Chapitre 40: Le Feu d'Artifice
«Voilà, Makoto. N'oublie pas de bien remonter la fermeture éclair!»
Tsumiki tenta une dernière fois de lisser les plis de son sweat à capuche, puis le lui tendit. Naegi s'en empara, fronçant les sourcils avec perplexité en promenant ses doigts sur la zone de tissu élimé au dos du vêtement. Quand est-ce que... Ah, ça lui revenait. En fait, ça remontait au jour où ils l'avaient découvert pour la première fois, quand Nidai l'avait trainé par terre. Jusqu'à présent, il ne s'était pas départi de son sweat assez longtemps pour vraiment s'en rendre compte. D'ailleurs, maintenant qu'il l'examinait de plus près, l'ensemble commençait à paraître un peu miteux. Peut-être devrait-il demander si le Désespoir Ultime avait une Couturière Ultime disponible.
Il portait déjà un survêtement que Tsumiki lui avait déniché, et une chemise plus épaisse que celle qu'il portait en se réveillant attaché au lit. Certains considéreraient peut-être qu'un sweat serait de trop, mais... hé bien... il s'enrhumait facilement. Il en avait conscience. Le sweat était le dernier vêtement de son accoutrement.
Alors pourquoi ne l'enfilait-il pas?
«Makoto?» Tsumiki inclina la tête alors que Naegi continuait à fixer son sweat préféré d'un air inexpressif.
Naegi secoua la tête. «Désolé. Je pensais à autre chose.»
Il abaissa la fermeture éclair, prêt à l'enfiler. Toutefois, il hésita sans trop savoir pourquoi. Ce n'était que du tissu. C'était le sien. Ça n'avait rien d'un piège.
Il ouvrit le sweat et commença à passer son bras dans la manche...
Cette odeur.
… Son sweat s'envola dans l'air sans aucune grâce, atterrissant en une boule chiffonnée comme un animal blessé. Naegi recula précipitamment, sans le faire exprès heurtant le lit et tombant dessus. Mais avant même que son dos ne touche le matelas, il se tordait en position assise, couvert de chair de poule et le front moite.
«Makoto!» Mikan se précipita vers lui et s'arrêta à deux centimètres du lit. Son regard nerveux alternait entre lui et son sweat, comme si elle était à moitié tentée de plonger sur lui pour le protéger du vêtement maléfique.
«I... Il...» Naegi s'étrangla avec ses propres mots. «Il... Il sent mauvais!
-Hein? Qu'est-ce que tu veux dire?
-Il sent mauvais! cria-t-il, pointant un doigt accusateur vers son sweat préféré. Ça sent comme... ça sent... je ne veux pas le mettre!»
Même de là, il pouvait le sentir. La mort. Ça sentait comme la mort.
Tsumiki se dirigea prudemment vers le sweat et le ramassa. Elle approcha la manche de son nez, et prit une profonde inspiration.
«Huumm, ça sent un peu bizarre, dit Tsumiki. Je suis désolée!
-Je ne le mets pas!» Maintenant, Naegi était perché au bord du matelas. Avec ce sweat entre ses mains, il avait l'impression que Tsumiki pointait un pistolet contre sa tête. «Je ne vais pas mettre ça.
-Makoto, tu...
-N'approche pas!»
Il pouvait la sentir. La mort. Elle était partout. Comment avait-il pu ne jamais s'en rendre compte? La puanteur se déversait à flots de son sweat, s'écrasant sur le sol comme une cascade. Et il lui sembla pendant un instant que parmi ces plis et ces zones de tissu usé, il pouvait de nouveau voir ce visage. Le fixant de ses orbites vides. Se contenant de le fixer.
«Chh! Tout va bien! Tu vois? Maman ne le laisse pas près de toi.» Avec des mouvements lents, comme si Naegi était un chien à moitié fou prêt à passer à l'attaque, Mikan recula et posa son sweat sur une chaise voisine.
Ce n'était qu'un sweat. Rien de plus qu'un stupide sweat, mais il ne pouvait en détacher les yeux.
«Tout va bien.» Elle s'agenouilla devant lui et posa une main sur sa joue.
Il frissonna et ferma les yeux. «Je ne veux pas le mettre.
-D'accord, tu n'es pas obligé de le mettre. Pourquoi ne pas prendre une des couvertures à la place?» Sur ces mots, elle attrapa un coin de la couverture et le présenta à sa main tremblante.
«D'accord, murmura-t-il.
-Je vais le relaver, dit Tsumiki. Je vais le relaver jusqu'à ce qu'il arrête de...
-Non, l'interrompit Naegi d'une voix rauque. Brûle-le... juste brûle-le.»
Il eut de nouveau l'occasion de chevaucher Kuma, ce qui détourna ses pensées du sweat. A la place, il pensa à ce qui l'attendait sur le toit. Il y aurait du vent, sans aucun doute. De l'air frais. Un ciel. Des étoiles, ou peut-être des nuages. Il n'était pas certain. Oh, peut-être que si la chance était de son côté, il apercevrait une chauve-souris!
La porte menant au toit était protégée par un mot de passe, même si Tsumiki ne parut pas se soucier qu'il la voit composer le code. Il eut beau regarder, il ne put retenir guère plus que les deux derniers chiffres avant que le pavé numérique ne bipe et que le verrou ne claque. L'escalier était trop étroit pour Kuma, si bien qu'ils durent laisser l'ours à l'intérieur.
«Je ne savais pas que vous aviez des feux d'artifice, dit Naegi.
-Oh, on récupère toutes sortes d'explosifs, expliqua Tsumiki. Soda-kun et Mioda-san s'excitent beaucoup avec.»
Une question émergea dans son esprit, avant qu'il ne décide que mieux valait ne pas savoir. Il se contenta d'observer la porte en approche avec une intensité presque inquiétante. Encore dix pas. Neuf. Huit...
Qu'ils soient prêts ou non, ils étaient arrivés.
Il se fraya un chemin entre Tsumiki et l'ouverture et jaillit sur le toit, s'élançant en avant jusqu'à ce qu'il perde sa vitesse. Ceci, réalisa-t-il, ne constituait pas tout le toit, mais n'en était qu'une partie basse, se rapprochant davantage d'un balcon. Derrière lui s'élevait sur presque un étage un mur de briques abrupt, qui conduisait à un niveau de toit plus élevé. Le sol en dessous de lui était nu. Du béton solide.
Mais au-dessus de lui, c'était une peinture qui prenait vie. Une trainée blanche composée d'étoiles et de leur lumière se taillait un chemin dans l'obscurité. La lune était absente cette nuit, ou peut-être était-elle éclipsée par le bâtiment dans son dos. Le ciel revêtait un noir violacé, s'éclaircissant vers l'horizon – une spectaculaire éclaboussure de couleurs. Naegi n'y songea pas très longtemps. En effet, il était subjugué par la caresse légère de la brise extérieure sur sa peau exposée. Elle semblait s'insinuer sous sa peau et lui chatouiller les nerfs, la laissant toute fraîche et parcourue de picotements. Il ne pouvait même pas dire s'il s'imaginait ce sentiment, si le simple baiser de l'extérieur l'affectait vraiment à ce point, ou si ce n'était qu'un effet du froid.
Il se dirigea vers l'extrémité du toit, mû par une curiosité qu'il ne pouvait pas vraiment identifier. Plus il s'approchait, plus quelque chose lui paraissait... bizarre. Quelque chose dans l'air – quelque chose dans sa vision. Quelque chose clochait dans ce qu'il avait sous les yeux.
Quand il ne fut plus qu'à quelques mètres, il comprit.
«Il y a un mur de verre, ici», dit-il tout haut.
Tsumiki, qui l'avait suivi, choisit alors de prendre la parole. «C'est du verre pare-balles.
-... D'accord.» Naegi fronça très légèrement les sourcils. Oui, évidemment. Ils n'étaient pas qu'un groupe d'amis regardant les étoiles ensemble.
Il pressa sa main contre le verre. La surface en était lisse sous sa paume comme... du verre. Il leva les yeux. Un peu trop haut. S'il grimpait sur un objet suffisamment grand, il serait peut-être capable de passer par-dessus. Peut-être. Mais il y aurait ensuite la chute, et c'était...
Bah, il n'avait pas entretenu beaucoup d'espoir pour cette possibilité d'évasion de toute façon.
Mais tout de même, il était plaisant de se contenter de rester là un moment à observer. Regarder les bâtiments voisins représentait toujours une meilleure expérience en soirée car ils se muaient en étranges silhouettes tordues, et parce que les ténèbres cachaient le pire de la désolation. Certaines silhouettes pouvaient à peine être identifiées comme des bâtiments ; ça lui donnait parfois l'impression d'observer l'esquisse d'un monde extraterrestre.
Il entendit la porte s'ouvrir et se refermer derrière lui. Le temps qu'il se retourne, deux autres membres du Désespoir Ultime étaient arrivés. L'Imposteur fixait le ciel, arborant sa meilleure imitation du visage impatient de Togami. Tanaka était à genoux non loin, tendant des minuscules casques anti-bruit à l'assortiment de hamsters qui attendaient devant lui. C'était une scène idyllique et heureuse.
Puis, Mioda et Saionji arrivèrent en traînant Kuzuryu.
Naegi le dévisagea.
«Oh, ça ne va pas être bon», déplora Tsumiki.
Mioda et Saionji commencèrent à ricaner, attirant l'attention des deux autres garçons. Tanaka était trop occupé avec ses hamsters pour suivre leur regard, mais ce n'était pas le cas de l'Imposteur, et il sursauta clairement.
Il dit: «Bon sang, qu'est-ce que...?
-On a relooké Baby Gangsta!»
Le Yakuza enfouit son menton dans son col et abaissa son fedora sur son visage, mais il ne fut pas assez rapide pour empêcher Naegi de voir. Quand les filles lui avaient fait un relooking, Naegi avait craint qu'elles ne le rendent ridicule. Il en avait été épargné, mais ce n'était pas le cas de Kuzuryu. Naegi n'avait pas eu le temps de l'examiner longuement, mais il suffisait d'un coup d'œil pour constater que Kuzuryu avait été maquillé à l'image d'un clown ; il avait la peau d'un blanc blafard, les joues teintées de rouge et... et apparemment, il avait laissé Mioda s'attaquer à la teinture pour cheveux. Ses cheveux anciennement blonds étaient maintenant divisés en trois sections: blanc au milieu et noir sur les côtés. Il avait l'air... il avait l'air...
«Tu as l'air ridicule», dit l'Imposteur. A présent, Tanaka le fixait à son tour.
Pekoyama jeta un regard mauvais à l'Imposteur, mais la férocité de son expression fut ternie par l'intensité des rires des deux autres filles et par les tentatives désespérées de son maître pour cacher son visage. Au moins, l'Imposteur ne semblait rien avoir à ajouter...
«J'ai apporté le chocolat chaud!»
Un plateau de mugs dans les mains, suivi par Nidai qui trainait une glacière, Hanamura entra prestement. Il leur adressa un grand sourire. Puis il aperçut Kuzuryu.
«Oh», fut tout ce que put dire le Chef. Nidai manqua le percuter, avant que la vue du Yakuza Ultime ne le fige à son tour sous le choc.
«Je savais que j'aurais dû nettoyer tout ça! marmonna Kuzuryu dans son col.
-Oh, tu n'as pas besoin de cacher ton superbe visage», dit Hanamura. (Naegi ignorait s'il essayait de remonter le moral de Kuzuryu, ou s'il était juste fidèle à lui-même). «Car ce maquillage, il te donne une apparence plutôt exotique, si je puis dire. Il y a certainement des gens que ça intéresserait...»
Et Hanamura s'interrompit quand Pekoyama le frappa dans l'estomac. L'Épéiste attrapa rapidement le plateau qu'Hanamura avait lâché et s'en servit pour rattraper tous les mugs qui avaient volé dans les airs. Mioda et Nidai applaudirent. Kuzuryu, lui aussi, esquissait un sourire...
Et ce fut à cet instant que tous les autres débarquèrent.
Contrairement aux précédents, ils n'eurent aucun scrupule à se moquer de Kuzuryu.
«C'est stupide! siffla Kuzuryu. C'est même pas désespérant. C'est juste pathétique et ...»
Pekoyama fronça les sourcils en fixant son maître. Elle s'éclaircit soudain la gorge, attirant l'attention du Yakuza.
«Jeune Maître... Vous avez l'air ridicule.»
Un instant passa.
Kuzuryu éclata de rire et des tourbillons engloutirent ses yeux. «Hé bien, merci, Peko! J'apprécie... Ouais, c'est ça tout le monde, continuez à vous moquer de moi!»
Il riait toujours quand Komaeda arriva sur les lieux. Les mains dans les poches, le Chanceux parcourut nonchalamment le toit du regard jusqu'à ce que ses yeux tombent sur Naegi. Ce dernier se redressa en sentant sur lui l'attention de Komaeda. Il gigota d'un pied à l'autre avec impatience, se demandant pourquoi Komaeda ne venait pas immédiatement à sa rencontre.
Pendant ce temps, drastiquement de meilleure humeur, Kuzuryu s'empara d'une chaise pliante et la posa au centre du toit. Les autres commencèrent à l'imiter tandis qu'Hanamura entreprenait de servir le chocolat chaud. Tsumiki demanda à Naegi où il voulait s'asseoir ; il répondit vaguement, trop occupé à observer Komaeda se diriger vers eux d'un pas tranquille.
«Et voilà! J'espère que le goût n'en sera pas altéré après avoir été en contact avec moi, dit Komaeda en leur tendant un mug de chocolat chacun.
-Tu n'en prends pas? demanda Naegi.
-Oh, si. Mais je n'aurais pas osé en prendre pour moi sans m'assurer que vous deux soyez servis d'abord.
-Oh, c'est très gentil de ta part... soupira Tsumiki. Mais tu ne devrais pas te déranger pour moi. Je...»
Elle s'interrompit brusquement, et jeta un coup d'œil à Naegi.
«… Merci, Komaeda-kun», dit-elle à la place.
Komaeda rayonna, pratiquement traversé par un frisson de délice en étant remercié. Il se hâta de repartir et de revenir, cette fois avec son propre mug fumant, et tous trois installèrent leurs chaises juste derrière le mur de verre.
«Regarde en bas, dit Komaeda. Regarde ces gens. Ce sont eux qui préparent le spectacle.»
Naegi plissa les yeux. C'était difficile à dire dans le noir, mais il crut voir quelques silhouettes aller et venir en toute hâte. Sans réfléchir, il agita la main.
«Ils peuvent pas te voir!» lança Kuzuryu quelque part derrière lui. Naegi tourna machinalement la tête et parvint de justesse à s'empêcher de s'étrangler quand il revit le nouveau look de Kuzuryu.
Le Yakuza continua: «Même s'ils pouvaient et n'avaient pas leurs casques, ils n'agiteraient pas la main. Les Yakuza ne font pas ça.
-Yakuza?» répéta-t-il d'un ton peu assuré.
Assise au pied de sa chaise comme un chien, Pekoyama fixait le sol.
«Ouaip. Presque tous ces connards qui trainent dans le coin faisaient partie des Yakuza.» Kuzuryu se laissa aller dans sa chaise et rit, des tourbillons dans les yeux. «Mais ils tuent toujours des gens et me servent, donc je suppose que rien n'a changé, merde.»
Ils étaient tes amis, avant, pensa tristement Naegi. Il regarda de nouveau Pekoyama. A cet instant, elle aussi avait levé les yeux, et leurs regards se croisèrent. Pendant un instant, on aurait cru que l'Epéiste ne savait quoi penser, puis son visage se durcit et elle détourna ostensiblement le regard.
«Génial!»
C'était Soda. Le Mécanicien rangeait un téléphone dans sa poche et leur faisait des grands signes de son autre main. «On est prêt à commencer!
-Whou-hou!» Mioda paraissait prête à dégainer sur le champ sa guitare. «Explosons des trucs!
-Hé, Naegi-kun! dit Soda. On était pas sûrs du type de feux d'artifice dont tu avais envie, alors on a préparé les deux.
-Qu'est-ce que tu...?»
Soda sortit de sa poche ce qui ressemblait à un détonateur et appuya sur le bouton.
Boum.
Bien qu'ils étaient à une distance sûre, Naegi sentit tout de même le monde trembler alors que les explosifs se déclenchaient et éviscéraient les fondations d'un des immeubles déjà en ruines. Ses vestiges furent consumés dans une boule de feu qui fit jaillir des pièces et débris enflammés dans le ciel. La lumière éclatante dessina une image frappante qui se grava dans le monde et sembla persister même quand le feu eut disparu. Le bâtiment avait été réduit à une pile noire et fumante qui disparaissait déjà dans l'ombre de ses voisins.
«Mikan, personne ne vit ici, n'est-ce pas?
-Euh, tout le monde est parti il y a longtemps.
-Je vois.»
La fumée commençait à se dissiper.
«… On peut en faire exploser un autre?»
Naegi ne s'attendait pas à ce que la moitié du groupe commence à pousser des acclamations, mais il en fut ainsi. Owari et Nidai s'étaient levés et criaient des mots décousus, rapidement rejoints par Mioda. Soda s'approcha même de Naegi pour lui donner une tape dans le dos en lui lançant: «Bien dit!»
Puis ils en firent exploser un autre.
Soda le laissa appuyer sur le bouton pour le troisième et, d'une manière perverse, les entrailles de Naegi se tordirent d'excitation alors qu'ils sentaient le monde trembler. Tout allait bien. Personne ne vivait là. L'immeuble était déjà en ruines.
Et puis, quel gars n'avait jamais fantasmé de faire exploser quelque chose?
Ils en firent exploser cinq au total. C'était tout ce qu'ils avaient installé. Après cela, Soda appela la personne en charge et ordonna que commence le vrai feu d'artifice alors qu'Hanamura circulait pour remplir à nouveau les mugs. Naegi accepta avec enthousiasme une seconde tasse ; le contenu copieux de la première était confortablement calé dans son estomac.
«C'est vraiment délicieux! complimenta-t-il le Chef.
-Bien sûr que c'est délicieux, dit Hanamura. Ça n'a rien à voir avec cette odieuse chose en poudre que ma charmante infirmière et toi avez bue la dernière fois. C'est authentique. J'ai mélangé et fait fondre le chocolat moi-même.»
Après qu'Hanamura se soit éloigné, Tsumiki baissa soudain les yeux vers son mug avec un gémissement. «O... odieuse. Oh, je sais que j'étais...
-Mikan...» Naegi était prêt à tendre la main vers elle...
Elle le regarda et s'éclaircit brusquement la gorge. «Il... il y a aura toujours une prochaine fois, je suppose.»
Naegi la fixa. Cela lui prit quelques instants, mais il finit par comprendre ce qui venait de se passer.
«Ouais, il y aura une prochaine fois, dit-il avec un sourire.
-Et peut-être que la prochaine fois, on pourrait faire une sortie sur le terrain et faire exploser un immeuble vraiment très grand! annonça joyeusement Soda en se laissant tomber sur l'accoudoir du siège de Naegi. J'sais pas si t'as trouvé ça incroyable, mais c'est autre chose quand on passe aux chose sérieuses.»
Naegi n'avait certainement aucun problème avec ça – tout ce qui lui permettrait de quitter cet endroit serait bienvenu – mais...
«Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, intervint Komaeda. C'est dangereux, dehors.»
Ouaip. Il s'y était attendu.
«Oh, ouais, soupira Soda. Regarder un bâtiment exploser par vidéo c'est pas pareil, n'est-ce pas? Mais au moins on a des feux d'artifice. N'oublie pas de nous dire après lesquels tu as préféré pour qu'on puisse en faire plus.
-Vous n'êtes pas obligés de faire ça, dit Naegi.
-Bien sûr que si. C'est ce que font les amis.» Soudain, Soda détourna le regard et se frotta l'arrière du crâne. «Euh, alors, ouais, je comprends pas trop toute cette histoire de «Je crois que j'ai été kidnappé», mais en fait, c'est pas ce qui se passe là. Je veux dire, tu le sais, non? On est tes amis, n'est-ce pas?»
Ce fut comme recevoir un coup de poing en pleine figure. Naegi fut chanceux que sa réaction fut de se figer sur place – sourire inclus. Oui. Bien sûr. C'était l'incident menant à tout cela, pour commencer.
Naegi regarda fixement devant lui et haussa les épaules. Le (pas un) mensonge quitta aisément ses lèvres.
«Bien sûr.
-Génial! C'est un poids en moins sur mes épaules.» Soda lui ébouriffa les cheveux avant de se relever. «Très bien, détendons-nous et profitons du spectacle.»
A peine une seconde plus tard, le feu d'artifice débuta. De nouveau, le trio d'Owari, Nidai et Mioda commencèrent à acclamer, et cette fois, Soda se joignit à eux. Se couvrant la bouche d'une main, Tsumiki émit un son impressionné. S'il la lisait correctement, même Pekoyama semblait passer une bonne soirée.
Naegi contemplait les feux d'artifice, souriant en apparence.
«C'est beau, n'est-ce pas? demanda Komaeda, ses yeux reflétant les illuminations proches.
-Oui», acquiesça Naegi.
Komaeda sourit. Il se laissa aller contre le dossier de sa chaise, le bras tombant sur l'accoudoir de Naegi si bien que le bout de son doigt lui effleurait la hanche. Naegi ne tressaillit même pas.
Le feu d'artifice était vraiment magnifique. Le dernier auquel il avait assisté remontait au dernier Nouvel An avec sa famille … ce qui remontait techniquement à deux Nouvel An, mais il ne pouvait se souvenir du temps qui s'était écoulé depuis. Cette pensée le fit réfléchir, refroidit ses émotions comme de l'eau versée sur une flamme. Naegi jeta un coup d'œil autour de lui, vers l'attroupement fasciné par le superbe spectacle.
N'oublie pas... Ta place n'est pas ici...
Il regarda de nouveau le ciel alors qu'éclataient de formidables feux d'artifice à effet crossette.
… Tu n'es pas l'un d'entre eux.
Tsumiki riait avec joie. Elle s'appuyait à l'accoudoir et ses longs cheveux cascadaient de côté jusque sur les genoux de Naegi.
N'oublie pas... Tu ne peux pas oublier cette fois.
La main de Komaeda fut soudainement sur son épaule et Naegi tourna la tête pour voir le Chanceux lui adresser un grand sourire.
Naegi le lui retourna.
«Est-ce que tu as apprécié? demanda Komaeda.
-Oui, dit Naegi. C'était vraiment magnifique.
-Je sais, n'est-ce pas impressionnant? renchérit Komaeda. Aucun d'entre eux ne dispose d'un talent en lien avec les explosifs ou les feux d'artifice, mais ils ont pourtant été capables de concevoir quelque chose qui éclipserait tout ce que j'aurais pu inventer.»
Naegi ne répondit pas. Il se retourna vers le mur de verre en face de lui et fixa l'horizon.
«… Komaeda-kun, où étais-tu ces deux derniers jours?» Quand il ne reçut pas de réponse immédiate, il tenta de faire marche arrière. «Ah, désolé! Je ne voulais pas être indiscret. C'est juste...»
Komaeda leva une main. «Pas de problème, Naegi-kun. Je suis juste surpris que tu aies remarqué l'absence de quelqu'un comme moi. Ce n'est rien de méchant. Je ne suis pas en colère contre toi, ou quoi que ce soit. En fait, je travaille sur une surprise pour toi.
-Vraiment?» Naegi ne sut comment sa voix parvint à ne pas trahir son appréhension.
«C'est une bonne surprise, bien sûr, dit Komaeda. Quelque chose pour t'aider à dormir la nuit et éloigner les mauvaises pensées. Ça va te plaire, je te le garantis. Je ne passerais pas autant de temps dessus si je pensais le contraire.
-Je vois.»
Komaeda ferma les yeux. Malgré cela, ses mains trouvèrent sans peine les épaules de Naegi, et l'attirèrent à lui. Il posa son menton sur sa tête. Ces mains glissèrent ensuite le long de son dos alors que Komaeda l'entraînait dans une étrange étreinte.
Un peu plus loin où Hanamura récupérait les derniers mugs abandonnés, Tsumiki les observait. L'Infirmière se mordillait la lèvre, distraite de son devoir d'aider le Chef.
«… De la persécution?» se murmura-t-elle.
