Chapitre 8 : Les masques tombent

Le samedi matin était paisible. Isabella ouvrit les yeux plus tard que d'habitude, profitant du luxe rare de ne pas avoir à se précipiter. Le soleil inondait doucement la chambre, dessinant des motifs lumineux sur les draps. Elle tendit la main vers la table de chevet et trouva une note pliée en deux, laissée par Emmett.

"Bonne journée, Isa. Entraînement ce matin et déjeuner avec les gars. On se voit ce soir. – Emmett."

Elle laissa échapper un soupir, mêlé d'indifférence et de soulagement. Elle savourait ces moments où la maison lui appartenait entièrement.

Après une rapide toilette, elle descendit dans la cuisine pour préparer son petit-déjeuner : un café noir, deux tartines de pain complet avec de l'avocat et un jus d'orange frais. Elle mangea lentement, feuilletant distraitement un magazine laissé sur le comptoir.

Son téléphone vibra, et elle vit le nom de sa mère s'afficher. Avec un sourire, elle décrocha :

- "Maman, bonjour."

- "Bonjour, ma chérie. Comment ça va ?"

La conversation dériva rapidement vers des sujets légers, mais comme souvent, le divorce de ses parents n'était jamais loin. Sa mère lui demanda avec une pointe de curiosité :

- "Et toi, Isabella ? Tu es heureuse dans ton couple ? Tout se passe bien avec Emmett ?"

Isabella hésita un instant avant de répondre, choisissant ses mots avec soin.

- "C'est… compliqué en ce moment. Mais je gère. Et toi, tu te portes bien ?"

Sa mère sentit probablement la réticence d'Isabella, mais elle n'insista pas.

- "Je vais bien. N'oublie pas que je suis là si tu as besoin de parler, ma chérie."

- "Merci, maman. Je t'appelle bientôt."

Après cet échange, Isabella enfila sa tenue de sport et sortit pour courir. Le quartier était calme, et elle appréciait la fraîcheur matinale qui lui caressait le visage. Ses pas réguliers et le rythme de sa respiration lui permettaient de vider son esprit, même si certaines pensées refusaient de disparaître.

Elle rentra chez elle après une demi-heure, le souffle court mais revigorée. Une longue douche chaude l'attendait, un autre plaisir qu'elle s'accordait rarement.

Pour le déjeuner, Isabella opta pour une salade composée : roquette, tomates cerises, feta, olives noires et un filet d'huile d'olive. Assise près de la fenêtre, elle savourait son repas tout en observant les passants dans la rue.

L'après-midi, elle se retira dans son bureau, un espace qu'elle considérait comme son sanctuaire. Les étagères débordaient de livres, et son bureau était jonché de papiers et de notes. Elle alluma son ordinateur et ouvrit le fichier du roman sur lequel elle travaillait.

Les heures défilèrent alors qu'elle ajustait des phrases, revoyait des chapitres et élaborait de nouvelles idées pour enrichir le texte. Mais malgré sa concentration, ses pensées s'égaraient parfois. Elle repensait aux découvertes qu'elle avait faites sur Emmett, aux conseils d'Edward, et à cette étrange tension qui planait sur sa vie.

Alors qu'elle faisait une pause pour siroter un thé, une question persistante lui traversa l'esprit : "Combien de temps encore vais-je pouvoir jongler entre ces deux mondes ?"

Mais pour l'instant, elle repoussa cette pensée, se concentrant sur le roman et laissant le temps s'écouler dans le silence de l'après-midi.

Isabella était allongée sur le canapé, une couverture légère sur les jambes, regardant distraitement un film romantique. La douce mélodie de la bande-son emplissait le salon tandis qu'elle se laissait aller à une rare détente.

La porte d'entrée s'ouvrit, et Emmett fit son entrée avec son énergie habituelle. Il posa ses affaires de sport près de la porte et entra dans le salon, jetant un coup d'œil à l'écran.

- "Un film romantique, hein ? Je parie que le type va courir sous la pluie pour la rattraper avant la fin," plaisanta-t-il avec un sourire.

Isabella se contenta de lever les yeux au ciel, esquissant un sourire poli.

Emmett s'adossa au cadre de la porte et l'informa d'un ton presque nonchalant :

- "Oh, au fait, on est invités à dîner chez mes parents ce soir."

Isabella redressa légèrement la tête, surprise.

- "Ce soir ? Ça sort de nulle part, non ? Ils planifient toujours leurs dîners des semaines à l'avance."

- "Je sais," répondit-il, haussant les épaules. "Mon père a dit qu'il voulait quelque chose de simple, juste nous et eux. C'est tout."

Une alarme silencieuse s'alluma dans l'esprit d'Isabella. Un dîner improvisé chez les McCarty ? Cela ne ressemblait pas à leur style rigide et organisé.

Sans discuter davantage, elle se leva pour se préparer. Emmett était déjà dans la salle de bain, en train de se rafraîchir et de changer de tenue.

Pendant qu'elle choisissait une robe sobre mais élégante, elle l'entendait parler depuis la salle de bain :

- "L'entraînement s'est bien passé ce matin. Les gars étaient en forme, et les coachs ont testé de nouvelles stratégies. Mon entraîneur dit que je pourrais être dans le top 10 des joueurs la league, si je continue sur cette lancée."

Il poursuivit sur le même ton, racontant des anecdotes sur ses coéquipiers, ses entraîneurs, et même les nouvelles tactiques de l'équipe. Isabella, enfilant sa robe, hocha distraitement la tête de temps en temps, mais une pensée sourde occupait son esprit.

"Il ne me demande jamais comment je vais. Pas une seule fois, il n'a montré d'intérêt pour mon travail ou mes collègues,"réalisa-t-elle soudainement."Tout tourne toujours autour de lui. Comment ai-je pu mettre autant de temps à le remarquer ?"

En se maquillant devant le miroir, elle observait son propre reflet. Sa routine s'était installée dans une relation où ses pensées, ses passions, et même ses frustrations n'avaient pas de place. Elle était devenue un public silencieux pour Emmett, sans jamais recevoir le même intérêt en retour.

Lorsqu'ils furent prêts, Emmett lui jeta un regard appréciateur.

- "Tu es parfaite, comme toujours," dit-il en souriant.

Isabella sourit légèrement en retour, mais une nouvelle détermination brillait dans ses yeux.

- "Pas ce soir," pensa-t-elle. "Je vais observer chaque détail. S'ils veulent m'inviter à l'improviste, alors je vais m'assurer que cette soirée compte."

Elle suivit Emmett jusqu'à la voiture, prête à affronter une nouvelle étape dans ce jeu de façade et de découvertes.

La voiture s'arrêta devant le portail imposant de la résidence McCarty, un manoir à l'architecture élégante, entouré de jardins impeccablement entretenus. Isabella descendit de la voiture, prenant une grande inspiration. Elle sentit la main d'Emmett se poser sur le bas de son dos pour la guider à l'intérieur, un geste à la fois possessif et mécanique.

Le petit salon, où l'on servait les apéritifs, était décoré avec un luxe ostentatoire : des boiseries sombres, des fauteuils en cuir et des œuvres d'art savamment éclairées. La mère d'Emmett, vêtue d'une robe pastel, s'affairait à accueillir les invités avec une bienveillance feinte.

- "Un verre de Chardonnay, Isabella ?" demanda-t-elle en lui tendant un verre avec un sourire qui ne touchait jamais ses yeux.

Isabella accepta poliment, tout en s'efforçant de garder un air détendu.

" Vous avez invité beaucoup de monde." souffla Isabella surprise de ne pas être que quatre pour le repas.

"C'est un petit comité." s'amusa la mère d'Emmett.

Alors que les rires et les conversations remplissaient doucement la pièce, Isabella, remarqua pourtant le père d'Emmett, un homme grand et imposant à la carrure athlétique, entrer dans la pièce. Son regard balaya les convives avant de se poser sur Isabella.

- "Isabella, pourriez-vous m'accorder un moment ?" demanda-t-il d'un ton qui ne souffrait aucun refus.

Isabella jeta un coup d'œil à Emmett, mais celui-ci semblait indifférent, occupé à discuter avec un cousin. Elle suivit Charles à travers des couloirs tapissés, jusqu'à son bureau.

Le bureau était l'incarnation du pouvoir : des étagères chargées de livres reliés de cuir, un bureau massif en acajou, et une grande baie vitrée offrant une vue sur le jardin illuminé. Le premier Ministre s'assit derrière son bureau et l'invita à prendre place dans un fauteuil face à lui.

Il la fixa longuement avant de parler, croisant ses mains devant lui.

- "Isabella, je voulais profiter de cette soirée pour m'assurer que tout se passe bien avec les préparatifs du mariage. Est-ce le cas ?"

Elle hocha la tête, offrant un sourire poli.

- "Oui, tout avance comme prévu. Votre femme et Emmett ont été très impliqués, ce qui m'aide beaucoup."

Charles laissa échapper un petit rire sans joie.

- "C'est bien. Mais je dois être franc avec vous." Il se pencha légèrement en avant. "Chez les McCarty, la loyauté est notre fondement. Et la discrétion… notre règle d'or. Je veux être sûr que vous comprenez cela."

Les mots étaient prononcés doucement, mais leur poids était indéniable. Isabella sentit son estomac se nouer, mais elle maintint une expression neutre.

- "Je comprends parfaitement," répondit-elle, son ton calme, bien qu'un léger frisson lui parcourût l'échine.

Monsieur McCarty la scruta encore un moment avant de se redresser et d'afficher un sourire, bien que ses yeux restassent froids.

- "Parfait. Dans ce cas, je ne doute pas que vous serez une addition précieuse à cette famille."

Lorsqu'Isabella quitta le bureau pour rejoindre les autres dans le grand salon, le contraste était saisissant. Les éclats de rire et les tintements de couverts semblaient irréels après la tension de cette conversation.

Emmett, déjà installé, lui adressa un sourire et tapota le siège à côté de lui.

- "Tout va bien ?" demanda-t-il alors qu'elle s'asseyait.

- "Oui, ton père voulait juste discuter des préparatifs," répondit-elle avec légèreté, masquant son trouble.

Mais en elle, l'inquiétude grandissait.

"Cette famille n'est pas seulement influente," réalisa-t-elle. "Elle est dangereuse. Et ils savent peut-être plus que je ne le pensais."

Alors que le dîner commençait, Isabella n'entendit qu'à moitié les discussions autour d'elle. Son esprit était ailleurs, envisageant les implications des mots de Monsieur McCarty et ce que cela signifiait pour ce qu'elle avait déjà découvert.

La réception touchait à sa fin. Isabella échangeait des politesses automatiques avec les invités, son esprit encore encombré par la conversation avec son futur beau-père. C'est alors que son téléphone vibra discrètement dans sa poche. Elle vérifia l'écran : Edward.

Elle hésita un instant avant de décrocher, se tournant légèrement pour éviter que quiconque ne remarque l'appel.

- "Tout va bien ?" murmura-t-elle.

- "Pas vraiment," répondit-il, sa voix grave. "Je viens de mettre la main sur des documents importants. Je dois te voir immédiatement. C'est urgent."

Isabella regarda autour d'elle. Emmett discutait avec sa mère, distrait.

- "D'accord. Où ?"

Edward lui donna une adresse, un café discret situé à l'écart du centre-ville.

Elle raccrocha et retourna auprès d'Emmett, adoptant une expression fatiguée.

- "Je ne me sens pas très bien," dit-elle en effleurant son front. "Je crois que j'ai besoin de rentrer. La journée a été longue."

Emmett fronça les sourcils, un mélange de contrariété et de préoccupation sur son visage.

- "Tu es sûre ? On peut partir maintenant si tu veux."

Elle secoua la tête.

- "Non, reste avec ta famille. Je vais appeler un taxi. Je serai mieux après un peu de repos."

Il hésita un instant avant de hocher la tête.

- "D'accord. Mais appelle-moi si tu as besoin de quoi que ce soit."

Isabella acquiesça, masquant sa culpabilité, puis quitta discrètement la réception.

Le café était presque désert, baigné dans une lumière tamisée. Edward l'attendait à une table au fond, une expression sérieuse sur le visage. Lorsqu'elle s'assit, il ne perdit pas de temps.

- "Regarde ça," dit-il, lui tendant une pile de documents imprimés et son ordinateur portable.

Isabella parcourut les pages, son cœur battant de plus en plus vite. Les documents révélaient des transactions entre la société-écran d'Emmett et plusieurs comptes offshore appartenant à des figures influentes du gouvernement. Des millions de dollars avaient été transférés pour des projets inexistants, des pots-de-vin déguisés en investissements.

- "Emmett ne joue pas seulement avec des contrats douteux," expliqua Edward en désignant un tableau de flux financiers. "Il est au centre d'un réseau de corruption qui pourrait provoquer un scandale national."

Isabella leva les yeux vers lui, ses mains tremblant légèrement.

- "Et moi ? Où est-ce que je me situe dans tout ça ?"

Edward inspira profondément.

- "Tu es la clé de son image publique," répondit-il. "Un mariage parfait avec une femme respectable. Ça renforce son alibi d'homme intègre pendant qu'il mène ses affaires dans l'ombre."

Isabella sentit un mélange de colère et de désarroi l'envahir. Tout ce qu'elle avait cru vrai sur sa relation avec Emmett s'effondrait.

- "Comment ai-je pu être si aveugle ?" murmura-t-elle, plus pour elle-même que pour Edward.

Edward posa une main rassurante sur son bras.

- "Tu n'es pas aveugle, Isabella. Tu es juste tombée dans son piège, comme beaucoup d'autres. Mais maintenant, tu as le pouvoir de changer les choses. Il faut agir."

Elle releva les yeux vers lui, cherchant une lueur d'espoir dans son regard.

- "Et si je ne suis pas prête ? Et si tout ça me dépasse ?"

Edward serra doucement son bras.

- "Je serai là, chaque étape du chemin. Mais tu dois comprendre quelque chose : une fois qu'on commence à exposer ce genre de vérités, il n'y a pas de retour en arrière."

Un silence chargé s'installa entre eux. Isabella sentit le poids des décisions qu'elle allait devoir prendre.

Isabella sortit un morceau de serviette froissé de son sac et le tendit à Edward. Le papier était légèrement taché, mais un numéro de téléphone y était griffonné d'une main rapide et pressée.

- "C'est quoi ça ?" demanda Edward en plissant les yeux.

Isabella haussa les épaules, visiblement troublée.

- "Une femme blonde dans l'entourage d'Emmett a écrit ça le soir du bal," expliqua-t-elle. "Elle semblait nerveuse, regardait autour d'elle comme si elle craignait qu'on la voie. Je n'ai pas pu entendre leur conversation, mais ça m'a paru étrange. Je me suis dit que ça pourrait être important."

Edward prit le morceau de serviette et l'examina attentivement.

- "Hum... Si cette femme est proche d'Emmett, elle pourrait être un maillon crucial dans cette affaire. Laisser traîner un numéro comme ça, c'est imprudent."

Il sortit son téléphone et prit une photo du numéro avant de ranger la serviette dans sa poche.

- "Je vais faire des recherches," dit-il avec assurance. "Je peux probablement identifier à qui appartient ce numéro. Si elle est impliquée dans les transactions ou si elle a des informations, elle pourrait devenir une alliée – ou un risque."

Isabella fronça les sourcils.

- "Et si ce n'est rien ? Une simple connaissance ou une distraction d'Emmett ?"

Edward lui jeta un regard sérieux.

- "Dans ce genre d'affaire, rien n'est insignifiant, Isabella. Chaque détail peut avoir un lien. Ce que tu viens de me donner pourrait être la pièce manquante du puzzle."

Isabella soupira profondément, son esprit envahi par une tempête de doutes et d'appréhensions.

- "Je ne sais pas, Edward. Tout ça me dépasse parfois. Mais si ça peut nous rapprocher de la vérité, alors fais ce qu'il faut."

Edward lui adressa un sourire rassurant, un mélange de gratitude et de respect dans son regard.

- " Tout ira bien. "

Elle hocha doucement la tête, réconfortée par ses mots, même si une part d'elle ne pouvait s'empêcher de ressentir un vertige face à l'inconnu qui les attendait.

Isabella rentra chez elle en début de soirée, l'esprit tourmenté par les découvertes qu'elle avait faites avec Edward. En ouvrant la porte, elle trouva Emmett dans la cuisine, une bière à la main, visiblement contrarié.

- « Où étais-tu ? » demanda-t-il d'un ton accusateur, ses sourcils froncés. « Ça fait presque deux heures que tu es partie de chez mes parents... et je suis là, pendant que tu disparais sans prévenir. »

Isabella posa calmement ses affaires sur la table, évitant de montrer qu'elle était déjà sur la défensive.

- « J'avais besoin de prendre un peu de temps pour moi, » répondit-elle d'une voix neutre. « C'est si difficile à comprendre ? »

Emmett roula des yeux, son irritation montant.

- « Oui, ça l'est, Isabella. Parce que tu ne fais jamais ça. Tu es distante ces derniers temps, et honnêtement, je ne sais pas pourquoi. »

Isabella, serrant légèrement les poings pour se donner du courage, s'avança dans la pièce, son regard fixé sur lui.

- « Peut-être parce que je commence à voir les choses autrement, » dit-elle, sa voix ferme. « Peut-être parce que je ne peux plus ignorer certaines choses. »

Emmett fronça les sourcils, l'incompréhension mêlée à une pointe d'angoisse.

- « De quoi tu parles ? » demanda-t-il, son ton oscillant entre la curiosité et la méfiance.

Elle prit une profonde inspiration avant de lancer :

- « Je parle de ce que j'ai vu il y a deux semaines, dans la bibliothèque chez tes parents. »

Emmett la fixa, les muscles de sa mâchoire se tendant légèrement.

- « Quoi ? » murmura-t-il, comme s'il espérait avoir mal entendu.

- « Je t'ai vu avec cette femme, Emmett, » continua Isabella, son ton devenant plus tranchant. « Celle qui te caressait le bras. Tu étais si à l'aise avec elle… Et maintenant, tu oses prétendre que tout va bien ? »

Emmett recula légèrement, pris de court. Il laissa échapper un rire nerveux, cherchant visiblement une échappatoire.

- « Isabella, tu te trompes complètement. Cette femme… c'était une simple connaissance. Rien de ce que tu insinues ne s'est passé. »

Isabella croisa les bras, ses yeux perçant les siens.

- « Alors pourquoi tu ne m'en as jamais parlé ? Pourquoi cacher quelque chose d'aussi insignifiant si ce n'était pas important ? »

Emmett passa une main nerveuse dans ses cheveux, son agacement devenant palpable.

- « Parce que ce n'était rien ! Pourquoi devrais-je te rendre des comptes pour chaque personne que je croise ? » s'énerva-t-il.

Isabella haussa les sourcils, son visage impassible.

- « Ce n'était rien, hein ? Alors pourquoi je sens que tu me mens, Emmett ? Pourquoi je sens que tout ce que tu dis depuis des mois est une façade ? »

Emmett, sentant qu'il perdait le contrôle de la situation, explosa.

- « Parce que tu ne comprends pas ! Tu ne comprends pas la pression que j'ai sur les épaules. Tout ce que je fais, je le fais pour nous, pour protéger ce qu'on a. »

- « Pour nous ? » répéta Isabella, ses lèvres tremblant légèrement sous l'effet de la colère. « Non, Emmett. Tu ne fais rien pour nous. Tu fais ça pour toi, pour ton image, pour ton pouvoir. Et tu veux que je ferme les yeux là-dessus. »

Il serra les poings, ses yeux brillants d'une colère contenue.

- « Tu sais quoi ? Peut-être que tu devrais te demander si tu veux vraiment être avec quelqu'un qui se bat pour toi ! »

Un silence lourd s'installa entre eux, rempli d'une tension presque palpable. Isabella, bien que blessée, ne détourna pas les yeux.

- « Je veux être avec quelqu'un qui me respecte, Emmett. Quelqu'un qui n'a pas besoin de mentir ou de manipuler pour se sentir puissant. »

Sur ces mots, elle tourna les talons et quitta la pièce, laissant Emmett seul dans la cuisine, furieux et troublé. Pour Isabella, c'était clair : elle venait de franchir une étape irréversible dans sa quête de vérité.

Isabella quitta l'appartement en claquant la porte, son cœur battant à tout rompre. Les rues, sombres et silencieuses, semblaient refléter le chaos de ses pensées. Elle ne savait pas exactement où aller, mais son instinct la guida vers le loft d'Edward. L'adresse qu'il lui avait donné au cas ou.

Quand elle arriva, Edward était déjà à la porte, comme s'il l'attendait. Il la regarda attentivement, son visage calme, mais ses yeux trahissaient une inquiétude sincère.

- « Isabella, viens, entre, » dit-il d'un ton posé, s'écartant pour lui faire place.

Le loft d'Edward était spacieux, minimaliste mais chaleureux. Des étagères en bois sombre regorgeaient de livres et d'objets discrets, tandis que des baies vitrées offraient une vue spectaculaire sur la ville illuminée. L'air sentait légèrement le bois et la lavande, un contraste apaisant avec l'agitation qui bouillonnait encore en elle.

Edward la guida vers le canapé en cuir noir, où un plaid gris était soigneusement plié. Il s'éloigna pour aller vers le minibar, tout en jetant un regard en arrière pour s'assurer qu'elle était à l'aise.

- « Tu veux boire quelque chose ? » demanda-t-il.

- « Du vin, s'il te plaît, » répondit-elle d'une voix faible.

Il revint avec deux verres de vin rouge, s'assit à une distance respectueuse, et lui tendit l'un des verres.

- « Maintenant, dis-moi ce qui s'est passé, » murmura-t-il, son ton à la fois ferme et rassurant.

Isabella prit une longue inspiration avant de tout raconter. Elle décrivit sa confrontation avec Emmett, son refus de répondre honnêtement, et la façon dont il avait retourné la situation en jouant sur ses émotions. Sa voix tremblait parfois, mais elle continua, s'obligeant à verbaliser ce qu'elle ressentait.

Edward l'écouta sans l'interrompre, ses traits concentrés, ses yeux ne quittant pas les siens. Lorsqu'elle termina, un silence s'installa.

- « Tu es incroyable, Isabella, » dit-il enfin, rompant le silence avec des mots qu'elle n'attendait pas. Sa voix était grave mais douce. « Peu de gens auraient eu le courage de faire ce que tu as fait ce soir. »

Elle le regarda, surprise, et sentit une vague d'émotion monter en elle.

- « Je ne sais pas, » répondit-elle, esquissant un sourire triste. « Je me sens perdue… et fatiguée. »

Edward posa son verre sur la table basse et se tourna légèrement vers elle.

- « C'est normal, » dit-il doucement. « Mais souviens-toi, tu n'es pas seule. Je suis là pour t'aider, quoi qu'il arrive. »

Ces mots simples firent sauter une barrière en elle. Isabella sentit ses yeux se remplir de larmes, mais elle les refoula, reposant sa tête contre le dossier du canapé.

- « Merci, Edward, » murmura-t-elle, sa voix à peine audible.

Il hocha la tête, respectant son besoin de silence. Pendant quelques instants, ils restèrent là, dans un calme chargé de non-dits. La tension entre eux avait changé, évolué. Ce n'était plus seulement une alliance stratégique contre Emmett ; c'était quelque chose de plus profond, une connexion née des épreuves qu'ils partageaient.

Edward se leva finalement et ajusta le plaid autour d'elle, un geste subtil mais empreint de soin.

- « Essaie de te reposer, » dit-il. « Tu as traversé beaucoup de choses, mais tu es plus forte que tu ne le crois. »

Alors qu'il s'éloignait pour lui laisser un moment de répit, Isabella sentit pour la première fois depuis longtemps qu'elle pouvait baisser sa garde. Edward n'était pas simplement un allié. Il était devenu un refuge, une ancre dans la tempête de sa vie.

Edward revint du fond du loft avec une tenue décontractée : un pantalon de jogging gris et un sweat à capuche noir, manifestement à sa taille, donc bien trop grands pour Isabella. Il lui tendit les vêtements avec un léger sourire.

- « Tiens, c'est peut-être pas à la mode, mais au moins tu seras plus à l'aise que dans cette robe, » dit-il, son ton empreint d'une chaleur inattendue.

Isabella hocha la tête, acceptant l'offre avec gratitude. Elle se dirigea vers la salle de bain et referma doucement la porte derrière elle.

À l'intérieur, elle prit un moment pour examiner la pièce. Les murs en béton ciré, le lavabo en marbre noir, et les serviettes soigneusement pliées sur une étagère donnaient à cet espace une élégance simple, mais l'ensemble dégageait une chaleur qu'elle n'avait jamais ressentie dans sa propre maison. Tout était ordonné, fonctionnel, mais d'une manière qui reflétait une attention particulière aux détails.

Elle enfila les vêtements, qui étaient bien trop larges, mais enveloppants et confortables. En se regardant dans le miroir, elle sentit une étrange sensation d'apaisement, comme si elle avait temporairement mis de côté la façade qu'elle devait maintenir en présence d'Emmett.

Lorsqu'elle revint dans le salon, Edward leva les yeux de son téléphone et sourit.

- « Tu es magnifique, même dans mes vieux vêtements, » dit-il avec un mélange de sincérité et de taquinerie.

Elle rougit légèrement, mais elle répondit avec un sourire.

- « Merci. J'imagine que ça change un peu de mes robes de soirée. »

Ils s'assirent ensemble sur le canapé, discutant des prochaines étapes pour faire face à la situation. Edward lui expliqua les preuves qu'il avait consolidées et la manière dont ils pourraient les utiliser pour forcer Emmett à se dévoiler.

Mais leur conversation fut brusquement interrompue par la sonnerie du téléphone d'Edward. Il décrocha immédiatement, et son expression changea en entendant la voix de son interlocuteur. Son visage se durcit, et il fit quelques pas dans la pièce, écoutant attentivement.

Lorsqu'il raccrocha, il se tourna vers Isabella, son regard grave.

- « Emmett a engagé un détective privé pour te suivre. Il sait que tu me vois. »

Ces mots tombèrent comme un coup de massue. Isabella sentit une vague de panique monter en elle, mais Edward posa une main rassurante sur son épaule.

- « Il ne va pas en rester là, Isabella. Mais c'est aussi une opportunité. »

- « Une opportunité ? » répéta-t-elle, confuse.

Edward s'assit à côté d'elle, son ton devenant plus assuré.

- « Nous devons agir avant qu'il n'aille plus loin. Je propose de le confronter publiquement. Avec les preuves que nous avons, nous pourrons le forcer à révéler ses secrets devant témoins. Cela le mettra dans une position où il ne pourra plus manipuler les choses à son avantage. »

Isabella fronça les sourcils, réfléchissant.

- « Une confrontation publique ? C'est risqué… Et si ça échoue ? »

Edward la regarda droit dans les yeux.

- « Si nous restons dans l'ombre, il continuera à jouer sur ses terrains. Mais si nous l'exposons à la lumière, il perdra son contrôle. C'est un pari, mais c'est notre meilleure chance. »

Un silence pesa entre eux. Isabella sentit son cœur battre à tout rompre. Elle n'aimait pas l'idée d'une confrontation directe, encore moins en public. Mais elle savait qu'Edward avait raison.

- « Très bien, » dit-elle finalement, sa voix empreinte de détermination. « Je suis prête à prendre ce risque. Je veux que tout ça se termine. »

Edward hocha la tête, un mélange de fierté et de respect dans son regard.

« Alors préparons-nous, » dit-il doucement. « On va faire tomber son empire, Isabella. Et cette fois, c'est lui qui sera dans une position vulnérable. »

Isabella sentit une vague d'appréhension mêlée à une étrange sensation de libération. Elle savait que ce qu'ils s'apprêtaient à faire allait bouleverser leur vie, mais pour la première fois, elle sentit qu'elle avait le pouvoir de choisir son avenir.