(Le Prince de Sang-Mêlé) Le Serment Inviolable


Malgré l'heure en milieu de pleine journée, le ciel ombragé ne permettait que peu au Soleil de percer, et de fait l'endroit au naturel lugubre et insalubre se présentait plus mouillé que lumineux. Les deux silhouettes drapées dans leurs manteaux tentaient au mieux d'éviter les quelques rares moldus qui passaient dans une rue ou une autre du lieu peu et mal fréquenté. Sur les deux sœurs, l'une demeurait résolue de se rendre jusqu'au bout de l'impasse, tandis que l'autre persistait à lui déconseiller. La confiance ne régnait pas entre eux. Pis, seule la haine se montrait. Qu'elle ait tué l'un de ceux qu'il détestait le plus n'y changeait rien. Après tout, il l'avait empêchée de torturer davantage l'autre. Elle usa, en dernier recours, de l'état de cette ville moldue pour insister une fois de plus.

« C'est sale, ce n'est pas fréquentable. Cissy, écoute-moi, n'y va pas. Vois où il vit, il ne coupe même pas les liens avec son infâme côté moldu. Ce Sang-Mêlé est indigne de… »

« C'est moi qui veux lui demander de l'aide. Pas l'inverse. Il n'y a plus de dignité dans l'affaire. Et il n'est pas moins puissant que toi. Ma décision est prise. C'est son parrain ! »

« Et je suis ta sœur. »

La mère déterminée frappa à la porte de la maison.

« Et sa tante. », insista l'autre.

L'homme semblable à un rat vint leur ouvrir. Comme il ne pouvait pas les refuser sur le palier, il fut obligé de les conduire jusqu'au salon, où Severus lisait le journal dans son fauteuil. Le maître des potions plia le papier, et les deux femmes baissèrent leurs capuches.

« Va-t'en Queudver. », ordonna-t-il. L'animal grimaça comme s'il allait refuser. Avant que le moindre son ne sorte de sa bouche, son actuel supérieur le repoussa et lui claqua la porte au nez d'un simple coup de baguette sans bouger de son fauteuil. Après seulement, il se leva, et invita la mère désemparée à s'asseoir, ce qu'elle fit.

« Ce que j'ai à dire est… délicat, et j'aimerais ta garantie que nous nous trouvions dans un endroit fiable. », déclara Narcissa.

« Eh bien, il y a Queudver, mais on ne compte pas les vermines, n'est-ce pas ? » Il agita une nouvelle fois sa baguette, et un bruit sourd se fit entendre de l'autre côté de la porte. « Queudver, arrête d'écouter à cette porte. » Il lança un nouveau sort, afin de sécuriser la pièce. « Il ne pourra plus nous entendre. Pose ça, Bella, on ne touche pas ce qui n'est pas à soit. »

L'autre femme, qui avait fait le tour de la pièce pour explorer, et qui avait effectivement pris un objet étrange pour l'étudier le reposa, tout en lançant une grimace à l'homme. « C'est ce que tu aurais voulu me dire pour Lily Potter, n'est-ce pas ? Dommage, tu étais mal placé. Elle n'a jamais été à toi… »

« Bella, s'il te plaît. », demanda sa sœur.

« Non. Je ne lui fais pas confiance. »

« Le Seigneur des Ténèbres lui fait confiance. »

« Le Seigneur des Ténèbres a tort. »

« Alors, dis-le-lui. », déclara Severus. « Dis-lui que j'ai réussi à le tromper, mais que toi, tu as vu clair dans mon jeu. Il t'écoutera. À moins, bien sûr, que tu ne lui aies déjà dit. »

À l'expression furieuse de Bellatrix, il avait vu juste. Elle hurla. « Je suis restée 14 ans à Azkaban à cause de toi ! »

« Comme je l'ai déjà expliqué au Seigneur des Ténèbres, Hagrid et Dumbledore sont intervenus trop vite pour que je puisse te faire disparaître. »

« Tu n'avais pas à m'attaquer en premier lieu. J'exécutais une mission du Seigneur des Ténèbres. »

« Tu l'exécutais mal, ce que le Seigneur des Ténèbres a déjà approuvé. »

« Tu as protégé cette Sang-de-Bourbe, oses le nier. »

« Le Seigneur des Ténèbres est déjà informé de ce fait. Dis-moi, avais-tu pour mission de t'en prendre à toute la famille, ou seulement de tuer le bébé ? »

« Il paraît que tu t'occupes de la mère, en tout cas. Elle n'est pas ici ? Je suis surprise. Je m'attendrais à la trouver dans ta chambre. Ou tu n'as toujours pas réussi à la conquérir ? C'est ça ? Le serpent n'arrive pas à obtenir ce qu'il désire ? »

« Tu avais promis de nous faire tuer, elle et moi, si je ne m'abuse. Pourquoi n'est-ce pas fait ? N'as-tu pas su trouver les mots pour convaincre le Seigneur des Ténèbres qu'il le fallait, ou que j'avais trahi ? »

« Comment as-tu pu t'en sortir après ça ? Comment peut-il encore te faire confiance ? Comment peut-il te croire ? »

« Parce que je suis utile, Bella, et même plus que toi. Je ne me suis pas fait presque avoir par des adolescents dès ma première mission. Pendant que tu croupissais dans ta cellule durant ces quatorze années, j'ai admirablement tenu mon rôle, et j'ai gagné la confiance d'un des plus grands sorciers de notre temps. Malgré tous ses défauts, on ne peut nier qu'Albus Dumbledore est un grand sorcier. Et c'est pour cela que vous êtes venus me voir. » Il tourna son attention vers son amie. « Je sais pourquoi vous êtes ici. »

« Le Seigneur des Ténèbres t'en a parlé ? » s'étonna Bellatrix, plus vexée encore. Tous la savaient éperdument amoureuse de Voldemort, autant qu'elle se montrait totalement indifférente à son époux. Et la belle sorcière devenait d'une jalousie extrême dès qu'un autre Mangemort semblait être apprécié de son maître. Elle voulait demeurer la favorite.

Narcissa sembla moins sceptique que sa sœur, et devint même plus soulagée, mais elle demeurait prudente. « Le Seigneur des Ténèbres lui-même m'a interdit d'en parler. »

« Alors tu ne devrais pas m'en parler. Pourtant, tu es là. »

« Ce n'est qu'un enfant… »

« Il devrait être fier. », moralisa Bellatrix tandis qu'elle tournait dans la pièce comme un lion en cage. « Et nous aussi. »

« Je ne peux faire changer d'avis le Seigneur des Ténèbres. Lucius a échoué, de la manière la plus magistrale qui plus est. Seul un idiot ignorerait qu'il s'agit de le punir. Les autres sauraient ce qu'il adviendrait si son fils échouait. Toutefois, il me serait peut-être possible d'aider Draco. »

« Merci. », souffla Narcissa, un pur et authentique sourire sur son visage.

« Ce sont des paroles vides. », contra Bellatrix.

« Draco est son filleul, Bella. »

« Il est dévoué à Albus Dumbledore, pas au Seigneur des Ténèbres ! Vous avez fait d'un infâme Sang-Mêlé le parrain de votre fils, un amoureux de Sang-de-Bourbe ! Qu'est-ce qui vous a pris à toi et Lucius, Cissy ? Était-ce juste le choix de ton mari, ou le tien aussi ? »

« Severus est un ami. »

« Non, c'est un espion, et un suivant d'Albus. Et regarde où il vit ! Il ne tente même pas de se joindre au monde sorcier à l'extérieur de Poudlard. Vous le considérez comme un ami ? Vous faites comme Albus ou les Weasley, vous vous amusez avec les Sang-de-Bourbe ? »

Severus prit la parole. « Mesure tes paroles, Bella. N'oublie pas que je ne suis pas moins Mangemort que toi. Et actuellement, je sers le Seigneur des Ténèbres mieux que toi. »

Elle se glissa malicieusement jusqu'à lui. « Pourtant, Queudver est ici pour te surveiller, non ? Pour s'assurer que tu ne fasses pas de bêtise, et que tu restes sur le droit chemin. Il vérifie que tu ne rencontres pas des personnes douteuses, n'est-ce pas ? »

Plus grand qu'elle, il n'abaissait ni le regard ni son visage pour la toiser. « Vraiment ? Il me semblait que le Seigneur des Ténèbres l'avait envoyé ici pour m'aider. »

« Il n'est pas ton larbin. »

« S'il était avec toi, le traiterais-tu différemment que la crasse sous tes souliers, Bella ? J'appelle un rat pour un rat. Étrangement, lorsque je lui propose de demander au Seigneur des Ténèbres une mission plus utile, plus honorifique, plus risquée pour lui, il décide que me devoir obéissance est bien plus approprié pour lui. Le Seigneur des Ténèbre sait le passif entre Queudver et moi. Penses-tu que la punition soit pour moi, ou pour lui ? »

Bellatrix se détourna, signe implicite qu'elle reconnaissait qu'il disait vrai. Elle se concentrait sur sa sœur. « Nous ne pouvons pas nous fier à lui. Qu'a-t-il fait pour le Seigneur des Ténèbres ? Il ne participe à aucun combat. Il sortirait sa baguette contre moi, mais pas contre nos ennemis ? Il parle, c'est tout. Il se protège toujours derrière Albus ou derrière le Seigneur des Ténèbres. Dès qu'il s'agira de passer à l'action, le serpent rentrera dans son trou. C'est un traître, et un lâche. »

Severus tourna un regard extrêmement froid vers elle. « Ta baguette, je te prie, Bella. » Pendant que la femme aux cheveux noirs le scrutait étrangement, il observa bien plus amicalement sa sœur. « Désires-tu que je prête serment ? »

L'expression de Narcissa vacillait entre espoir, reconnaissance, et peur. En tant que mère, elle ne pourrait être rassurée que s'il s'agissait bien de ce à quoi elle pensait. En tant qu'amie, elle le redoutait. « Quel serment comptes-tu faire ? »

« Il n'y a rien qui convaincrait ta sœur autre que le serment inviolable. »

« Tu risquerais… »

« Absolument rien, puisque je le respecterais. Il s'agit, comme tu l'as si souvent répété, de mon filleul. »

Bellatrix paraissait bien plus excitée qu'avant, très joyeuse de s'approcher avec sa baguette. « Lève-toi, Cissy. Et prenez vous le bras l'un l'autre. » Pendant que sa sœur se levait, elle murmura à l'espion, ses yeux brillants de certitude. « Tu ne le feras pas, n'est-ce pas. »

Severus et Narcissa se firent face, et se saisirent par le poignet. Bellatrix se mit en position pour sceller l'accord. « T'engages-tu, Severus Snape, à veiller sur Draco Malfoy pendant qu'il tentera de réaliser le souhait du Seigneur des Ténèbres ? »

Les deux amis ne se quittaient pas des yeux tandis que l'une attendait que l'autre lui promette de veiller sur son fils. « Je m'y engage. », déclara gravement l'homme. Une langue de feu jaillit de la baguette de Bellatrix, totalement abasourdie, et lia leurs mains, poignets et avant-bras ensemble. Narcissa n'avait pas douté de cela.

La folle, qui leur tournait autour quand elle attendait qu'il réponde, alla se placer derrière sa sœur pour appuyer son menton sur son épaule et fixer celui qui l'avait fait jeter en prison. « Et t'engages-tu à faire tout ce que tu pourras pour aider Draco ? »

« Je m'y engage. »

Une nouvelle langue de feu enchaîna leurs mains.

Bellatix vint chuchoter tout près de lui. « Si Draco devait échouer, t'engages-tu à remplir toi-même la mission que le Seigneur des Ténèbres a ordonné à Draco d'accomplir ? »

Narcissa continuait de l'observer, avec la détermination d'une mère qui veut sauver son enfant, et l'espoir qu'il accepte. Involontairement, Severus prit plus de temps à accepter avec toute la solennité possible.

« Je m'y engage. »


Quand sa mère entra dans sa chambre, Draco reposa sa plume à côté de son parchemin. Il se passa une main anxieuse dans sa chevelure qui nécessiterait qu'il se repeigne, et tourna son regard bleu nerveux vers la belle femme mûre. Elle s'approcha tendrement de son secrétaire, et lui offrit une étreinte qu'il ne refusa pas.

« Me voilà redevenu un enfant. », chuchota-t-il.

« Non, Draco, c'est normal. », répondit-elle doucement.

« Si Père me voyait, il serait encore déçu. »

« Draco, écoute-moi. », déclara-t-elle sévèrement. Elle lui prit le menton et le força à la regarder. « Ton Père n'est pas toujours le meilleur juge, ni l'homme le plus tolérant qu'il existe. Il peut-être dur, mais il t'aime toujours, et tu le sais. »

« Oui, Mère. »

« S'il savait ce que tu dois accomplir, il ne ressentirait pas la fierté de ta tante à l'idée que tu aies été choisi. Il réaliserait le danger, et craindrait pour toi, comme je m'inquiète. Il n'aime peut-être pas toutes tes actions, mais il t'aime toi. »

Draco ricana amèrement. « Ce sont nos choix qui font ce que l'on est. S'il n'accepte pas mes choix, il ne m'accepte pas, ne m'aime pas, ou ne me connaît pas, à toi de voir. »

Elle chuchota avec humeur. « Fais attention à ce que tu dis sous ce toit, Draco. Évite de citer Albus Dumbledore dans notre manoir. »

Il hocha la tête. « Bien, mère. J'essayerais. » Ça ne lui serait pas très difficile. Même s'il entendait souvent Neville citer le vieillard, il n'avait pas tendance à le faire lui-même.

« Il faut que tu saches que j'ai parlé à ton parrain. », annonça doucement sa mère.

Il s'inquiéta. « À quel sujet ? »

« Pour ton choix d'ASPIC. Il considère qu'il serait plus prudent de prendre toutes les matières qui t'intéressent et pour lesquelles tu as des capacités que de te restreindre pour une raison ou une autre, telle l'idée que tu ne pourrais pas suivre tous les cours intensifs. Mieux vaut prendre plus que moins. Tu pourras toujours abandonner une matière, même si c'est peu glorieux. Tu ne pourras en revanche pas rejoindre un cours au milieu de l'année ou l'année suivante. Essaye, et si tu n'y arrives pas, il pourra toujours te conseiller pour, en premier lieu, t'en sortir plus aisément, et en dernier recours, choisir les cours à laisser de côté. »

« Donc tu me conseillerais de tout prendre ? »

« Ce sont les conseils de Severus. »

Draco sourit faiblement. « Il voulait que je prenne l'astronomie l'année dernière. »

« Et le veux-tu ? »

« Si c'est utile pour ce que j'aime, c'est une nécessité dont je m'accommoderais. »

La femme sourit maternellement. « Alors choisis ce que tu veux, Draco. Rien n'est plus important que ton avenir. » Elle embrassa son fils sur le front. « N'oublie jamais, tu dois vivre pour faire de grandes choses. Tu dois tout mettre en œuvre pour obtenir l'avenir que tu désires. Et même si tu choisis autre chose que les traces de ton Père, je t'aimerais, et je te soutiendrais. »

Il rit doucement, ironique. « Même si je voulais marier une née-moldue ? »

« Là, je ne pourrais plus rien faire pour toi. », se moqua-t-elle.

Ils restèrent dans l'étreinte, sans mot dire, durant plusieurs minutes, jusqu'à ce que Draco murmure.

« Et si je voulais vraiment le faire ? »

Elle s'écarta pour le regarder sérieusement. « Faire quoi ? »

« Épouser quelqu'un de peu recommandable. »

« Je crains, Draco, que pour construire une famille, la famille l'accepte. »

« Pourrais-tu accepter mon choix ? »

Elle posa une main sur la joue de son fils. « Je ne sais pas, mon Draco. Je ne sais pas. Mais si tu l'aimes vraiment, elle ne doit pas être une mauvaise personne. »

Les lèvres de Draco s'étirèrent dans des tressautements d'hésitations pour atteindre une expression provocatrice. « Elle ? Qui a parlé d'une fille ? »

Sa mère mit ses poings sur ses hanches. « Draco Lucius Malfoy, là ça va trop loin. » Elle ne parvenait à cacher la totalité de son amusement sous son regard sévère. « J'apprécierais d'avoir des petits enfants. Et des qui posséderaient le sang de Black et de Malfoy. »

« J'essayerais de m'arranger avec ça alors. »