Chapitre 38

- Tu penseras bien à faire tes exercices d'Occlumancie avant de dormir, répéta pour la troisième fois Severus.

Devant le Moulin où s'étaient établis Lupin et Black, le maître des potions donnait les dernières recommandations à Harry pour ne pas laisser l'appréhension le submerger. C'était la première fois depuis le procès qu'il revoyait ce qui restait des Maraudeurs. C'était aussi la première fois qu'il confiait Harry à quelqu'un d'autre que Mrs Weasley.

Le retour à Inverness avait renforcé les liens entre Harry et son tuteur. Les deux semaines étaient passées à une vitesse folle. Le matin, Harry se rendait à des cours de natation privée. Il était désormais un bon nageur et saurait s'en sortir lors de sa prochaine balade en mer. L'après-midi était consacrée à l'apprentissage de l'Occlumancie et au renforcement des leçons de duels. Paloma Crescent, la professeur de piano de Harry, était venue leur rendre visite pour quelques leçons.

Si Harry avait un don pour la Défense, c'était loin d'être le cas pour la magie de l'Esprit. Heureusement, il savait poser quelque peu son esprit grâce à la musique mais Severus savait déjà qu'il faudrait pour le garçon beaucoup de temps avant de devenir un parfait Occlumens. Le maître des potions en faisait son affaire. Il saurait le guider.

Au grand désarroi de Severus, ce fut Sirius qui accueillit les deux sorciers. L'ancien évadé prit Harry dans ses bras avec affection avant de saluer Severus, tendant une main.

- Rogue.

- Black, répondit-il dans une poigne ferme.

- Où est Remus ? demanda Harry.

- Il se repose dans la chambre, la pleine lune a été compliquée. D'ailleurs Rogue, à ce propos, on a besoin de t'acheter quelques fioles. Je vais montrer à Harry la chambre où il séjournera et ensuite je te donne les Gallions. En attendant, installe-toi, fais comme chez toi.

Planté au milieu de la cuisine, Severus préféra observer les lieux qui l'entouraient. La pièce, aux couleurs jaune et marron aurait plu à n'importe quel Poufsouffle. Différentes plantes vertes et herbes en pot habillaient les étagères des murs. Une carte postale de Brighton que Harry avait envoyée à son parrain était fièrement affichée sur le garde-manger.

Tout laissait à croire que les deux amis vivaient ensemble. Severus ne savait pas si les deux étaient passés du stade d'amis à amants mais décida que ce n'était pas son problème. Il espérait que Remus se lève, ne serait-ce que pour donner quelques instructions à l'homme concernant Harry. Sirius Black était une tête brûlée, le genre de parrain inconscient qui ferait fi des règles de sécurité. Nul doute qu'il revivrait sa jeunesse perdue en présence de son filleul. Sans Remus, Severus n'aurait jamais laissé Harry venir au Moulin.

Le duo descendit bruyamment, tels des hippogriffes échappés d'un enclos. Harry avait déjà son balai sur une épaule.

- Vas-y, je te rejoins plus tard, dit Black à l'attention de son filleul.

Harry s'échappa dans un sourire joyeux.

- C'est toi qui a acheté le balai, lâcha Severus d'une voix blanche.

Cela n'avait rien d'une question. Sirius Black haussa les épaules dans un sourire contrit.

- Je lui ai offert son tout premier balai lorsqu'il avait un an. Lorsqu'il m'a expliqué que son Nimbus 2000 avait été brisé en mille morceaux, je n'ai pas perdu de temps. Je savais que si j'attendais, tu me passerais devant.

- Quelle honnêteté, répliqua le maître des potions. Un peu puéril mais honnête.

- Tu as sa garde à plein temps. Laisse moi au moins lui offrir des cadeaux.

Severus ne manqua pas la pointe d'amertume dans les mots du brun mais ne dit rien. Un conflit à peine arrivé ne ferait que du mal à Harry.

Black fouilla dans une boite et déposa sur la table une somme conséquente de Gallions. Severus fit apparaître une caisse de quinze fioles et se saisit de la moitié des pièces.

Black haussa les sourcils d'étonnement. Severus soupira :

- Je ne vais pas ruiner le parrain de Harry. Je te fais ça à moitié-prix.

- Le grand Rogue est donc un bon samaritain ! lança-t-il avant de ramasser les pièces sans insister.

- Il y a deux trois choses que je dois te dire concernant Harry, dit-il avec sérieux. Concentre-toi, c'est important.

- Tu ne veux pas boire un coup avant ? Sinon Remus va dire que je ne suis pas accueillant.

- Qu'est-ce que je vais dire ?

Dans l'encadrement de la porte, le loup-garou se tenait debout. Son teint pâle et ses cernes creusées donnaient envie à Severus d'inventer une potion de fortification après pleine-lune. Son esprit s'égarant sur cette idée, il loupa le début de la conversation entre les deux Maraudeurs.

Il reprit le cours lorsqu'il se retrouva avec une bierraubeurre glacée dans les mains. Visiblement, Remus n'avait toujours pas déclaré sa flamme puisque lorsque l'autre passa derrière lui en lui ébouriffant les cheveux, ce dernier se mit à rougir comme une tomate.

Ils étaient ridicules.

Black collait Remus comme le toutou qu'il était et il un seul geste du loup-garou aurait suffit pour que les choses se décantent.

Loin de vouloir faire les entremetteurs - l'idée même lui donnait la nausée - Severus se contenta d'émettre les points importants concernant Harry :

- Remus le sait déjà mais Harry peut être en proie à du somnambulisme. Cela va mieux mais c'est par vagues. Si cela arrive, vous le remettez dans son lit et vous n'essayez pas de le réveiller, expliqua-t-il d'une traite. Il y a des potions de sommeil si jamais il n'arrive pas à dormir. On a établi un dosage avec sa psychomage et…

- Psychomage ? coupa Sirius les sourcils froncés. Pourquoi est-ce que tu l'envoies voir des psychomages ? Harry n'est pas fou !

- Parce que discuter avec son chien n'est pas suffisant, claqua Severus d'un ton qui fermait la discussion sur ce sujet.

Black s'apprêtait à répliquer mais Remus posa une main sur son épaule avec douceur et cela calma immédiatement le sorcier. Severus coula un regard équivoque au loup-garou qui rougit de plus belle. N'ayant que peu de temps pour lancer une quelconque boutade, il poursuivit :

- Il sait se servir de ses potions donc il n'y aura normalement pas de problèmes. Au moindre souci, vous pouvez me contacter par la cheminée. A n'importe quelle heure. Même si vous n'êtes pas sûrs, faites le. Je préfère être appelé pour rien. Il mange de tout et a bon appétit lorsque tout va bien. Il n'aime pas les brocolis sauf dans les tourtes avec du fromage et…

- Oh oh, coupa Black hilare. Doucement Rogue ! Harry a une langue aussi et saura échanger avec nous. Il va avoir quatorze ans, pas quatre.

- D'ailleurs à ce propos, l'anniversaire de Harry est dans quelques jours et on trouvait ça vache de ne pas t'inviter…

- Remus trouvait ça vache de ne pas t'inviter, moi je m'en fiche, répliqua Sirius dans un sourire narquois.

- Patmol, soupira Remus. Désolé, ajouta-t-il à l'adresse du maître des potions.

Mais Severus ne s'en soucia pas. Maintenant qu'il était adulte, il voyait bien la façon de faire chez l'animagus. Adolescent, son comportement l'exaspérait. Désormais, il se disait juste qu'il était sacrément lourdingue. Les yeux de Sirius pétillaient d'espièglerie. Il ne réfléchissait même pas au fait que cela pouvait vexer Severus. Ou peut-être savait-il trop bien que Severus n'en serait absolument pas touché et qu'il pouvait se permettre de jouer.

- Donc voilà, on va faire un anniversaire surprise à Harry et on pensait que tu voudrais venir, dit Remus.

- Que je voudrais venir à un anniversaire bruyant avec un tas d'adolescents shootés aux hormones et à l'été ?

- Tu vois ! Je t'avais dit qu'il allait répondre ça ! répondit Black.

Un brin agacé et pour le simple fait de contredire l'ancien évadé, le maître des potions découvrit ses dents, le regard rusé :

- Je me ferai un plaisir de venir. Et puis ça me permettra de voir que vous ne faites pas n'importe quoi avec mon protégé. D'ailleurs Black, si j'apprends que Harry est blessé ou qu'il s'est mis en danger par ta faute : je t'arrache les yeux.

Sirius Black leva les dits yeux au ciel, insolent. Mais Severus voulait être clair. La limite entre voir en Harry un filleul et James Potter pouvait sembler fine chez Black. Et Severus était très bien placé pour le savoir et même le comprendre.

- Qu'est-ce que tu comptes faire pendant tes vacances ? demanda Remus comme pour apaiser les choses.

- Je vais travailler sur quelques potions.

Il devait également voir Dumbledore mais cela, il se garda de le dire.

- Passionnant, répliqua Black moqueur.

- Et toi alors ? Tu comptes vivre sur le dos de Lupin jusqu'à ce que mort s'en suive ou tu vas te bouger ? attaqua-t-il aussitôt.

Un éclair de folie pétilla dans le regard de Black. Comme s'il se sentait vivant, comme s'il retrouvait ses repères. Severus claqua la langue contre son palais et se leva. Si l'autre n'était pas complètement borné, il lui aurait suggéré d'aller voir un psychomage. Seuls les idiots pensaient que douze ans en prison ne représentait rien dans une vie.

Black s'apprêtait à répliquer lorsque Harry déboula dans la cuisine les joues rouges.

- Alors Sirius ? Tu viens ?

- J'arrive ! répondit le concerné en se levant. A la prochaine Rogue !

Harry s'approcha de son tuteur dans un sourire joyeux.

- C'est chouette ici, dit-il.

- Je vais y aller. Je te souhaite de bonnes vacances.

- Ne travaille pas trop, répondit Harry dans un sourire.

Severus lui ébouriffa les cheveux en guise de réponse. Harry détala, répondant aux appels de l'animagus qui s'était transformé et aboyait à en réveiller les morts.

- Tu peux partir tranquille, je veille au grain, dit Remus.

- Je compte sur toi, le cabot ne semble pas avoir dépassé les quinze ans d'âge mental.

Remus laissa échapper un rire avant de tendre la main au maître des potions.

- Crois-moi, il est plus mature que tu ne le crois. C'est juste… Une carapace.

- Ça doit être ça, marmonna Severus tout en serrant la main de Remus.

- L'anniversaire commencera à quinze heures mais tu peux arriver plus tôt, tu es le bienvenu.

- C'est noté.

Et sur ces mots, Severus transplana.

oOo

La nuit était tombée sur la forêt de conifères. Depuis trois jours, Peter était un homme libre. Il avait survécu.

Il avait réussi à allumer un feu avec la baguette récupérée sur l'un des corps des gardes. Il avait gardé celle qui lui répondait le mieux. Ce n'était pas parfait mais cela faisait l'affaire. L'un des monstres grogna et Peter sursauta.

Son sauveur n'allait pas tarder à revenir.

Barty Croupton Junior.

Après l'évasion, l'homme avait peu parlé. Les questions se bousculaient sur les lèvres de Peter mais en bon survivant, il savait quand se taire.

Il avait donc suivi ce sorcier accompagné de ses trois monstres de compagnie qui lui obéissaient au doigt et à l'œil.

D'abord, ils s'étaient cachés dans une échoppe d'un village de sorciers. Croupton Jr. avait ordonné à Peter de se transformer en rat et de voler quatre fioles de polynectar. Peter s'était exécuté et l'avait retrouvé dans la forêt, comme convenu. Il était bon pour suivre les ordres sans réfléchir. Un parfait soldat.

Puis l'homme lui avait dit d'une voix froide :

- Il va être temps de faire tes preuves.

Peter était prêt, tel un chevalier noir. Il avait écouté attentivement les mots de son nouvel allié, son sauveur :

- On aura une bonne semaine devant nous avant que le Ministère ne s'inquiète, avait expliqué le revenant. Mon idiot de père a failli à ma surveillance mais il n'osera jamais le reconnaître quitte à étouffer deux trois disparitions. Il préfère sa carrière avant tout.

- Comment as-tu réussi à t'échapper ?

- Un peu grâce à toi Queudver. Le soir où tu as été attrapé, mon géniteur est parti dans la précipitation. Il me gardait enfermé depuis des années et…

- Mais je croyais que tu étais mort à Azk…

- Ne me coupe pas la parole ! avait craché Croupton, dangereux et impressionnant.

Peter s'était recroquevillé, secouant d'excuses sa tête.

- Mon père a fait en sorte que ma mère et moi échangions nos places. Il se fichait de son fils mais ma mère était tout pour lui. Elle était le pilier de notre famille. Lorsqu'elle s'est retrouvée au bord de la mort, elle a supplié mon père d'échanger sa place avec moi. Il a accepté. Il n'avait pas le choix. Elle dépérissait depuis mon emprisonnement à Azkaban et lui se sentait coupable. Un peu de polynectar, un père bien placé pour qu'on lui fasse confiance au point de ne pas le surveiller lors de ses visites en cellule et j'ai pu vivre librement dans ce manoir. J'aurais pu m'en satisfaire comme tu t'es satisfait de rester dans cette famille de traître à leur sang pendant douze ans. Lâche, ajouta-t-il d'un air de dégoût.

Peter n'avait pas répondu à l'insulte. A peine avait-il tremblé. Il était subjugué par le discours de Croupton Jr.

- Mais retrouver le Seigneur des Ténèbres n'est pas une mince affaire. Sauf que toi, tu as un pouvoir que je n'ai pas et on va s'en servir pour retrouver notre maître. Oh, ne me regarde pas comme ça Peter. Je suis certain que le maître sera plus que clément avec toi. En tout cas, tu auras moins à t'en faire que Malefoy, Crabbe, Nott ou Goyle, avait-il ajouté dans un rire froid. Mais nous verrons cela plus tard. Pour le moment, on doit cacher nos traces. Tu vas déclarer ta mort Pettigrow. J'ai choisi habilement les gardes qui devaient t'entourer. C'est fou comme un simple sortilège de soumission rend les choses bien plus facile. L'un d'eux avait déjà posé sa démission et quitté sa femme. Les deux autres sont célibataires, sans enfant et personne ne s'inquiétera de ne pas les voir. Je leur ai fait poser des congés pour les deux prochaines semaines mais je prendrais leur apparence pour qu'on les aperçoive un peu partout au Royaume-Uni. Selwyn m'a filé plus de fil à retordre. Tu devras te faire passer pour lui. Je compte sur tes talents d'acteurs. Après tout, tu as bien réussi à piéger tes meilleurs amis.

Il avait terminé son discours avec une grande claque dans le dos de Peter. Puis, il avait sorti du pain, coupé du saucisson et bu dans une gourde qu'il attachait à sa ceinture le reste du temps. Peter suppliait intérieurement que le sorcier veuille bien partager. L'homme avait alors donné quelques mets à ses acromentules qui, même si elles chassaient, ne crachaient pas sur les confiseries. Puis, il avait lancé les restes à Peter qui s'était jeté dessus.

- Sois en forme !

Et comme Peter s'était montré digne ! Il avait avalé le polynectar puis, comme lui avait demandé Croupton Jr., il avait joué le rôle de Selwyn à la perfection. Signant les documents à Azkaban puis filant dans la maison où vivait le garde. Il s'était fait voir des voisins comme avait exigé Croupton Jr. Enfin, il avait écrit une lettre, informant de sa démission.

Désormais, il attendait que Croupton Jr. s'occupe de Merlin savait quoi. Il était parti avec ses monstres depuis la matin. Peter avait pêché quelques poissons et cueilli des fruits. Lorsque Croupton Jr. revint, Peter commençait tout juste à piquer du nez. Le sorcier était seul, ses animaux de compagnie avaient disparu.

Peter ne demanda rien. Il ne préférait pas savoir. Ces bêtes lui fichaient une trouille monstre.

- Nous allons nous rapprocher de la ville dans la nuit, expliqua l'homme. Tu te transformeras en rat et là, tu chercheras des informations pour retrouver le maître. Pour le moment, dort.

Et Peter ferma les yeux, heureux d'être en vie et en si bonne compagnie : puissante, sûre d'elle et invincible.

oOo

Retrouver Horace Slughorn, malgré les courriers sans réponse, n'avait pas été compliqué pour Albus. Il suffisait de se trouver au bon endroit au bon moment.

Lorsqu'il s'agissait de son vieil ami, une soirée, de la bonne nourriture et du beau monde pouvaient être une excellente piste afin de mettre la main dessus.

Ce fut presque trop facile pour le directeur de Poudlard qui, au milieu de la cent-cinquante-neuvième cérémonie du Conseil d'Administration du Ministère de la Magie, trouva Horace prêt du buffet.

Il attendit une bonne heure avant de saluer le potionniste, savourant plutôt une discussion animée avec Babajide Akingbade et Alastor Maugrey. Ils eurent un échange passionnant sur les droits et la protection des créatures magiques.

- Il faut particulièrement renforcer la sécurité dans les forêts, dit Maugrey d'un ton bourru. Les centaures dénoncent un braconnage de plus en plus élevé.

Barty Croupton salua le groupe avant de fuir rapidement la conversation. De jour en jour, il paraissait de plus en plus nerveux. Albus Dumbledore tenta plusieurs fois de lire dans ses pensées - peut-être avait-il besoin d'aide - mais le regard fuyant de l'homme l'empêcha de saisir la moindre information.

Le Ministre de la Magie parada, s'arrêtant ça et là pour saluer les uns et les autres. Puis, vint le moment du discours. Evidemment, l'arrestation de Peter Pettigrow prit une grande part dans l'allocution de Cornelius Fudge.

- Ces derniers mois ont été difficiles et je tiens à remercier tout particulièrement nos différentes équipes d'Aurors qui ont su se mobiliser pour faire éclater toute la vérité sur cette nuit du 31 octobre 1981. C'est pour un avenir meilleur que le Ministère de la Magie a mobilisé toutes ses forces. Allant parfois, selon certains, au-delà des limites du raisonnable, nous avons su souder les alliances pour une paix commune. Ce sentiment de paix, que nous voulons durable et stable, a été renforcé hier matin par la mise à mort de Peter Pettigrow.

La majorité de la salle se mit à applaudir. Albus se contenta de boire un peu de jus de citrouille. Fudge attendit patiemment que le silence revienne, un sourire satisfait sur le visage.

- Nous devons regarder vers l'avenir. Afin d'éviter que les âmes ne s'égarent, le Ministère de la Magie prépare différents projets à la fois pour la population sorcière mais également pour la jeunesse. Cela va débuter dans un premier temps avec l'accueil de la prochaine coupe du monde de Quidditch !

Nouveaux applaudissements. Albus fit quelques pas vers le buffet, là où Horace écoutait le discours du Ministre avec attention. Le directeur de Poudlard tiqua lorsque le Ministre évoqua à nouveau la jeunesse sorcière. Que préparait-il ? Les laïus de Fudge étaient plutôt portés autour de l'économie et de la sécurité. Lorsque le sorcier eut terminé, tout le monde applaudit avec vigueur. Horace Slughorn n'avait pas vu arriver Albus et il sursauta lorsqu'il se retourna, prêt à se resservir.

- Oh Albus !

- Bonsoir Horace. Comment vas-tu ?

- Aussi bien que possible ! Je me fais vieux mais je suis toujours partant pour une soirée de ce genre, tu le sais bien, ajouta-t-il dans un rire.

Horace avait toujours eu le don d'assumer ses qualités comme ses défauts. C'était ce qui plaisait à Albus. Dans un sourire amical, il hocha la tête puis passa aux choses sérieuses :

- Il n'empêche que j'aurais aimé te voir bien avant.

- Je craignais que tu ne me proposes le poste de potions de Poudlard, avoua l'autre confus.

- Ah ? s'étonna faussement Albus.

- Et bien, tout le monde sait que Severus Rogue détient la garde du Survivant aujourd'hui. Je me disais qu'il aurait peut-être souhaité lever le pied pour se concentrer sur un travail moins contraignant.

Albus aurait pu se contenter de cette réponse. Il y avait un peu de vérité dans l'explication d'Horace. Mais la réalité était qu'il avait surtout peur qu'Albus lui demande un service. Il ne voulait pas s'embêter avec une quelconque mission prise de tête.

- Si nous allions nous promener ? Je meurs de chaud, suggéra Albus.

Horace grimaça, observa le buffet, puis le directeur de Poudlard et capitula, suivant le vieil homme.

oOo

- Les poules ont pondu douze oeufs ! lança Harry avec joie en entrant dans la cuisine, les bras chargés.

En quelques jours, il avait totalement pris ses marques au Moulin. Au début, il trouvait un peu étrange de voir son ancien professeur de Défense contre les forces du Mal en pyjama le matin mais Sirius avait le don de rendre toute chose normale.

- Sirius n'est pas avec toi ? demanda Remus qui terminait de plier le linge.

- Il promène les chèvres dans la forêt, expliqua Harry avant de s'installer à la table de la cuisine. Veux-tu de l'aide pour le repas de ce midi ?

- Non, je te remercie. Il est en chien ou en humain ?

- En chien évidemment, répondit Harry dans un sourire. Je crois que les chèvres l'écoutent mieux quand il est Patmol.

Remus se mit à rire. C'était quelque chose d'agréable à entendre et à voir. Depuis qu'il était au Moulin, l'homme avait l'œil bien plus joyeux qu'à l'époque de Poudlard. Peut-être était-ce la joie d'avoir retrouvé son ami d'enfance.

Les deux hommes avaient une si belle entente que Harry les trouvait beaux. Tout cet amour qui émanait d'eux lui apportait un sentiment de paix intérieure.

L'après-midi, alors qu'ils se prélassaient tous les trois sur la terrasse, Nymphadora Tonks leur rendit visite. Harry l'avait déjà aperçu quelques semaines plus tôt et il avait remarqué à quel point elle paraissait gentille. Elle serra Harry contre elle et il se sentit rougir comme une tomate, un peu gêné par tant de proximité.

- Je n'en peux plus ! dit-elle en s'affalant sur une chaise-longue. J'ai travaillé toute la nuit à la recherche de soi-disant braconniers.

- Et alors ? demanda avec intérêt Remus.

- Et alors rien, grinça-t-elle. Des animaux disparaissent d'après les centaures mais on ne trouve aucune trace.

- C'est peut-être juste les centaures qui vous mènent en bateau, suggéra Sirius.

- En attendant, ils envoient les bleus comme moi au casse-pipe !

- Courage, tu as bientôt terminé ta formation, dit Sirius dans un sourire.

- Combien de temps dure la formation d'Auror ? demanda Harry.

- Trois ans, si tu ne loupes pas une année, expliqua-t-elle.

- James était constamment sur les nerfs à l'époque de sa dernière année. Tu t'en souviens Lunard ?

- Oh que oui… En même temps Lily était enceinte, il n'avait pas intérêt à manquer son année.

- Et maman faisait quoi comme travail ?

- Soignante à domicile, dit Remus dans un sourire nostalgique. Et elle inventait des sortilèges à ses heures. Elle rêvait de les faire breveter. Ces années étaient très intenses.

- C'est clair ! appuya Sirius.

- Moi j'peux pas dire, j'avais six ans à tout casser.

Sirius éclata de rire et ébouriffa les cheveux de sa petite cousine.

- On se battait beaucoup, poursuivit Remus. Avec l'Ordre du Phénix, on avait tout un tas de missions à travers le Royaume-Uni et vers la fin, Dumbledore commençait même à prospecter au-delà de nos frontières car Voldemort prenait de plus en plus de pouvoir.

- James passait son temps sur le terrain au milieu des batailles, compléta Sirius. C'était bien utile pour les épreuves pratiques mais être Auror implique aussi des épreuves écrites.

- Oh pitié n'en parle pas ! supplia Tonks dans un soupir. Je déteste les études, ajouta-t-elle, plaintive.

- Voilà, ton père était exactement dans le même état.

Harry pouffa de rire et Sirius se redressa, le regard vif.

- Au moins Harry, si tu veux devenir Auror, tu pourras demander à Tonks d'être ton encadrante. Qu'en dis-tu Tonks ?

- Si je ne suis pas morte lors de ces fichus examens, pourquoi pas, gémit-elle, un brin dramatique.

- Il faudrait que Harry veuille faire Auror pour commencer, tempéra Remus d'une voix douce.

Tous les regards se tournèrent vers Harry qui pinça les lèvres, incapable de répondre. Il n'avait jamais réfléchi à ce qu'il voulait faire plus tard. Il n'avait même pas encore fêté ses quatorze ans !

- Franchement je n'en sais rien. Je ne me suis jamais posé la question de ce que j'allais faire dans plusieurs années.

- Tu as bien le temps d'y réfléchir, rassura Tonks dans un sourire indulgent.

- Je vais faire des citronnades, annonça Remus en se levant.

Tonks l'accompagna et Harry se retrouva seul avec Sirius qui soupira de bien-être.

- En tout cas, Tonks a raison. Il faut profiter de sa jeunesse. On ne sait pas quand tout peut basculer.

Harry opina du chef, signe qu'il comprenait.

- Et toi, qu'est-ce que tu vas faire à la rentrée ?

- Je vais chercher un travail supplémentaire, je suppose, répondit-il en regardant au loin. On risque d'avoir du mal à joindre les deux bouts avec la ferme.

- Tu vas rester au Moulin ?

- Si Remus veut bien de moi ici, dit-il dans un sourire. J'aimerais passer du temps avec les gens que j'aime. Je ne veux pas d'un travail qui prendrait tout mon temps et me rendrait seul. Mais cessons de parler de moi ! Toi, comment vas-tu ? As-tu hâte de rentrer en quatrième année ?

- Je me sens bien. J'ai hâte de retourner à Poudlard de manière générale. Je vais pouvoir progresser en duel, revoir Ron et Hermione…

- Cho Chang, ajouta Sirius dans un sourire complice.

Harry se sentit sourire tout seul et pinça les lèvres pour ne pas paraître trop idiot mais ses joues chauffèrent malgré tout.

- Si tu veux, je me transforme en chien pour cette partie !

Harry explosa de rire.

- C'est vrai que je t'ai vraiment tout raconté à ce sujet, je suis désolé.

- Ah mais non c'est génial ! Tu me fais penser à ton père, il ne savait pas du tout y faire avec ta mère. As-tu essayé de lui parler à cette Cho Chang ?

- Hein ? Non jamais de la vie !

- Mais où est donc passé ton courage de Gryffondor ?

- Euh… J'avoue être plutôt un Serpentard sur ce coup-là.

- Oh, ne sous-estime jamais un Serpentard dans sa capacité de séduction.

Harry leva les yeux au ciel dans un sourire.

- Parle moi plutôt de mes parents.

Sirius ne se fit pas prier deux fois.

oOo

- Bon alors ? s'impatienta Tonks.

- Alors rien, dit Remus en pressant un citron un peu trop fort.

- Attends, tu vas me dire que vous dormez ensemble et qu'il ne se passe rien ?

- Bah…

Si on excluait le fait que Sirius avait tendance à se coller à lui et passer une main autour de sa taille lorsqu'ils s'endormaient l'un contre l'autre, il ne se passait rien.

- Le problème c'est que Sirius a toujours été quelqu'un de très tactile et je suis incapable de savoir si c'est du lard ou du cochon ! J'ai l'impression qu'il ne se pose pas toutes ces questions.

Tonks était entrée dans la vie de Sirius et Remus comme un boulet de canon. Elle avait naturellement trouvé sa place dans ce nouveau trio. Elle possédait une aisance à faire cracher n'importe quel secret et dégageait une telle bienveillance que même Rogue aurait pu pleurer sur son épaule si elle le cuisinait un peu.

Elle avait constaté les sentiments de Remus pour Sirius très rapidement. Depuis, elle passait son temps à encourager le loup à se déclarer.

- Je suis sûre qu'il a des sentiments pour toi. Cela se voit comme un elfe de maison au milieu d'une cuisine ! répéta-t-elle pour au moins la troisième fois de la semaine.

- Oui bah ce n'est pas si simple !

- Il passe son temps à te tripoter !

- Sirius ne me tripote pas, répliqua Remus à voix basse, les joues brûlantes. Et je te l'ai dit, il a toujours été comme ça.

- Même avec vos autres amis ? demanda Tonks, croisant les bras sur sa poitrine.

Remus continua de s'acharner sur ses citrons, secouant la tête comme pour chercher ses mots. En réalité, elle marquait un point. Sirius était particulièrement à l'aise à l'idée d'être tactile. Fille comme garçon, il aimait prendre les gens dans ses bras sans distinction. Mais à Poudlard, Remus avait toujours le droit à une étreinte avant de dormir. Lorsqu'il revenait de l'infirmerie, Sirius était toujours là pour l'aider à marcher jusqu'à la salle commune et le mettre au lit. Un jour, James était tombé très malade. Il avait vomi ses tripes toute la nuit avec une fièvre du diable. Lorsque Remus avait suggéré de rendre visite à leur ami à l'infirmerie, Sirius avait refusé et argué que ça endurcirait James.

- Il évitera de faire du Quidditch torse-nu pour impressionner Lily la prochaine fois, avait-il dit.

Puis, il avait posé sa tête sur les cuisses de Remus en fermant les yeux, d'un geste naturel.

Le souvenir revenait par vagues et lentement, le loup-garou tourna la tête vers Sirius, l'observant quelques instants discuter avec Harry. Son sourire lumineux semblait prendre toute la place dans l'espace.

Se saisissant du broc de citronnade, Remus s'approcha du duo de sorcier et servit les garçons puis Tonks. Lorsqu'il tendit un verre à Sirius, celui-ci inclina son visage et plaça sa main avec affection sur la taille de Remus :

- Merci mon Lunard.

Le dit Lunard ne répondit rien et se contenta de s'hydrater car sa bouche était devenue subitement très sèche. Le coup de grâce arriva lorsque Tonks s'installa en face de Remus, un sourire quelque peu hautain sur le visage, l'air de dire "tu vois".

.

- C'était encore une bonne journée.

Sirius parlait à voix basse, allongé sur le lit. La fenêtre de la chambre était ouverte et les étoiles illuminaient le ciel. Remus s'installa à côté de lui, comme il le faisait depuis plusieurs jours.

- J'enverrai les invitations demain aux amis de Harry pour son anniversaire surprise. Tonks m'a proposé d'inviter ses parents.

- C'est une bonne occasion non ?

Sirius tourna la tête vers Remus. Aussi proche, sous le reflet des bougies, ses yeux oscillaient entre le gris et le bleu. L'appréhension se lisait aussi sur son visage.

- Je ne sais pas, avoua-t-il. Je n'ai pas revu Andromeda depuis plusieurs années. C'était ma cousine préférée mais lorsqu'elle a épousé un moldu, je n'ai jamais pu la revoir. Et puis la guerre a tout bouleversé. Je… Je crois que j'ai un peu peur, avoua-t-il.

Remus se tourna de sorte à pouvoir faire face à son ami. Il réfléchit un instant aux mots à prononcer puis finalement, il se contenta de lever sa main pour presser l'épaule de Sirius dans un geste de réconfort. Les yeux de l'animagus s'écarquillèrent un peu de surprise. Remus n'était pas des plus engageant dans les gestes physiques. Il fit alors courir sa main le long du bras de Sirius pour que leurs doigts se trouvent. Il serra fort la main du brun.

- Je serai avec toi, dit-il.

Remus ne loupa pas l'éclat de surprise qui illumina le visage de Sirius. Un spectacle que Remus accepta d'observer sans se cacher. Le nez fin, les mèches brunes qui tombaient sur ses longs cils, ses lèvres pleines et roses qui ne demandaient qu'à être embrassées. Et puis, il y avait tout ce que Sirius dégageait : l'audace, la joie, la vie, l'amour.

Et maintenant qu'il le regardait en face, il se rendait compte que Sirius l'avait toujours dévisagé de la sorte. Avec cette lueur profonde d'un amour sincère.

Comme s'il avait entendu dans ses pensées, le brun serra la main de Remus en retour.

Ils se mirent à rigoler en même temps. L'un comme l'autre pouvait briser cette complicité et passer le cap pour un nouveau départ. Mais ils semblèrent s'accorder implicitement pour décider que ce soir, ils se contenteraient de s'endormir l'un contre l'autre. Et cette fois, Remus n'eut aucune crainte à encercler Sirius de ses bras.

oOo

Severus s'était au départ demandé ce qui l'avait poussé à accepter une fête d'anniversaire surprise, bruyante, composée en majorité de Gryffondor.

Comme convenu avec Remus, il était arrivé quelques heures plus tôt afin d'aider pour la préparation de la fête surprise. Harry ne se doutait de rien et pensait qu'un simple repas avait été organisé pour son anniversaire.

Il avait été heureux de revoir Severus et Severus était heureux de retrouver son protégé en un seul morceau.

Puis, à quinze heures, les premiers invités arrivèrent. L'étonnement avait traversé le maître des potions lorsque Sirius avait fait preuve d'une organisation millimétrée à la seconde. Remus avait été chargé d'attirer Harry dans la grange, prétextant qu'il fallait nourrir les chèvres, puis les invités avaient pris place dans le salon. Les meubles avaient été dégagés en un coup de baguette et Severus avait activement participé à la mise en place d'un buffet.

Ron Weasley, sa petite-soeur et les jumeaux furent les premiers à arriver sur place en présence de leurs parents. Puis, Granger apparut, les bras chargés de gâteaux et bonbons moldus. Jusque là, rien de bien surprenant.

Mais tout à coup, Londubat et sa grand-mère arrivèrent en même temps que Finnigan, Thomas, Dubois et toute l'équipe de Quidditch de Gryffondor au complet. Black avait même jugé bon - en dépit du fait que les adolescents n'entretenaient que de simples rapports cordiaux - d'inviter les deux autres jeunes filles de Gryffondor : Brown et Patil qui avait amené avec elle son double bleu et bronze.

A cet instant, le maître des potions avait eu des sueurs froides et s'était calé dans un coin de la pièce, observant tout ce monde avec distance.

Le coup de grâce arriva lorsque Andromeda Tonks, son mari et sa fille sortirent de la cheminée.

Que faisaient-ils ici ? Quel rapport avec Harry ?

Plus tard, comme s'il avait lu dans ses pensées, Remus Lupin avait chuchoté que c'était le moment idéal pour Sirius de renouer avec les siens.

Harry avait écarquillé les yeux puis éclaté de rire lorsque ses amis hurlèrent et chantèrent pour lui.

Et si Severus avait au départ regretté d'avoir participé à cette surprise en voyant tous ces rouges et or débarquer les uns après les autres, il n'eut plus rien qu'une immense affection pour Harry lorsqu'il le vit souffler ses quatorze bougies.

Et ni les cris survoltés des adolescents, ni la musique martelant ses oreilles, ni les confettis qui se déposèrent sur ses épaules ne pouvaient y changer quoi que ce soit.

- Viens danser Rogue !

- Black, je te jure que si tu me touches, je t'envoie mon genou dans les parties pré-natales.

Le menacé offrit un sourire léger au maître des potions avant de tourner les talons pour s'approcher des jumeaux Weasley qui trafiquaient Merlin savait quoi. Ils tenaient dans leurs mains différentes friandises que le maître des potions n'avaient jamais vu jusqu'alors. Severus préféra ne pas se pencher sur la question, au risque d'entrer dans une colère noire.

- Un verre de rhum groseille ? résonna une voix qui le sortit de ses pensées.

En face de lui, un sourire timide accroché au visage, se tenait Andromeda Tonks. Il accepta le verre puis renifla discrètement, dans un réflexe habituel, afin de s'assurer que le liquide n'était pas empoisonné. Finalement il y trempa ses lèvres.

- Quelle fête, n'est-ce pas ? souffla la femme dont les yeux étaient étrangement similaires à ceux de Black.

Severus tenta par dessus tout de ne pas la comparer à cette Mangemort qu'il avait connu plus jeune… Mais elle en était son portrait craché. Au même instant, la marque sur son bras gauche lui envoya quelques picotements.

Il se reprit, refusant que des vieux démons viennent s'immiscer dans cette belle journée au point de lui procurer des hallucinations.

Il se lança dans une discussion de circonstance. Il n'y avait jamais trouvé grand intérêt mais au moins, il ne risquait pas de faire honte à Harry en restant dans son coin.

oOo

Depuis ses onze ans, les anniversaires de Harry rivalisaient de surprise d'année en année. A chaque fois, tout était plus beau, plus fort et plus chargé en émotion.

Il n'arrivait pas à croire qu'une année s'était déjà écoulée. Si on lui avait dit qu'un an plus tôt, Sirius Black était en réalité innocent et qu'il lui offrirait une fête d'anniversaire surprise, il ne l'aurait jamais cru.

Sirius avait eu là une idée géniale d'inviter les membres de l'équipe de Quidditch. Chacun avait pensé à apporter son balai et un match sauvage s'improvisa. Il n'y avait pas de vif d'or mais Olivier avait pensé à apporter un souaffle.

Ron observait le balai de Harry avec envie et au bout de quelques minutes, Harry mit pied à terre et lui tendit son Eclair de Feu.

- Vas-y, essaye le. Fais gaffe, Dean est bien plus doué que je n'aurai pu le penser.

Ron ouvrit la bouche tel un strangulot hors de l'eau, n'en croyant pas ses oreilles. Harry dut pratiquement mettre le balai dans les mains de Ron pour qu'il ose s'en saisir. Ginny, elle aussi au sol et attendant qu'un balai se libère pour jouer, resta bouche-bée.

- S'il se casse un bras, Fred et George vont bien se moquer de lui, déclara la rousse lorsque Ron prit son élan en poussant un cri de joie.

- Il se débrouille plutôt pas mal, déclara Harry en observant son ami voler.

Hermione poussa un cri de frayeur lorsque Ron la frôla d'un peu trop prêt alors qu'elle était en compagnie de Neville. Ils étaient restés au sol, peu enthousiastes à l'idée de planer dans les airs. Harry et Ginny éclatèrent de rire face à cette scène.

- Ron tu es bien trop maladroit ! Laisse-moi l'Éclair de Feu, tu vas voir ce que c'est que de bien voler ! lança Ginny. Euh… Enfin, si tu es d'accord, bien sûr, ajouta-t-elle rubiconde à l'adresse de Harry.

- Evidemment que tu peux, dit Harry dans un sourire.

La jeune fille se saisit du balai lorsque Ron mit pied à terre, un sourire bienheureux sur le visage.

- Incroyable ! dit-il dans une excitation proche de la démence avant de courir vers le buffet.

Harry rigola de voir son ami aussi fou qu'un chien à qui on aurait apporté un bel os.

- Pas mal ce balai, dit Parvati Patil en tendant un gobelet de jus de citrouille à Harry. Mais il n'y a visiblement que toi qui sait le manier.

Il répondit par un simple sourire.

- Tu veux l'essayer ? demanda-t-il finalement.

Parvati ouvrit ses grands yeux noirs avant d'éclater de rire.

- Oh non merci ça ira ! Je venais juste te remercier pour l'invitation à la fête et te souhaiter un bon anniversaire en personne.

Harry sourit, gêné. Si ça ne tenait qu'à lui, il n'aurait invité que Ron et Hermione. Sirius lui avait glissé à l'oreille que c'était génial d'avoir une grande bande de copains mais Harry n'en voyait pas vraiment l'utilité.

Il n'eut cependant pas besoin de faire la conversion, Parvati était un véritable moulin à paroles :

- Et puis c'est chouette de voir votre univers à Ron, Hermione et toi. On a parfois du mal à entrer dans votre cercle.

- C'est Sirius qui a pensé à vous inviter, répondit-il honnêtement.

Le regard de Parvati se voila un court instant avant de reprendre son air joyeux.

- Et bien il a bien fait, dit-elle dans un grand sourire avant de tourner les talons.

Harry resta confus quelques instants, incapable d'analyser la teneur de cet échange. Les filles pouvaient être vraiment bizarres quand elles s'y mettaient… Il préféra se concentrer sur le vol de Ginny.

Et Merlin ce que Ginny se débrouillait bien dans les airs ! Même les jumeaux ne trouvèrent rien à lui dire.

- Elle vole régulièrement le balai de ses frères lorsqu'ils sont absents pour jouer dans le jardin au Terrier, expliqua Hermione plus tard lorsque la plupart des invités s'en allèrent.

En petit comité, Harry se sentit un peu plus léger. Tout ce monde et ces émotions lui avaient donné mal à la tête.

Seuls les Weasley et Severus étaient encore présents. Il avait été proposé que Ron et Hermione passent la semaine au Moulin au plus grand bonheur du trio. Harry se savait bien trop gâté par son parrain mais toutes ces effusions de joie et de vie faisaient aussi beaucoup de bien à Sirius.

Affalés dans les canapés du salon, une musique douce berçait l'assemblée qui avait beaucoup trop mangé.

- Hé Lunard, tu te rappelles quand James avait essayé d'apprendre la chanson préférée de Lily ?

- C'était n'importe quoi, ricana Remus. Une musique moldue… Comment est-ce que ça s'appelait déjà ?

- Je ne sais plus…

- Dancing Queen de ABBA.

Si certains avaient commencé à somnoler, tout le monde se réveilla et porta son attention sur Severus Rogue. Car c'était lui qui avait pris la parole. Comme si tout était normal. Comme s'il se saisissait d'un instant pour rappeler que, lui aussi, avait connu Lily. Lui aussi, était là durant toutes ces années.

Harry eut envie de s'approcher de son tuteur et lui offrir un sourire encourageant pour lui indiquer qu'il avait tout à fait sa place ici. Mais l'homme fixait simplement Sirius d'un air indéchiffrable. Quelque chose sembla se jouer à cet instant mais Harry ne parvint pas à en saisir toute l'étendue. Puis, Sirius se mit à sourire de toutes ses dents, leva sa baguette et prononça :

- Accio.

Au milieu des étagères, un trente-trois tours en vinyle s'échappa. Remus se redressa immédiatement.

- Non mais j'y crois pas !

- Au milieu de toutes ces antiquités, on avait une chance sur deux de le trouver, dit Sirius dans un sourire victorieux.

Et tout à coup, comme un trou dans le temps, l'année soixante-seize s'appropria le salon. Harry pouvait apercevoir Lily et James flotter autour d'eux. Sirius se dandinait sur la piste de danse. Remus observait la scène dans un sourire indulgent. Severus s'était mis en retrait et regardait le tout de loin.

Puis, Sirius prit les mains d'Hermione et Ginny qui, hilares, se mirent à leur tour à danser. Les jumeaux se lançèrent dans une danse de poulet sous les encouragements de Sirius et Remus. Ginny ressemblait à une ballerine tant ses mouvements étaient gracieux à côté de ceux de ses frères.

Sirius essaya de motiver les derniers assis. Severus envoya un regard si noir que Sirius leva les deux mains en l'air sous les ricanements de Ron et Harry. Mr Weasley, qui avait rejoint la fête après son travail, convia Mrs Weasley pour un tour de piste. Ron, rouge tomate, supplia ses parents d'arrêter mais rien ne put briser leur bulle etl es empêcher de danser.

Finalement Harry céda aux appels de son parrain et entraîna Ron à sa suite. Ils avaient l'air bien maladroit mais il n'y avait personne pour se moquer réellement d'eux. Alors Harry se laissa aller et lorsqu'il vit Sirius entraîner Remus par la main, il se sentit parfaitement comblé.

oOo

Les plans avaient changé. Albus se le répétait depuis deux ans.

Pourtant, lorsqu'il pénétra dans les souvenirs d'Horace, faisant voler en éclat la moindre protection que le potionniste tentait d'ériger, Albus regretta que les choses se passent comme cela.

Harry aurait dû être le héros.

Pas lui, Albus, ni Severus Rogue, ni personne d'autre.

Et cela impliquait que Harry aurait dû chercher et trouver lui-même ces souvenirs. Albus aurait bougé les pions pour l'aider mais rien de plus. Cela était essentiel afin que l'Élu s'empare de son destin.

Mais tout avait changé et désormais, Albus devait composer avec la réalité qui l'entourait.

Il n'avait pas le choix que de porter le sort du monde sorcier sur ses épaules. Du moins, il ne s'était jamais donné d'autres choix que d'y arriver pour le bien commun.

C'était un excellent challenge et une extraordinaire aventure la plupart du temps. Mais soutirer des informations à un vieil ami n'était jamais des plus plaisants.

Néanmoins, ni lui, ni Severus ne pourrait mâcher le travail pour Harry éternellement.

De cela, Albus devrait s'en préoccuper plus tard.

Pour le moment, il avait un souvenir à analyser même s'il connaissait déjà l'étendue de ce qu'avait vu Horace Slughorn.

Les jambes tremblantes et la peur au ventre, il le savait déjà : Horace Slughorn avait donné la clé de l'immortalité à Tom Jedusor.

Et Harry en était un dommage collatéral.

oOo

Les invités étaient partis les uns après les autres. Remus avait envoyé le trio d'or au lit. Malgré les sept chambres disponibles, Ron et Harry avaient insisté pour dormir dans la même pièce.

Remus était remonté deux fois pour leur dire de se calmer et désormais, le Moulin était silencieux. Seuls les sifflotements joyeux de Sirius dans la cuisine résonnaient comme une douce mélodie. Remus s'approcha à pas de loup derrière Sirius puis le prit par la taille.

- Veux-tu encore danser mon Lunard ?

- Tu m'accompagnes donner de l'eau aux chèvres ?

Et dans une complicité silencieuse, ils y allèrent. Le ciel était parsemé d'étoiles. C'était probablement ce que Remus préférait au Moulin : les étoiles brillaient toutes les nuits.

Sirius déposait les seaux derrière la grange lorsqu'il appela Remus d'une voix pressante. Le cœur battant, le loup-garou s'attendait à découvrir quelque chose d'horrible mais Sirius pointait seulement du doigt un petit bosquet.

- Il y a des mûres sauvages !

Remus ouvrit la bouche outré, prêt à vilipender Sirius de lui avoir fichu la trouille puis, il s'approcha des fruits.

- Dire qu'on galère à faire pousser nos tomates, lâcha-t-il finalement.

- C'est exactement ce que j'allais dire ! La terre est fertile, c'est nous qui n'avons pas la main verte.

Remus tendit la main pour attraper un fruit et croqua dedans, les saveurs sucrées éclatant sur sa langue. Il attrapa une autre mûre et la fit rouler entre ses doigts. Puis, il releva doucement la tête, déterminé. L'attention de Sirius semblait ailleurs, il regardait au loin, par delà la forêt.

- Sirius, appela-t-il.

Les yeux bleus de Sirius s'accrochèrent aux siens. Remus approcha la mûre de la bouche de Sirius qui attrapa le fruit entre ses lèvres, sans quitter du regard le loup-garou dont le cœur vrombissait d'allégresse.

Il vit les yeux de Sirius quitter brièvement son regard pour chercher ses lèvres et sans plus réfléchir, Remus brisa le mince espace qu'il y avait entre eux pour l'embrasser.

oOo

Ron ronflait et Harry ne savait dire s'il ne dormait pas à cause du bruit, de son mal de tête lancinant ou de l'excitation de la journée.

Tournant encore et encore dans son lit, il hésita un instant à prendre une dose supplémentaire de potions d'aide au sommeil.

La psychomage avait été claire sur la prise de la potion : il devait diminuer petit à petit et ne pas modifier les dosages selon les jours comme il avait pu le faire auparavant. Elle parlait de protocole de soins.

Il chercha alors à se concentrer sur sa respiration. Inspirer, expirer. Une première fois, les muscles de Harry se détendirent. Inspirer, expirer. Sa tête se mit à tourner. Inspirer, expirer. Il semblait enfin s'endormir, tombant dans le coton familier du sommeil réparateur. Inspirer, expirer. Un flash, Peter Pettigrow accroupi devant lui. Inspirer, expirer. Il avait mal à la tête. Non, pas la tête. Sa cicatrice. Elle le brûlait tel un fer chaud collé sur son crâne. Inspirer… Expirer… Inspirer… Expirer… Pettigrow… Un serpent… Un homme…Expirer et puis… Comment faisait-on déjà ? Harry essaya de se réveiller. En vain. Comme si une masse s'écrasait sur lui. Il voulut crier. En vain. Comme si ses mots se coinçaient dans sa gorge. Et tout à coup, il se retrouva au milieu d'un cimetière, affolé.

.

Les émotions qui le traversèrent lui donnèrent envie de hurler. L'incompréhension d'abord et puis la terreur. Ces émotions-là étaient les siennes. Mais il y avait d'autres choses qui ne lui appartenaient pas. Il rampait au milieu des tombes, sur le sol humide et brûlant, glissant à toute vitesse autour de ce chaudron en ébullition. Il était tout autant excité qu'angoissé. Et si ça ne marchait pas ?

- Mon maître, mon maître est bientôt de retour, s'entendit-il dire, sa langue roulant dans sa bouche.

Puis, il se retrouva tout à coup enroulé dans un tissu avec la sensation de ne pas être plus haut que trois pommes. Quel était donc ce cauchemar ? Là aussi, il ressentit des émotions contraires. Ce n'étaient pas les siennes. La colère que les choses n'aillent pas assez vite et l'angoisse que tout capote.

Mais la tâche était plus aisée désormais. Harry Potter avait fait tomber lui-même ses protections. Il pourrait le toucher, il pourrait l'écraser. Et puis, il se chargerait de ce traître de Rogue avant de tuer un par un tous ceux qui s'étaient mis en dehors de son chemin.

Horrifié par ces pensées extérieures, Harry voulu fuir, paniqué. Mais il était incapable de bouger. Il était trop bien enroulé dans cette couverture. On le posa sur un siège. Les flammes dansaient autour du chaudron. Un homme encapuchonné tenait fermement une femme que Harry n'avait jamais vu. Mais dans sa tête, il savait que c'était une ennemie pour celui qui la regardait. Elle suait à grosses gouttes, des larmes au coin des yeux, le visage frappé de terreur.

- Je ne sais pas qui vous êtes, je vous promets que je ne dirai rien si vous me laissez partir, supplia-t-elle.

- Tais-toi sale ! grinça le mage à capuche.

A côté de lui se tenait un monstre à huit pattes. Pas tout à fait araignée géante, pas tout à fait scorpion, l'animal poussa un cri aigüe, comme prêt à dévorer n'importe qui sur son passage. Mais l'encapuchonné murmura à l'oreille de l'horrible bête et elle recula.

Harry ressentit une immense joie à l'idée d'avoir un partisan aussi puissant. Mais ce n'était pas lui qui ressentait cela et là encore, Harry s'affola, accablé par l'angoisse et l'impression de devenir fou. Oppressé par la crainte, sans aucune possibilité de fuir, il ne put qu'observer la scène.

Pettigrow lui faisait à nouveau face. Il s'inclina.

Puis, le rat s'approcha de la tombe la plus proche avant d'en ouvrir la stèle pour en sortir un os.

- L'os du père, prit en toute ignorance, dit-il en balançant ce qui ressemblait à un reste de fémur dans le chaudron.

Un sifflement aigüe résonna et Harry eut l'envie pressante de s'échapper par tous les moyens possibles. Dans un éclair de lucidité, le visage de son mentor, son gardien, son tuteur, se matérialisa dans son esprit. Il devait retrouver Severus. Quelque chose de grave se tramait.

- La chair du serviteur, volontairement sacrifiée.

Pettigrow leva sa main au-dessus du chaudron et la sectionna dans un hurlement de douleur. Harry sentit un frisson de plaisir pervers qui lui donna envie de vomir et de pleurer à la fois.

Severus… Severus… Où es-tu ? Pensa-t-il alors dans un sanglot. Son cœur palpitait d'horreur.

- Le sang de l'ennemi, pris par la force.

La jeune femme se retrouva entre les mains de l'encapuchonné qui lui trancha le cou sans aucune mesure et ses cris gargouillèrent dans le liquide vermeille qui l'étouffa. Pettigrow récupéra quelques gouttes de sang avant de les déposer dans le chaudron.

Il devait se réveiller, à tout prix ou il finirait lui-même par mourir d'effroi. Mais Pettigrow l'attrapa et avant de le jeter dans le chaudron prononça ces terribles mots :

- Le Seigneur des Ténèbres renaîtra !

Harry hurla, hurla, hurla.

Jusqu'à ce que son cri le réveille enfin. Des mains le tenaient fermement par les épaules. Il ne distingua que deux grands yeux bleus avant de retomber dans l'inconscience qui le mena à nouveau dans cet horrible cimetière.

La bête dévorait le corps de la femme.

- Harry !

Il ouvrit les yeux, Sirius avait disparu pour laisser place à Severus. Il voulu pleurer de soulagement mais gémit de terreur à la place, avant de repartir dans l'enfer de son esprit. Allait-il y rester enfermé indéfiniment ? Il fallait qu'il sorte de là !

Il voulait expliquer que Voldemort était revenu. Ce n'était pas un cauchemar !

Voldemort poussait des cris de joie. L'encapuchonné et Pettigrow se prosternaient.

Il se réveilla à nouveau. Une terreur indéfinissable lui empoignait la gorge. Ses joues étaient trempées. Il tremblait de la tête aux pieds et il sentit sa vessie se vider souslui sans qu'il ne puisse rien faire. C'était un désastre, une catastrophe. Il voulait dire qu'il fallait fuir, que le danger était imminent. Mais la peur s'amusait de lui, l'empêchant de reprendre le contrôle de son corps. Il chercha à s'accrocher à la réalité avec férocité, se battant pour tenir bon. Puis, son corps s'arqua et il entendit les cris de Severus qui se mélèrent aux paroles du Seigneur des Ténèbres.

- Nagini, nous retrouverons nos partisans plus tard. Laissons leur une chance de nous retrouver et de voir nos signes.

La bête terminait son festin dans des bruits gluants et visqueux. Affolé d'angoisse, Harry tenta à nouveau de sortir de ce cauchemar. En vain.

oOo

Lorsque Remus avait hurlé par la cheminée, Severus venait tout juste de retirer sa chemise. Il fixait avec effroi cette marque des ténèbres qui n'avait plus été aussi noire depuis longtemps.

- Il fait un cauchemar pas comme les autres, avait commencé à expliquer Remus.

Il n'écouta pas le loup-garou se confondre en excuses, disant que ce n'était peut-être rien. Il monta les marches quatre à quatre et n'eut qu'à suivre les hurlements de terreur pour savoir où était la chambre de son garçon.

- En bas, cria-t-il à l'adresse de Weasley et Granger qui se tenait sur le pas de la porte, les mines inquiètes.

Dans la chambre, les lumières grandes allumées, Sirius se trouvait auprès de Harry, lui tenant les épaules.

- Rogue ! Il y a quelque chose de pas net ! Je n'arrive pas à le réveiller. Il… Il dit des choses étranges.

Sans commune mesure, Severus poussa Sirius d'un coup d'épaule. Le teint pâle, les lèvres blanches et la sueur collant ses cheveux sur son front ridé d'une barre d'angoisse, Harry tremblait.

Severus l'attrapa fermement par les épaules.

- Harry !

Harry souleva ses paupières pour laisser apparaître deux orbes émeraudes vides de vie avant de briller d'épouvante. Avant même que Severus ne puisse dire quoi que ce soit, Harry repartit dans un tourbillon d'inconscience, ses yeux se révulsant dans un râle déchirant.

- Va me chercher une potion de réveil, troisième étagère en partant de la gauche dans mon salon ! beugla Severus. Harry, réveille-toi ! Harry !

Mais Harry, toujours les yeux clos, semblait comme emprisonné. La boule au ventre et la bouche sèche, Severus tenta quelques sortilèges pour comprendre quel mal saisissait son garçon. Mais au fond de lui, il le savait déjà. Et il eut la soudaine envie de se mettre en boule dans un coin de la pièce et de fondre en larmes.

Il se contenta d'appeler Harry encore et encore. Il ouvrit enfin les yeux puis éclata en larmes, se tortillant dans son lit, cherchant à s'échapper, tendant les bras vers l'avant comme pour se relever.

- Harry, je suis là, reste avec moi.

Le dos de Survivant s'arqua méchamment et il poussa un hurlement de terreur. Il aurait tout fait pour prendre sa place en cet instant. Il n'avait jamais vu Harry aussi effrayé et désespéré, incapable de reprendre le contrôle sur lui-même.

Remus arriva enfin, la potion en main. Severus débouchonna la fiole dans un silence uniquement entrecoupé des gémissements de Harry.

Severus relevait la nuque raide de Harry lorsque ce dernier éclata d'un rire froid qui le paralysa.

- Il faut appeler Dumbledore, lâcha-t-il d'une voix blanche.

Harry ouvrit la bouche et une goutte de sueur glacée dégoulina le long de la colonne vertébrale de Severus lorsque les mots aux tonalités polaires résonnèrent dans la pièce.

- C'est du fourchelangue n'est-ce pas ? demanda Sirius Black.

Severus ne répondit pas. C'était inutile. Il colla la fiole sur les lèvres de Harry et enfin il revint à lui en reprenant son souffle bruyamment. Il se redressa, chercha autour de lui puis, lorsqu'il vit Severus, s'effondra littéralement dans ses bras.

.

Il fallut une dizaine de minutes avant que Harry ne calme ses tremblements. Au bout d'un moment, il essuya ses larmes d'un revers de manche. Ses épaules se soulevaient encore un peu anarchiquement mais il ne pleurait plus. Son regard était au contraire déterminé.

- Il est revenu, lâcha-t-il d'une voix rauque. J'ai tout vu. J'ai essayé de protéger mon esprit mais c'était trop difficile…

Sa voix craqua et Severus se contenta de presser l'épaule de son protégé. Remus apparut dans l'encadrement de la porte, l'air grave.

- Dumbledore est en bas.

- On arrive.

Sirius posa une main affectueuse sur le crâne de son filleul avant de suivre Remus. Seul avec Harry, Severus l'observa sous toutes ses coutures. Ses joues avaient repris des couleurs mais ses yeux cernés de noir et son visage tendu laissaient deviner qu'il n'allait pas bien.

- Est-ce que tu préfères rester ici pendant que je vais m'entretenir avec Dumbledore ?

Harry secoua la tête.

- Reste avec moi, s'il-te-plait, dit-il dans un souffle comme s'il avait du mal à parler. Je vais descendre. J'ai juste besoin de cinq minutes. Il faut que je…, balbutia-t-il avant de laisser les mots mourir sur ses lèvres.

Severus opina du chef et resta silencieux quand il repoussa sa couverture pour l'aider à sortir de son lit. Il fut surtout inquiet de savoir dans quelle horreur Harry s'était retrouvé pour finir dans un tel état. Pour avoir assisté plusieurs fois aux exactions du Seigneur des Ténèbres, il avait une parfaite idée du genre de monstruosité auxquelles Harry venait d'assister. Il l'accompagna à la salle de bain, lui apporta des vêtements propres, changea les draps d'un coup de baguette puis attendit derrière la porte que Harry soit prêt.

Le garçon sortit rapidement. Ses yeux verts brillaient d'une toute nouvelle lueur : une énergie tenace chargée de résilience.

Ils s'observèrent de longues secondes, savourant les derniers instants de cet ère désormais morte. Ils savaient l'un comme l'autre que le monde d'hier n'était plus. Les choses allaient s'accélérer. La menace de la prophétie s'agitait autour d'eux. Harry inclina le menton et Severus murmura :

- N'oublie pas la promesse que je t'ai faite. Je suis avec toi.

Il descendit avec son protégé, une main tenant son épaule dans un soutien indéfectible.

Dumbledore se tenait debout dans le salon, l'air grave. A ses côtés, Sirius et Remus attendaient, leurs doigts entrecroisés comme pour se soutenir mutuellement dans l'horreur qui allait être annoncée.

Tout le monde avait plus ou moins compris ce qui s'était joué cette nuit mais personne n'osa piper mot. L'ambiance était pesante, une atmosphère de prudence inquiète flottait dans l'air. Les uns et les autres s'observaient. Albus Dumbledore caressait sa longue barbe. Lui aussi avait l'air épuisé. Mais contre toute attente, Harry prit la parole, devançant tout le monde :

- Il est revenu. Voldemort est revenu.

FIN DEUXIÈME PARTIE


Note de l'autrice : Et voilà ! Nous y sommes sur la fin de cette deuxième partie. Je n'arrive pas à croire que je suis déjà arrivée jusqu'ici ! Comme vous pouvez le deviner, la troisième partie s'annonce sport et plus mature. Les chapitres seront un peu plus courts en nombre de mots (autour de 5000 comme pour la partie 1). Publication courant premier trimestre 2024.

A bientôt :)