ai dit que son parrain avait assassiné des moldus en plus de Pettigrow le soir du trente-et-un avant d'être arrêté. Je lui ai épargné l'histoire du doigt qu'on a retrouvé sur la scène de crime.

Severus avala sa salive avec difficulté et Lupin hocha la tête avant de reprendre :

- Mais Harry a vu Peter sur la carte…

L'homme avait pris un air grave, ses yeux ambrés étincelaient d'espoir. Severus savait très bien sur quel dangereux chemin s'engageait Lupin et il claqua sa langue contre son palais, dans l'espoir que l'homme redescende sur terre.

- Ne te fais pas d'illusions Lupin. Cette carte peut tout à fait…

- La carte ne ment pas.

La voix aiguisée et coupante, Remus Lupin tremblait de tous ses membres. Severus devinait aisément que cette émotion ne lui était pas destinée.

- Loin de moi l'envie de remettre en doute les splendides capacités des Maraudeurs de l'époque mais…

- Si Harry a vu Peter sur la carte, c'est qu'il est vivant. La carte puise dans la magie des sorciers pour les afficher. Elle ne peut pas inventer.

- De la magie brute…

- Exactement.

Severus se passa une main sur le visage, ne sachant plus quoi penser.

- Cela veut dire que Sirius est innocent.

- Ne t'emballe pas, coupa prudemment Severus. Cela peut aussi être le fruit d'un complot entre Pettigrow et Black.

- Impossible ! répliqua Lupin en secouant vivement la tête.

- N'était-ce pas impossible que Black trahisse les Potter ? On ne sait pas ce qu'il se passe dans la tête des sorciers et encore moins des Mangemorts. Le Seigneur des Ténèbres assurait constamment ses arrières.

- Alors que fait-on ?

Le ton du loup-garou vibrait de désespoir. Si Severus n'avait pas été un parfait Serpentard, il aurait presque eut de la peine pour l'homme.

Il y avait bien évidemment quelque chose d'étrange sur cette carte et si Peter Pettigrow était vivant, cela compliquait les choses. A bien y réfléchir, Severus ne savait pas vraiment s'il préférait l'idée d'un complot entre Black et Pettigrow ou une innocence de Black. Mais Black était le gardien des Potter et à moins d'un changement de gardien à la dernière minute, il n'y avait aucune explication valable. Et cette idée frôlait l'invraisemblance. Pettigrow était le genre de gamin suiveur, un peu pataud et pas très doué en magie. Même James Potter n'aurait pas pu être aussi bête et le mettre en gardien… Cela ne tenait pas la route.

- On prévient Dumb…

- Je ne crois pas que ce soit une bonne idée, déclara Severus. Pas tant que nous ne sommes pas sûr de nous.

A la surprise du maître des potions, Remus Lupin ne chercha pas à le contredire. Cela semblait même être le contraire.

- On doit analyser la carte et si jamais on trouve Peter, on fera le nécessaire.

- Promets moi de me prévenir dans ce cas.

- Je comptais te la rendre, compte-tenu du fait que tu fais partie de ses… créateurs.

Le regard de Lupin se voila d'une tristesse lointaine. Il haussa les épaules l'air faussement nonchalant.

- Prends ça pour un gage de confiance. Bonne nuit Rogue.

Severus ne répondit pas et observa l'homme s'éloigner avant de reprendre sa ronde. Evidemment, Lupin se faisait passer pour le bon samaritain en verbalisant cette trêve. Mais lui aussi, venait de faire un énorme pas. Ce n'était pas aussi compliqué qu'il l'avait imaginé mais les rancœurs de l'enfance flottaient toujours autour de lui.

Cependant, quelque chose commençait à changer : désormais, il ne parvenait plus à se complaire dans ses rancœurs.

oOo

L'espoir n'avait jamais été un bon ami pour Remus.

Il essayait donc depuis la veille de ne pas totalement paniquer. Le choix de laisser la carte à Severus Rogue était une énième tentative d'enterrer la hache de guerre. Et si l'envie de reprendre ce parchemin et l'observer jour et nuit jusqu'à retrouver la trace de Peter le rongeait jusqu'à l'os, Remus se faisait violence pour prouver au maître des potions qu'il pouvait avoir toute confiance en lui.

Un comble ! aurait certainement dit James.

Après tout, Severus Rogue était un ancien mangemort. Mais en six mois, Remus avait eu le temps de voir comment l'homme s'occupait et veillait sur Harry. A chaque fois que les deux anciens ennemis se retrouvaient dans la Grande Salle pour le repas, Remus notait que l'homme observait Harry avec attention et d'un œil protecteur.

L'air de rien, il posait des questions sur les évaluations du jeune Gryffondor, se renseignait sur ses notes et fronçait des sourcils lorsque ces dernières baissaient.

Remus devait bien avouer que même avec Lily, Severus Rogue n'avait jamais été aussi bienveillant. Et à bien y réfléchir, la relation entre la rousse et le maître des potions n'avait jamais été réellement saine. Particulièrement lorsqu'ils avaient dépassé un certain âge.

Remus aurait pu chercher pendant des heures ce qui avait fait évoluer le maître des potions. Il paraissait plus humain, plus juste.

Cette évolution, la confiance que Dumbledore et Harry accordaient à l'homme, permettaient à Remus de lâcher prise et de faire un pas en avant vers Severus Rogue. Remus n'était plus l'adolescent pétri de honte et de doutes. Lorsqu'il observait le maître des potions s'occuper aussi bien de Harry, la culpabilité s'immisçait parfois en lui. Et puis les questions lui martelaient la tête pendant de longues minutes : et s'il avait essayé d'être ami avec Rogue dans le train ? Et s'il lui avait tendu la main sans se préoccuper de ce que pensaient James et Sirius ? Peut-être que Severus aurait été envoyé à Serdaigle. Peut-être aurait-il eu moins de tentation pour la magie noire ? Peut-être, en étant loin des idées de la suprématie du sang, n'aurait-il jamais rejoint les Mangemorts ?

Mais un Gryffondor pouvait parfois être lâche.

Aussi, que la carte du Maraudeur se trouve entre les mains du maître des potions arrangeait le loup-garou. Remus avait peur de ce qu'il aurait pu y trouver. Peur d'être confronté à des émotions trop puissantes qui n'auraient plus rien à voir avec la culpabilité.

Severus Rogue était un appui aussi secourable qu'inattendu.

Remus n'était pas de ceux qui décidaient. Il laissait les ambitions de gloire et de pouvoir aux autres.

L'ombre lui allait comme un gant.

Dans tout ça, Remus n'oubliait pas d'où il venait et comment il avait grandi. C'est pourquoi il s'amusa de retrouver Severus Rogue, vexé comme un pou, dans la salle des professeurs, les mâchoires contractées par la colère.

- Merci beaucoup Lupin pour ce merveilleux et splendide cadeau qu'est cette stupide carte.

Remus n'essaya même pas de retenir son sourire carnassier et moqueur. Joueur, il croisa les bras sur sa poitrine. L'idée de savoir que Rogue était tombé sur une carte l'envoyant sur les roses avec une phrase made in Maraudeur lui égayait sa journée.

- Le grand Severus Rogue n'aurait-il quand même pas eu du mal à ouvrir la carte ?

A l'image des années où ils étudiaient à Poudlard, le maître des potions se renferma aussitôt, peu amusé. Ses yeux lançaient des éclairs où l'exaspération semblait se disputer à la rage. Remus savait cependant qu'il ne risquait rien de grave et offrit un sourire amical. Pas sûr que Rogue le comprit comme tel puisqu'il grogna de rage.

- Pourquoi ne demandes-tu pas à Harry ?

Rogue se figea et toute trace de courroux s'envola. Il observait Remus comme s'il avait été le dernier des idiots.

Le Serpentard avait toujours eu le don de regarder les autres de haut et ainsi leur faire sentir qu'ils n'étaient rien. Si à l'époque, Remus s'en fichait pas mal, James et Sirius détestaient ça. Particulièrement Sirius.

Remus soupira, toute trace d'amusement ayant disparu.

- Il y a une phrase à prononcer, tout simplement. Étrange que des idiots de premiers cycles donnent du fil à retordre au merveilleux et splendide maître des potions, singea-t-il.

Un masque d'impassibilité s'empara de l'homme. Ainsi, il avait l'air antipathique et familièrement froid que Remus avait toujours connu chez Rogue.

Le minuscule terrain d'entente que Remus avait réussi à créer appartenait déjà au passé.

Le poids du passé, à la simple évocation des Maraudeurs, les étouffait à nouveau.

Le directeur de Serpentard leva le menton et tourna les talons.

Deux heures plus tard, Severus Rogue débarqua au dîner avec un sourire supérieur. Nul doute qu'il avait trouvé la formule pour accéder à la carte. Le petit égo du maître des potions regonflé, Remus sut qu'il pouvait adresser la parole à l'homme.

- As-tu vu des signes étranges ? demanda-t-il de but en blanc.

- Pas pour le moment.

- Crois-tu que Harry aurait pu… imaginer les choses ?

Severus Rogue reposa la cuillère dans le plat de purée sans se servir. La majorité des élèves n'étaient pas encore arrivés et il en était de même pour les professeurs. Cela n'empêcha pas Severus Rogue d'observer l'assemblée, s'assurant que personne n'écoutait la conversation. Remus attendit patiemment. Le maître des potions arrêta son regard à la table des Gryffondor. Harry mangeait avec ses amis, un sourire délicat sur son visage.

- Je ne pense pas qu'il ait pu inventer quoique ce soit, au contraire, dit finalement Rogue. On doit rester aux aguets.

Remus opina du chef. Il put presque voir Severus Rogue s'étonner de ne pas être contredit.

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Les jours passèrent à une vitesse folle. Une fatigue générale de la part des élèves se faisait sentir. Remus redoublait d'inventivité pour motiver les troupes. Mais chaque pleine lune, épuisait et affaiblissait Remus un peu plus. Il craignait de terminer l'année sur les rotules. Mais il devait rassembler tous les gallions possibles.

S'il plaçait un maximum d'argent de côté, c'était surtout parce qu'il n'était pas certain de pouvoir continuer à travailler pour Poudlard l'année suivante. Dumbledore prenait le relais pour les cours avec les sixièmes et septièmes années mais certains parents commençaient à s'agacer de l'absence répétée du professeur de Défense.

Et puis, à raison de trente-quatre heures de présentiel auxquelles s'ajoutaient la préparation des leçons, Remus sentait qu'il ne pourrait enchaîner une année supplémentaire.

Cela le ruinait de l'intérieur. Lui qui était si heureux de travailler sentait bien que son corps ne suivait pas le rythme. Aussi, il y avait toujours cette crainte qu'on devine la raison de ses absences répétées. Lorsqu'il y réfléchissait, une profonde tristesse s'abattait sur ses épaules.

Un soir, il alla chercher sa potion tue-loup aux appartements de Rogue. Ce fut Harry qui ouvrit au professeur et le fit pénétrer dans les appartements.

- Le professeur Rogue est absent, il est à Londres mais il ne devrait plus tarder, expliqua Harry. Vous voulez vous asseoir ?

Remus observa les lieux. Il avait imaginé que Severus Rogue ne pouvait vivre que dans un endroit froid, sombre et inhospitalier.

Pour autant, un feu de cheminée crépitait en face de plusieurs fauteuils et d'un canapé. Sur la table basse, des livres, un beau chandelier et une assiette remplie de biscuits rendaient le tout vivant et convivial.

- Tu prépares ton devoir de Défense à ce que je vois, déclara Remus.

Harry envoya un sourire rayonnant au professeur.

Il ne connaissait l'adolescent que depuis quelques mois mais Remus était déjà très attaché à lui. Il ressemblait énormément à son père physiquement mais dans le caractère et les mimiques, il avait énormément pris de sa mère. Et puis, parfois, dans sa façon de se tenir et ses expressions, Harry lui faisait penser à Severus Rogue. C'était imperceptible mais ça n'échappait jamais à l'homme. Il fallait s'y attendre, lorsqu'on passe beaucoup de temps avec quelqu'un, le mimétisme est presque inévitable.

- Je pense que je l'ai terminé, j'espère avoir une bonne note, répondit Harry d'un air taquin.

- On verra cela, dit Remus dans un sourire. Je ne vais pas vous embêter, j'enverrai une missive au professeur Rogue.

- Comme vous voulez, déclara Harry en haussant les épaules. Il ne va pas tarder.

A peine avait-il dit cela que les flammes virèrent au vert et que Severus Rogue en sortit. Ses capes noires virevoltant autour de son corps tendu.

- Lupin ? déclara-t-il aussitôt, une pointe d'agressivité dans la voix.

- C'est moi qui lui ai dit d'entrer ! expliqua aussitôt Harry.

Peiné de voir Harry pris à partie, Remus leva les deux mains en signe de paix.

- Je venais pour la potion, déclara-t-il d'une voix apaisante.

Rogue se détendit quelque peu et avança dans la pièce pour se diriger vers une armoire. Le cliquetis des fioles brisa le silence gêné.

Le maître des potions revint rapidement, la potion dans les mains.

- Tu devrais déjà être au lit, déclara-t-il à l'adresse de Harry.

Le garçon salua les deux hommes et disparut rapidement.

- Ne lui en veut pas, dit aussitôt Remus. Il m'a gentiment proposé d'entrer.

Rogue se contenta d'un soupir et se mit à ranger machinalement et à la façon moldu le bazar qui traînait dans le salon.

- C'est vraiment un bon gamin, continua le loup-garou. Et tu y es pour beaucoup.

- Pas du tout, répondit Rogue du tac au tac.

- Hmmm peut-être, concéda Remus. Il se couche toujours aussi tôt ?

- Harry a besoin de sommeil.

- Je vois. Et il dort toujours ici ?

Cette fois-ci, Rogue se redressa, lâchant par la même occasion le coussin qu'il frappait inutilement depuis plusieurs secondes, passablement agacé.

- Je crois que tu as eu ce que tu voulais Lupin, non ? Qu'est-ce que tu fais encore ici ?

- Oui oui, excuse moi. Harry avait l'air somnolent cette semaine. Mais ça ne me regarde pas, en effet.

Remus fit quelques pas vers la porte, prêt à partir.

- Comment ça ? demanda Rogue, les sourcils froncés. Il adore ton cours, ça m'étonne qu'il somnole avec toi.

- Tous les élèves sont fatigués mais j'ai bien remarqué que Harry paraissait épuisé, expliqua Remus.

- Je fais du mieux que je peux, expliqua Rogue. Il dort ici depuis quelques jours. On approche d'une date anniversaire un peu particulière. Ses notes suivent toujours ?

- Une date anniversaire ? Laquelle ?

Severus soupira, blasé. Il semblait peser le pour et le contre avant de parler. Au bout d'interminables secondes, il offrit un siège à Remus.

- Harry a eu une expérience malheureuse dans la Chambre des Secrets l'an dernier. Il a affronté un Basilic. Il ne me le dit pas mais je crois qu'il dort très mal ces derniers temps. J'ai exigé qu'il vienne dormir à la maison cette semaine car ses notes sont en chute libre en Potions. Le prétexte officiel étant que je veux m'assurer qu'il fasse correctement ses devoirs.

- Je vois.

Remus digéra silencieusement l'information que venait de lui fournir Rogue. En réalité, une myriade de questions lui brûlait les lèvres. La légende de la Chambre des Secrets était donc bien réelle ? Comment Harry avait-il pu s'y retrouver ? Rogue l'avait accompagné ? Etait-ce pour cela que le gamin regardait le maître des potions avec les yeux d'un fils envers son père ?

Une tasse de thé apparut devant lui. Surpris, il observa Rogue. L'homme venait de s'asseoir en face de lui. Lui aussi paraissait fatigué. Remus préféra ne pas pousser le bouchon trop loin et ne demanda rien de plus concernant cette histoire de Chambre des Secrets.

Il s'accrocha à la seule raison qui lui permettait d'être assis en face de son ancien ennemi.

- Les notes de Harry n'ont rien à craindre dans ma matière. Il manque un peu de rigueur par moment mais il a un véritable talent pour la Défense contre les forces du Mal.

L'éclair de fierté sur le visage du maître des potions n'échappa pas au loup-garou. Buvant une gorgée de thé, il attendit que Rogue parle.

- Très bien. La prochaine fois, envoie moi un hibou pour convenir d'un rendez-vous. Je te donnerais ta potion et on fera le point sur les notes de Harry. Mon emploi du temps est assez chargé.

- J'ai entendu dire que tes dernières créations se vendaient très bien.

- Apparemment.

- Tant mieux pour toi, dit Remus en se levant. J'ai aussi entendu dire que tu te fournissais en France.

- C'est vrai, admit Rogue en se levant à son tour, accompagnant Remus à la porte. C'était d'ailleurs la raison de mon absence de ce soir. J'avais rendez-vous à Londres pour récupérer mes stocks. N'hésite pas à me dire si Harry rencontre des difficultés.

Remus quitta les lieux, emplie d'une chaleur qu'il n'avait pas ressenti depuis des années. Cela faisait du bien de créer du lien social. Même avec Severus Rogue.

oOo

Harry se réveilla dans un cri terrifié. La respiration courte et la sueur collant son tee-shirt, il mit quelques instants à comprendre où il était. Il aurait aimé se lever pour se rendre à la salle de bain mais ses jambes étaient comme paralysées, encore pétrifiées par la peur qui l'avait saisi pendant son cauchemar.

Il en oubliait déjà les détails. Il ne se souvenait que du prochain match de Quidditch, de la Chambre des Secrets et des flammes autour de lui. Cela n'avait aucun sens et il plongea ses mains dans son visage, cherchant à calmer sa respiration.

Il ne releva pas la tête lorsqu'il entendit le maître des potions entrer dans la pièce.

- Harry ? Est-ce que tout va bien ?

- Ça va aller, dit-il d'une voix rauque. Désolé de vous avoir réveillé.

- Ça fait plusieurs fois ces derniers jours que je t'entends t'agiter dans ton sommeil. Je ne peux pas te laisser comme ça. Tiens.

L'homme s'installa au bord du lit, une fiole dans les mains. Harry s'en saisit silencieusement et but d'une traite le breuvage.

- J'aimerais pouvoir m'en passer, avoua-t-il en s'allongeant dans son lit.

- Pour le moment, tu en as besoin, répondit simplement l'homme.

Il aurait pu se lever et quitter les lieux mais il resta jusqu'à ce que Harry, extrêmement reconnaissant, s'endorme.

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Le lendemain, Harry sut immédiatement qu'il ne s'était pas réveillé pour son cours de Sortilèges. Le soleil était haut dans le ciel et il jura lorsqu'il vit l'heure. Il sauta de son lit et chercha des vêtements pour s'habiller à la vitesse de la lumière.

Alors qu'il fouillait sa commode pour trouver une paire de chaussettes, Severus entra dans la chambre.

- Ah tu es debout.

- Vous ne m'avez pas réveillé ! reprocha Harry.

- Pour ta gouverne, tu as pris la potion beaucoup trop tard pour que je puisse te réveiller ce matin. Et tu avais besoin de dormir.

- Mais je suis en retard pour mon cours de Sortilèges !

- Le professeur Flitwick est déjà au courant. Tu peux te détendre.

Harry se figea puis se détendit. Le maître des potions l'observait d'un air grave.

- Tu me feras le plaisir de prendre une douche et de manger le petit déjeuner qui t'attend dans la salle à manger. Tout va bien ?

- Oui oui ça va, déclara Harry. Je suis désolé pour cette nuit.

- Ce n'est rien. Prépare-toi, je dois y aller. A ce soir. N'oublie pas qu'on a un entraînement.

Severus Rogue disparut dans un mouvement de capes, laissant Harry à ses occupations.

L'eau brûlante détendit Harry qui se perdit dans ses pensées. Il devait à tout prix remonter ses notes s'il ne voulait pas inquiéter plus que de raison son tuteur. L'homme avait raison, le manque de sommeil ne l'aidait pas dans sa scolarité. Qui plus est, il avait également une pression monstre sur les épaules pour le prochain match de Quidditch. Si Gryffondor gagnait contre Serpentard, la coupe de Quidditch était pour eux.

Une victoire dont Harry rêvait de plus en plus. Malefoy était l'attrapeur de Serpentard et le battre avait une saveur particulière. Bien sûr, il aurait été plutôt plaisant de se retrouver à nouveau face à la belle Cho Chang…

Harry ferma les yeux. Cette fois, il était totalement détendu.

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Severus Rogue avait rencontré le cousin de Alma Hardi au mois de Janvier, lorsque le contrat avec la maison Branchiflore fut signé.

Asmar Madani était toujours à l'heure, fournissait Severus dans un silence de marbre puis souhaitait une bonne journée au maître des potions avant de transplanner.

Quelques fois, il signifiait qu'Alma enverrait un courrier dans la semaine.

Severus aimait bien cet homme.

Il ne parlait que lorsque c'était nécessaire, allait à l'essentiel et n'avait jamais une minute de retard.

C'est pourquoi Severus s'inquiéta franchement lorsqu'une fois à Londres, il ne vit pas le sorcier. Au bout de cinq minutes d'attente, le maître des potions se demanda s'il n'avait pas fait une erreur sur la date de rendez-vous quand arriva devant lui Alma Hardi.

Surpris, Severus se leva immédiatement du banc sur lequel il se trouvait, intrigué de voir la jeune femme à Londres.

- Mr Rogue, comment allez-vous ?

Son accent était toujours aussi sucré et sonnait d'une façon si délicate que Severus se détendit immédiatement.

- Je vais bien merci mais que se passe-t-il ? Un problème avec votre cousin ?

- Trois fois rien, il a eu un empêchement avec son travail.

Alma semblait avoir couru. Ses joues avaient une teinte rosée et son souffle était court. Elle rappelait à Severus ces femmes d'affaires à la City. Le regard vif, l'air pressé et l'impression que rien ne pouvait les arrêter dans leur course à la réussite.

- Je ne sais pas trop de quelle façon vous procédez avec mon cousin mais si nous allions déjeuner ? Je vous invite.

Severus s'apprêtait à refuser, par habitude de ne pas socialiser avec les gens. Cependant, Alma était une partenaire importante pour ses affaires et un déjeuner en dehors de Poudlard ne pouvait pas lui faire de mal, bien au contraire.

C'est ainsi qu'il se retrouva dans un restaurant, à deux pas de la Cathédrale St Paul. A cette heure-ci, de nombreux financiers traders et autres hauts placés déjeunaient en groupe. Severus ayant troqué ses longues robes noires pour un pantalon et une chemise en lin noirs et Alma portant une robe moldue pourpre, le duo s'accordait parfaitement dans le décor.

- C'est rare pour les sorciers anglais de savoir s'habiller à la mode moldue, déclara Alma au moment où Severus se demandait ce qu'il allait bien pouvoir dire pour faire la conversation.

- Je vous demande pardon ? dit-il en levant les yeux du menu.

La femme offrit un sourire… typiquement français. Loin d'en être déstabilisé, le maître des potions fronça les sourcils, cherchant à comprendre s'il se faisait officiellement insulter ou complimenter.

- Je n'ai jamais compris pourquoi les sorciers anglais s'habillaient de façon aussi loufoque. Les sorciers français parviennent à se fondre dans la masse sans problème.

- Il est plus ou moins admis que pour se reconnaître entre nous, les vêtements verts et violets sont de rigueur.

- Et vous ne le faites pas ?

- Et je ne le fais pas.

Alma évalua du regard le maître des potions qui ne cilla pas une seule fois. Puis, le serveur vint prendre les commandes, donnant l'occasion de changer de sujet.

- J'ai entendu dire qu'une nouvelle potion de votre création allait prochainement sortir ?

- C'est exact. Rassurez-vous, je n'ai pas oublié notre contrat. A chaque interview, votre boutique sera citée.

La jeune femme lança un sourire enchanté à Severus qui se contenta d'entamer sa salade. Il s'attendit à ce qu'Alma pose un tas de questions sur la potion qui allait bientôt sortir mais rien ne vint. Severus avait travaillé sur une amélioration de la potion de concentration. Il en était plus que fier.

Mais en véritable femme d'affaire, Alma savait poser ses pions et ne franchissait pas la ligne.

Severus avait déjà eu cette impression la première fois mais elle aurait fait une excellente Serpentard.

- Je suis ravie de faire affaire avec vous, dit-elle en levant son verre de vin blanc.

Severus trinqua, inclinant le menton, signe qu'il était également satisfait de l'accord qu'il avait passé.

- Puis-je me permettre de vous demander si l'objectif est de diversifier sur votre public cible d'ici quelques mois ?

- Public cible ?

- Et bien pour le moment, les potions que vous avez breveté ciblent surtout les familles et les étudiants, non ? Mais je me trompe peut-être, concéda-t-elle.

Severus avait assez voyagé en France pour savoir qu'Alma ne croyait pas un seul instant se tromper. Le maître des potions jugea la situation durant plusieurs secondes. Il pesa rapidement les éléments qu'il pouvait transmettre à sa partenaire financière et ceux qu'il devait garder pour lui.

Si les familles Branchiflore et Hardi dont était issue Alma n'avaient jamais fait savoir une quelconque allégeance pour les idées de Voldemort, Severus devait se méfier de tout. Pour l'avenir. Et le poids de la réalité le frappa en pleine face au point de lui couper l'appétit.

Chacune de ses relations, de ses engagements et de ses approches sociales étaient rythmées par le futur, l'appréhension des évènements prochains et les coups d'avance. Il n'y avait aucun lâcher-prise. Juste des combinaisons de possibilités.

Et là, en observant Alma Hardi, ses grands yeux noirs, son chignon coiffé à la perfection et son aura de sorcière puissante, Severus ne pouvait s'empêcher de tout analyser.

La magie noire ? Nul doute qu'elle y avait déjà touché. Pour l'expérience, rien de plus.

Du courage ? Elle avait l'air d'en avoir, mais au moment où il faudrait sauver sa peau, elle n'hésiterait pas à prendre les jambes à son cou.

La loyauté ? Pour sa famille, elle en avait, c'était ce qui était le plus visible chez elle. Quid des associés ? Quid des alliés ? Des amis ? Des amants ?

Pouvait-elle trahir ? Jusqu'à quel point ? Rare était les personnes qui mourraient pour l'honneur.

Les gens ont des principes, jusqu'à ce qu'ils aient reçu une heure d'endoloris.

Alma brisa les pensées de Severus en reprenant la parole :

- En même temps, c'est logique. J'ai entendu dire par une amie travaillant au Ministère de la Magie du Royaume-Uni que vous aviez à charge Harry Potter. Nos créations sont généralement en lien avec ce qui nous entoure.

- Vous créez également des potions ? évita-t-il habilement, feintant un intérêt enthousiaste.

Pour déplacer une discussion là où on le souhaite, il suffit de nourrir le narcissisme de son interlocuteur.

Alma ne semblait pas dûpe, un sourire amusé se dessina sur ses lèvres et elle prit une nouvelle gorgée de vin.

- Oui, je crée des potions. A mes heures, précisa-t-elle. J'ai déjà bien à faire avec la gestion de la boutique et je compte ouvrir une franchise en Tunisie. Cependant, pour me détendre et tester la qualité de mes produits, j'aime inventer de nouvelles potions. C'est un exercice particulièrement stimulant. Et autant vous dire qu'avec le stress qu'engendre la gestion d'une entreprise, avoir une passion est très important pour la santé du cigare.

Severus se retint d'exploser de rire de justesse, clairement amusé par les mots justes et le ton nonchalant de la sorcière.

- Quand j'étais encore étudiante, j'essayais de créer des philtres d'amour, poursuivit-elle. On ne dirait pas comme ça, n'est-ce pas ? lança-t-elle sans attendre de réponse. Et puis, j'ai tenté de trouver une potion pour ralentir le temps.

- Ralentir le temps ? répéta Severus.

- Longue histoire, dit-elle, balayant d'une main l'air. Je me suis lancée à corps perdu dans les philtres de fécondité et puis de la santé mentale.

- Et maintenant ?

Mine de rien, le maître des potions se prit au jeu. Dès lors qu'il s'agissait de potions, il pouvait discuter pendant des heures sans voir le temps passer. Sûrement l'un de ses plus grands points faibles.

- Oh maintenant, je n'ai plus trop le temps de faire des recherches. Je laisse ça aux professionnels comme vous. Mais toujours est-il que c'est notre environnement qui nous inspire.

Pas si bête, Alma renvoyait la balle, le regard franc et déterminé.

- Vous voulez savoir si j'ai réellement Harry Potter sous mon aile ou si je compte diversifier mes potions ? demanda franchement Severus.

- Les deux. Mais je ne vais pas vous mentir, ce qui m'intéresse particulièrement, c'est si je vais pouvoir vous fournir sur d'autres produits d'ici quelques temps. Le reste, ce n'est que du potin.

En réalité, Severus créait à l'instinct. Avoir à charge un enfant, qui plus est Harry Potter, stimulait l'imagination du professeur et sur ce point Alma avait raison. Et il devait reconnaître que prévoir sur le long terme était indispensable.

- J'ai des projets qui auront d'autres cibles, comme vous dites.

Nul doute que la prochaine guerre et les prochains dangers seraient sources d'inspirations inépuisables. A ce propos, peut-être qu'Alma ne voudrait plus être associée au nom Rogue lorsque les potions deviendraient un peu moins… conventionnelles et familiales.

- Si je peux me permettre, il faudra penser à modifier le nom de votre marque lorsque ce sera le cas.

Severus resta silencieux quelques instants, admirant l'intelligence de cette femme. Son regard brillait de clairvoyance, de discernement et de perspicacité.

A cet instant, le maître des potions n'eut plus aucun doute quant au choix d'avoir choisi la maison Branchiflore comme partenaire.

- Et vous ? Avez-vous breveté certaines de vos potions ?

Un voile fugace de tristesse passa sur le visage de la jeune femme. Ce fut bref mais cela n'échappa pas à Severus.

Elle inclina la tête de gauche à droite, les lèvres pincées.

- Pas vraiment non.

A son tour de prouver son intelligence, Severus changea de sujet et ils parlèrent affaire jusqu'à la fin du déjeuner.

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Le soleil perçant le ciel donna envie à Harry de prendre l'air lors de son heure de libre d'après déjeuner.

Ron ronchonna qu'il devait avancer sur un devoir de Divination et Hermione demeurait aux abonnés absents. Depuis la dispute au sujet de Croûtard, Hermione passait encore plus de temps à la bibliothèque où le réconfort des livres lui semblait être d'une grande aide. Dean et Seamus proposèrent à Harry une partie de cartes explosives mais sans Ron et Hermione, c'était moins drôle.

Harry essaya plusieurs fois de convaincre ses amis de se réconcilier, de chercher Croûtard voire de faire des avis de recherche mais les deux troisièmes années se montraient butés dans leurs positions.

Cette fois encore, Hermione refusa de rejoindre Harry pour une balade.

- De toute façon, tu ne devrais pas te rendre dans la forêt.

- C'est à l'orée, on entre à peine à l'intérieur ! se défendit-il.

Lorsque la jeune fille était de cette humeur, il valait mieux éviter toute confrontation. En sortant de la bibliothèque, Harry croisa Ginny qui se dirigeait vers la table d'Hermione.

- Essaye de la détendre un peu, dit-il à voix basse avant de courir vers la forêt.

Le coin du chien était vide et Harry siffla plusieurs fois. Il s'apprêtait à rebrousser chemin lorsqu'un aboiement résonna au loin. Rapidement, une masse noire se jeta sur lui et lui lécha la joue.

- Haha ! Je croyais bien que tu ne viendrais jamais !

L'animal se roula sur le dos comme pour dire "je suis toujours là" puis s'allongea sur le ventre. Harry lui donna deux sandwichs au bacon que l'animal avala d'une traite.

- On a gagné le match contre Serdaigle !

Harry raconta toute sa vie à l'animal qui écoutait attentivement. Il lui parla de Cho Chang, du Patronus, de ses cauchemars et des entraînements de duel que lui enseignaient Severus.

- Ces derniers temps, j'ai du mal à dormir mais Severus est toujours là pour moi. Il veut que je dorme à la maison car mes notes ne sont pas brillantes, grimaça-t-il. De toute façon, ça m'arrange un peu. Ron et Hermione se sont disputés et l'ambiance est affreuse. Hermione assure que Pattenrond n'aurait jamais mangé Croûtard mais Ron n'est pas de cet avis.

Le regard du chien brilla comme s'il était particulièrement attentif. Il se redressa sur ses pattes.

- On retrouvera peut-être Croûtard. La dernière fois, il traînait chez Hagrid. Espérons que ça se termine de la même manière. C'est pénible d'être au milieu des disputes. C'est un peu pareil avec le professeur Lupin et mon tuteur. Mais j'ai l'impression qu'ils essayent de faire des efforts. C'est le principal.

Le chien s'approcha de Harry et posa son museau sur sa cuisse. Harry lui caressa le sommet du crâne. Qu'est-ce qu'il se sentait bien avec son chien…

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Harry s'en alla et le chien se transforma en humain.

Sirius Black laissa un sanglot s'échapper de sa gorge.

Il aurait aimé que les choses soient plus simples. Plus le temps passait, plus il voulait hurler la vérité à Harry.

Ce gamin était une perle, un grand sorcier et un ami fidèle.

Sirius avait prévu d'entrer dans la tour de Gryffondor pour tuer Peter de ses propres mains. Un nouveau plan qui tombait à l'eau car le rat avait disparu, Merlin savait où.

Un miaulement attira son attention.

Pattenrond se frotta contre ses jambes.

Lui aussi était un allié important.

- On doit retrouver ce rat.

Pattenrond miaula un peu plus fort.

Oui, il finirait par trouver Peter Pettigrow. Et là, ce serait un bain de sang.

Paroles de Black.