Chapitre 37: L'Eleveur
C'était un ours.
Il y avait un ours devant lui.
Le Désespoir Ultime lui avait déniché un fichu ours de compagnie.
«Est-ce qu'il te plaît? demanda Tsumiki.
-C'est un ours!
-Sans blague.» Owari se gratta la tête. «Tu disais pas que les ours étaient tes animaux préférés?
-Si, mais... c'est un ours!
-Est-ce que ça veut dire...» Tsumiki paraissait toute petite et nerveuse comme une souris. «… que tu ne l'aimes pas?»
Naegi ne pouvait répondre. Il était trop occupé à fixer l'ours.
Puis, Tanaka s'avança. Il se couvrit la main de son écharpe pour ne pas toucher directement la peau de Naegi quand il lui prit le poignet. Sa poigne était ferme mais douce, le signe de quelqu'un qui avait passé toute une vie à s'occuper d'animaux timides. D'un geste assuré, Tanaka avança le bras de Naegi jusqu'à ce qu'il ne soit séparé de l'ours que par quelques centimètres. Il manœuvra alors le bras de Naegi pour venir placer sa paume sur le museau. L'ours renifla, et un souffle chaud lui taquina la partie inférieure du bras. Quand Tanaka cessa de le guider de sa main, Naegi demeura planté sur place, laissant ses doigts se recourber dans la fourrure.
«… C'est un ours», répéta Naegi, sidéré.
L'ours avait à peine bougé depuis que Naegi l'avait touché, apparemment plutôt indifférent. Il était brun mais à la lumière du soleil, son dos et son visage brillaient d'un or bronzé. Et il était énorme. Naegi ne pensait pas qu'il était au terme de sa croissance, mais il semblait peser au moins 300 kg, probablement beaucoup plus. Il était incapable de déterminer son âge, mais il lui atteignait déjà le menton. La fourrure recouvrant son museau était mince, mais Naegi pouvait dire à vue d'œil que s'il pressait sa main contre son dos, elle disparaîtrait dans le pelage de l'ours.
L'ours releva légèrement la tête et renifla le visage de Naegi. Une large langue pointa entre ses fortes mâchoires alors que l'ours se léchait une fois les babines, puis commençait à haleter. En toute honnêteté, son haleine ne sentait pas incroyablement bon et sa fourrure était imprégnée de l'odeur de sueur, mais Naegi ne broncha pas.
«Comment il s'appelle?» demanda-t-il à Tanaka avec exaltation, oubliant que l'Eleveur ne pouvait pas parler. Mais ce n'était pas un problème, parce qu'Hanamura pouvait parler pour lui:
«Lui, mon ami, c'est le merveilleux Monokuma!»
… Parce qu'évidemment, il s'appelait ainsi.
«Ouais, parce qu'apparemment Tanaka n'a pas élevé d'ours mi-noir mi-blanc et il n'a pas de panda apprivoisé.» Owari se renfrogna en parlant, comme si ce qu'elle attendait de Tanaka était parfaitement raisonnable.
«Kuma, dit fermement Naegi, acceptant de faire un compromis. Je vais l'appeler Kuma.
-Alors il te plaît!» s'écria Mikan avec enthousiasme.
Naegi leva sa seconde main. Avant qu'il ne puisse le toucher, Kuma avait refermé sa gueule sur le bras exposé. Cela lui provoqua un moment de peur, mais Kuma sembla se satisfaire de simplement lui tenir le bras et Naegi se détendit.
«Je l'aime bien», déclara-t-il. Il fronça soudain les sourcils. «Qu'est-ce que c'est autour de son cou?»
On aurait dit une sorte de collier, similaire à ces colliers émetteurs que les scientifiques utilisaient pour pister les animaux. Tanaka secoua rapidement la tête quand Naegi fit mine d'y porter la main. Naegi hésita, puis retira sa main. Apparemment, il n'était pas censé y toucher.
«Oh, je suis sûre que vous allez bien vous amuser tous les deux! dit Tsumiki. Et maintenant, tu ne te sentiras plus aussi seul non plus.»
Naegi rit, peu convaincu. «Ouais, je suppose. Honnêtement, je ne suis pas sûr de savoir comment jouer avec un ours.»
Nidai éclata d'un rire sonore. «C'est facile. Tu fais de la lutte avec, bien sûr. Laisse-moi te faire une démonstration!»
Nidai chargea. Et pourtant, même la super force du Coach ne fut pas suffisante pour avoir d'autre résultat que bousculer légèrement Kuma. L'ours cligna lentement des yeux alors que Nidai baissait la tête comme un taureau et s'arc-boutait contre son flanc. Kuma lâcha le bras de Naegi, tourna la tête et renifla minutieusement le Coach d'une épaule à l'autre alors qu'il s'obstinait dans son attaque futile. Après ce qui semblait être un moment de réflexion, l'ours bougea. Nidai trébucha de quelques pas en avant et d'un simple coup de patte, Kuma le jeta au sol et l'y immobilisa.
«JE N'EN AI PAS ENCORE TERMINE!» déclara le Coach. Il se débattit vaillamment, mais en vain.
Tanaka s'avança finalement et tapota le dos de Kuma. L'ours retira presque instantanément son poids de Nidai, laissant derrière lui un Coach hors d'haleine et exténué.
« Fiou.» Nidai s'épongea le front. «La prochaine fois, je t'aurai.»
Kuma cligna des yeux.
«Ok, il n'y a plus rien à voir ici, lança soudainement Kuzuryu. Vous pouvez tous arrêter de rester planté là.
-Retournons à l'infirmerie», proposa Tsumiki à Naegi, la main sur son dos. Naegi hocha la tête, se détournant pour lui emboîter le pas. Non loin de là, Komaeda tourna aussi les talons vers la direction opposée...
«Komaeda-kun, tu ne viens pas? demanda Naegi, perplexe.
-Désolé, mais j'ai du travail à faire, répondit Komaeda. Enfin, je ne devrais vraiment pas parler de travail. Ça sous-entendrait que je suis réellement assez compétent pour me rendre utile, et nous savons tous que quelque chose d'aussi simple est trop compliqué pour un moins que rien comme moi.»
Naegi fronça à nouveau les sourcils. (Il se demanda si Komaeda cesserait de dire ce genre de choses sur lui-même s'il piquait une crise comme il l'avait fait avec Mikan).
Kuma les suivit d'un pas lourd, paraissant comprendre qui était son nouveau maître. Naegi jeta un coup d'œil à l'animal massif, et il ne put penser qu'à une seule chose...
«Est-ce que je peux monter sur lui?»
Personne ne dit rien. Naegi fixa le sol. Il était sur le point de reprendre la parole, d'admettre que sa question était idiote et qu'il allait retirer ce qu'il avait dit...
Des mains le saisirent par-derrière.
Nidai était toujours trop fatigué de sa «lutte» contre Kuma, si bien que Soda et Owari semblaient avoir pris l'initiative de le faire grimper. Ils hissèrent Naegi assez haut pour qu'il agrippe la fourrure hirsute du dos de Kuma, puis grimpe à bord. Il s'installa juste après la bosse dessinée par les épaules de Kuma.
«T'es bien installé, là-haut?» l'interpella Soda. Il avait placé ses mains en coupe autour de sa bouche, comme si Naegi était très loin.
«Ouais, c'est génial! lança Naegi, qui arborait déjà un large sourire fou.
-Ok, allons-y, Kuma!» ordonna Tsumiki.
Tous deux se mirent en route, Mikan ouvrant la voie. Et Naegi s'accrocha à la fourrure de Kuma, souriant à pleines dents.
Il chevauchait un ours!
Kuma paraissait être du genre patient. Du moins, c'est ce que pensa Naegi quand l'ours s'assit près du lit et attendit que Naegi lui donne des friandises. Ce qu'il fit, bien sûr. Comment ne pourrait-il pas? Ce fut ainsi que la moitié du déjeuner de Naegi finit par disparaître dans le gosier de l'ours. Mikan finit par relever la tête de là où elle mélangeait des médicaments pour voir Kuma s'emparer de la dernière bouchée. Naturellement, elle n'en fut pas heureuse.
«Oh, Makoto!» Elle se précipita vers eux, comme si elle avait l'intention d'enfoncer sa main dans la gueule de Kuma et en retirer le repas de Naegi. «C'était censé être pour toi.
-Je sais, mais regarde-le. Je parie qu'il a besoin de manger des tonnes, et il est probablement affamé après avoir voyagé aussi loin.
-Je suis sûre que Tanaka-kun s'est bien occupé de lui», dit Tsumiki. Incapable de lui récupérer son repas, elle se consola en lissant la couverture de Naegi.
«Désolé! Je ne voulais pas insulter Tanaka-kun.»
Tsumiki lui sourit, puis jeta un coup d'œil par-dessus son épaule. «Tu vois, Tanaka-kun? Il croit en toi, lui aussi.»
… Zut. Naegi se tordit en deux pour regarder vers le seuil de l'infirmerie. Tanaka s'y tenait bel et bien, venant apparemment tout juste de faire son arrivée. Kamukura le suivait en silence.
L'Eleveur s'avança avec la même assurance que lorsqu'il s'était présenté. Il s'arrêta près du lit, du côté opposé à Kuma, et croisa les bras. Naegi baissa la tête sous son regard insistant. Il avait le sentiment distinct d'être réprimandé.
«D'accord. Je ne lui donnerai plus mon repas.»
Tanaka enfonça soudain la main dans sa veste et fit apparaître un sac de chamallows.
«Pourquoi...?»
La question de Naegi trouva sa réponse quand Kuma émit un son qu'il interpréta comme de l'excitation. L'ours tendit le cou par-dessus le lit de Naegi tandis que Tanaka fouillait dans le sac, et dès que la friandise fut offerte, Kuma la goba tout rond.
«Ah, alors les chamallows sont les friandises désignées pour les ours! réalisa Naegi, sa conclusion validée par le hochement de tête de Tanaka. Et qu'est-ce que je fais pour ses repas habituels?»
A cette question, Tanaka fouilla de nouveau dans sa veste... et en sortit un long morceau de papier. Naegi écarquilla les yeux.
«Euh...»
Tanaka leva la main pour dissimuler sa bouche, et ses épaules furent secouées de tremblements indiquant sans nul doute un rire.
Naegi se laissa un peu gagner par son rire. «Ok, je suis content que tu t'en occupes. Je ne pense pas que j'aurais pu suivre toutes ces instructions.»
Non loin, Tsumiki soupira en fixant le plateau vide. «Je vais demander à un Monokuma de t'apporter un autre repas. S'il te plaît, mange-le cette fois.»
Le sourire de Naegi vacilla quand il se souvint qu'Hanamura et elle avaient planifié ses repas spécialement pour lui. «Désolé, je ne...
-Je comprends», dit-elle. Ses lèvres esquissèrent un sourire. «Tu étais trop excité. Ne laisse juste pas ça se reproduire trop souvent, d'accord?»
Naegi sourit. Il tapota la tête de Kuma. «Compris.»
Kuma appréciait se faire gratter derrière les oreilles. Cela, il le découvrit de lui-même. Par la suite, Tanaka lui donna un cours accéléré sur les endroits où se focaliser. Ce fut ainsi que Naegi remarqua qu'il était terriblement réticent à établir un contact physique. Quand Naegi approchait la main de la tête de l'ours en suivant ses indications, Tanaka retirait toujours immédiatement la sienne pour la garder à son côté avec raideur. À quoi ça rimait? Kuma, de son côté, se délectait clairement de leurs attentions ; les yeux clos, il poussait sa tête dans la main de Naegi.
«Sa fourrure est très douce, dit Naegi en y passant ses doigts. J'aurais pu presque penser que tu lui faisais des shampoings.»
(Il ne remarqua absolument pas la teinte rouge qui colora les joues de Tanaka, ni la manière dont il se dissimula soudain le visage.)
… Et maintenant, il avait quelque chose sur ses genoux. Il crut d'abord qu'il s'agissait d'un pan de l'écharpe de Tanaka – qui, précédemment, était tombée sur ses genoux. Mais alors, le morceau de tissu gigota et des yeux noirs et brillants se levèrent vers lui. Le hamster fixa Naegi d'un air presque perplexe avant de commencer à faire sa toilette.
«Il n'est pas pour moi, lui aussi, n'est-ce pas?» demanda Naegi. Il tendit une main précautionneuse vers le hamster, se mouvant encore plus doucement que lorsqu'il en avait fait de même pour Kuma pour la première fois. En parlant du loup, Kuma avait avancé la tête, et ses mâchoires commençaient à s'ouvrir...
Mais Tanaka réagit rapidement et frappa l'ours sur le museau. Au même instant, le hamster bondit dans les airs et agrippa le cœur de l'écharpe de Tanaka. En une seconde, il avait disparu dans les plis du tissu. Cependant, peu de temps après, Naegi vit pointer toute une colonie de petites têtes, toutes dardant des regards hostiles vers Kuma.
«Un, deux... il doit y en avoir au moins une douzaine! s'écria Naegi. Ils vivent tous dans cette écharpe?»
Tanaka haussa les épaules. Un hamster pointa le bout de son museau de son col à ce moment, et Tanaka leva un bras en le maintenant positionné d'une drôle de manière. Un geste apparemment instinctif pour lui, et l'Eleveur ne parut pas surpris le moins du monde quand le hamster décida d'utiliser son bras en position adéquate comme un toboggan. Il dégringola le long du bras, et d'un petit coup de poignet au dernier moment, Tanaka envoya le rongeur replet sur les genoux de Naegi. Il cligna des yeux en levant la tête vers lui, tout comme son congénère précédent.
«Coucou!» dit-il.
Le hamster le fixa. Il ne fit aucune tentative pour se montrer amical avant de jeter un coup d'œil vers Tanaka et que l'Eleveur ne lui réponde par un hochement de menton rassurant. Puis, le hamster s'avança en se dandinant sans la moindre peur, s'arrêtant pour mordiller le bout du doigt de Naegi.
«Ils te font vraiment confiance, constata Naegi, à moitié pour lui-même. Tu dois beaucoup tenir à eux.»
Il n'eut pas besoin de voir le sourire doux de Tanaka pour en avoir la confirmation. Tout comme Kuma, la fourrure des hamsters avait un lustre sain qui les faisait presque briller. Leurs yeux étaient lumineux et pleins de vie, leurs mouvements curieux et insouciants. Il était impossible que Tanaka ait levé une main cruelle contre eux.
«Je suis content, dit soudainement Naegi. Je suis content que le Désespoir ne t'ait pas fait...»
Il s'interrompit quand il fut frappé par la réalisation de ce qu'il avait manqué de dire. Le hamster sentit sa tension soudaine, et se hâta de retrouver la sécurité de son maître.
«… C'est bien de voir quelqu'un qui se soucie autant de ses animaux», compléta Naegi à la place.
Si Tanaka se doutait de sa phrase originelle, il n'en montra aucun signe à l'exception d'un regard dur. Mais il s'adoucit à nouveau quand Naegi gratta nonchalamment la tête de Kuma. Tanaka se leva brusquement et quitta vivement l'infirmerie.
«… Est-ce que j'ai dit quelque chose qui l'a offensé?» demanda Naegi à Tsumiki.
Mais Tanaka revint rapidement, et il arborait l'air d'un enfant surexcité montrant à son professeur le dessin sur lequel il avait passé toute sa journée. Il serrait quelque chose contre sa poitrine. Quand il fut assez proche, l'Eleveur enfonça les objets dans la poitrine de Naegi. Un peu décontenancé, Naegi les prit et les examina.
Ses yeux s'illuminèrent.
«Mikan, ce sont des documentaires sur les ours! Je peux les regarder?»
Mikan sourit. «Je peux demander à Soda-kun d'amener une des télés...»
A cet instant, un Monokuma vêtu d'un costume entra. Il portait à bout de bras au-dessus de sa tête un plateau de nourriture et se dirigeait vers eux...
Pour être renversé d'un coup de patte de Kuma. L'ours baissa la tête et commença à dévorer avec enthousiasme le repas écrasé au sol.
«Nooonnn! se lamenta Tsumiki. C'était censé être pour Makoto!»
Naegi ne put s'empêcher d'applaudir son nouvel ami.
Le plus grand des désordres régnait dans la chambre. Des habits étaient éparpillés sur le sol, le bureau disparaissait sous un fouillis de paperasse, et les draps du lit reposaient en tas chiffonné. Rien de cela, cependant, ne paraissait déranger l'occupante de la chambre. Elle était trop occupée à se plier au-dessus du lit, enrageant avec des sons irrités alors qu'elle tentait de fourrer une veste dans une valise déjà pleine à craquer. Vraiment, la chambre en désordre jurait particulièrement avec les vêtements de la femme, une élégante veste de costume accompagnée de sa chemise, quoiqu'elle portait un short au lieu de la jupe standard qu'on trouverait chez une membre de la Fondation du Futur.
«Allez, entre!» siffla Asahina alors qu'elle essayait une ultime fois. Pendant un moment, on aurait cru que tout allait entrer, puis la veste – entre autres objets – sauta dans les airs comme si la valise dissimulait des ressorts.
Asahina arracha la veste de son visage et s'effondra la tête la première sur le lit. Puis elle commença à hurler gracieusement dans le matelas.
«Stupide veste», marmonna-t-elle quand elle releva la tête. Elle fixa le mur nu pendant quelques secondes, le temps de se ressaisir. Puis, d'un vif et soudain mouvement, elle se retourna et s'assit...
«Fukawa-san?!» Asahina fut si surprise que sa queue de cheval se dressa dans les airs comme si elle voulait s'envoler.
L'Ecrivaine eut un mouvement de recul, mais c'était trop tard pour filer se cacher derrière la porte. Elle entra dans la chambre, les doigts entremêlés, tout en murmurant: «T... tu n'es qu'une idiote, tu sais.
-Hein? Pourquoi tu dis ça?
-On sait tous ce q... que tu as l'intention de faire, siffla Fukawa. Le Maître m'avait dit que t... tu ferais quelque chose comme ça.»
Asahina se renfrogna, tendant les muscles pour se préparer à la confrontation. «Ah ouais? Bah, c'est pas comme si j'essayais de cacher quelque chose. Je n'ai pas honte de ne pas être une lâche comme vous!
-Non, tu es j... juste une nymphe écervelée. Une fille stupide qui ne peut même pas faire la différence entre ses fantaisies et la réalité...
-Et c'est toi qui dis ça! rétorqua Asahina. En plus, tu l'as vu, toi aussi! Tu as vu ce message.
-Le Maître nous a dit de l'ignorer, dit Fukawa.
-Je me fiche de ce que pense Togami! s'écria Asahina. C'est qu'un snobinard prétentieux de toute manière.
-Hmph. Je ne peux pas dire être surpris d'entendre une telle chose de ta part.»
Bien qu'il se tenait juste derrière l'épaule de Fukawa, les filles avaient été si occupées par leur dispute qu'elles n'avaient pas remarqué Togami jusqu'à maintenant. Fukawa rougit violemment, la bave aux lèvres en murmurant le nom de son Chevalier Blanc. Asahina parut un peu prise de court, puis son visage devint dur comme l'acier comme celle qui se résignait à un combat qu'elle ne pouvait pas gagner.
«Réalises-tu dans quoi tu te jetterais? l'interrogea Togami, fermant la porte du dortoir derrière lui. Ce n'est pas d'une ville abandonnée dont on parle. Le monde extérieur est dangereux.
-Je m'en fiche! cria Asahina. J'en ai assez de rester assise les bras croisés et d'être inutile.
-Et donc, tu préférerais te tirer une balle dans le pied, lança Togami d'un ton méprisant en croisant les bras, sans même la regarder. La populace a vraiment ses priorités de travers.
-Et alors? Je ne le fais pas pour la gloire ou pour quoi que ce soit d'autre que tu sous-entends. J'essaie d'aider parce que contrairement à toi, je m'en soucie.
-Les Monokumas vont te r... réduire en miettes, dit Fukawa en pointant un doigt tremblant vers la poitrine d'Asahina. Tu ne p... peux pas juste débarquer là-bas et t'attendre à ce qu'i... ils soient distraits par c... ces melons!»
Pendant une seconde, Asahina parut avoir envie de se couvrir. «Je... Au moins je fais quelque chose au lieu d'abandonner!
-Nous ne sommes pas sûr que ce message soit vraiment de lui, dit Togami.
-Et si c'était le cas! S'il venait de lui?» Asahina cilla rapidement, les larmes aux yeux. «Et si la sœur de Naegi-kun était à Towa City et qu'il avait besoin qu'on aille la sauver?»
Togami ne répondit pas immédiatement et quand il le fit, il prit en premier lieu une profonde inspiration.
«Elle serait sous bonne garde...
-Je sais. Je m'en fiche! Elle a besoin de notre aide, et je... je...»
Asahina s'étrangla alors, étouffant les mots qui était censés finir sa phrase. De grosses larmes coulèrent sur son visage, et elle tenta sans succès de les essuyer avec sa manche.
«Et si c'était Naegi-kun qui nous demandait de l'aider? répéta-t-elle d'un ton presque suppliant. On doit faire quelque chose, n'est-ce pas? On lui doit ça. Et je n'ai pas pu... Il avait besoin de moi et je n'ai pas pu... Je n'ai pas pu l'aider, lui ou Oogami-san... S'il te plait, j'ai besoin de l'aider. Laisse-moi juste y aller et sauver quelqu'un.»
Togami la fixa. L'Héritier ne paraissait pas le moins du monde ému par ses supplications. Il ressemblait à un juge de la vie après la mort, jugeant la valeur des âmes qui se présentaient devant lui. Puis...
«Très bien.»
Les deux filles cillèrent, surprises. «Hein?
-Très bien, répéta Togami. Je vais t'aider.»
