Chapitre 5 : Premières manœuvres
Isabella ouvrit la porte de l'appartement, les bras encore chargés des sacs de la boutique. Une odeur alléchante de sauce tomate mijotant et d'épices flottait dans l'air, lui offrant un bref moment de répit après une journée intense. Dans la cuisine, Emmett était concentré, une spatule à la main, vêtu d'un tablier noir qui semblait légèrement déplacé sur sa carrure imposante.
- « Ah, te voilà ! » dit-il en levant les yeux avec un sourire chaleureux. « Parfait timing. Le dîner est presque prêt. Tu veux un verre de vin ? »
Isabella déposa ses sacs dans l'entrée et s'avança dans la pièce, un peu surprise par cette attention inhabituelle.
- « Pourquoi pas. Ça me fera du bien. »
Emmett attrapa une bouteille de vin rouge posée sur le plan de travail et lui servit un verre, tout en continuant à remuer la sauce dans la casserole. Il lui tendit le verre avec un clin d'œil.
- « Un excellent millésime, promis. »
Isabella prit une gorgée, appréciant la chaleur du vin qui se répandait en elle. Pourtant, une pointe d'appréhension persistait.
- « Comment s'est passé ton entraînement ? » demanda-t-elle, cherchant à combler le silence.
Emmett sembla ravi de la question.
- « Épuisant, mais productif. On travaille une nouvelle stratégie pour la saison. »
Il continua, parlant de ses coéquipiers et des défis qu'ils affrontaient. Isabella écoutait distraitement, hochant la tête par moments, mais son esprit était ailleurs, encore marqué par les événements récents.
Après avoir ajusté la température de la plaque, Emmett se retourna pour s'adosser au comptoir, un sourire détendu aux lèvres.
- « Au fait, demain soir, il y a une soirée organisée par mon père. Je dois y aller, mais tu n'es pas obligée de venir si tu préfères rester tranquille. »
Isabella releva les yeux vers lui, surprise par sa nonchalance.
- « Une soirée importante ? »
Il haussa les épaules.
- « Pour lui, oui. Des partenaires d'affaires, rien de très excitant. Je peux m'en occuper. »
Elle prit une autre gorgée de vin, une vague d'amertume montant en elle.
- « Et le reste de la semaine ? » demanda-t-elle, essayant de cacher l'irritation dans sa voix.
Emmett sourit, comme s'il anticipait la question.
- « Eh bien, il y a une sortie entre copains jeudi soir. On va probablement se retrouver au bar habituel après l'entraînement. Ensuite, vendredi, j'ai une réunion avec l'équipe de gestion pour discuter des sponsors. Et samedi, il y a ce gala où je dois représenter l'équipe. »
Chaque mot frappait Isabella comme un rappel brutal de la distance croissante entre eux. Elle réalisa qu'il ne serait presque jamais à la maison cette semaine.
- « Donc, pas de soirée à deux, j'imagine, » murmura-t-elle, la voix teintée d'une pointe de sarcasme qu'elle ne parvint pas à cacher.
Emmett la regarda, un mélange de surprise et d'incompréhension dans ses yeux.
- « Hé, Isa, c'est temporaire. Les choses sont juste... chargées en ce moment. Mais ça ira mieux après la saison. »
Elle força un sourire, sentant son cœur se serrer.
- « Bien sûr. Je comprends. »
Emmett, rassuré par sa réponse, se retourna pour servir les pâtes. Mais Isabella, assise à la table avec son verre de vin, savait qu'elle comprenait plus que ce qu'il pensait : elle comprenait qu'elle était devenue une ombre dans sa vie, une présence silencieuse qui s'effaçait derrière ses ambitions et son quotidien surchargé.
Après avoir terminé le repas dans un silence ponctué de quelques échanges banals, Isabella se leva pour débarrasser la table, mais Emmett l'arrêta.
- « Laisse, je m'en occupe. Va te détendre. »
Elle acquiesça, un sourire poli sur les lèvres, et se dirigea vers la salle de bain. Une fois sous l'eau chaude, elle ferma les yeux, laissant les gouttes ruisseler sur sa peau. C'était son moment à elle, un court répit où elle pouvait baisser sa garde et laisser ses pensées déferler.
Les événements récents tournèrent en boucle dans son esprit : le visage sérieux d'Edward, ses paroles sur la reprise de contrôle, et la soirée qu'elle venait de passer. Puis, inévitablement, elle pensa à Emmett, à leur dîner étrange où il semblait si détaché. Une vague de tristesse monta en elle, mais elle l'étouffa rapidement.
Après s'être séchée et habillée d'un pyjama confortable, Isabella rejoignit Emmett au salon. Il était déjà installé sur le canapé, télécommande en main, parcourant les options sur une plateforme de streaming.
- « Tu veux regarder quoi ? » demanda-t-il sans détourner les yeux de l'écran.
Elle haussa les épaules, s'asseyant à l'autre bout du canapé, un coussin entre eux.
- « Choisis, je te suis. »
Il opta finalement pour un film d'action qu'elle avait déjà vu plusieurs fois avec lui. Le générique commença, et Isabella tenta de se plonger dans l'histoire, mais son esprit vagabondait encore. Emmett, visiblement épuisé, s'adossa confortablement, ses yeux se fermant à moitié à peine dix minutes après le début du film.
Elle tourna discrètement la tête vers lui. Son visage détendu aurait pu lui rappeler l'homme dont elle était tombée amoureuse, mais ce soir, elle ne ressentait qu'un mélange de frustration et de vide. Elle se leva doucement, ajustant le plaid qui couvrait ses jambes pour ne pas le déranger.
Dans leur chambre, Isabella s'allongea dans le lit froid et silencieux. Elle fixa le plafond, son esprit en ébullition. Chaque minute passée seule renforçait en elle une décision qu'elle n'avait pas encore osé formuler clairement : elle ne pouvait plus continuer ainsi.
Quand Emmett la rejoignit bien plus tard, elle faisait semblant de dormir, son dos tourné vers lui. Il s'allongea sans un mot, la fatigue l'empêchant probablement de remarquer son malaise. Isabella sentit la légère descente du matelas lorsqu'il s'installa, mais elle ne bougea pas, son cœur serré.
Sous les couvertures, elle se promit que les choses allaient changer. Ce n'était plus une option. C'était une nécessité.
Le lendemain dix neuf heures, Isabella se tenait devant son miroir, ajustant les plis de sa robe rouge élégante. La lumière douce de la pièce reflétait les reflets soyeux du tissu, un rappel vibrant de sa transformation en cours. Elle inspira profondément, tentant de calmer les battements rapides de son cœur. Le message d'Edward résonnait encore dans son esprit : ce gala n'était pas juste une soirée, mais une déclaration.
À 19 heures précises, Edward arriva devant son immeuble dans une berline noire aux vitres teintées. Il descendit pour l'accueillir, impeccable dans un smoking noir parfaitement taillé. Son regard s'attarda sur elle, et il esquissa un sourire approbateur.
- « Vous êtes parfaite, Isabella. Ce soir, le monde va vous voir telle que vous êtes censée être. »
Elle sentit un mélange d'anxiété et d'excitation monter en elle, mais hocha simplement la tête. Ils montèrent dans la voiture, et Edward lui expliqua brièvement le déroulement de la soirée.
- « Ce gala est une vitrine pour les grands noms de la technologie et des affaires. Vous serez observée, analysée. Mais souvenez-vous : vous n'avez rien à prouver. Vous êtes déjà remarquable. »
Ces mots, bien qu'apaisants, la mirent aussi sous pression.
À leur arrivée, la vue de l'imposant bâtiment illuminé et du tapis rouge bordé de photographes lui coupa le souffle. Edward sortit en premier et lui tendit la main, qu'elle accepta avec hésitation. Les flashs crépitèrent aussitôt qu'elle posa un pied dehors.
Edward, calme et assuré, posa une main légère sur le bas de son dos pour la guider.
- « Tenez-vous droite, regardez devant vous. Vous êtes ici pour être admirée, pas jugée. »
La salle principale était grandiose : un plafond orné de lustres scintillants, des tables élégamment dressées, et un murmure constant de conversations animées. Isabella sentit les regards se tourner vers eux à leur entrée. Les yeux curieux et parfois critiques glissèrent sur elle, mais Edward lui lança un regard encourageant.
Edward commença à la présenter à ses contacts.
- « Messieurs, je vous présente Isabella Swan. Une femme qui, je suis certain, marquera bientôt les esprits dans bien des domaines. »
Les sourires polis de ses interlocuteurs trahissaient leur curiosité. Isabella, bien que nerveuse, répondit avec assurance, laissant Edward diriger les échanges tout en observant attentivement.
Lorsqu'ils furent seuls un instant, elle murmura : « Je me sens comme un poisson hors de l'eau. »
Edward, un éclat amusé dans les yeux, répondit doucement : « Et pourtant, ils vous regardent comme si vous apparteniez à cet endroit. Croyez-moi, Isabella, vous êtes exactement là où vous devez être. »
La soirée avançait, et Isabella commençait à se détendre. Lors d'une pause, Edward l'amena près d'une table haute où des coupes de champagne étincelaient sous les lumières.
- « Vous voyez ces regards ? » dit-il en inclinant légèrement la tête. « Certains vous admirent. D'autres vous envient. Et quelques-uns se demandent qui vous êtes et pourquoi vous êtes ici. »
Isabella suivit son regard. Il avait raison. Elle se tenait droite, ses doigts effleurant le bord de sa coupe, consciente de l'aura qu'Edward et elle dégageaient ensemble.
- « Et vous ? » demanda-t-elle, légèrement provocante. « Que pensez-vous de tout ça ? »
Edward posa son verre et la fixa intensément.
- « Je pense que ce n'est qu'un début, Isabella. Ce soir, vous avez commencé à montrer au monde que vous n'êtes pas une femme qu'on ignore. »
Cette déclaration, si simple mais si puissante, fit naître en elle une confiance nouvelle. Pour la première fois depuis longtemps, elle se sentit vue – et non pour son rôle de fiancée, mais pour qui elle était réellement.
La soirée semblait flotter dans une bulle de conversations feutrées, de rires élégants, et du cliquetis des verres de champagne. Isabella, entourée par un petit groupe d'invités captivés par Edward, se mêlait à la discussion avec une aisance qui l'étonnait elle-même. La robe rouge qu'elle portait semblait être devenue une armure, lui donnant une présence qu'elle n'avait jamais ressentie auparavant.
Mais alors qu'elle balaye la salle du regard, son cœur manque un battement. À l'autre bout de la pièce, entouré de son père et de figures politiques influentes, se tenait Emmett. L'assurance habituelle de son fiancé semblait vaciller brièvement lorsqu'il posa les yeux sur elle. Leurs regards se croisèrent, et dans ceux d'Emmett, elle distingua un mélange de surprise et d'incrédulité.
Edward, toujours attentif, perçut immédiatement le changement dans l'attitude d'Isabella. Sans interrompre sa conversation avec le groupe, il posa une main subtile mais rassurante sur le bas de son dos.
- « Souvenez-vous, vous êtes en contrôle, » murmura-t-il doucement à son oreille, sa voix calme contrebalançant le tumulte intérieur d'Isabella.
Elle hocha imperceptiblement la tête, inspirant profondément pour calmer les battements désordonnés de son cœur. Mais son répit fut de courte durée : Emmett s'excusa auprès de ses accompagnateurs et traversa la salle pour venir à leur rencontre.
- « Isabella, quelle surprise de te voir ici, » déclara-t-il, un sourire étirant ses lèvres, bien que ses yeux trahissent un certain inconfort. « Tu es magnifique ce soir. »
Isabella répondit avec un sourire poli, maîtrisant l'avalanche d'émotions qui menaçait de la submerger. Elle savait que cette interaction était une épreuve, un test de sa nouvelle résilience.
- « Merci, Emmett. Je ne m'attendais pas non plus à te croiser, » dit-elle, sa voix douce mais empreinte d'une assurance qu'elle ne ressentait pas encore totalement.
À ses côtés, Edward se redressa légèrement, son charisme imposant prenant toute la place dans l'échange. Il tendit une main à Emmett, son expression empreinte d'une courtoisie glaciale.
- « Emmett. Cela fait un moment. »
La tension entre les deux hommes était palpable, comme un courant électrique invisible. Emmett serra brièvement la main d'Edward, mais évita soigneusement de le regarder dans les yeux. Isabella observa cette interaction, intriguée. Elle pouvait presque sentir le poids d'une histoire non dite entre eux.
- « Alors, Isabella, » reprit Emmett, ignorant délibérément Edward, « tu es ici pour affaires ou... ? »
- « Edward est en lien avec la maison d'édition... il m'a invitée, » répondit-elle simplement, son ton calme masquant la satisfaction qu'elle éprouvait à voir Emmett légèrement déstabilisé. « C'est un événement fascinant, plein d'opportunités. »
Edward, un léger sourire en coin.
- « Isabella s'intègre parfaitement dans ce genre de milieu. Elle a un instinct naturel pour naviguer parmi les meilleurs. »
Cette remarque, bien que neutre en surface, portait une charge implicite que seul Emmett semblait capter. Il esquissa un sourire crispé et hocha la tête, comme pour masquer son malaise.
Après quelques mots supplémentaires, Emmett prétexta devoir rejoindre son père. Il s'éloigna, mais Isabella sentit son regard peser sur elle une dernière fois avant qu'il ne disparaisse dans la foule.
Edward se tourna vers elle, son expression indéchiffrable.
- « Vous avez bien géré. »
Elle soupira, relâchant enfin la tension qui s'était accumulée dans son corps.
- « Merci... mais je sens qu'il y a quelque chose entre vous deux que je ne sais pas encore. »
Edward la fixa un instant, son regard s'assombrissant légèrement.
- « Tout viendra à son temps, Isabella. Ce soir, l'important est que vous ayez prouvé que vous êtes plus forte que vous ne le pensez. »
Isabella acquiesça, son esprit tourbillonnant de pensées et d'interrogations. Pour la première fois, elle sentit qu'elle n'était plus une spectatrice dans l'histoire d'Emmett – elle commençait à écrire la sienne.
La lumière tamisée de la salle de gala baignait la piste de danse d'une élégance intemporelle. Les couples, parés de leurs plus beaux atours, tournaient doucement sur les notes suaves d'un orchestre en direct. Edward tendit une main vers Isabella, son regard empreint de confiance.
- « M'accorderiez-vous cette danse ? » demanda-t-il d'un ton courtois mais déterminé.
Isabella hésita une fraction de seconde avant de glisser sa main dans la sienne. Il la guida sur la piste avec une aisance naturelle, attirant les regards intrigués des invités. Dès qu'ils commencèrent à danser, elle fut surprise par sa maîtrise. Edward bougeait avec une grâce assurée, chaque pas parfaitement synchronisé avec la musique.
Isabella, bien que novice en la matière, se laissa guider, ses mouvements devenant de plus en plus fluides. Mais au-delà des gestes, elle sentit une tension invisible entre eux, une conversation silencieuse où chaque regard et chaque geste semblait porteur de sens.
- « Tu avais prévu qu'il soit là, n'est-ce pas ? » murmura-t-elle, ses yeux fixant les siens tandis qu'ils tournoyaient doucement.
Edward sourit, un sourire énigmatique qui ajoutait à son aura mystérieuse.
- « Disons que j'avais mes suspicions. Mais ce n'est pas important. Ce qui compte, c'est que tu as réussi à garder ton sang-froid. Et crois-moi, il a remarqué. »
Les mots d'Edward résonnèrent en elle. Elle jeta un coup d'œil vers l'autre bout de la salle, où elle avait vu Emmett plus tôt. Bien qu'il ne fût plus visible, elle savait qu'il avait observé leur danse. Une vague de satisfaction mêlée de détermination monta en elle. Ce moment n'était pas seulement une manière de provoquer une réaction chez Emmett ; il s'agissait de reprendre une partie de son pouvoir, de montrer qu'elle n'était plus enfermée dans son ombre.
Edward semblait lire dans ses pensées.
- « Tu comprends, n'est-ce pas ? Ce n'est pas une question de vengeance. C'est une question de montrer qui tu es vraiment. Pas pour lui, mais pour toi. »
Isabella releva légèrement le menton, un éclat nouveau dans ses yeux.
- « Et si je ne suis pas sûre de savoir qui je suis encore ? »
Edward la fit tourner, sa main ferme mais douce dans la sienne.
- « Alors laisse-moi te montrer. »
La musique changea, devenant plus rapide, et Edward adapta leurs mouvements sans effort. Isabella sentit les regards sur eux, mais au lieu de s'en sentir intimidée, elle se surprit à savourer cette attention. Elle était à la fois nerveuse et exaltée, consciente que ce moment marquait une nouvelle étape dans sa transformation.
Quand la danse prit fin, Edward la guida hors de la piste avec la même élégance. Des murmures discrets et des regards admiratifs les accompagnaient.
- « Tu vois, » dit Edward alors qu'ils regagnaient le bord de la salle. « Ce soir, ce n'était qu'un début. »
Isabella, le souffle court, comprit qu'elle venait de franchir un pas décisif. Elle n'était plus simplement une spectatrice dans sa propre vie – elle commençait à en devenir l'actrice principale.
La brise fraîche de la terrasse contrastait avec la chaleur feutrée de la salle de gala. Isabella et Edward étaient seuls, leurs silhouettes découpées par la lumière des lanternes suspendues. La ville en contrebas scintillait comme un tapis de joyaux, mais Isabella avait les yeux fixés sur Edward.
Elle brisa le silence, sa voix teintée d'un mélange de curiosité et de méfiance :
- « Qu'est-ce qu'il t'a fait exactement, Edward ? Pourquoi cet intérêt pour... moi, pour lui ? »
Edward, adossé à la balustrade, resta silencieux un instant, le regard fixé sur l'horizon. Le vent jouait doucement avec les mèches de ses cheveux impeccablement coiffés. Isabella sentit que la question le touchait plus qu'il ne voulait l'admettre.
Finalement, il parla, sa voix plus basse, presque un murmure :
- « Disons simplement qu'Emmett et moi avons eu un conflit d'intérêts. À une époque, nous étions... partenaires. On avait des objectifs communs, une confiance mutuelle. Puis il a fait un choix. Celui qui lui rapportait le plus. »
Isabella plissa les yeux, essayant de déchiffrer ses mots.
- « Quel genre de choix ? »
Edward tourna légèrement la tête vers elle, un sourire sans joie étirant ses lèvres.
- « Un choix qui a détruit ce que j'avais construit. Professionnellement, personnellement. Peu importe les détails, Isabella. Ce que tu dois savoir, c'est qu'il ne recule devant rien pour atteindre ses objectifs, même si cela signifie marcher sur ceux qui lui font confiance. »
Isabella sentit une pointe de douleur dans ses mots, dissimulée sous une façade d'assurance. Elle comprit que cette histoire n'était pas simplement une rivalité professionnelle. Il y avait une trahison plus profonde, plus personnelle.
- « Et maintenant, tu veux te venger, » dit-elle doucement, presque comme une accusation.
Edward se redressa, plongeant son regard dans le sien.
- « Je veux lui faire comprendre qu'il ne peut pas toujours s'en sortir. Mais ce n'est pas seulement pour moi. Tu mérites de voir qui il est vraiment. »
Isabella croisa les bras, son esprit en ébullition. Elle voulait comprendre Edward, mais elle ne pouvait s'empêcher de douter.
- « Et si je ne veux pas jouer à ce jeu ? »
Edward fit un pas vers elle, réduisant la distance entre eux, mais sans jamais envahir son espace.
- « Alors on ne joue pas. C'est toi qui choisis, Isabella. Ce soir, tu as déjà montré que tu pouvais être bien plus que ce qu'il imagine. Mais si tu veux que ça s'arrête là, je respecterai ta décision. »
Le vent fit voleter un pan de sa robe, et elle détourna le regard vers la ville, réfléchissant. Elle sentait en Edward un mélange troublant de sincérité et de manipulation, mais elle devait admettre qu'il avait raison sur un point : Emmett l'avait trahie, et continuer à ignorer cela ne changerait rien.
Elle se tourna vers Edward, son expression indéchiffrable.
- « Alors, qu'est-ce qu'on fait maintenant ? »
Un éclat de satisfaction traversa brièvement son regard, mais il répondit calmement :
- « Maintenant, tu deviens celle qu'il regrettera d'avoir sous-estimée. »
Les mots flottèrent dans l'air comme une promesse, et Isabella se sentit à la fois effrayée et étrangement déterminée.
La soirée touchait à sa fin, mais l'ambiance restait chargée d'une intensité sous-jacente. Les invités discutaient encore dans des cercles serrés, les rires feutrés et le cliquetis des verres résonnant dans la grande salle. Isabella, un verre d'eau pétillante à la main, promenait distraitement son regard à travers la pièce lorsqu'elle aperçut Emmett. Il était debout, légèrement penché vers son père, discutant avec une gestuelle marquée.
Quelque chose dans leur langage corporel attira son attention. Emmett paraissait tendu, sa posture raide, son visage durci par une colère contenue. Son père, en revanche, semblait plus distant, comme s'il essayait de garder le contrôle de la conversation. Isabella ne pouvait entendre leurs mots, mais elle sentit que leur échange n'était pas une simple discussion familiale.
Une pensée l'effleura : Est-ce que ma présence ici, avec Edward, a quelque chose à voir avec cette tension ?
Elle repoussa rapidement l'idée, mais un petit sourire se forma malgré elle. Pour la première fois depuis longtemps, elle sentait qu'elle n'était pas qu'une spectatrice passive de sa propre vie.
Alors qu'elle et Edward se dirigeaient vers la sortie, prêts à quitter cette soirée riche en émotions, elle entendit une voix familière derrière elle :
- « Isabella. »
Elle se retourna et vit Emmett qui les rattrapait à grands pas. Il semblait agité, presque désespéré.
- « On peut parler, Isabella ? En privé ? » demanda-t-il, son regard insistant fixé sur elle.
Isabella ouvrit la bouche pour répondre, mais avant qu'un mot ne puisse franchir ses lèvres, Edward intervint d'un ton mesuré, mais ferme :
- « Je suis désolé, Emmett, mais Isabella et moi avons déjà des plans. Elle reste mon invité. »
La tension entre les deux hommes était palpable, comme une corde tendue prête à se rompre. Emmett fixa Edward avec une mâchoire serrée, visiblement frustré par cette interruption.
- « Je ne parlais pas à toi, Edward, » répliqua-t-il, son ton glacial.
Edward haussa un sourcil, un sourire calme mais provocateur jouant sur ses lèvres.
- « Non, mais tu devrais peut-être écouter. Isabella n'a pas à être à ta disposition chaque fois que tu claques des doigts. »
Isabella sentit son cœur s'accélérer, non seulement à cause de l'échange tendu, mais aussi parce qu'elle savait que tous les regards proches étaient maintenant braqués sur eux.
Prenant une profonde inspiration, elle posa une main légère sur le bras d'Edward pour indiquer qu'elle était prête à partir.
- « On discutera à la maison, » dit-elle doucement, mais avec une assurance qu'elle ne se connaissait pas.
Emmett recula, incapable de cacher sa frustration.
- « Bien sûr, » murmura-t-il, mais son regard resta fixé sur elle tandis qu'elle sortait aux côtés d'Edward.
Dans la voiture qui les ramenait, Isabella resta silencieuse, perdue dans ses pensées. Elle savait que ce moment était une victoire, même minime, dans ce jeu d'apparences. Mais elle comprenait également qu'il marquait le début d'un long affrontement.
Edward, assis à côté d'elle, brisa le silence.
- « Il est déjà déstabilisé. Et ce n'est que le début. »
Isabella tourna la tête vers lui, le regard indéchiffrable. Elle n'était pas encore certaine d'être prête pour ce jeu. Mais une chose était claire : elle ne laisserait plus Emmett ou qui que ce soit contrôler son histoire.
Dans l'élégante voiture qui les ramenait chez elle, Isabella regardait la ville défiler à travers la vitre. Les lumières des réverbères dansaient sur son visage, éclairant tour à tour ses traits pensifs. Edward, assis à côté d'elle, l'observait discrètement.
Le silence entre eux était lourd, mais pas inconfortable. Finalement, il se pencha légèrement vers elle, sa voix calme rompant la tranquillité :
- « Alors ? Qu'as-tu ressenti en le voyant ce soir ? »
Isabella détourna son regard de la fenêtre et fixa ses mains posées sur ses genoux. Elle resta silencieuse, hésitant à mettre des mots sur ce tumulte d'émotions. Mais quelque chose en elle s'ouvrit, peut-être à cause de l'intensité tranquille d'Edward, ou de l'assurance qu'elle commençait à découvrir en elle-même.
- « De la colère, » finit-elle par murmurer. Elle releva les yeux, cherchant son regard. « Mais aussi… de la liberté. »
Edward inclina légèrement la tête, une lueur de satisfaction dans ses yeux.
- « Alors nous sommes sur la bonne voie, » répondit-il avec un sourire presque imperceptible, mais empreint d'assurance.
Isabella sentit un frisson la parcourir, non pas d'incertitude, mais d'excitation. Elle comprenait que ce qu'elle vivait en ce moment était une transformation, un moment charnière où elle reprenait la main sur son destin.
La voiture ralentit devant sa maison ou plutôt celle de son fiancé, et Edward sortit pour lui ouvrir la porte avec une élégance calculée. Elle descendit, se tenant droite, la tête haute. Alors qu'elle se tenait sur le trottoir, prête à regagner sa demeure, Edward l'arrêta d'un regard.
- « Rappelle-toi, Isabella. Ce soir, tu as prouvé que tu pouvais être plus qu'un simple pion dans la vie d'Emmett. Continue sur cette voie, et personne ne pourra te dicter qui tu es ou ce que tu vaux. »
Elle acquiesça doucement, touchée par la force tranquille de ses mots. Puis, sans ajouter un mot, elle tourna les talons et entra chez elle, laissant Edward derrière elle, toujours appuyé contre la voiture, l'observant disparaître à l'intérieur.
