Je vous avais dit que je reviendrais !
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Partie I - Prologue
Chapitre 1 - Séjour à Juju
- Link...
Les nuages s'écartèrent pour laisser paraître un horizon teint d'orange et de rouge, comme si la lune même chutait, blême et suicidaire, sur la terre. La pluie tombait, forte et drue, des éclairs transperçaient les airs et s'écrasaient dans la brume provoquée par la tempête. Ce qui était bruine, goutte ou averse n'avait plus de sens dans le chaos infernal qui régnait alors. La pluie était si forte qu'en bas, des gens hurlaient à l'abattage des arbres, le vent si violent qu'il emportait les malheureux dans les plaines. Le navire chancela au contact d'une tornade mais sembla se ressaisir rapidement, voguant dans le ciel comme une suite divine poursuivie par un serpent géant.
Les épées s'entre-choquaient dans une danse étrange connue que de leurs porteurs, dans des éclats métalliques semblables aux fantômes tapis à leurs pieds.
- Link... ?
L'arche splendide trembla soudainement, faisant trébucher la combattante en avant, droit sur la lame de son adversaire. Par chance, lui aussi glissa sur le sol devenu aqueux et l'évita de justesse. Les deux se redressèrent simultanément, un même feu chatoyant illuminant leurs yeux. Le combat reprit de plus belle, loin des hurlements d'un monde qui se finissait.
Les deux combattants se tournèrent à nouveau autour, leurs voix se perdirent dans le chaos ambiant.
- Link... !
La femme tendit son arme en avant, prête à toucher l'homme. Ce-dernier se baissa, touchant ses côtes. Un feulement sanguinaire résonna quand le silence se fit maître de quelques malheureuses secondes, l'épée de la femme atteignit l'épaule de son adversaire. Le sang avait désormais coulé des deux côtés.
Un tremblement les déconcentra avant que l'homme n'éclate de rire. Les eaux se firent troubles.
- Link, réveille-toi !
La petite fille sauta au cri soudain de sa grande sœur. Ses yeux se perdirent dans le décor qui lui faisait alors face, un simple mur de crépis. Son cœur battant frénétiquement, elle reconnut l'humble apparence de leur maison et non les grands dédales gravés de la forteresse de son rêve. Une main fut passée sur son front, lui faisant alors prendre conscience de sa respiration tremblante et de sa transpiration. Elle avait l'impression d'avoir marché dans la boue.
- Tu faisais un cauchemar, Link ?
L'enfant de sept ans leva les yeux en direction des orbes bleus de sa sœur. Un froncement de sourcils défigurait le front lisse et pâle de la jeune femme. La lueur d'inquiétude brillait faiblement dans son regard alors qu'Hinné s'installait à ses côtés sur le lit. Un rapide coup d'œil en direction de la fenêtre lui indiqua une heure impie de la nuit.
Link se redressa, peu désireuse de bouger ses membres tremblants. Son cœur battait trop vite, comme si elle avait couru pendant longtemps, ou qu'elle était la femme qui se battait dans le bateau volant. Elle se pencha sur elle-même dans l'optique de trouver la plaie béante sur ses côtes, mais n'aperçut dans la pénombre que son ventre couvert de sa chemise de nuit. Pas de cicatrice, du moins pas de nouvelle qu'elle ne connaissait pas.
Une douce mélodie résonna à ses côtés. Hinné s'était mise à chanter sa comptine préférée tout en lui frottant le dos. Link se reprit lentement, respirant plus doucement à mesure qu'elle se calmait. Son cœur battait toujours trop rapidement pour être tranquille mais le rythme était bien plus gérable qu'à son réveil. Une pensée passagère alla à son rêve, qu'est-ce que cela signifiait ? Qu'est-ce que voulait dire ce combat dans ce bateau ? Et était-ce même un bateau ? La petite fille secoua ses cheveux blonds coupés courts. Une chose était sûre, elle ne voulait pas savoir.
Enfin elle se tourna vers sa sœur, qui attendait toujours une explication.
- Alors, la guerrière ? La taquina Hinné de son sourire narquois si rassurant. Un mauvais rêve ?
L'enfant fit la moue.
- Je ne suis pas une guerrière ! C'est Demise le guerrier ! Et c'était pas un mauvais rêve ! C'était...
Elle s'arrêta soudainement, incapable de mettre les mots sur l'illusion restante. De l'eau trouble, un combat à mort, un homme au visage familier, et une soldate sans face. Si ce n'était pas un rêve, qu'est-ce que cela pouvait bien être ? Elle se pencha en avant, une grimace de concentration déformant son visage rond. Non, elle ne trouvait pas. Pas un rêve, pas un cauchemar, autre chose, une certitude, un fait, l'essence de l'existence, comme si dire que cet homme inconnu n'existait pas était un mensonge. Ses sourcils se froncèrent, elle ne voyait toujours pas.
Hinné poussa un léger soupir mais n'insista pas. En regardant pas la fenêtre, elle remarqua que le ciel s'éclairait peu à peu. L'aube approchait et avec elle, le début de la journée. Il faudrait qu'elle aille chasser, ne serait-ce que pour remplir son quota, mais également parce qu'elles n'avaient presque plus rien et que vivre sur le dos des autres n'était pas dans ses habitudes. La jeune femme blonde se leva, faisant craquer son dos dans un étirement matinal.
- Que dis-tu de ça ? Je t'emmène voir le levé de soleil pour te calmer et en échange, tu me racontes ton rêve. Accord ?
Les yeux de l'enfant s'éclaircirent à la perspective offerte. Ses joues rougirent d'excitation, un rire résonna dans la chambre encore plongée dans l'obscurité.
- Accord !
Juju n'était pas la plus grande des provinces, loin de là. Il s'agissait en réalité d'un territoire occupé par les Sheikahs, plus précisément le peuple Juju, qui avait donné son nom à la terre. Tous pouvaient y vivre, du moment qu'ils partageaient leur spécialité avec les autres, sous forme de quota. Le chef de ce peuple étonnant prônait la vie en communauté plutôt que la puissance brute, il fallait donc avoir quelque chose à apporter pour être considéré comme un citoyen. Aucune race n'était rejetée. C'était donc la raison qui expliquait la présence de quelques Hyliens dans les rues des villages, alors que ce peuple avait été massacré quelques années plus tôt.
Hinné était l'une de ces Hyliens. Chasseresse de génération en génération, la guerre l'avait forcée à quitter ses terres natales pour une région plus paisible. Juju était un miracle, comme elle le disait si bien à sa petite sœur, également rescapée des purges. Un miracle comme il n'en existait aucun autre en ce monde.
Et c'était exactement ce qu'elle répétait à l'enfant alors qu'elles gravissaient la bute la plus haute de leur village pour observer la plaine en contrebas.
- Tu me l'as déjà dit, lui fit remarquer Link après qu'Hinné ait terminé son explication éternelle.
La jeune femme blonde eu un sourire narquois.
- On ne retient que grâce aux répétitions, tu sais ?
L'enfant lui fit la moue, lui rétorquant une énième fois qu'elle était assez grande pour apprendre autrement. Son aînée gloussa, n'ayant aucune honte à user de sa grande taille pour se moquer de la plus jeune. En deux grandes enjambées, elle escalada les quelques rochers qui saillaient dans la montée.
- Eh bien, mademoiselle Je-suis-grande ? Qu'est-ce que tu attends pour grimper ?
Link fronça les sourcils, déterminée à lui faire ravaler ses paroles. Heureusement, elle avait l'habitude de passer ce genre d'obstacle, ne serait-ce que pour fuir les cocottes du voisin. Les prises furent naturellement trouvées, et, à la force de ses petits bras, elle atteignit le sommet de la toute petite falaise.
- Tada ! Fit-elle en se tournant vers Hinné.
La plus grande était désormais debout, les bras croisés sur la poitrine, un sourire fier ayant remplacé le narquois précédent. Un sentiment chaleureux se répandit dans la poitrine de la plus jeune quand un rire échappa à la plus âgée qui se pencha pour lui ébouriffer les cheveux. La fierté de l'une était le sourire de l'autre.
La fierté de sa grande sœur à son égard était un accomplissement personnel.
- Ma petite sœur est douée, hein ? Qui sait, je vais peut-être pouvoir t'emmener chasser avec moi !
A cela, Link se gonfla de joie. Mais elle redescendit bien vite en voyant Hinné secouer la tête.
- T'es encore trop petite, désolé. Ce ne sera que quand tu auras quinze ans et pas moins, tu te souviens ?
- Mais-euh...
- Pas de mais ! On ne rigole pas avec la chasse.
L'enfant parvint d'une manière ou d'une autre à imiter toute la pétulance des adultes en posant ses mains sur ses hanches.
- De toutes manières, quand je serais grande, j'aurais une épée et je combattrais les méchants ! Je ne chasserais pas !
Hinné avait déjà recommencé à marcher, si bien qu'elle se dépêcha de la suivre. La plus âgée riait toujours.
- Même les combattants chassent, tu sais ? Demise m'a déjà accompagnée pendant mes parties de chasse.
- Tu mens !
Hinné rit de plus belle. Link la fixa avec de grands yeux, incapable de deviner si elle disait la vérité ou non. Mais elle changea vite de centre d'attention alors qu'elles arrivaient enfin au sommet de la colline. Le paysage était toujours incroyable.
La plaine de Juju était vaste. Quelques arbres pouvaient être aperçus en contre-bas, entre les champs de couleur dorée, mais la vallée verdoyante s'étendait comme une mer de vert entourée de collines légères et falaises à pic éparses. A quelques endroits se trouvaient des touches de jaune et de blanc, en fonction des cultures qui y avaient été plantées par les agriculteurs des quelques villages des environs. Le leur se trouvait directement à leurs pieds, ignorant les roches de l'escarpement sur lequel elles se tenaient pour préférer la pente douce qu'elles avaient gravi. Il n'était pas bien grand, mais les quelques maisons qui y avaient été construites ressortaient en un style qui se voulait local, des constructions aux courbes parfaites et aux dessins Sheikahs sur les murs. Sur chaque toit se trouvait la sculpture d'un petit renard, symbole que les habitants de Juju vénérait comme l'avatar du dieu des récoltes, une divinité bien secondaire mais si nécessaire à leur survie.
Les montagnes les plus proches se perdaient dans un brouillard matinal, donnant à ce spectacle un côté bien plus enchanteur qu'il ne l'était en réalité. Le souvenir aurait pu être parfait si un élément bien particulier mais non-négligeable ne ressortait pas si bien.
- Le ciel est couvert, remarqua Hinné. Ce n'est pas aujourd'hui qu'on verra un levé de soleil.
Link fit la moue, déçue de rater un tel événement. Les levés de soleil étaient pourtant si beaux sur la plaine de Juju. Les collines faisaient briller leurs fleurs sous la rosée matinale et transformait la mer de vert en un véritable océan de jade.
La grande sœur ne fut pas aussi terrassée qu'elle par cette déception, bien au contraire. Un sourire franc lui vint, des étoiles avec.
- Peut-être qu'Hylia notre sœur passe au dessus de nos têtes aujourd'hui !
Link releva les yeux, les sourcils froncés.
- Qui ?
- Je t'ai jamais raconté cette histoire ? L'histoire de la prêtresse Hylia, la sauveuse des Hyliens !
La petite blonde pencha la tête sur le côté, soudainement occupée à observer le vieux Julius sortir ses vaches.
- Ceux qui sont morts pendant la guerre ?
Hinné lui lança un regard horrifié.
- Qui est-ce qui t'as dit ça ? Julius ? Rah le con... l'idiot ! Faut que j'aille lui faire comprendre de pas dire ce genre d'horreur à des enfants parce que là, c'est trop !
Link la regarda continuer à jurer - ou plutôt se censurer au milieu de ses jurons - avec une attention accrue. C'était cela, le problème de traîner avec Demise. L'homme avait tendance à ne pas avoir autant de filtre que la chasseresse, ce qui faisait qu'il n'avait que peu voire pas de remords à sortir tous les jurons du monde devant les plus jeunes. La petite fille avait alors pris très à cœur de trouver tous les moyens qu'avait Hinné pour cacher ce genre de chose à ses oreilles.
C'était amusant à sa manière.
Quand la jeune femme se fut enfin calmée, elle reporta son attention vers les nuages.
- Notre race, commença-t-elle doucement, existe depuis longtemps... aussi longtemps que celle des Sheikahs si je ne me trompe pas. En fait, nous pourrions même être plus anciens. On nous appelle Hyliens à cause du territoire d'Hyrule. D'ailleurs, Hylia porte ce nom pour la même raison. Il y a bien longtemps, quelques années encore, notre peuple était l'un des plus puissants existants. Mais...
Elle se repositionna, les yeux toujours levés vers le ciel.
- Il y a quelques années, plusieurs peuples ont considéré que nous étions trop puissants. Ils se sont alliés et nous ont attaqués. Les Hyliens n'avaient pas de grande armée à ce moment là. Je ne pense pas qu'on puisse en reformer une un jour... mais je m'égare. Les peuples nous ont attaqués et la guerre à eu lieu. Oui, cette guerre, celle dont Julius a parlé. Oui, je l'ai vécue. J'étais plus jeune et tu venais tout juste de naître quand nous avons dû laisser nos parents derrière.
Elle baissa la tête pour trouver la petite fille hypnotisée par la mer de nuages.
- J'étais déjà arrivée à Juju quand Hylia est intervenue. Elle a sauvé les Hyliens survivants dans la capitale et les a emmenés avec elle au delà des nuages. Je ne sais pas s'ils redescendront un jour. En fait, je crois que nous sommes les derniers survivants encore sur Terre.
Elle sourit, un sourire tendre, malicieux et adorateur, ce sourire que l'enfant n'avait jamais pu décrypter correctement, et qu'elle avait peur de comprendre, comme si le simple fait de mettre des mots sur ces émotions détruirait la magie de l'instant.
- Juju est un miracle. Ne l'oublie jamais.
Et il n'y aurait plus qu'elle pour s'en souvenir.
- Mais sinon, c'était quoi ton rêve ?
Link réfléchit intensément, l'eau troublée était devenue brume dans ses souvenirs.
- Je sais plus !
- Ah ?!
Avant qu'Hinné ne puisse reprendre sa petite sœur sur sa mémoire à court terme, un garçon déboula devant elles.
- Hinné ! On a besoin de plus de chasseurs !
L'Hylienne se tourna vers le Sheikah essoufflé.
- Tiens ? Je comptais aller chasser de toutes manières, ça ne coûte rien de rejoindre le groupe... Bon Link, je te laisse à Rié !
La dite Rié se tenait à quelques mètres de là, les bras croisés, un sourire amusé trahissant son état d'esprit malgré le semblant de retenue qu'elle affichait. Link s'approcha d'elle alors qu'Hinné courait chez elles pour récupérer son arc et son couteau.
L'Hylienne était plus âgée que la chasseresse. Pas très grande, les Hyliens n'étaient pas la plus grande des races, loin de là, Rié était assez mâte pour cette partie du monde en raison de son origine du Sud. Ses cheveux étaient proches du noir et avaient été rattachés en une queue de cheval entretenue. Tout comme tout habitant de Juju qui se respectait, elle portait la tunique blanche aux couleurs du soleil.
- Je ne vois pas pourquoi elle panique, s'amusa Rié de sa voix naturellement grave, tu es assez calme d'habitude.
La petite blonde lui sourit avec fierté, reportant son attention sur son ami d'enfance, le jeune Sheikah Sauro. Il était un peu plus grand qu'elle, mais pas de beaucoup. Ses orbes jaunes, si propres à ce peuple, étudiaient la petite fille attentivement.
- Vous étiez sur la falaise ?
- Ouais, confirma-t-elle, mais le ciel est couvert.
Rié était déjà repartie vers l'aile du village où logeaient les quelques Hyliens exilés. Le vieux Julius était déjà allé rejoindre les champs avec ses vaches et les chasseurs avaient rejoint le groupe habituel, ce qui ne laissait que deux d'entre eux : Link et Rié.
Demise était couché sur un banc devant une maison au hasard, rattrapant vraisemblablement sa nuit de perdue au profit de son tour de garde. Sauro n'eut aucune honte à le réveiller d'un coup de poing dans l'estomac. Link, juste derrière lui, gloussait silencieusement.
- Tu dors Demise !
L'homme ouvrit difficilement un œil fauve avant de faire semblant de se tordre de douleur, les deux mains sur le ventre. Un gémissement exagéré lui échappa mais il attrapa tout de même le plus proche des enfants.
- Vous êtes des petits diables, vous deux !
Sauro, qui avait été attrapé, et Link, qui riait toujours, lui tirèrent la langue. Le guerrier laissa partir sa proie du jour pour se réinstaller à son aise. Un soldat ne devait jamais s'éloigner de ses armes, leur avait-il appris. Aussi les deux enfants ne furent pas surpris de trouver son épée et son bouclier aux pieds du banc.
- Laissez Demise se reposer, les reprit Rié, il a veillé toute la nuit.
Ils se tournèrent vers elle mais reculèrent rapidement. Les cocottes étaient effrayantes, c'était un fait qu'ils ne connaissaient que trop bien. Aussi ne comprirent-ils pas comment la couturière faisait pour porter l'une d'entre elles comme si de rien n'était. Quand eux essayaient de ne serait-ce que les toucher, cela finissait toujours mal.
Les deux enfants se firent sages, la cocotte les surveillant éhontément de ses petits yeux noirs et menaçants. Le couple de potiers passa devant, des gloussements résonnèrent dans les petites rues du village. Le soleil se levait malgré la muraille horizontale de nuages, la plaine s'éclairait d'une nouvelle lueur. Link regarda les enfants plus âgés courir vers les terrains d'entraînement ou suivre les adultes dans leurs occupations, les plus jeunes étant laissés à eux-mêmes sur les routes de pierre. Les adultes n'avaient jamais vraiment peur de laisser les enfants se promener. Le village était petit, chacun gardait les enfants des autres, même indirectement. Du moment que les plus jeunes apprenaient à ne pas sortir du village pour courir les déesses savaient où, il n'y avait pas de problème.
Pas comme eux, donc.
Rié s'était penchée sur son propre travail, la couture, et raccommodait les vêtements qu'on lui apportait. La gentille Souzou leur fit signe de la main alors qu'elle venait poser son propre étal aux côtés de celui de la femme brune, ses cheveux blancs brillaient d'un lavage matinal. Sur son dos se trouvait son bébé né quelques jours plus tôt, Link avait oublié comment il s'appelait. D'autres passèrent, avec des seaux d'eau pleins ou à remplir, du bois dans les bras voire des outils pour en chercher.
Sauro souffla d'impatience, écrasant son menton sur la table dans un bruit mât. Ses yeux partaient déjà à la recherche d'une occupation. Link se tendit quand elle remarqua que son intérêt s'était porté sur la petite fontaine, prêt à bondir pour attraper le couvercle d'une casserole vide laissée à sécher. Mieux valait un bouclier de fortune que rien du tout.
Un rire grave se fit entendre dans leur dos. Se retournant simultanément, ils remarquèrent Demise qui s'approchait d'eux.
- J't'emprunte les gosses, Rié ! On dirait qu'ils ont envie de bouger !
L'Hylienne se contenta de faire un petite signe de main dans sa direction.
Les deux enfants se dépêchèrent de suivre l'homme. Demise était grand, surtout pour un Sheikah. Il était rare pour un Hylien d'en dépasser un, malgré leur forte ressemblance physique, mais la taille du soldat était telle qu'il dépassait ses pairs d'au moins une tête, et c'était sans parler de sa corpulence. Il expliquait cela par son ascendance Gérudo. C'était logique : ses cheveux oscillaient entre le roux et le blanc, et étaient tirés en arrière pour être rattachés en une queue de cheval basse, laissant paraître sur son front une vieille cicatrice qu'il disait avoir reçu pendant la guerre. Malgré cela, l'amusement était toujours palpable autour de lui, même quand il ne souriait pas.
Il devait bien être le deuxième préféré de Link, juste derrière sa grande sœur.
Bien qu'elle ne le dirait jamais à la concernée.
Le trio traversa les rues de plus en plus encombrées, recevant quelques fois des signes de la part de plusieurs habitants. Un adolescent arrêta Demise pour lui poser une question sur les différents types de bêtes existant dans la nature. Malgré tout, ils parvinrent à l'autre bout du village sans rencontrer trop de problèmes.
Les deux enfants attendirent les explications. Heureusement pour eux, Demise n'était pas du genre à laisser les autres dans le noir. Quelque chose comme quoi le danger était plus facilement évité grâce aux informations... Pas qu'ils comprennent toutes les implications.
- Vous voyez cette tour ?
Ils suivirent la direction qu'il indiquait pour trouver une tourelle de roche. Link sentit un sourire fendre son visage. Oui, ils la connaissaient. Ils en avaient même fait un fort à un moment donné. Et cela, c'était quand ils n'essayaient pas de la transformer en cachette ultime - mais peu efficace étant donné que tout le monde savait où ils étaient - ou de tenter de nouvelles cascades en s'en servant comme piédestal - ce qui avait déjà poussé le vieux Julius à les reprendre.
- Évidemment qu'on la voit ! Confirma Sauro d'un ton autoritaire.
Demise rit, un ton chantant et entraînant, alors qu'il se baissait à leur niveau. Son arme et son bouclier s'entre-choquèrent dans une étrange mélodie discordante.
- La semaine dernière, j'ai réinvesti votre tour. Maintenant, c'est un donjon hyper amélioré qu'il faut traverser de bout en bout pour récupérer le drapeau rouge.
En plissant les yeux, ils pouvaient effectivement voir le fameux drapeau au sommet, entre les quatre piliers de bois qui soutenaient le toit. Link ouvrit la bouche pour poser une question mais Demise l'interrompit.
- Étant donné que je connais votre niveau en acrobatie, je vais ajouter une règle : à moins que ce ne soit stipulé, vous devez passer par l'intérieur et résoudre les énigmes que j'ai inventées. Quand vous aurez fini, vous me ramènerez le drapeau et je vous indiquerais le prochain endroit où aller. Compris ?
Le jeune Sheikah et l'enfant Hylienne échangèrent un regard désorienté mais hochèrent tout de même la tête. Le soldat leur sourit.
- Si vous avez des questions, il suffit de venir me trouver.
- Je crois que j'ai compris... Tenta Link. On doit chercher le drapeau mais pas en escaladant.
- Donc on doit prendre les escaliers, ajouta Sauro. Comme des gens civilisés.
Il devait répéter les mots de son père le jour où il les avait surpris en train d'escalader la façade. Le soldat gloussa et claqua dans ses mains.
- Dans ce cas, je vous souhaite bon courage !
Si tout se passe bien, à demain !
