Chapitre 42:

Le trajet du retour à Poudlard se fit dans un silence pesant.

Rogue marchait d'un pas raide, le visage fermé, les doigts crispés autour de sa baguette. Brittany, quant à elle, avançait légèrement en retrait, le cœur encore battant trop fort dans sa poitrine. L'air nocturne était glacé, mordant, mais elle ne sentait rien. Tout tournait encore dans sa tête. L'attaque brutale de Lestrange. La rage de Rogue. Son regard meurtrier. Et leur baiser. Elle ne savait plus ce qui la bouleversait le plus.

Elle savait à quel point il était capable de froideur, de maîtrise, de contrôle absolu. Mais ce soir, elle avait vu un homme prêt à tuer. Elle aurait dû être terrifiée. Mais elle ne l'était pas. Ce qui l'effrayait le plus, c'était ce baiser. Ce baiser irréfléchi, brûlant, instinctif. Ce baiser qui n'aurait jamais dû avoir lieu.

Ou peut-être que si. Si, bien sûr que si. Elle en avait envie depuis plusieurs semaines maintenant. Mais le moment n'avait pas été vraiment bien choisi.

Elle n'osait pas lever les yeux vers lui. Et lui non plus ne la regardait pas.

Ils pénétrèrent dans Poudlard sans échanger un mot et se dirigèrent directement vers leurs appartements. La porte se referma derrière eux dans un bruit sourd, les enfermant dans ce silence oppressant, chargé d'émotions qu'ils refusaient d'affronter.

Brittany fit un pas en arrière. Elle ne savait même plus quoi faire de son corps. Elle voulait parler, briser cette tension, mais aucun mot ne lui venait.

Rogue, lui, avait le dos tourné. Il avait retiré sa cape d'un geste brusque et s'adossait au dossier d'un fauteuil, les doigts serrés autour du bois. Il ne savait même plus ce qui le mettait dans cet état. Était-ce la tentative d'agression ? La colère noire qui l'avait envahi à l'instant où il avait vu Lestrange la toucher ? Était-ce la présence de Voldemort, qui avait observé toute la scène avec amusement ? Ou alors… était-ce ce baiser ?

Il inspira profondément, essayant de calmer le tumulte dans son esprit. Il ne devait pas y penser. Il ne devait pas analyser la manière dont elle s'était accrochée à lui. Dont elle l'avait embrassé comme si sa vie en dépendait. Dont son propre corps avait répondu sans la moindre hésitation. Ce n'était qu'un accident. Non?

Un coup frappé à la porte les fit sursauter. Dumbledore.

Brittany se redressa immédiatement, essayant de lisser nerveusement les plis de sa robe. Rogue, quant à lui, raffermit sa posture et se passa une main sur le visage avant de se diriger vers la porte. Lorsqu'il ouvrit, le directeur les scruta un instant, ses yeux pétillants d'une curiosité bien trop vive pour cette heure tardive.

Ah, vous voilà.

Il entra sans attendre d'invitation, balayant la pièce du regard. Brittany et Rogue se tenaient éloignés l'un de l'autre, et Dumbledore ne manqua pas de le remarquer. Il nota aussi la façon dont aucun d'eux ne se regardait, comme s'ils évitaient quelque chose.

J'ai appris que vous étiez rentrés.

Il marqua une pause.

Vous vous êtes disputés ?

Brittany ouvrit la bouche, la referma, et détourna les yeux. Severus roula des épaules, agacé.

Ne dites pas d'absurdités, Albus. Nous sommes fatigués, c'est tout.

Dumbledore haussa un sourcil, visiblement peu convaincu, mais il ne fit aucun commentaire.

Comment s'est déroulée la soirée ?

Severus croisa les bras et répondit d'un ton neutre :

Nous ne sommes pas restés longtemps. Rodolphus Lestrange a tenté d'attaquer Brittany. Je suis intervenu, et nous avons préféré partir immédiatement. Rien de spécial à part cela.

Brittany releva la tête à ces mots. Rien de spécial ? Elle sentit son estomac se nouer. Alors, c'était ça ? Ce baiser n'avait donc rien de spécial pour lui ? Elle tenta de se raisonner. Elle aurait dû s'y attendre. Pour lui, ce n'était sûrement qu'une simple réaction sous l'effet de l'adrénaline, un accident sans conséquence. C'était d'ailleurs ce dont elle essayait de se convaincre pour elle-même quelques minutes auparavant. Alors pourquoi est-ce que cela l'avait piqué? Parce qu'elle savait, au fond, que ce n'était pas rien. Parce que quelques jours auparavant, elle avait enfin eu le courage d'admettre qu'elle l'aimait. Son regard se voila légèrement, et elle détourna les yeux avant que quiconque ne puisse le remarquer.

Etes-vous blessée, Brittany? Souhaitez-vous passer à l'infirmerie ? demanda le directeur avec douceur.

Elle secoua la tête.

Non, ça va. Il n'a pas eu le temps de me faire quoi que ce soit.

Bien. Tant mieux. Vous n'avez rien appris de particulier?

Rien du tout, Albus.

Alors je vais vous laisser. Passez une bonne nuit, tous les deux.

Il leur lança un dernier regard avant de quitter la pièce. La porte se referma dans un claquement léger. Le silence retomba.

Brittany resta immobile un instant, fixant le sol. Elle avait honte. Honte d'avoir espéré. Honte d'avoir cru, l'espace d'un instant, que cela avait pu signifier quelque chose. Honte de s'être laissée emporter, d'avoir ressenti un pincement au cœur simplement parce qu'il avait balayé leur baiser d'une phrase désinvolte. Sans un mot, elle tourna les talons. Elle devait s'éloigner.

Rogue l'observa se diriger vers sa chambre, notant la raideur de ses épaules, la manière dont elle serrait les poings. Il savait qu'elle était blessée par ses paroles. Et cela n'aurait pas dû le toucher. Il aurait dû la laisser partir. Il aurait dû… Mais il ne le fit pas. Au moment où elle posa la main sur la poignée de sa porte, il s'approcha d'elle. En deux pas, il fut derrière elle. Il l'attrapa par le poignet avec douceur, la forçant à se retourner.

Brittany releva les yeux, et il y avait tant de choses dans ce regard. Une incompréhension totale, une détresse à peine contenue, une douleur qu'elle s'efforçait de dissimuler. Et sans réfléchir, sans s'accorder le temps d'analyser quoi que ce soit…

Il l'embrassa.

Ce n'était plus un baiser de panique, ni un baiser sous le choc. C'était un baiser assumé. Un baiser qu'il choisissait de lui donner. Ses doigts glissèrent sur sa nuque, s'ancrant dans sa peau comme une promesse silencieuse. Brittany s'accrocha à lui sans même s'en rendre compte, répondant à ce contact comme si elle en avait désespérément besoin.

Lorsque leurs lèvres se séparèrent, ils restèrent un instant immobiles, leur souffle se mêlant encore dans l'espace ténu qui les séparait. Rogue fut le premier à parler, d'une voix rauque, à peine un murmure :

Ce n'était pas rien.

Brittany sentit son cœur rater un battement. Elle ne sut pas quoi répondre. Mais ce n'était pas grave. Car à cet instant, plus rien d'autre ne comptait que la chaleur de sa présence et le trouble indéfinissable qui flottait entre eux, promesse d'un avenir incertain mais irrémédiablement lié.

oOoOo

Dans son bureau, Dumbledore s'approcha de sa cheminée et activa les flammes vertes.

Il s'agenouilla avec difficulté, passa la tête dans l'âtre et prononça d'un ton grave :

Joshua, j'ai besoin de tes services. En urgence.