Chapitre 31: L'Etincelle
«Comment était ta famille?»
Kamukura lui jeta un regard en coin. «Notre dernière conversation n'a-t-elle pas établi que nous n'étions pas proches?
-Je sais, mais ils t'ont élevé, non? Ça doit compter quelque part.»
Kamukura haussa les épaules et recommença à regarder par la fenêtre. «Ils étaient distants. Ils étaient plus intéressés par la manière dont leur fils les représentait que par celui qu'il était vraiment. Ils étaient extrêmement déçus qu'il se révèle si ordinaire. C'était la raison pour laquelle ils l'ont inscrit à la Réserve d'Hope's Peak... et la raison pour laquelle il était aussi fou et naïf. Comme beaucoup d'autres, ils ont fait l'erreur de croire que les élèves de la Réserve auraient la chance de devenir des Ultimes. Ils sous-estimaient la corruption qui gangrénait cet endroit.»
Assis au bord de son lit, Naegi battit des pieds en réfléchissant. Kamukura n'avait pas l'air en colère ; il était aussi morne et indifférent que d'habitude. Mais Naegi avait quand même l'impression qu'il devait maintenant avancer avec précaution, et choisir ses mots avec soin.
«Kamukura-kun, je comprendrais que tu ne veuilles pas en parler, mais tu as l'air de vraiment détester celui que tu étais dans le passé. Pourquoi?»
Kamukura resta silencieux pendant quelques secondes. «Détester est un bien grand mot. Désappointé ferait une meilleure description. Cependant...» Il inclina légèrement la tête de côté puis continua. «… ce serait injuste de le blâmer. Il ne disposait pas de mes talents. Ce n'aurait pas été raisonnable d'attendre de lui de pouvoir prédire ce qui allait se passer.
-... Tu n'arrêtes pas d'en parler comme si vous étiez deux personnes différentes.
-D'après toi, qu'est-ce qui fait une personne, Naegi?» Kamukura le regardait dans les yeux cette fois. «Les relations? Les souvenirs? Les rêves? Parce qu'Hinata Hajime a perdu tout cela quand il est devenu Kamukura Izuru. Pourquoi donc ne devrais-je pas le voir comme une personne différente?»
Hinata Hajime. Naegi nota mentalement ce nom pour plus tard. «Mais tu fais la même chose pour toi aussi. Parfois tu parles de Kamukura Izuru comme s'il était une personne entièrement différente.»
Kamukura le fixa. Quand il se retourna vers la fenêtre, ce ne fut pas juste la tête de Kamukura qui bougea ; Kamukura détourna également son corps de lui.
«Kamukura-kun... pourquoi est-ce que tu as décidé de changer de nom?»
Le silence qui s'ensuivit était glacial.
«Je n'en ai rien fait, répondit finalement Kamukura. Ce sont eux.»
-Je ne comprends pas», dit Naegi. Ça ne semblait pas plausible. Que quelqu'un d'aussi fort et puissant que Kamukura laisse simplement des gens changer son nom? Ça ne lui ressemblait pas du tout.
«Sois plus attentif. Quand ils ont fait de moi l'Espoir, ils m'ont enlevé mes souvenirs. Je n'avais plus de nom, alors ils m'ont donné celui qu'ils jugeaient être le plus approprié.
-Kamukura Izuru.» Naegi répéta son nom avec lenteur, comme si c'était la première fois qu'il le prononçait. «Ce n'était pas le nom de...?
-Naturellement. N'avais-tu pas compris que c'était l'Académie Hope's Peak qui m'avait fait cela?»
… Non, pas vraiment. Naegi n'y avait jamais vraiment réfléchi. Bien que cela avait été sous-entendu à de multiples reprises, Naegi commençait seulement à réaliser que lorsque Kamukura disait qu'ils l'avaient conçu pour être ainsi, il voulait vraiment dire qu'ils l'avaient conçu. Tout au plus, Naegi avait pensé qu'ils lui avaient fait quelque chose quand il se trouvait encore dans l'utérus. Mais ce n'était pas la vérité. La vérité était que Kamukura n'avait pas toujours été ainsi ; ils avaient pris un garçon normal, et l'avait déformé pour en faire ça.
Son premier réflexe aurait été de sympathiser avec lui, mais Naegi n'était pas sûr du résultat. Pourquoi dire à Kamukura que ce qu'on lui avait fait était horrible quand il le savait déjà bien évidemment? A ce stade, ça équivaudrait simplement à remuer le couteau dans la plaie.
A la place, il rassembla son courage et se jeta à l'eau.
«Kamukura-kun, tu savais ce qui allait arriver?»
Le silence ne fut qu'une pause d'un instant, mais parut durer éternellement. Le silence était son propre son, s'amplifiant jusqu'à lui bourdonner dans les oreilles. Kamukura se tourna à nouveau vers lui et cette fois... cette fois, Naegi vit. Au plus profond de ses yeux, comme une mince flamme s'efforçant de survivre dans une bourrasque...
«Non. Je ne le savais pas.»
… De la colère.
Il aurait dû en être effrayé. Rien de bon n'arrivait jamais quand les gens de cet endroit se mettaient en colère. Mais Naegi n'avait pas peur. Au contraire ; il se sentait fort d'une certaine manière, comme si son squelette était sculpté dans le plus robuste des métaux. Cette force se reporta dans sa voix, qui était plus grave quand il prit la parole.
«Qu'est-ce qu'ils t'ont dit?
-Qu'ils me donneraient un talent», dit Kamukura. Naegi ressentit les vibrations de cette voix dans ses os. «Ils n'ont pas mentionné quoi que ce soit d'autre qu'ils avaient l'intention de faire. Peut-être que si j'avais regardé, je l'aurais trouvé dans la paperasse, mais pourquoi aurais-je été assez suspicieux pour vérifier?»
Naegi acquiesça. «Ce n'étaient pas de bonnes personnes, alors.
-Ils étaient arrogants. Nourris de l'élitisme que cette académie cultivait. Le bien-être d'un élève ordinaire et sans talent ne leur était d'aucune importance.
-Kamukura-kun, il y a une chose que je ne comprends pas, reprit Naegi. S'ils t'ont enlevé tes souvenirs, comment est-ce que tu sais tout ça?»
Kamukura ne répondit pas.
«Kamukura-kun...?
-Naegi Makoto...» Une pause lourde de suspens s'ensuivit. «… Comment était ta famille?
-H...hein?» Naegi cligna des yeux rapidement, complètement pris au dépourvu par ce changement de sujet. «Euh, hé bien on était une famille ordinaire, je dirais. J'ai une sœur, et nous avons eu un chien. Komaru... ma sœur est toujours vivante. Komaeda-kun m'a laissé lui parler hier. Nous ne savons rien de ce qui est arrivé à nos parents, cela dit. Komaru ne les a pas vus depuis qu'elle a été kidnappée, et je ne les ai pas vus depuis...»
Toute cette force obtenue pendant cette conversation avec Kamukura le quitta en un souffle. Depuis des années, était la fin appropriée de sa déclaration, peu importait la douleur qu'il ressentait à cette pensée. Techniquement, ce n'était pas vrai, mais en ce qui concernait ses souvenirs, c'était le cas.
Deux ans... tant de choses auraient pu arriver pendant ce temps. Komaru semblait plus ou moins égale à elle-même, mais ça ne signifiait pas qu'il en était de même pour ses parents. Et elle n'était peut-être la même qu'en surface ; et si elle avait un petit-ami par exemple, et qu'il ne pouvait s'en rappeler? Ce serait embarrassant.
«Une famille de personnes parfaitement ordinaires», résuma Kamukura.
Naegi rit, pas le moins du monde insulté. «En fait, ouais. Beaucoup de gens disent ça de nous. C'est plutôt pas mal en fait. Comme … on n'est pas extraordinaires ou célèbres ou des génies, mais ça n'a pas vraiment d'importance. On s'aime les uns les autres, et je ne suis pas sûr qu'on ait besoin d'autre chose. Parfois, je rencontre des gens comme Fukawa-san et j'entends parler de leur famille... Honnêtement, je suis content qu'on soit si normaux.»
«… J'avais un ami plutôt riche au collège, continua-t-il. Il a déménagé, mais avant ça, il avait l'habitude de venir tout le temps chez moi. Ça me laissait toujours un peu perplexe parce que sa maison était beaucoup plus cool et on pouvait y faire bien plus de choses. Mais il m'a expliqué un jour. C'était mes parents. Ses parents étaient toujours super occupés avec leur travail, et c'est pour ça qu'ils avaient plein d'argent. Mais à cause de ça, ils étaient trop occupés pour lui. C'est pour ça qu'il aimait venir chez moi. Mes parents étaient toujours dans le coin, et je crois qu'il aimait être entourés d'adultes qui se souciaient de lui. Parce que c'était le cas. Je crois que c'est un trait de famille chez les Naegi: nous nous soucions de tous ceux que nous rencontrons.»
La voix de Naegi s'adoucissait de plus en plus au fil de ses mots et il commençait à sourire. Mais il s'arracha brusquement à cette plaisante rêvasserie et se souvint d'où il était et à qui il était en train de parler.
«Ah, je suis désolé! Je...
-Je ne suis pas jaloux, l'interrompit Kamukura. Tes liens familiaux ne me dérangent pas.»
Les joues de Naegi rougirent légèrement. «Oh. Merci.
-... Un petit avertissement, Naegi.» La chevelure de Kamukura sembla frémir sous une brise. «Fais très attention quand tu parles de ta famille avec les autres.
-Je sais. Komaeda-kun n'aimerait sans doute pas ça...
-Ce n'est pas que de Komaeda dont tu devrais t'inquiéter.»
Naegi leva nerveusement la tête vers lui, pas vraiment certain de savoir ce que voulait dire Kamukura.
«Penses-tu vraiment que Tsumiki serait contente de voir sa position usurpée? Ou que Kuzuryu apprécierait une déclaration que ta loyauté appartienne à quelqu'un d'extérieur? Le Désespoir Ultime est possessif et facile à offenser. Ils ne reconnaissent pas ta famille. Ils ne te reconnaissent aucun proche à l'exception d'Enoshima Junko. Ce serait mieux que tu respectes cela.»
Naegi fut silencieux en absorbant ces mots. Il semblait que son existence même ne faisait à présent que déranger les autres.
«… La Fondation du Futur les protégera, dit-il. S'ils en ont l'opportunité, ils les sauveront. N'est-ce pas? Même si c'est juste parce qu'ils sont la famille de l'Espoir Ultime.
-Correct.
-Alors je dois juste trouver un moyen de leur envoyer un message, déclara-t-il, bondissant sur ses pieds dans son excitation. Si je dis à la Fondation du Futur où ils se trouvent, alors je parie qu'ils enverront des gens les retrouver! En parlant de ça, Kamukura-kun, où est-ce que Komaeda-kun garde ma...
-Naegi.» Kamukura l'interrompit d'un seul mot. Il laissa planer un instant de silence avant de continuer. «Ce serait de la triche.
-Tu... on fait encore ça?»
Kamukura inclina la tête. «Oui.»
Naegi se sentait … il se sentait déçu. Non, pas déçu, mais aucun mot ne décrirait mieux cette émotion ineffable. Kamukura s'était montré si amical dernièrement (ou du moins aussi amical que Kamukura pouvait l'être) qu'il en avait oublié que le jeune homme n'était pas de son côté. Entendre une telle réponse à présent lui faisait l'effet d'une gifle. Il se sentait trahi, quand bien même Kamukura n'avait jamais prétendu être plus qu'une partie neutre.
«Je suppose que je vais y aller alors», dit-il. Il observa du coin de l'œil la silhouette immobile de Kamukura tout en se dirigeant vers la porte.
(Il ne savait pas ce qu'il attendait. Des excuses? Non, c'était ridicule.)
(Malgré ça, il se sentait blessé.)
«Alors tu étais où, au fait? A part à la chapelle, personne ne t'a vraiment vu depuis toute cette histoire avec la Fondation du Futur.
-Dans le coin, on pourrait dire, répondit Naegi à Soda. Mikan s'inquiétait pour ma santé alors je suis resté à l'infirmerie pendant un moment.
-L'infirmerie... Hé, t'es pas contagieux ou quoi que ce soit, j'espère?» Tout en posant la question, le Mécanicien faisait un grand pas en arrière. «J'ai plein de travail à faire, et je ne veux pas... Regarde, un strike!»
Naegi jeta un coup d'œil au fond de la piste de bowling. Ouaip, c'était un strike.
«Le premier de la journée! s'égosilla Soda. Hah! J'te l'avais dit que je savais ce que je faisais.
-Tu es plutôt doué», dit Naegi.
Soda haussa les épaules. «Hé, j'ai beaucoup pratiqué. Le prochain est pour toi.»
Soda l'enjoignit d'un geste de s'avancer, et Naegi obtempéra. Il attrapa la boule par-dessous et reprit la parole tout en la levant à hauteur de poitrine. «C'est rien de contagieux, au fait. Je n'avais juste pas assez mangé. Est-ce que tu joues au bowling avec les autres d'habitude?»
Soda s'adossa à une barrière proche. «Parfois. Owari-san et Nidai-kun aiment jouer. Hanamura-kun se joint aussi à nous quand il n'est pas occupé.
-Pas Kuzuryu-kun? Ça a l'air de quelque chose qui lui plairait.
-Nan.» On aurait dit que Soda avait envie de lever les yeux au ciel. «Il est toujours en train de dire qu'il est trop occupé pour faire des choses normales comme s'amuser. Quel rabat-joie.»
Naegi émit un son qui n'était ni un acquiescement ni un désaccord. Il chargea la boule dans le canon et dit avec humour: «Ne laisse pas Pekoyama-san t'entendre dire ça.
-Tu sais, il a bien dit qu'il participerait à une condition.» Soda se frotta le menton en fouillant dans sa mémoire. «Il a dit qu'il serait intéressé si on remplaçait les quilles par des vrais gens. Mais ce serait stupide. Il y aurait du sang et des petits morceaux partout, et on arriverai jamais à tout nettoyer. Tout ça, ça sent fort quand ça commence à pourrir.»
Il fit de son mieux pour ne pas l'imaginer (ignorer le parfum métallique imprégnant son palais). Il se contenta de s'occuper l'esprit avec les commandes du canon, ajustant l'angle jusqu'à ce qu'il lui semble parfait.
«Ok, je suis prêt», dit-il.
Soda tourna la tête vers la piste. «Ouaip. On dirait qu'ils sont en place. Vas-y.»
Tout comme Soda, Naegi plaça un épais casque anti-bruit sur ses oreilles. Il le tapota une fois, deux fois, s'assurant qu'il était correctement posé (il s'y était mal pris une fois, et ses oreilles sifflaient encore). Puis, il appuya sur le sinistre gros bouton rouge.
Un «boom» sonore retentit dans la pièce.
Il y eut un bruit strident. Un fracas. Puis, des petits fragments de Monokuma volèrent dans les airs.
«Pas mal, dit Soda.
-J'en ai touché un, fit remarquer Naegi d'un ton blasé. Un bras.
-Quand même mieux que rien. Tu as juste besoin de t'entraîner plus, c'est tout.»
Naegi rit. Il n'eut même pas à se forcer tant que ça parce qu'il était habitué à se moquer de lui-même, et ce n'était pas difficile de s'entendre avec Soda. «Tu as raison. Mieux que rien. Je parie que c'est mieux que ce qu'elle aurait pu faire.
-Qui?»
C'était le moment. Maintenant ou jamais. Tout ou rien.
(Peut-être la pire erreur qu'il ferait jamais).
Naegi sourit largement, même si aucune émotion n'apparut dans ses yeux. «Ma sœur.»
Soda, en train d'attraper la prochaine boule, se figea. «Tu as une sœur.
-Elle est vraiment ennuyeuse», poursuivit Naegi d'un ton aussi monotone que possible. Son cœur se serra à ces mots blasphématoires, mais il se força à continuer. «Elle a toujours été super ennuyante. Pas intéressante du tout. Pour être honnête, ça n'a rien changé depuis qu'elle n'est plus là.
-Je vois... Donc, tu penses beaucoup à elle?»
On y était: partir à la pêche aux informations. C'était en partie pour cette raison que Naegi avait choisi Soda ; le Mécanicien n'était pas très subtil. Naegi laissa échapper un court ricanement dédaigneux, et répondit: «A peine, en fait. La seule raison pour laquelle je me suis rappelé d'elle c'est parce que ce matin, Komaeda-kun disait qu'elle restait à … c'était où déjà?
-Towa City?
-... Oui. Là-bas.» Naegi baissa la tête, s'assurant que Soda ne puisse voir son air triomphant.
«On pourrait se débarrasser d'elle, si tu veux.
-Non!» Il avait parlé avec trop d'empressement et se hâta se rattraper son erreur. «Ce n'est pas une bonne idée. Je veux dire, et si... et si j'avais besoin d'une greffe d'organe un jour?
-Hm. C'est pas faux. Peut-être qu'on devrait la rapprocher alors.
-Ça me paraît trop d'effort pour rien.
-C'est vrai. Hé, si jamais t'as besoin d'un rein par exemple, Tsumiki-san a plein de donneurs qu'elle peut tester!» Soda éclata de rire et frappa Naegi dans le dos. «Enfin bon, à mon tour. Hé, Monokuma! J'ai pas l'impression que ça ressemble à un triangle.»
Alors que Soda réglait le canon, Naegi s'assit sur un des bancs et demanda: «C'est quoi le but de tout ça?»
Soda le fixa et cligna des yeux. «Tous les démolir?
-Non, je veux dire... pourquoi des Monokumas? Ça sert à quoi à part faire du bazar?
-C'est le but! s'écria Soda, des étoiles dans les yeux. C'est un tel gaspillage de temps et de matériel. C'est horrible! Le Mécanicien Ultime n'est pas censé gaspiller ce genre de choses, surtout qu'ils sont si durs à fabriquer. En plus, j'dois passer des heures à nettoyer après et c'est super chiant.»
Soda s'éloigna soudain de la cabine et passa son bras autour des épaules de Naegi. Il tendit son autre bras devant lui: «Tu vois celui-là? Tu t'en souviens?»
Naegi suivit la direction du doigt de Soda. Il aperçut les débris d'un des Monokumas qu'ils avaient détruits. Il faisait partie du premier groupe contre lequel ils avaient «bowlé», d'ailleurs. Comment le savait-il? Parce qu'un de ces premiers Monokumas avait porté un chapeau de pirate.
«C'était Bobby, dit Soda. Chaque semaine, je choisis quelques Monokumas et je leur donne un nom et j'en fais mes préférés. Je veux dire, ce sont que des robots, mais ils ont leur personnalité. C'est assez facile de s'attacher quand tu connais la moindre pièce de leurs entrailles.»
Ses yeux s'illuminèrent soudainement. «… Et c'est pour ça que je les fais exploser avec le canon chaque semaine. Je dois récompenser mon dur labeur avec un peu de désespoir, tu sais?
-Ouais. Bien sûr.» Naegi s'agita sous le bras de Soda. «Si tu fais ça, pourquoi est-ce que tu n'exploses pas tous les Monokumas, tout simplement?
-Peux pas. On en a besoin pour répandre le désespoir.
-Ok... mais vous n'avez sans doute pas besoin d'eux tous. Tu pourrais pas, par exemple, hum, tous les vendredis tu détruis tous les robots que tu as fabriqués dans la journée?»
Soda cligna des yeux. «Mais dans ce cas, tout mon travail serait gâché...»
Naegi sourit. «Exactement! N'est-ce pas super désespérant? Et tu as toujours les Monokumas que tu as construits les autres jours donc c'est pas bien grave.»
Soda hésita. Son expression paraissait bafouiller comme une vidéo défectueuse.
Puis il sourit, aux anges.
«Purée, pourquoi j'y ai pas pensé plus tôt? s'exclama-t-il. J'ai toujours voulu construire un mixeur géant et voir combien je pouvais y mettre... Rien que penser aux possibilités de tueries de masse de robots, ça me fait saliver. Tu es un gamin plutôt cool, tu sais.»
Naegi haussa les épaules. «Merci.»
Tu ne perds peut-être qu'une journée de Monokumas, mais ça en représente quand même des centaines. Ça doit avoir un impact sur le monde sur le long terme, non?
«Tu viendras voir, hein? Je crois que d'abord, je vais leur faire faire un combat de gladiateurs géant.»
Naegi rit et c'était sincère. «Ça me semble génial.
-Qu'est-ce qui est génial?»
Il se demanda si Soda le sentit se figer. Le Mécanicien regardait Komaeda par-dessus son épaule, fronçant légèrement les sourcils. Komaeda lui rendit son regard, les mains enfouies dans les poches.
«Vous avez l'air de vous amuser. De quoi est-ce que vous parliez?» demanda Komaeda.
Le bras de Soda glissa de l'épaule de Naegi. Le Mécanicien commença à répondre. «Il me disait que...
-On parlait de manières de tuer plein de Monokumas d'un coup!» l'interrompit Naegi. Il était obligé. Si Soda racontait à Komaeda ce dont ils parlaient vraiment...
«Pourquoi est-ce que vous auriez besoin de faire ça?» s'enquit Komaeda.
Soda ouvrit la bouche.
«Tu n'as jamais été curieux? répliqua rapidement Naegi. Tu n'as jamais voulu les empiler dans un mixeur par exemple?
-Oh ouais! On va totalement faire ça», dit Soda.
Komaeda ne dit rien pendant un long moment. «Je te cherchais, Naegi-kun. Je suis allé dans ta chambre et tu n'y étais pas.
-Oh... désolé.
-Bah, je t'ai trouvé maintenant. Allons-y!
-Hé, on ne finit pas le jeu?» intervint Soda quand Naegi commença à s'éloigner.
Naegi hésita. «Euh...
-Tu pourras jouer avec Soda-kun plus tard.»
Naegi baissa la tête. «… Ok.
-Hé, laisse-nous juste finir notre jeu! protesta Soda. Ce que tu veux peut bien attendre.»
Komaeda l'ignora. «Dis-lui, Naegi-kun.
-On peut remettre ça à plus tard? demanda-t-il à Soda.
-Je suppose ?» Le Mécanicien se frotta la nuque. «Mais je comprends pas vraiment pourquoi tu dois partir maintenant.
-Il n'y a pas de souci, Soda-kun! dit Komaeda d'un ton enjoué. Je dois juste lui parler de deux ou trois choses.»
Sur ces mots, Komaeda se dirigea avec assurance hors de la pièce, Naegi traînant des pieds derrière lui. Le Chanceux attendit patiemment qu'il soit sorti dans le couloir, puis referma la porte.
«Alors, demanda Komaeda, pourquoi tu me mentais quand on était là-dedans?»
