Chapitre 34
Hermione détestait le cours de Divination.
Il lui avait fallu un temps conséquent pour qu'elle l'accepte mais c'était chose faite depuis plusieurs jours. Tout avait démarré par un cauchemar où Ron accusait Pattenrond d'avoir noyé Croûtard dans une tasse de thé. Puis, le professeur Trelawney lui annonçait qu'elle avait raté ses examens et qu'elle devait penser à quitter Poudlard pour le bien de la communauté sorcière.
Elle s'était réveillée avec la boule au ventre, l'agacement se disputant à la terreur. Pire encore, son premier cours de la journée débutait par la Divination, de quoi parfaitement ressasser sa nuit.
Comme d'habitude, Parvati et Lavande étaient surexcitées à l'idée de retrouver le Professeur Trelawney. Hermione les avait laissé partir devant, de toute façon peu encline à rester avec elles.
Depuis qu'elle était de nouveau fâchée avec Ron, Hermione passait le plus clair de son temps seule, à la bibliothèque. Elle voyait bien que Harry tentait tant bien que mal de faire le hibou entre Ron et elle mais cela la mettait plus mal à l'aise qu'autre chose.
Harry avait beaucoup à penser et Hermione se sentait coupable de joindre son ami à ces disputes puériles. C'est pourquoi elle prenait naturellement ses distances, s'effaçant pour ne pas faire de vague.
Mais ses amis lui manquaient et les examens approchant l'angoissaient à un niveau jamais atteint. Habituellement, Ron était toujours présent pour détendre l'atmosphère et ajouter un peu de légèreté.
Par conséquent, Hermione était constamment sur les nerfs. Et elle devait aussi l'avouer, les cours de Divination lui tapait sur le système. Elle s'était fait une raison.
Hermione Granger, pour la première fois de sa vie, n'appréciait pas un cours. C'était déroutant et déstabilisant dans un premier temps mais une fois qu'elle l'eut accepté, il n'eut plus que de l'exaspération.
Il n'y avait rien de logique et de clair. Ces cours n'étaient qu'une mascarade et l'idée même de pénétrer dans cette pièce où régnait une chaleur étouffante, lui donnant envie de retourner dans son lit. Jusqu'alors, elle s'était interdite de rendre visite au professeur McGonagall pour demander l'arrêt de cette option. Un mélange de fierté mal placée et de déni.
Désormais, elle savait et assumait détester ce cours.
C'est pourquoi elle arriva presque avec cinq minutes de retard. Elle ne manqua pas le regard étonné de Ron.
- Je savais que vous arriveriez en retard ! s'exclama Trelawney, ses yeux agrandis par ses grosses lunettes.
Déjà à cet instant, Hermione eut envie de faire demi-tour pour se rendre chez sa directrice de maison. Elle prit cependant place aux côtés de Neville, dans un silence méprisant. Sur la petite table ronde trônait une boule de cristal. Le professeur Trelawney ne demanda rien à Hermione et reprit la parole.
- Les signes du Destin m'ont informé que l'examen de fin d'année portera sur les Sphères. C'est pourquoi nous allons commencer dès maintenant à nous entraîner.
- Non mais n'importe quoi ! C'est elle qui décide du sujet de l'examen de fin d'année, grinça-t-elle dans sa barbe.
Elle entendit Ron rire sous cape derrière elle. Le professeur ne semblait pas l'avoir entendu et poursuivit :
- Lire l'avenir dans le cristal est un art raffiné et complexe. Vous ne réussirez pas du premier coup. Je tâcherai de vous accompagner au mieux afin que votre Troisième Oeil et votre conscience supérieure s'ouvrent.
Ron toussa comme à chaque fois qu'il était pris d'un fou-rire. Hermione rêvait de se retourner et partager son hilarité mais elle se contenta de croiser les bras sur sa poitrine.
Le cours commença. Neville tenta de faire bonne-figure et se concentra sur la boule de cristal. Hermione ne fit pas le moindre effort pour tenter de voir quoi que ce soit. Il n'y avait rien d'autre qu'une fumée épaisse dans la sphère.
- Je me sens comme un parfait idiot à fixer cette boule, marmonna le garçon au visage lunaire.
Hermione soupira avec bruit, prête à quitter définitivement ce cours.
- Avez-vous besoin d'aide ? demanda le professeur.
- On n'a pas besoin d'aide, on sait qu'il y aura du brouillard cette semaine c'est tout, lança Ron.
Cette fois, Hermione éclata de rire. Seamus et Dean étaient carrément écroulés sur leur table et Neville pinçait les lèvres pour ne pas les rejoindre dans cette hilarité. Parvati et Lavande semblaient outrées. Cette dernière envoya un regard scandalisé à Hermione avant de chuchoter à l'oreille de Parvati.
- Cessez de brouiller les vibrations de la clairvoyance ! s'agaça le professeur.
Hermione soupira et cette fois, Trelawney l'entendit. Elle se tourna vers elle, ses grands yeux globuleux la fixant d'un air furieux.
- Y'a-t-il un problème ? Je vous rappelle que mon Troisième Oeil m'a informé que l'examen de fin d'année aura…
- C'est vous qui décidez de l'examen ! explosa Hermione.
- Très chère, je suis désolée de vous apprendre que vous n'avez aucun don dans l'art de la Divination. Je l'ai vu à l'instant même où vous êtes entrée dans cette pièce. Pour tout vous dire, je n'ai jamais vu quelqu'un de si terre à terre.
Il y eu un grand silence puis Hermione se leva d'un bond :
- Très bien ! Je m'en vais !
Courroucée, elle franchit en quelques pas la trappe qui menait à la sortie et s'échappa en réprimant un sanglot.
Hermione Granger avait échoué quelque part. C'était… bizarre. Et en même temps, elle était tellement soulagée de quitter ce cours stupide qu'elle n'arrivait même pas à s'en vouloir. Mais ce qu'avait dit le professeur couplé à sa dispute avec Ron lui donnaient envie de hurler à la terre entière d'aller paître chez les veaudelunes !
Sa bouche se tordit dans une grimace, signe précurseur qu'elle allait craquer au beau milieu d'un couloir si elle ne trouvait pas rapidement une pièce pour pleurer de tout son soûl. Elle accéléra le pas, la boule dans sa gorge prenant de plus en plus de place, prête à exploser. Elle manqua de justesse de traverser Nick-Quasi-Sans-Tête, sortit un mouchoir de son sac puis se jeta dans une salle de classe vide où elle aidait régulièrement Ginny pour ses cours de métamorphose.
Sans grâce ni mesure, elle s'écroula sur un des fauteuils, plongeant son visage dans ses bras croisés sur l'accoudoir dans lesquels elle pouvait étouffer ses sanglots. Elle pleura, jura, tapa du pied, pleura à nouveau puis, ferma les yeux, cherchant le calme. Les soubresauts dans ses épaules s'atténuèrent avant de totalement s'arrêter. Hermione demeura sur son siège, immobile, le visage plongé dans ses bras, s'essuyant de temps à autre le nez avec le revers sa manche. Au point où elle en était…
- Granger ?
Hermione se figea et leva lentement, très lentement la tête. Son sang se glaça dans ses veines. Incapable de bouger, elle fixait celui qui venait de lui adresser la parole.
Les joues creuses, ses cheveux noirs tombant sur deux yeux noirs qui semblaient la transpercer, Théodore Nott était installé à une table. Il tenait sa plume dans ses mains, comme s'il avait arrêté son geste au moment même où elle était entrée dans la pièce.
Pourquoi n'avait-elle pas pensé à vérifier que la salle était vide avant de se jeter comme une âme en peine sur ce fauteuil miteux ?
Les deux se fixèrent. Tels deux chats prêts à se battre, aucun des deux n'osa bouger. Pas même pour attraper sa baguette.
Puis, la colère bouillonna et refit surface telle une énorme gifle. Même pleurer en paix relevait de l'impossible désormais ?!
Si la tristesse avait totalement disparu, la colère demeurait bien présente et Nott se trouvait au bon endroit au bon moment.
- Qu'est-ce que tu fiches ici ? cracha-t-elle. Tu me suis ?
La dernière question, bien que stupide sur le moment, était fondée. Depuis les vacances de noël et cette rencontre à la bibliothèque, Hermione avait l'impression que le garçon était toujours dans les parages. En classe, elle sentait son regard sur elle lorsqu'elle levait la main. A la bibliothèque, elle le croisait toujours une fois sur deux dans les rangées de livres ou installé à une table. Elle essayait de ne pas devenir paranoïaque. Vraiment. Et pourtant, Hermione aurait pu ne rien penser du garçon s'il n'avait pas toujours un regard pour elle.
Elle n'était pas folle. Elle savait très bien que les élèves ne l'observaient jamais.
Pas Nott.
C'était furtif et discret. Mais elle savait que quelque chose clochait.
- Tu m'observes pour savoir quand est-ce que tu vas pouvoir me passer devant ? dit-elle en se levant d'un bond.
Oui, c'était la seule explication. Le garçon parvenait à rattraper les points de retard qui lui manquaient pour passer premier de la promotion. En bon Serpentard, il cherchait à analyser les moindres faits et gestes de la personne à abattre, en l'occurrence : elle.
Et si elle se savait un chouilla dramatique, elle ne trouvait aucune autre explication logique.
- Et bah voilà ! hurla-t-elle.
Le garçon sursauta sur sa chaise, les yeux écarquillés.
- Tu sauras que Hermione Granger a craqué parce qu'elle n'arrive à rien dans ce cours stupide de Divination ! Tu pourras le répéter partout ! Tu seras fier de le dire au merveilleux Malefoy, hein ?
Sans s'en rendre compte, Hermione approchait du Serpentard qui demeurait assis, le dos bien droit, observant tour à tour la porte d'entrée et le visage de Granger. Il tiqua à l'évocation de Malefoy. Puis, il explosa de rire.
Hermione, la bouche ouverte tel un strangulot hors de l'eau, s'immobilisa, déroutée.
Déjà, on n'entendait peu la voix de Nott. Mais alors ça. Le voir se bidonner de la sorte était… déstabilisant.
- Qu'est-ce que tu fiches ? demanda-t-elle lorsqu'elle vit le garçon rassembler ses affaires, toujours hilare.
Hermione l'observa faire, à court de mots.
Il mit son sac sur son épaule, les traces de son hilarité totalement disparue. Il s'approcha d'elle, à tel point qu'elle dut lever le visage pour faire face à ses yeux noirs chargés d'assurance et de détermination. Non, pas noirs. Marrons foncés, avec des reflets noisette.
Elle posa sa main sur la poche de sa robe, prête à se saisir de sa baguette. Cela n'échappa pas à Nott. Il inclina sa tête, suivant son geste, serein.
Leurs regards se percutèrent à nouveau.
Hermione frissonna mais demeura la tête haute, cachant son inquiétude de recevoir un sortilège de magie noire.
Un sourire en coin, presque imperceptible, se dessina sur le visage du garçon. Son menton bougea de droite à gauche dans une lenteur excessive. Arrogant, condescendant, hautain.
- Tu ne sais rien Granger.
Puis, il se dirigea vers la porte, laissant Hermione clouée au sol. Il posa la main sur la poignée avant de se retourner dans un sourire franc mais ô combien complaisant.
- Cela ne sert à rien de pleurer pour une matière aussi stupide que la Divination. Tu devrais plutôt te concentrer sur le devoir de Runes anciennes à rendre. Le professeur Babbling m'a dit qu'elle n'avait jamais vu un devoir aussi bien rédigé lorsque je lui ai rendu mon parchemin.
- Comment as-tu pu déjà le rendre, le devoir a été donné hier !
Mais Nott avait déjà disparu, laissant Hermione plus interrogative que jamais.
Au moins, elle ne pleurait plus. Toute peine et colère envolées.
oOo
L'exercice de Directeur de Poudlard pouvait être passionnant. Lorsque le Ministère avait proposé le poste à Albus Dumbledore, celui-ci n'avait pas hésité à se saisir des fonctions. D'abord, parce que Poudlard conservait la jeunesse. Au milieu de tous ces enfants et cette magie brute, Albus rajeunissait et coulait des jours heureux.
La vie continuait indéniablement et les tracas du quotidien paraissaient loin lorsqu'il déjeunait dans la Grande Salle. Une véritable pause d'insouciance entre ses différentes réunions au Magenmagot et ses recherches sur Tom Jedusor.
A ce propos, Albus balaya la salle du regard, à la recherche d'une tête brune. Ce jour particulier qui voyait s'affronter Serpentard et Gryffondor au Quidditch permettait de garder un œil sur le Survivant.
Harry Potter grandissait. En plus des centimètres gagnés, le garçon affichait une certaine assurance et confiance en lui. Comme avant chaque match, il mangeait peu mais gardait le menton haut et souriait à quiconque venait l'encourager.
Les plans avaient changé et ce n'était pas pour déplaire à Albus.
La mine tendue, Severus Rogue semblait tiraillé entre espérer la victoire de Serpentard ou celle de son protégé. En réalité, Albus savait pertinemment que l'allégeance du maître des potions penchait vers le Survivant mais qu'il était totalement exclu de le prononcer à voix haute.
Un petit sourire en coin, le directeur souhaita bonne chance à Minerva et Severus et se dirigea vers le terrain de Quidditch, bienheureux d'assister au dernier match de la saison.
Amusé et détendu, il observa la foule remplir le stade. Les chants des supporters faisaient trembler les gradins.
Si le directeur de Poudlard portait une intention particulière à Harry Potter, il n'en demeurait pas moins que chaque élève qui entrait à Poudlard laissait une trace dans son esprit. Albus connaissait chacun de ses élèves. Du plus timide au plus insolent, du plus craintif au plus téméraire, du plus petit au plus grand.
C'est pourquoi, lorsque les quatorze joueurs s'élevèrent dans les airs, il eut l'espoir pour Olivier Dubois que la victoire appartienne enfin aux lions. Il espérait également que cela remettrait Marcus Flint sur le chemin de l'humilité, le garçon étant particulièrement prétentieux d'année en année. Il savait aussi que Katie Bell nourrissait l'espoir de découvrir le monde moldu, que Adrian Pucey ambitionnait de devenir Ministre de la Magie - peu importe le nombre de corps sur lesquels il devrait marcher - que Fred et George voulaient vivre de farces et attrapes, qu'Angelina Johnson aimait écrire des romans et que Drago Malefoy voulait écraser Harry Potter.
Les équipes se battaient comme si leur vie en dépendait. Puis, lorsque l'équipe de Gryffondor eut assez de points pour crier victoire, Harry se mit à arpenter le terrain de façon minutieuse.
Habile, rigoureux, fûté, il faisait la fierté d'Albus.
Il savait déjà que le garçon parviendrait à attraper le vif d'or. Harry ne faisait qu'un avec le ciel.
Albus coula un regard vers Severus.
L'homme avait tellement évolué en si peu de temps que ça en paraissait parfois irréel. En cet instant, Albus devina qu'il n'y avait plus d'histoires de maison ou d'envie de plaire à Malefoy Senior. A présent, Severus Rogue priait pour que Harry attrape le vif d'or. Il ne l'aurait jamais reconnu à voix haute et peut-être bien qu'il n'en avait pas conscience mais le maître des potions considérait Harry comme son fils.
Les choses se passaient comme prévues. Du moins, le plan B se déroulait comme Albus l'avait imaginé. La suite serait certainement plus compliquée, particulièrement pour le jour où Harry devrait affronter Tom Jedusor mais pour le moment, Albus se contenta d'admirer la joie qui illumina l'espace d'un instant le visage de Severus.
Harry venait de se saisir de la petite balle dorée.
Le sol tremblait, les hurlements de joie parcouraient le stade. Albus prit une bouffée de cette jeunesse heureuse de vivre avant de reprendre le chemin du château.
La piste concernant Harry et les choses étranges qui y étaient associées commençait à prendre forme. Albus n'aimait pas du tout ça. Il pensait de plus en plus à une forme de magie très noire dans laquelle Harry était impliqué, certainement par erreur.
Il ne parvenait toujours pas à joindre Horace Slughorn qui demeurait aux abonnés absents depuis quelques temps. Albus savait pourtant que l'homme détenait probablement des informations capitales sur la vie de Tom Jedusor. Et les choses allaient plus vite qu'ils ne l'avaient prévu. Il eut tout le loisir de le découvrir après une journée d'audience du Magenmagot.
Habituellement, l'intégralité des directeurs des tableaux habillant les murs dormaient. Cette fois, Eupraxia Mole était éveillée et attendait Albus de pied ferme.
Directrice de Poudlard à la fin du XIXe siècle, la sorcière avait été mise à mal par une partie de la communauté magique. Ses dons divinatoires étaient remis en question et elle avait été régulièrement assimilée à une prêtresse de Magie Noire. Les notes de la femme et les échanges qu'Albus avaient eu avec elle l'avaient mené à une toute autre conclusion : cette sorcière était beaucoup trop talentueuse et intelligente pour son époque. C'est pourquoi les hommes lui avaient apposé une étiquette tantôt d'ignorante, tantôt de maléficienne.
- Eupraxia ? Que me vaut l'honneur de vous voir debout à cette heure ?
La femme au long cheveux noirs de jais observa son successeur de ses yeux globuleux.
- Le professeur Trelawney a annoncé une prophétie en fin d'après-midi.
Albus porta toute son attention sur la femme. Sybille Trelawney logeait à Poudlard pour cette raison. Son don erratique pouvait se réveiller après dès années de sommeil pour se rendormir aussitôt. Si l'objet premier de son embauche était sa protection face au Seigneur des Ténèbres, Albus l'avait gardé toutes ses années dans l'espoir que toutes les autres prophéties restent dans l'enceinte de ce château.
- Qu'a-t-elle dit ? demanda-t-il, la voix grave.
- Ça se passera ce soir ! Le Seigneur des Ténèbres est là, solitaire, abandonné de ses amis. Pendant douze ans, son serviteur a été enchaîné. Ce soir, avant minuit, le serviteur brisera ses chaînes et ira rejoindre son maître. Avec l'aide de son serviteur, le Seigneur des Ténèbres surgira à nouveau, plus puissant et plus terrible que jamais. Ce soir, avant minuit, le serviteur ira rejoindre son maître…
Albus se redressa et fit les cents pas. Puis, il observa par la fenêtre la forêt interdite qui s'étendait à perte de vue, le cœur battant.
Il devait se tenir prêt.
oOo
Cher Harry,
Pourrais-tu venir m'aider à nettoyer l'enclos de Buck cette après-midi avec tes amis ?
PS : j'ai retrouvé Croûtard.
Hagrid
Harry tendit le message à Ron dans un silence religieux. Hermione était assise au fond de la salle commune, sur un gros fauteuil isolé près de la fenêtre, le nez plongé dans un livre.
Harry n'en pouvait plus de ces disputes autour des animaux de ses amis. Il fallait trouver une solution avant que l'amitié du trio n'explose définitivement.
Harry ne voulait perdre aucun de ses amis et il envoya un regard équivoque à Ron.
- Je te laisse gérer, j'en ai marre d'être au milieu de vos embrouilles, déclara-t-il.
Ron ouvrit la bouche pour protester mais Harry se tourna vers Neville qui rédigeait son devoir de potions, une fine couche de sueur sur le front, la panique se lisant clairement dans ses tremblements.
- Je ne vais jamais réussir à rendre ce devoir à l'heure.
Harry se fit violence pour ne pas préciser que cet exercice avait été annoncé deux semaines plus tôt. Il savait à quel point son ami était mal à l'aise en cours de Potions. Et si Harry était loin d'être bon dans cette matière, le niveau de Neville était carrément catastrophique.
Bien que le professeur Rogue ait beaucoup changé, l'homme était loin d'être bienveillant, particulièrement en cours. Les potions s'apparentaient à un art sacré aux yeux de l'homme. Selon Harry, cette passion s'approchait plutôt du trouble obsessionnel.
- Essaye d'espacer tes paragraphes afin de rendre le tout plus lisible, conseilla Harry. Le professeur aime quand c'est clair et précis et ça a tendance à le mettre de mauvaise humeur lorsque la copie est mal aérée. Il faut approfondir tes arguments avec des exemples. Ah et puis, il ne supporte pas les fautes d'orthographe. Fais gaffe.
Harry pointait du doigt les éléments sous les yeux ébahis de Neville.
- Merci beaucoup Harry.
Plus loin, le ton semblait monter entre Ron et Hermione. Le garçon avait les joues rouges et les yeux d'Hermione lançaient des éclairs de colère.
Harry s'excusa auprès de Neville et s'approcha de ses amis.
- Tu as vu de quelle façon tu m'as parlé ?
- Je croyais Croûtard mort ! Je… Tu sais que j'apprécie ce rat malgré tout !
Hermione garda la bouche ouverte, plus trop sûre de ce qu'elle devait dire face à cet aveux sentimental.
- Je suis désolé Hermione, d'accord ?
Harry soupira, signalant sa présence par la même occasion.
- Ecoutez les gars…
- Pourquoi est-ce que vous ne trouvez pas une solution pour que Croûtard et Pattenrond vivent en harmonie ? lança une voix derrière eux.
Ginny Weasley avait de la boue sur le visage, les cheveux décoiffés et tenait un balai de Quidditch dans les mains.
- Qu'est-ce que tu fais avec ce balai ? demanda Ron aussitôt, les sourcils froncés.
- Romilda Vane me l'a prêtée, j'avais envie de voler un peu. Mais ça ne te regarde pas de toute façon.
- Oui bon, mêle toi de tes affaires Ginny, grinça Ron.
- En même temps, ta sœur n'a pas tort, il faut qu'on trouve une solution pour nos animaux, déclara Hermione.
Harry aurait pu parier que Ron se fit violence pour entrer dans un nouveau conflit avec Hermione. Cependant, le roux se contenta de hausser les épaules, peu convaincu.
- Il y a des lotions apaisantes pour les chats et tu pourrais prendre une cage plus grande pour Croûtard. Comme ça, lorsque tu vas en cours, il sera en sécurité, ajouta la brune d'une voix incertaine.
- C'est peut-être une bonne idée, déclara Harry qui souhaitait par-dessus tout que les conflits cessent. Qu'est-ce que ça coûte d'essayer ? Je suis certain que Hagrid doit bien avoir une cage pour rat dans sa cabane.
Ron grimaça, visiblement peu enthousiaste à l'idée de réduire la liberté de son animal mais hocha la tête en signe d'accord.
- Je vais acheter cette lotion, c'est promis, dit Hermione.
Harry se tourna vers Ginny. Ses joues étaient encore rouges d'avoir volée et elle recula d'un pas lorsque Harry s'approcha d'elle.
- Tu as bien fait d'intervenir, chuchota-t-il dans un sourire.
Les oreilles de la Gryffondor prirent une teinte écarlate et elle bafouilla une réponse avant de s'échapper, au grand bonheur de Ron.
- Au fait Hermione, lança ce dernier. Bien joué pour le cours de Divination !
- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Harry.
- Longue histoire, déclara Hermione les joues roses.
Piqué par la curiosité, Harry adressa un regard interrogatif à son meilleur ami qui éclata de rire avant de tout expliquer sur le chemin les menant à la cabane de Hagrid.
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Le ciel gris n'empêcha pas le trio et Hagrid de nettoyer l'enclos pour Buck. Hermione brossa les plumes de l'hippogriffe, arguant que certaines créatures étaient véritablement maltraitées dans le monde sorcier.
- Et ne parlons même pas des elfes de maison ! Je trouve ça incroyable que des sorciers exploitent encore ces pauvres créatures aujourd'hui. On est au XXe siècle quand même !
Ron soupira doucement, ne cherchant pas le conflit avec la jeune fille maintenant qu'il avait récupéré son rat.
Croûtard était dans sa poche, encore plus rabougri et mal en point qu'auparavant. Harry n'osait pas le dire à son ami mais nul doute que le rat n'en avait plus pour très longtemps.
- Parfois, je pense à ce pauvre Dobby. J'aurais aimé le libérer, avoua Harry.
- Les elfes souffrent beaucoup lorsqu'ils sont libres, expliqua Ron. Ils ne trouvent plus de maître et dépérissent.
- Il suffirait juste de leur expliquer qu'ils n'ont pas à être dépendant d'un sorcier ! répliqua Hermione. J'ai même lu qu'ils étaient bien plus puissants que nous.
Ron leva les yeux au ciel comme pour dire "n'importe quoi" et arracha les mauvaises herbes à mains nues
Hagrid leur proposa un thé mais le trio préféra s'en aller avant que la nuit ne tombe totalement. Harry avait une bonne excuse, il avait un entraînement dans quelques minutes avec son tuteur. Severus lui avait promis qu'ils apprendraient enfin une troisième combinaison de sortilèges. Harry maîtrisait très bien les deux combinaisons mais lorsqu'il paniquait, il laissait son instinct le guider au grand damn du maître des potions.
- J'aimerais bien assister à un de vos entraînements, lança Hermione alors qu'ils remontaient la colline qui menait au château.
Ron ne dit rien mais Harry savait parfaitement qu'il pensait la même chose.
- Je pourrais lui demander…
- En plus, on restera toujours avec toi et on prendra certainement nous aussi des risques à l'avenir, compléta Ron.
- Je ne veux pas que vous preniez des risques pour moi !
- C'est non négociable Harry, objecta Hermione.
- Tu es notre meilleur ami et jamais on te laissera… Ouille ! Croûtard ! Il m'a mordu !
Le rat de Ron venait de sauter sur l'herbe courant à toute vitesse dans les hautes herbes.
Et pour cause, à quelques mètres de là, Pattenrond venait de sauter d'un arbre, son corps rasant le sol et ses yeux jaunes brillant d'une lueur inquiétante.
- Pattenrond ! s'exclama Hermione. Va-t-en !
Trop tard, le chat poursuivait le rat en fuite. Aussitôt, le trio cavala à travers le parc tantôt criant sur Pattenrond qui n'en faisait qu'à sa tête, tantôt en appelant Croûtard à revenir vers eux. Les deux animaux semblaient sourds aux protestations des jeunes sorciers.
Ron en tête, il accéléra sa course et bondit sur le sol dans un bruit sourd. Serré contre lui, Croûtard tremblait de tous ses membres. Ron plaça l'animal apeuré dans la poche intérieur de sa robe. Pattenrond feulait et miaulait bruyamment.
- Pattenrond ! supplia Hermione.
- Dégage de là sale bête !
- Ron, rentrons au château, le couvre-feu ne va pas tarder, lança Harry pour changer de sujet.
Mais aucun d'eux ne put bouger. Au loin, ils entendirent comme un bruit de galop. L'énorme chien noir de Harry déboula, les yeux jaunes rageurs et crocs en avant. Il ne ressemblait plus en rien à l'adorable animal qu'il avait connu, bien au contraire.
Le chien chargea, sauta par-dessus Harry et Hermione pour bondir directement sur Ron qui hurla de frayeur.
- Mais qu'est-ce qu'il te prend ? beugla Harry, effrayé.
Le chien, sourd aux protestations de Harry, ouvrit grand ses mâchoires sous les gémissements apeurés de Ron qui tenta tant bien que mal de se défendre à coup de pieds. La gueule du chien se referma sur le bras de Ron. Harry plongea sur l'animal, oubliant qu'il avait une baguette à portée de main, arracha une touffe de poils mais le chien emporta Ron.
Quelque chose frappa alors Harry en plein visage et le projeta par terre. Le souffle coupé, il entendit Hermione hurler de douleur et tomber à son tour. La panique le prit lorsqu'il s'aperçut qu'il n'avait plus sa baguette à portée de main. Il tâtonna le sol, aveuglé par le sang qui coulait sur son visage.
- Lumos !
Le rayon de lumière éclaira le tronc d'un gros arbre. La poursuite entre Croûtard et Pattenrond les avait amené droit devant le saule Cogneur. L'immense arbre agitait ses branches dans un craquement lugubre, les invitant à s'éloigner.
Mais au pied du tronc, le chien tirait Ron à travers un grand trou qui s'ouvrait entre les racines. Ron beuglait, insultait le chien et se débattait de toutes ses forces. Malgré tous ses efforts, il disparaissait peu à peu dans le trou et on ne voyait plus que la moitié de son corps.
- Ron ! appela Harry de toutes ses forces
Il courut sans réfléchir mais une branche d'arbre le frôla tout près de la tête et cela l'obligea à se reculer. Ron continuait de se débattre dans un ultime effort pour empêcher le chien de l'entraîner définitivement dans le trou. Un craquement terrifiant retentit alors. La jambe de Ron s'était brisée et, l'instant d'après, son pied disparut à l'intérieur de l'arbre.
- On doit aller chercher de l'aide ! hurla Hermione qui saignait à l'épaule.
- Non on n'a pas le temps ! coupa Harry. Je ne sais pas ce qu'à ce chien mais on doit y aller ! Si le chien a pu passer, nous aussi !
Le corps tremblant de terreur et l'adrénaline, Harry se saisit de la main d'Hermione. Il avança rapidement, évitant les branches déchaînées qui s'agitaient dans tous les sens. Malheureusement, il était impossible de s'approcher des racines de l'arbre sans se prendre une branche en pleine figure.
- On a besoin d'aide ! murmura Hermione, accablée de ne pas savoir quoi faire.
Pattenrond se précipita alors vers l'arbre. Il ondula entre les branches, habile et souple. Il posa ses pattes sur le nœud d'une racine à la base du tronc.
Aussitôt, l'arbre s'immobilisa. Pas même la moindre feuille ne semblait bouger.
- Co... Comment a-t-il fait ?
- Peu importe ! Allons-y !
Pattenrond avait déjà glissé à l'intérieur du trou. Harry le suivit, la tête la première et glissa à plat ventre sur une surface inclinée qui le mena à l'entrée d'un tunnel au plafond bas. Hermione tomba presque sur lui, ils se relevèrent dans un silence inquiet.
Devant eux s'étendait un long tunnel.
oOo
Severus remplissait les dernières fioles pour Pomfresh lorsque Remus pénétra dans la salle de classe après avoir frappé trois coups secs.
- Rogue, tu as demandé à me voir ?
- Oui, installe toi, répondit le maître des potions.
Il balaya d'un geste de baguette le capharnaüm qui traînait sur son bureau. Les fioles, chaudrons et livres rejoignirent étagères et lavabos. Il s'appuya, dos contre la table. Remus attendait patiemment qu'il parle mais il semblait déjà deviner les raisons de cet entretien.
- C'est au sujet de Harry et sa dernière évaluation. Je ne comprends pas sa note. Surtout qu'il a toujours été doué dans cette matière.
Severus essaya tant bien que mal de maîtriser son ton. Une petite voix lui susurrait que Remus avait fait exprès de saquer Harry quand une autre, plus raisonnable, rappelait au maître des potions que le loup-garou avait toujours été juste avec les élèves.
- Je n'ai pas encore vu sa copie mais je suis étonné, continua Severus.
Remus soupira, passa sa main dans ses cheveux suffisamment long pour que cela donne un air dramatique.
- Je me doutais que tu viendrais me demander des comptes aussitôt la note renseignée. Je comptais lui proposer un devoir supplémentaire pour se rattraper.
- Il a eu douze sur cent, comment est-ce possible ?
Remus fit une moue gênée.
- Lupin, c'est de mon gamin dont on parle, je suis son tuteur.
Un éclair mi-agacé, mi-surpris traversa le regard ambré de l'homme. Il souffla un coup, passa une main sur son visage et avoua :
- Harry s'est endormi lors de cette évaluation.
- Endormi ?
- Ne lui en veut pas, il a l'air épuisé, enchaîna Lupin. Tu sais, à cet âge, on grandit beaucoup et ça peut fatiguer.
Severus envoya un regard sombre au loup-garou, peu enclin à discuter puberté. Par ailleurs, il appréciait moyennement que l'homme le voit comme un tuteur terrorisant Harry.
- Je ne lui en veux pas, répliqua Severus d'un ton froid. Je suis en revanche étonné que tu ne sois pas venu me voir pour me prévenir que Harry dormait dans ta classe !
- C'est arrivé une seule fois ! se défendit Lupin.
- Quand bien même ! s'emporta le maître des potions. Harry dort mal ces derniers temps. On est sur une date anniversaire particulièrement sensible pour lui, je te l'ai déjà expliqué !
- Comment suis-je censé le savoir ? Je pensais justement que tu gérais ! rétorqua le loup-garou, les joues rouges de colère.
Severus s'apprêtait à hurler sur l'homme qu'il n'était qu'un incompétent mais il fut interrompu par la carte du Maraudeur.
Son cœur manqua un battement. Severus contourna son bureau et se précipita vers l'armoire où le parchemin scintillait d'une lumière bleue. C'est lorsqu'il se retourna qu'il s'aperçut que Remus Lupin l'avait suivi, intrigué.
L'homme poussa un juron lorsque la carte s'ouvrit.
Severus avait eu là une idée de génie avec cette carte.
S'il arrivait à Harry de mentir, Severus avait confiance en lui et particulièrement lorsque cela concernait un danger imminent. Cependant, il se voyait mal observer la carte à chaque minute de la journée. Il avait donc habilement adapté un sortilège de traçage sur la carte. Ainsi, si le nom de Peter Pettigrow apparaissait, une lumière se déclencherait.
Le maître des potions eut tout le loisir de constater que son sortilège était efficace mais ne put apprécier quelconque vantardise. Car si le nom de Peter Pettigrow s'affichait bel et bien, celui de Sirius Black ainsi que Harry et ses amis s'affichaient à côté.
Il aurait dû y ajouter un carillon, pensa-t-il. Combien de précieuses minutes avait-il perdu ? Il avait laissé la carte dans l'armoire pour ces cours au lieu de la laisser sur son bureau. Quel idiot il faisait là !
- Ils sont au Saule Cogneur ! Allons-y ! lança Lupin déjà la baguette à la main.
Severus lui attrapa le bras, maudissant ce stupide Gryffondor.
- Tu ne crois pas oublier quelque chose, immense imbécile ?
Lupin n'eut pas le temps de s'offusquer de l'insulte car le maître des potions fit apparaître une fiole de potion tue-loup. L'évidence sembla frapper l'homme et il se saisit du breuvage, penaud.
- Tu imagines, je me serais transformé devant les mômes !
- Allons-y, grinça Severus, peu enclin à rigoler.
- C'est dingue hein, même dans ce genre de moment, il faut que tu sois désagréable, lança Remus Lupin alors qu'ils couraient à travers le château.
Ils passèrent à travers plusieurs passages secrets et une fois dans le parc du château, il ne leur fallut pas longtemps pour voir la tignasse de Harry se faufiler à l'intérieur du Saule Cogneur.
- Harry ! cria inutilement Severus.
- Voilà que Granger le suit aussi ! Dépêche-toi Rogue !
Un jour, il créerait un sort pour voler sans balai, se dit-il. Il leur fallut près de cinq minutes pour parvenir au pied de l'arbre, toujours immobile.
Porté par sa peur pour Harry et l'impatience colérique d'affronter Black, Severus serrait sa baguette dans sa main, une multitude de sortilèges prêts à en jaillir. Quasiment accroupis, les sorciers avançaient aussi vite que possible dans le tunnel étroit qui menait, tous deux le savaient déjà, à la Cabane Hurlante. Hors d'haleine, Severus rageait de ne pas pouvoir avancer plus vite. Pour couronner le tout, des souvenirs de son adolescence s'invitaient dans son esprit et ce n'était absolument pas le moment.
Apparemment, Lupin était lui aussi en proie aux événements du passé. Et lui semblait vouloir en parler :
- Je n'ai jamais eu l'occasion de réellement m'excuser pour ce sale coup qu'on t'a fait.
- Ce n'est pas toi qui a fait le sale coup, coupa Severus. C'est Black. Et je vais avoir toute l'occasion de me venger dans quelques instants.
Des cris résonnaient, des éclats de voix. Ils reconnurent sans mal celle du trio et d'un homme. Lupin bouscula Severus et arriva le premier en haut de la pente qui menait à la Cabane Hurlante.
- Expelliarmus !
Severus arriva derrière et constata avec horreur que le loup-garou venait de désarmer Harry et non Black.
Ron Weasley se tenait à ses côtés, boiteux, une jambe fracturée. Hermione Granger, figée d'horreur observait la scène. Le trio était dans un état pitoyable.
- Non ! J'avais confiance en vous ! hurla-t-elle.
Severus s'apprêta à désarmer Lupin. Blessé dans son ego plus qu'il ne l'aurait imaginé de voir que l'homme avait toujours été du côté de Black.
- Attends Rogue ! hurla Lupin tout en faisant apparaître un bouclier devant lui.
- Je vais vous réduire tous les deux en miettes, grinça-t-il, tremblant de rage.
- Comme d'habitude Rogue, ton esprit brillant et pénétrant s'est encore imaginé des tas de choses et tu n'es pas arrivé à la bonne conclusion ! lança Black d'une voix rauque, comme s'il n'avait pas parlé depuis des années.
L'évadé d'antan réputé, entre autres, pour sa beauté n'était plus qu'un assemblage de chair et d'os tenant à peine debout. Ses joues creuses faisaient ressortir ses yeux gris cernés par la fatigue et des années à Azkaban. Ses cheveux sales et emmêlés tombaient lourdement sur ses épaules et lui donnaient un air fou. A ses pieds, le chat de Granger se frottait contre ses jambes.
- On doit le laisser parler ! s'exclama Lupin. Tu sais ce qu'on a vu sur la carte.
- La carte peut se tromper !
- La carte, ne ment jamais ! Va donc jouer avec tes fioles ! cracha Black comme si les insultes entre eux n'avaient jamais pris de pauses depuis douze ans. J'ai enfin réussi à attraper Peter, tu ne vas pas tout gâcher maintenant !
- STOP ! beugla Harry.
Les traits tirés par la fatigue et les nerfs à vif, le regard vert de Harry se posait sur les trois adultes tour à tour. Severus se figea.
Quel genre de spectacle donnait-il à ces trois adolescents ? La honte s'immisça dans les veines du maître des potions et il abaissa un peu sa baguette, s'approchant de son protégé.
- Harry, cet homme…
- Il dit que ce n'est pas lui ! coupa Harry proche de la crise de nerfs. Je veux entendre ce qu'il a à dire !
L'air devenait irrespirable tant la tension était palpable. Severus pouvait sentir sa pression artérielle palpiter contre ses tempes. Et une colère sourde mêlée à une possessivité excessive le mettait dans un état émotionnel difficile à gérer. Comment Harry pouvait-il avoir envie d'écouter ce que Black avait à dire ?
- Severus…
Cela eut l'effet d'une douche froide. Il planta aussitôt son regard dans celui de Lupin qui l'observait avec tristesse.
- Pour Harry, ajouta-t-il.
Serrant les mâchoires, le maître des potions jaugea du regard l'évadé.
- Tu as précisément trente secondes.
Histoire de donner un peu de spectacle, et parce qu'il avait toujours été friand de mise en scène, Severus agita sa baguette et un minuteur apparut dans l'air. Black observa les premières secondes défiler s'arrêter sur le maître des potions.
- Je suis innocent.
Severus éclata d'un rire froid et il leva à nouveau sa baguette mais Black ne se démonta pas.
- Peter Pettigrow était le gardien du secret. Lily et James ont changé de gardien à la dernière minute et il nous a planté un couteau dans le dos. Maintenant, laissez-moi m'occuper de ce sale rat !
- Je le crois, lança Lupin à brûle-pourpoint.
Avant même que Severus n'ouvre la bouche, Granger plaqua les mains sur ses joues et se tourna vers le maître des potions, comme cherchant une dernière aide.
- Ce n'est pas possible ! Vous devez les arrêter ! Le professeur Lupin est un loup-garou et il a sûrement aidé Black à pénétrer dans le château le soir d'Halloween. Et maintenant, ils vont tuer Harry !
- Silence ! claqua Rogue alors que Weasley et Harry s'exclamaient de stupeur.
La baguette levée, il s'approcha d'un bon pas. Lupin se rapprocha de Black dans un geste protecteur.
Une part de lui voulait les exploser tous les deux sur le champ. Mais une autre, plus insidieuse, le torturait d'un doute. Il n'y avait qu'un moyen de le savoir.
- Vous êtes une brillante sorcière Miss Granger mais vous n'avez qu'une seule information de juste. Je n'ai jamais aidé Sirius à entrer dans le château, précisa Lupin.
Weasley cria de terreur, comprenant que le professeur était un loup-garou. Harry fronçait les sourcils, en proie au doute. Severus n'eut pas le temps d'admirer l'esprit affûté de Granger qui avait deviné en peu de temps la condition de son professeur de Défense contre les forces du Mal.
- Pourquoi as-tu attiré Weasley dans ce trou ?
- Parce que Peter est avec lui ! rugit-il, accompagné par les miaulements graves du chat qui fixait Weasley.
- Mais il est malade ! se défendit Ron, les yeux écarquillés.
- Le rat ! Le rat ! hurla Black en montrant du doigt l'animal serré dans la main de Weasley.
La situation aurait pu en devenir comique. Black qui sautillait sur place, les yeux animés par la folie vengeresse mais le regard vif de Lupin écrasa les doutes de Severus.
- Peter ! souffla-t-il.
- Mais Peter Pettigrow est mort ! répéta Harry en se tournant vers Black. Les gens vous ont vu, il y a des témoins !
- Peter les a manipulé avec de la magie ! se défendit Black.
- Prouve-le Black ! coupa Severus, la baguette touchant presque la joue creuse de l'homme. Tu as cinq secondes pour me révéler que ce rat est un animagus ou je m'occuperai personnellement de ton cas.
Il découvrit ses dents noircies dans un sourire malicieux.
- Ce sera pour une prochaine fois, dit-il, insolent. Douze ans que j'attends ça, tu ne vas pas gâcher mon plaisir !
Lupin attrapa le rat des mains de Ron par la peau du cou. L'animal se mit à se débattre, couinant avec férocité. Weasley hurlait qu'on laisse son animal tranquille tandis que tout le monde s'écartait. Le professeur pointa sa baguette et une lumière bleue s'échappa.
Severus demeurait sur ses gardes mais ni Black, ni Lupin ne firent un geste agressif envers les enfants. Au milieu de la pièce, le rat avait laissé place à un petit homme à l'aspect flétri. Sa calvitie et ses fins cheveux qui entouraient son crâne lui donnaient l'air d'avoir trente ans de plus que son âge.
Au premier abord, Severus eut du mal à reconnaître Pettigrow mais il devait bien se rendre à l'évidence, l'homme devant lui était bien celui qui avait trahi les Potter. Celui qui était en partie responsable de la mort de Lily.
La bile brûla l'œsophage du maître des potions.
Les yeux humides de l'animagus - comment avait-il réussi à le devenir ?! Peter était un boulet médiocre ! - se posèrent partout avant de s'arrêter sur ses deux anciens amis.
- Sirius… Remus… Mes chers vieux amis !
Il tenta de s'approcher de ses anciens amis mais Sirius se jeta sur l'homme, oubliant toute forme de magie et lui assena plusieurs coups sur le visage.
- TU LES AS MENE A LA MORT… DOUZE ANS À AZKABAN PAR TA FAUTE… JE VAIS TE TUER… JE VAIS TE TUER !
Si Severus avait eu des soupçons quant à une possible alliance entre Black et Pettigrow, cette fois, il n'y avait plus aucun doute. L'impression d'être de retour quelques années en arrière était déstabilisante. Le regard de Black était si brillant de haine qu'il paraissait plus vivant que jamais. Mais cette fois, Severus n'était plus le destinataire de ce regard chargé d'animosité.
D'un geste de baguette Severus expulsa l'évadé de l'autre côté de la pièce. Lupin et Granger se précipitèrent sur lui, intimant l'homme au calme.
Pettigrow s'aperçut alors de la présence de Severus et il se ratatina sur lui-même avant de poser son regard sur Harry.
- Harry…, supplia-t-il.
- Silencio ! lança Severus. Petrificus totalus, ajouta-t-il.
Le corps raide, le cœur vrombissant de colère, Severus s'aperçut que sa main tremblait.
- Comment peux-tu t'adresser à Harry de la sorte ? fulmina-t-il. Je vais faire sortir les enfants et pour une fois dans notre vie Black et moi allons nous associer pour te faire vivre la plus horrible des douleurs. Tu as tué Lily. Tu as fait de Harry un orphelin et tu vas payer pour ça. Rappelle-toi Pettigrow quand je rêvais de te mettre le nez à terre. Je vais enfin le faire ! s'exclama-t-il dans un rire proche de la démence. Il n'y a plus tes amis pour te sauver la mise, au contraire, ils sont à mes côtés. N'est-ce pas ? Oh oui… Tu vas souffrir à tel point que tu vas supplier pour qu'on t'achève. A bien y réfléchir, dans la bande des quatres, tu étais le pire. Celui qui suivait, celui qui craignait que les vacheries se retournent contre lui, celui qui était incapable de suivre le rythme. Le témoin silencieux. Mais témoin qui rigolait à gorge déployée et encourageait ses camarades au lynchage. Tu avais peur de te retrouver seul avec moi. Merlin que tu as eu de la chance pendant toutes ces années. Tu vas regretter…
Le regard apeuré de Pettigrow procura des frissons de plaisir à Severus. C'était une maigre récompense mais une récompense quand même. Il se rendit compte qu'il était en transe lorsque la main de Harry se glissa dans la sienne.
Ce fut comme une gifle. Autour de lui, tout le monde le regardait d'un air étrange. Black ne paraissait même pas surpris de voir son filleul aussi proche de son ancien ennemi.
- On ne peut pas le tuer, dit Harry.
- Cet homme a tué tes parents, contra Black.
- Je le sais ! Mais si Pettigrow est assassiné, cela n'arrangera rien. Comment t'innocenter ? ajouta-t-il en s'adressant à Black comme s'il le connaissait depuis toujours. Et puis vous, ajouta-t-il en serrant la main de Severus, il est hors de question que vous mettiez un homme à mort !
Le maître des potions se sentit subitement ridicule. Il envoya un regard sombre à Black lorsque celui-ci marmonna une blague à l'oreille de Lupin comme quoi c'était drôle de le voir obéir à un Potter. Ces deux-là ressemblaient à un vieux couple.
Mais Harry avait raison. La rancœur ne pouvait le pousser à commettre des erreurs. Harry était sous sa responsabilité. Et même si c'était difficile, qu'il ne serait jamais ami avec Black et Lupin, l'envie de vengeance devait cesser de surgir n'importe comment.
- Très bien, dit-il la bouche sèche. On l'emmène.
- Il recevra le baiser du Détraqueur, dit Harry les yeux dans le vague.
- Et Sirius sera libre, tu entends, Sirius ? dit Lupin en prenant son ami dans les bras.
Il fallut un petit moment pour fixer la jambe de Weasley et l'aider à se relever. Le garçon boitait mais Pomfresh le remettrait vite sur pied. Un simple diagnostic assura la bonne santé de Granger et Harry. Lupin fit léviter le corps toujours pétrifié de Pettigrow dont le regard inquiet laissa Severus de marbre.
- On devrait passer par la porte plutôt que le tunnel, suggéra Black.
- Brillant d'intelligence, comme toujours, Black, s'exaspéra Severus face à tant de stupidité. Je te rappelle que tu es recherché.
- Et comment crois-tu que je m'en suis sortie pendant tout ce temps ?
- Je suis tenté de penser que les capacités de Pettigrow à se transformer en rat ont sûrement été motivées par une activité de groupe, répliqua-t-il d'un ton supérieur.
Lupin, le visage pâle, se mit en marche en direction du tunnel, le corps de Pettigrow flottant à ses côtés.
- Bravo Rogue, lança Black un brin sarcastique. En plus de t'être correctement occupé de mon filleul, tu sembles aussi faire preuve de jugeote.
Severus grinça des dents mais la simple évocation de Harry le força à se calmer. Il était l'adulte. L'adolescent devait rester là où il était.
Severus jeta un œil à la cabane hurlante avant de quitter les lieux. C'était certainement le meilleur endroit pour y abandonner son enfance.
oOo
Les questions se bousculaient sur les lèvres de Harry. Comment Pettigrow avait-il réussi à berner tout le monde ? Lupin était-il réellement un loup-garou ? Sirius Black était-il d'accord pour que Severus Rogue soit le tuteur de Harry ? Et Severus ? Qu'allait-il penser de tout cela ? Et surtout, le chien qu'il avait gratouillé et confié toutes ses peines était en réalité Sirius Black !
C'était si déroutant que Harry ne pouvait parler.
- Je suis désolé pour ta jambe Ron, déclara Sirius alors que le silence se faisait de plus en plus pesant dans ce long tunnel.
- Oh ce n'est pas grave, répondit Ron qui boitait et s'appuyait sur Harry pour avancer. Je comprends maintenant…
- Je t'assure que je suis un bon chien habituellement, rigola Sirius.
Harry ne put s'empêcher de sourire. Le rire de son parrain lui rappelait ses aboiements.
- Ton père m'avait d'ailleurs suggéré plusieurs fois de me transformer définitivement, ajouta-t-il à l'adresse de Harry. Mais je n'aurais jamais supporté les puces.
Ron éclata de rire et Hermione se tourna vers eux dans un sourire complice.
- Est-ce que lui aussi pouvait se transformer ? demanda Harry.
- Bien sûr ! Ton père possédait un talent particulier pour la métamorphose. C'est le premier qui a réussi à devenir un Animagus. Un cerf, précisa-t-il avant même que Harry pose la question.
- Sirius, James et Peter ont décidé de devenir des Animagus lorsqu'ils ont découvert ma condition de loup-garou, en cinquième année, expliqua Lupin.
Les deux sorciers échangèrent un regard complice. Harry avait l'impression que si un jour il était séparé de Ron pendant plusieurs années, le jour où il le retrouverait, leur complicité serait toujours intacte. C'était la même chose entre Sirius Black et Remus Lupin.
- Le Saule Cogneur a été planté lorsque je suis arrivé à Poudlard, poursuivit le professeur de Défense contre les forces du Mal d'une voix calme. Dumbledore tenait à ce que je suive une scolarité comme tout le monde. Chaque pleine lune, je me rendais dans la Cabane Hurlante. Les hurlements que les gens entendaient et qui ont fait la légende de cette cabane étaient tout simplement les miens. Dumbledore encourageait d'ailleurs cette rumeur afin que mon secret reste bien gardé. Les métamorphoses étaient très douloureuses et comme je ne pouvais mordre personne, je m'attaquais. Mais en dehors de ces moments-là, j'étais le plus heureux des adolescents. Pour la première fois, j'avais des amis.
Harry offrit un sourire à son professeur. Il ne pouvait que le comprendre. Passionné par son récit, il se rendit à peine compte qu'ils avançaient dans un tunnel et il glissa sur une pierre. Severus Rogue le rattrapa d'une main habile, sans rien dire. L'homme demeurait silencieux depuis qu'ils avaient quitté la Cabane Hurlante et son visage était plus pâle qu'à l'accoutumé.
- Bien évidemment, comme vous, Hermione, ils ont découvert la vérité. Je dois avouer que vous avez été bien plus rapide. Vous êtes certainement la sorcière la plus brillante de votre génération.
Les joues d'Hermione prirent une couleur rosé et elle bafouilla quelque chose d'incompréhensible. Le professeur Lupin poursuivit :
- J'étais mortifié et pensais que James, Peter et Sirius me tourneraient le dos. Ce fut tout le contraire.
- Evidemment Lunard, jamais on ne t'aurait laissé tout seul ! lança Sirius alors qu'il marchait plus loin, signe que tout le monde écoutait le récit de Lupin.
- Ils prirent la décision de devenir des Animagi pour m'accompagner chaque pleine lune.
- Tout de même, c'était très dangereux ! s'exclama Hermione. Et le Ministère surveille de très près les sorciers souhaitant devenir des Animagus.
- Oh Hermione ! Ose dire que tu n'aurais pas fait la même chose pour Harry ou moi ! dit Ron avant de couiner de douleur après s'être un peu trop appuyé sur sa jambe.
Sirius aboya de rire et Lupin secoua la tête dans un petit sourire.
- Vous avez raison Miss Granger. Les conséquences peuvent être dévastatrices si on se trompe. Sirius et James étaient doués. En revanche, il fallut toute l'aide des deux autres pour que Peter parvienne à se transformer.
- Mais en quoi cela aidait-il ? demanda Harry.
- Les loup-garous ne peuvent pas attaquer les animaux, déclara Severus d'une voix blanche. Dis-moi Lupin, Dumbledore était-il au courant que Black était un Animagus ?
Le professeur de Défense contre les forces du Mal secoua la tête, l'air accablé.
- Je m'en veux. J'ai été lâche, dit-il platement. Je me suis convaincu que Sirius était entré dans le château à l'aide de la Magie Noire.
La langue de Severus claqua sur son palais.
- On sait que tu as toujours voulu nous faire renvoyer. Mais j'ai cru comprendre que vous aviez trouvé un terrain d'entente tous les deux ? demanda-t-il à Lupin et Severus.
Sirius Black paraissait tendu. D'un mouvement commun, les regards des adultes se posèrent sur Harry qui trouva subitement que la sortie du tunnel tardait à apparaître. A son grand désarroi, ce fut son tuteur qui prit la parole :
- C'est étrange comme Black semble en savoir bien plus sur toi que prévu.
- Euh… C'est à dire que…
- J'étais son confident, expliqua Black, l'air fier. Ne t'inquiète pas Rogue, il ne t'a pas trahi. J'étais toujours sous forme de chien.
Severus s'arrêta brusquement et le corps flottant de Pettigrow se cogna contre une pierre. Sous sort de mutisme, l'homme ne put émettre le moindre son mais son regard outré en disait long.
- C'était donc ça cette demande d'avoir un animal de compagnie cet été ! s'exclama-t-il d'un ton plein de reproches. Pourquoi n'as-tu rien dit ?
- Tu apprendras, mon cher Severus, que les adolescents ne disent pas tout à leur parent, se moqua Lupin.
Harry ouvrit la bouche, choqué que le professeur de Défense dise officiellement que Severus était l'équivalent d'un père pour Harry.
- Et si je peux me permettre…, ajouta Sirius Black.
- Quoi parce que tu mets des gants depuis tout à l'heure ? grinça Severus.
- Harry a du sang de Potter dans les veines mais aussi celui de Lily, continua-t-il sans se démonter. Il en fera toujours un peu qu'à sa tête.
Harry voyait bien que Sirius Black comme Remus Lupin tentaient de faire bonne figure devant Severus Rogue. Et si le maître des potions avait l'air d'être froid comme une porte de prison, Harry savait pertinemment qu'il faisait un effort presque surhumain pour ne pas laisser la colère le dominer. Et s'il faisait tout cela, c'était pour lui.
- Je sais que vous n'avez pas été ami lorsque vous étiez à Poudlard, dit Harry de but en blanc. Mais je m'en moque de vos histoires. Elles sont certainement aussi intéressantes que celles de Malefoy et moi.
- Ah oui ce Malefoy ! lança Sirius Black qui en avait souvent entendu parler. Il ne t'embête plus j'espère ?
Harry jeta un coup d'œil à Severus qui leva les yeux au ciel et Harry haussa les épaules l'air de dire "j'avais besoin de me confier".
- Pour tout te dire, c'est aller trop loin une fois, dit doucement Lupin.
- Cessons d'en parler, claqua Severus qui ne voulait visiblement pas aller sur ce terrain.
- Il faudra bien qu'on en parle un jour Rogue. Sirius était désolé. Tout le monde l'était.
- Même si tu l'avais un peu cherché, marmonna Sirius dans sa barbe.
Lupin frappa Sirius à l'épaule et ce dernier ricana. Une douce folie habitait son regard comme un affamé à qui on aurait présenté un buffet garni de toutes les nourritures du monde. Il avait certainement hâte d'être innocenté et de retrouver son ami.
Ils arrivèrent au bout du tunnel. Severus passa en premier le corps malmené et molesté de Pettigrow.
- Lupin, la lune est ronde, pense à prendre ta potion avant de remonter.
- Il en serait presque prévenant, lança Sirius. Au fait Harry, dit-il alors que le Lupin et Hermione aidaient Ron à remonter à l'aide d'un sortilège de lévitation. Je suis heureux de te retrouver. En vrai, je veux dire. Même si j'ai adoré être ton chien.
Harry rigola.
- Je suis désolé pour tout ce que tu as vécu à Azkaban et les accusations à tort.
- Ce ne sera bientôt qu'un mauvais souvenir. Ça l'est déjà. Et sache que je suis heureux de te voir bien entouré. Quand j'ai appris que tu étais chez Rogue, j'ai eu très peur et je t'ai cherché partout alors que j'avais prévu de tuer ce bâtard de Pettigrow. Mais tu étais ma priorité. Et puis j'ai compris que tu étais heureux et plus tu te confiais à moi, plus je réalisais que mon ennemi d'enfance avait changé. Et c'est probablement grâce à toi. Tu ressembles beaucoup à ton père mais tu as aussi hérité de la bonté de cœur de ta maman.
- Vous vous détestiez vraiment ?
- On se cherchait constamment. Rogue fouillait dans nos affaires dans l'espoir de nous faire renvoyer et on se moquait beaucoup de lui. Les farces et les mauvais sorts devenaient de plus en plus omniprésents. Jusqu'à ce que les choses aillent beaucoup trop loin…
- Dumbledore m'a dit que mon père avait sauvé Severus un jour. Est-ce que ça a un rapport avec tout ça ?
Sirius hocha la tête d'un air grave.
- Et puis la guerre est arrivée aussi vite qu'elle s'est terminée. Cette époque me paraît tellement lointaine que c'en est presque irréel. Je suis tellement heureux de t'avoir retrouvé Harry, répéta-t-il à nouveau.
Harry fut presque gêné de recevoir autant d'amour d'un coup d'une personne qu'il connaissait à peine. Mais il accepta l'affection que lui envoyait Sirius Black car il retrouvait là le chien qu'il aimait tant. Il repensa aux nombreuses confidences qu'il lui avait offertes et se mit à rougir. Pas sûr qu'il lui aurait dit à quel point il trouvait Cho Chang craquante. Mais d'une certaine manière, lorsqu'il pensait au chien, il savait que tous ses secrets étaient bien gardés.
- Hého ! Vous pouvez y aller ! lança Hermione une fois sortie du tunnel.
Harry grimpa et il tomba nez-à-nez avec un loup. Ses poils gris brillaient sous les reflets de la pleine lune. Il s'approcha de Harry, le renifla puis inclina sa tête dans une révérence qui faisait penser à Buck. Son regard ambré reflétait l'humanité.
- C'était ça la potion que vous lui donniez ! lança Harry à son professeur qui acquiesça.
L'homme semblait pressé de mettre Pettigrow face à Dumbledore et le Magenmagot.
- Vous m'en voulez ? demanda-t-il alors que le loup hurlait à la lune et s'échappait au loin dans la forêt interdite.
- T'en vouloir ? Pourquoi ?
- Je ne sais même pas, dit platement Harry. Pour le chien, pour être venu au Saule Cogneur sans vous prévenir et parce que je ne déteste pas vos ennemis d'enfance.
C'était surtout le dernier point qui l'inquiétait.
- Tu sais bien que tu n'as pas à te préoccuper du passé entre les Maraudeurs et l'as dit toi-même.
- Tout de même…
- J'ai appris que vivre avec la haine ne rendait que plus malheureux, déclara Severus d'une voix si basse que Harry se rapprocha de son tuteur. Je ne les portais pas dans mon cœur. Ils m'ont fait bien des misères. Mais pour être tout à fait honnête et maintenant que j'ai pris du recul, je dois avouer que je n'ai pas été un enfant de chœur non plus. Je ne veux pas que tu en pâtisses et je n'ai plus le temps de vivre dans la rancœur. Je suis ton tuteur.
Ce dernier mot, Harry le prit en pleine face telle une vague de bonheur. Parce qu'il y avait autant d'amour et d'affection que lorsque Harry le disait. C'était aussi fort qu'un "père" ou "papa". Ils se comprenaient.
Et si Harry disait qu'il se moquait de savoir ce qui avait pu se passer entre les Maraudeurs et Severus, il voulait être certain qu'aucun ne souffre et qu'il ne perde ni Severus, ni son parrain et qu'il fasse honneur à ses parents.
Durant l'année scolaire, Harry avait eu des pensées invasives sur la fidélité qu'il pouvait avoir auprès de son père. Sa mère lui avait bien dit qu'il pouvait aller vers Severus mais comment ne pas trahir l'amour qu'il portait à son père ?
Bien sûr, les trois quarts du temps, il profitait juste de l'affection et la protection que Severus lui donnait tel un égoïste. Mais de temps en temps, il avait l'horrible sensation de trahir ses parents. Une culpabilité qu'il n'avait pas vraiment identifiée jusqu'à maintenant.
Mais il se rendait compte maintenant qu'il s'était trompé sur toute la ligne.
L'amour ne s'annule jamais, au contraire, il se multiplie.
- Merci Severus, dit Harry dans un sourire. Merci pour tout.
C'était la première fois qu'il l'appelait par son prénom et ce fut étonnement facile. Le maître des potions ouvrit la bouche, s'apprêtant à dire quelque chose lorsqu'il se figea. Soudain, Hermione hurla.
Une sueur froide coula le long de la colonne vertébrale de Harry.
Une vague glacée se répandit aussitôt dans l'atmosphère et Harry sortit sa baguette sans réfléchir. Au-dessus d'eux, une nuée de Détraqueurs arrivait droit sur eux.
- Tu connais le sortilège Harry, dit Severus.
Sirius Black s'approcha d'eux, la baguette du professeur Lupin dans sa main. Severus annula le sortilège de lévitation et Pettigrow tomba lourdement sur le sol. Ron tenta de s'approcher mais sa jambe l'en empêcha et il s'effondra sur le sol lorsque les Détraqueurs furent trop proches. Hermione s'agenouilla auprès de Ron, baguette en main.
Presque en même temps, Sirius, Severus et Harry lançèrent le sortilège du Patronus. Harry était tellement heureux que ce fut presque facile. Et de voir son tuteur et son parrain unis face aux forces du mal, l'aida à lancer un patronus parfait.
Enfin, pensa-t-il.
Devant lui, un magnifique cerf argenté venait d'apparaître. Il se tenait à ses côtés, dégageant une douce chaleur. Il put alors admirer le Patronus de Severus. Un serpent argenté glissait sur le sol et chassait les créatures buveuses d'espoir. L'homme semblait étonné, ses sourcils formant un arc. Presque au ralenti, Harry tourna la tête vers son parrain. Ce dernier n'avait pas produit de Patronus corporel mais un bouclier argenté le protégeait lui et ses amis.
- James, murmura Sirius. Regarde Harry, il vit en toi.
Note de l'autrice : Si avec un chapitre comme celui-ci vous n'avez rien à dire… Je ne peux plus rien pour vous !
On se retrouve dans deux semaines. D'ici là, prenez soin de vous.
Pour information, je transfère actuellement mes histoires sur AO3 et Wattpad si vous préférez lire sur ces plateformes.
