Je suis de retour, pour vous jouer de mauvais tours... Ou pas. Sur ce point, je ne suis pas très créative.

Aujourd'hui, visite touristique du Mont Péril ! Bonne lecture !

[Avertissement : je ne sais pas si je compte encore les jurons comme un avertissement...]


Chapitre 8 - Le Mont Péril

Il y avait un bracelet de vignes à son poignet.

Link ne savait pas quand tout avait commencé à devenir si compliqué. Elle hésitait, plusieurs réponses s'offraient. Était-ce le dragon des vents et son massacre qui avaient provoqué cette situation absurde ? Le descendant de Farore, roi des quatre vents, ne pouvait pas avoir perdu l'esprit sans raison, ce n'était pas logique. Tout ce que cela provoquait étaient des pensées contradictoires, des sentiments malsains, étranges, incompréhensibles. Malheureusement pour eux, les mortels, il n'était pas le seul problème, loin de là. Depuis des années maintenant, c'était les monstres, le problème. Le plus important de tous, d'ailleurs, impactant dans leur présence chaque peuple jusqu'aux fondements mêmes de leurs sociétés.

Les alliés s'étaient rapprochés, les ennemis ne se combattaient presque plus. Les villages s'étaient éloignés, devenus inaccessibles pour certains, d'autres se cachaient quelque part dans le monde, à l'instar des villes Zoras, celles qui s'étaient glissées dans les cascades et lacs qui coloraient les paysages de leur pays. Et les Jujus survivaient du mieux qu'ils pouvaient, dans une contrée ravagée par un dragon maître des quatre vents, et bien qu'ils soient aidés de temps à autres par les deux autres tribus Sheikahs, ce n'était pas suffisant, loin de là.

Les monstres étaient un problème, conséquent en plus de cela, le dragon des vents un autre, qui inquiétait désormais les populations. Car si un dragon se mettait à tout détruire, que feraient les autres ? Qui savait, les deux problèmes étaient peut-être même liés. Dans tous les cas, l'origine de ce chaos se terrait dans les souvenirs terrorisés des survivants d'un pays injustement massacré. C'était ce jour là, sous les braises et le sang, qu'avait poussé ce bracelet de vignes.

Aujourd'hui, tout était arrivé au point de non-retour.

Elle jeta un coup d'œil autour d'elle, les sourcils froncés, à la recherche de ce que voulait Hylia en venant ici. Le Mont Péril n'était pas le lieu le plus accueillant du monde, loin de là. Avec le désert, ce devait être sa destination détestée. Même les Rosariens se montraient plus civils avec des Hyliens que certains peuples des montagnes. Mais la prêtresse cherchait quelque chose. Elle le lui avait expliqué quelques jours plus tôt, ce devait être relativement important pour cette mission étrange et complexe qu'elle ne comprenait absolument pas, mais cela ne l'avait absolument pas marquée.

Quelque chose en rapport avec la Triforce et ses gardiennes.

- Tu peux me redire ce qu'on cherche ?

L'Hylienne aux yeux bleus parut excédée. Légitime, même pour la vagabonde. Pas qu'elle le dirait à voix haute.

- On cherche la tour du Courage, là où vit la prophétesse servante de Farore.

- Pourquoi ?

Elle devrait vraiment commencer à faire plus attention à leurs discussions, si l'impatience sur le visage de la femme au célestrier voulait dire quelque chose.

- Pour réunir la Triforce.

- C'est quoi le rapport avec Kohana ?

Le bruit d'un combat lointain attira momentanément son attention, jusqu'à ce qu'elle soit sûre que les adversaires s'éloignaient. La prêtresse parut se détendre, que ce soit grâce à l'attaque évitée ou au fait relativement évident que Triforce et Kohana n'allaient pas forcément ensemble. Elle lâcha un soupir, puis recommença son explication depuis le début.

- Comme je te l'ai déjà dit, il y a dix ans, en Juju, est arrivée une armée de monstres menée par trois personnes. Leur chef principal est Kohana, bien que j'estime que ses deux camarades sont également à surveiller. Comme tu le sais, ce jour-là, Kohana s'est rendu responsable d'un massacre...

Elle le savait mieux qu'elle, c'était sûr.

- … mais ce que vous ignoriez, c'était qu'il avait également déclenché une guerre pour la Triforce. J'ignore ce pourquoi il la veut. Tout ce que je peux dire, par contre, c'est qu'il ne reculera devant rien pour la récupérer. Ce faisant, il a également provoqué, bien que cela ait mis plus de temps à se voir - et peut-être que c'était accidentel - un décalage dans l'équilibre de ce monde. Considère que c'est de sa faute si le dragon des vents a perdu l'esprit.

Bien qu'il manquait toujours une partie de l'explication, un homme parfaitement mortel rendant fou une divinité était particulièrement dur à imaginer.

- Toujours est-il que le but de Kohana est la Triforce. La raison ne nous importe pas, le problème est de la perdre.

Un monstre jaillit de derrière un rocher. Le célestrier piaffa mais un coup rapide de l'épée décapita la bête.

- Jusque là, je comprends, la Triforce est super importante, mais c'est quoi son rôle, en gros ?

La prêtresse, légèrement secouée par l'attaque - il faudrait qu'elle commence à s'y habituer - passa une main dans ses cheveux, les yeux perplexes.

- Je ne pensais pas devoir expliquer cela...

- Nous ne vivons pas tous dans un temple, lui rappela Link d'une voix aigre.

Hylia prit la critique gracieusement. Le sang goûtait le long du tranchant de son arme. Attrapant un mouchoir usagé, elle l'essuya.

- La Triforce joue un rôle majeur sur notre monde. Tu peux la voir comme le dernier héritage des déesses. Moi-même, je ne connais pas toutes ses propriétés. Néanmoins, une chose est sûre : elle permet, une fois les trois fragments assemblés, d'exaucer tous les vœux, même ceux qui semblent impossibles.

Link fredonna en rengainant Fay, les yeux fermés.

- Si une personne fait le vœux de détruire quelque chose...

- Alors cette chose sera irrémédiablement détruite, que ce soit un objet, voire un pays. De même s'il fait le vœux qu'elle n'ait jamais existé en premier lieu.

Expliqué ainsi, l'idée que la Triforce tombe entre les mains d'un génocidaire maître des monstres et faiseur de démon n'était pas une bonne idée.

De nouveaux craquements résonnèrent autour d'elles, la mercenaire se prépara à cueillir le monstre. Un Moblin, sûrement parti à la recherche de son camarade, déboula devant elles. Manque de chance, il ne s'arrêta pas assez vite pour éviter le vide.

Link cligna des yeux. Cette falaise était bien plus dangereuse que ce qu'elle pensait.

- Du coup, on doit trouver la Triforce avant lui ?

- Exactement.

L'objectif était cohérent, la vagabonde hocha la tête, une moue froissant son visage.

- Et les prophétesses, dans tout ça ?

Hylia lui lança un regard horrifié.

- Ne me dis pas que vous ne savez pas non plus quel est leur rôle ?!

- Je sais qu'elles existent, c'est déjà pas mal ?

L'Hyruléenne secoua la tête, marmonnant des incohérences choquées que l'autre ne prit pas la peine de comprendre. Link sentit sa moue s'aggraver, se trouvant insultée sans raison. Ce n'était pas si grave, n'est-ce pas ?

- Les prophétesses, commença la prêtresse après avoir retrouvé ses esprits, étaient autrefois de simples servantes des déesses. Les premiers gardiens de la Triforce, comme tu dois le savoir, étaient les Sheikahs, comme le prouve leur symbole. Néanmoins, certains d'entre eux ont tenté de voler la Triforce. Nous en ignorons malheureusement la raison. Les quatre esprits de Lumière les en ont empêchés et, avec les déesses elles-mêmes et d'autres divinités, les ont enfermés dans un autre monde, le monde du Crépuscule.

Link hocha la tête, se souvenant parfaitement de l'histoire que lui avait racontée sa mère, cette nuit de terreur. Normalement, ils étaient censé fêter ces personnes enfermées, ou au moins éclairer leur pays suffisamment pour que la lumière puisse les atteindre. Elle pouvait, de ce fait, aisément affirmer que tous les enfants de sa génération avaient entendu au moins une fois leur histoire.

- Après que les Sheikahs se sont rendus responsables de ce crime et irresponsables en tant que gardiens, les quatre esprits ont décidé de confier la garde de l'artefact à d'autres personnes : ce sont les grandes prophétesses. La garde a cette fois été divisée. Les prophétesses du Courage, de la Sagesse et de la Force gardent les Triforces qui leurs sont affiliées, et celle de l'Equilibre a pour mission de les réunir. L'idée était que les quatre prophétesses doivent être réunies pour unifier la Triforce et exaucer les vœux.

Hylia secoua la tête, semblant triste sans raison.

- Malheureusement, elles sont indirectement la cause de la guerre d'Hyrule.

- Hein ?!

La prêtresse soupira lourdement. Le regard lointain, les yeux humides, le corps entièrement tourné vers ce qu'elles savaient toutes les deux être Hyrule, loin, perdu dans la brume que formaient les nuages. Un Hyrule dévasté depuis désormais presque vingt ans.

Un pays qui avait précédé la chute de Juju, tout aussi détruit, une plaine venteuse au Sud de la contrée des landes et des collines. Des habitants évacués, forcés de quitter tout ce qu'ils connaissaient pour une survie ardue, quasiment impossible.

Link pensa un instant à la harceler de questions. Pourquoi ces prophétesses avaient déclenché une guerre, pourquoi n'en étaient-elles pas directement la cause. Pourquoi, tellement de pourquoi, et le souvenir d'une femme aux cheveux soleil lui parlant d'un pays annihilé. Mais, ses propres yeux partis à la recherche d'une contrée de landes battues par le vent, elle garda le silence. Parce que Juju était mort, Hyrule aussi, et ce qu'elles protégeaient désormais toutes les deux ne se résumait qu'à des restes roussis.

Parce que Kohana avait commis un crime, et qu'il devait aujourd'hui en payer le prix.

Alors la vagabonde, la mercenaire se corrigea-t-elle, regarda les plaines accidentées, les ruines lointaines, les reconstructions, l'amas de nuages qui traversait le ciel d'un rythme paresseux.

Un jour, en Juju, un vieil homme lui avait raconté un histoire. Une histoire qu'elle connaissait toujours, et qui résonnait tout particulièrement aujourd'hui.

- Courage, papillon de soleil ! Murmura-t-elle d'une voix rauque. Hylia se tourna vers elle, ses yeux bleus prirent la teinte de l'unique statue de Nayru qu'elle avait pue apercevoir de sa vie.

- C'est « Le héros de Farore » ?

Link ferma les yeux, les paroles lui revenant comme un flot nébuleux, disparu longtemps mais jamais défunt. Comme cette déesse, construite de vert, couleur de la vie, mais aux yeux jaunes, teinte de la mort. Si belle déesse qui soufflait ses secrets sur le monde, divinité protectrice veillant sur son peuple voyageur. Sur toutes les représentations qu'elle lui connaissait, Farore souriait.

- Fais du ciel ta première merveille ! Continua-t-elle rapidement.

L'oiseau étend ses ailes de lumière

Et trace un chemin pour tous ses frères.

Il n'y avait pas d'énigme cette fois, pas de Marion pour la réprimander pour un rien, pas de Vaati pour rire doucement de leurs disputes. Pas de Demise pour raconter une énième bataille. Pas de Taketi pour se moquer de lui. Surtout pas de Sauro. Aucune Hinné.

Tout le monde était mort.

La déesse aux yeux jaunes était cruelle, disait ce vieil homme, dans son esprit brumeux. Elle donne, donne plus que de raison. Malheureusement, elle prend également, toujours trop. Farore ne connaît pas le juste milieu, elle est soit trop généreuse, soit trop gourmande. Elle y pensait depuis un moment désormais. Depuis Juju, depuis le dragon des vents.

Elle ferma les yeux, attendant un instant que son cœur revienne à un rythme honorable, respirant calmement l'air enfumé du Mont Péril. Farore était implacable, mais pas mauvaise.

Elle se demandait si c'était ce que lui aussi ressentait.

- On cherche la Triforce, du coup.

Hylia la fixait silencieusement, un air de compréhension profondément gravé sur ses traits fins. Inclinant la tête, son léger sourire revenu à ses paroles, elle fronça les sourcils au paysage verdoyant qui s'étalait à leurs pieds.

- Il faut trouver les prophétesses.

- Personne ne sait où elles se trouvent ?

La prêtresse grimaça.

- Normalement si, mais... les Jujus l'ignoraient, donc j'imagine que ce n'est pas une information facile à trouver.

La vagabonde avait l'habitude de voyager. Elle n'avait que cela pendant des années. Courir aux quatre coins de la carte et fouiller les recoins reculés des pays se trouvaient être deux activités différentes, elle le savait bien. L'un était simple, il suffisait d'avancer. Le deuxième impliquait de bien connaître l'endroit. Le souffle court, elle chercha dans ses souvenirs. Elle pouvait trouver un lieu précis en Juju et Hyrule. Ce faisant, elle affirmait sans sourciller qu'aucune tour ne se trouvait dans les parages.

Ce qui laissait l'intégralité des autres pays. Sachant qu'elle n'avait fait que traverser le pays des Cascades, ne connaissait qu'une infime partie du Mont Péril, et n'avait jamais mis les pieds ni dans la forêt, ni dans le désert.

- Et donc... ?

La réponse lui faisait honnêtement peur. Plus encore quand l'Hylienne aux yeux bleus parut gênée sans raison particulière.

- Eh bien... Il va falloir chercher où elles se trouvent ?

Link pouvait déjà voir en quoi cette quête allait être difficile.


Une explosion terrible fit trembler le chemin rocailleux piégé entre deux falaises abruptes. Peu de temps après, un rocher déboula du coin, droit sur le trio perdu. Oko, le célestrier d'Hylia, piailla un son strident avant d'attraper son amie la plus proche et de s'envoler. Link jura un grand coup - ce qui avait toujours le don de hérisser la prêtresse - avant de courir. Et vite, ce qu'elle considérait comme un boulet de canon d'une taille indécente prenait l'intégralité de la place de la petite route qu'elles empruntaient alors.

La montagne frissonna de plus belle au rythme de ce qu'elle comprit être une explosion, le volcan ne se trouvant pas très loin, et bientôt, de nouveaux projectiles tombèrent devant elle. Trébuchant à plusieurs reprises entre deux rochers égarés, son poursuivant continuant sa route malgré la chute impromptue comme si de rien n'était, elle parvint à trouver la falaise qu'elles avaient quittée quelques minutes auparavant. Une dernière glissade et le caillou géant termina sa course dans le vide.

Au moins, maintenant, elle comprenait mieux pourquoi il y avait un tel cratère à cet endroit de la falaise.

Un souffle erratique la saisit alors qu'elle s'écroulait contre la surface rocheuse. La pluie de météores avait cessé, ou au moins n'atteignait pas cette partie de la montagne. Oko s'installa non-loin, l'air correctement honteux. Hylia paraissait avoir perdu quelques années de vie.

- Par les trois déesses, Link, tout va bien ?

La mercenaire lui jeta un regard sévère.

- Pas grâce à vous.

Dès que les mots quittèrent sa bouche, elle s'en voulut. Évidemment qu'elle ne pouvait pas accuser l'Hyruléenne de l'avoir laissée derrière. Avec ses capacités physiques, heureusement qu'Oko avait eu le réflexe de la tirer hors de danger. Qui plus est, elle aussi avait possédé un célestrier. Elle savait mieux que personne à quel point ces oiseaux pouvaient se montrer protecteur envers leurs Hyliens.

Sa poitrine se tordit douloureusement. Petra lui manquait.

- Je... désolé, c'est sorti tout seul...

Hylia ne semblait pas l'avoir pris personnellement, car elle lui offrit un sourire contrit. De temps à autres, entre deux disputes, Link se rappelait que la prêtresse possédait un calme naturel et une sérénité à toute épreuve, ce qui expliquait au moins ce pourquoi il était si difficile de la mettre en colère. Son manque d'empathie était l'une des choses qu'elle lui reprochait. La femme plus âgée, en réponse, critiquait ses réactions excessives.

Cela mis de côté, la mercenaire se releva. Les deux femmes se tournèrent vers le chemin accidenté.

- Je ne pensais pas que ce serait aussi dangereux, avoua la prêtresse.

- Je ne pensais pas que cet endroit du Mont Péril serait aussi dangereux, renchérit Link d'une voix aigre.

L'autre Hylienne lui offrit un regard perplexe. Se rappelant que l'autre ne connaissait du monde que des écrits, la vagabonde chercha une réponse à la question silencieuse.

- Nous avons déjà traversé le Mont Péril, expliqua-t-elle calmement, ses pensées amères revenant à ses anciens camarades. Mais pas ce côté. Seulement le territoire des Gorons, en fait.

La femme au célestrier hocha la tête, les sourcils froncés.

- Donc cet endroit est le territoire d'une autre race ?

- Des Mogmas, confirma-t-elle. Je n'en ai jamais rencontrés.

Courageusement, ou dangereusement stupide si elle demandait l'avis de sa camarade, elle jeta un coup d'œil au chemin mouvementé. Un glapissement plus loin, un nouveau rocher dévala la pente.

- Mais merde ! C'est quoi ça ?!

- La montagne nous rejette, souffla la prêtresse avec inquiétude. Les Hyliens ont-ils énervé une divinité locale ?

Link se contenta de lui jeter un regard perdu. Si cela avait été quelqu'un d'autre, cette déclaration aurait sonné comme une blague.

Hylia parvenait à rendre l'absurde sérieux. Encore une fois, elle se demanda si l'autre n'était pas folle.

Décidant que cela ne servait à rien de s'énerver contre une route impossible, elle se tourna vers la falaise en elle-même. Si la chute semblait longue et renfoncée de façon à faire chuter quiconque s'y tentait, la montée, elle, possédait des prises accessibles même à un escaladeur débutant. Parfait pour atteindre le plateau surélevé qui devait se trouver au sommet.

Hylia ne sembla pas remarquer son observation calculatrice car elle continua de s'intéresser à la carte que leur avaient fournie les Jujus.

- Y a-t-il d'autres races qui vivent ici ?

Link se recula suffisamment pour avoir une vue d'ensemble. Oko piaffa quand elle s'approcha trop près du bord.

- En dehors des Gorons et des Mogmas ? Oui, deux autres en fait. Je crois que le Mont Péril est l'endroit du monde le plus peuplé.

Elle réfléchit quelques secondes de plus avant d'acquiescer. Quatre peuples avaient fait du Mont Péril leur territoire. Le pays des Sheikahs comptaient trois tribus, mais elles étaient toutes de la même race, donc ne comptaient que pour une. La population d'Hyrule était entièrement composée d'Hyliens. La forêt, elle, se partageait entre les Twikis et les Pestes. Le pays des Cascades appartenait dans sa quasi-totalité aux Zoras, bien qu'une ou deux berges d'eau salée le bordaient, donnant la place aux Sirènes de construire leurs villes de façon à les rendre plus accessibles à... tout le monde. Finalement, le désert était disputé entre deux races qu'elle savait se détester. Certains disaient que leur haine réciproque allait même jusqu'à la guerre.

Douze races, soit plus que ce qu'Hyrule ne comptera plus jamais après cela, et ce sans compter les Minishs qui s'étaient déjà installés dans les hautes herbes des landes. A une époque, cela avait été amusant de les chercher.

Hylia hocha la tête, la mine toujours réfléchie.

- Y en a-t-il des dangereuses ?

Pour nous n'était pas dit, mais elle l'entendit malgré tout. La mercenaire prit quelques secondes pour digérer l'information. La prêtresse se montrait naïve sur de nombreux points, ce qui était une facette que Link détestait de tout son cœur. Pourtant, là, au sein de la chaîne de montagnes qui dominait le monde entier, elle se rendit compte pour la première fois qu'elle ne l'avait pas vraiment comprise. Évidemment qu'Hylia ne savait pas à quel point le monde était dangereux, elle n'était pas descendue de son rocher volant depuis près de dix-sept ans.

Mais elle avait tout de même pris sur elle de retenir les consignes précipitées que lui avait balancées Link juste avant de partir. Ne pas faire confiance aux autres races. Ne pas croire toutes les paroles. Ne pas prendre pour acquise la gentillesse excessive. La plus jeune se sentit malade, l'espace de quelques secondes. La trahison était simple. Le dragon des vents, alors qu'il devait les protéger, avait trahi les siens.

Et tout le monde était mort.

Sans qu'elle ne puisse faire quoique ce soit pour les sauver.

Elle se reprit rapidement, voyant que l'autre attendait patiemment une réponse.

- Les Gorons sont assez amicaux, réussit-elle à prononcer, et les Mogmas... j'en sais rien, mais j'ai entendu dire qu'ils étaient sympas. Par contre, les Takeihs nous détestent. Pareil pour les Fées. Je jure qu'ils seraient capables de faire alliance si ce n'était que pour nous tuer.

Elle frissonna pour accentuer son propos. Sa dernière interaction avec une Takeih particulièrement remontée ne s'était pas du tout bien passée. Si Marion n'avait pas réagi à temps, elle serait sans doute morte, embrochée par des centaines de plumes.

C'était Marion qui était morte.

Quittant une fois de plus ses idées noires, elle hocha la tête avec assurance à Oko. Quelque chose lui disait que l'oiseau essaierait de faire ami-ami avec les races ailées.

- En quoi les Fées sont-elles dangereuses ?

Le célestrier piaffa en écho à la question de son amie.

- En quoi ne le sont-elles pas ? Ce n'est pas parce qu'ils ont un nom mignon qu'il faut les sous-estimer. Les Fées sont des guerriers avant tout, vous savez ?

La dernière Fée qu'elle avait croisée était un homme immense - parce que toutes les races étaient grandes, à son malheur personnel - avec des ailes de papillon conséquentes, qui avait failli la tuer d'un coup de lance. Juste avant de se battre à mort contre un Takeih tout aussi énorme. La compagnie mercenaire n'était pas restée assez longtemps pour observer le résultat du combat, mais Sauro, ce grand suicidaire qui s'ignorait, avait confirmé que la Fée avait salement empalé son adversaire.

Sauro était vraiment mort, par contre.

Elle grimaça.

- Et les Takeihs ?

- Leurs plumes sont littéralement des armes, déclara la mercenaire. Et leurs ailes des boucliers. Les affronter est une torture.

Et elle le savait bien, pour tous ses combats amicaux contre son amie ailée, du temps où elle risquait de se retrouver embarquée dans un duel entre Sauro et elle, sous les regards et les encouragements de leurs camarades de la compagnie.

Et maintenant, il n'y avait plus qu'un oiseau géant et une Hylienne à qui elle ne confierait sa vie pour rien au monde.

La discussion semblait terminée, si le visage inquiet d'Hylia signifiait quelque chose. Se tournant vers la falaise abrupte, elle commença son ascension.

- Euh... Link ? Qu'est-ce que tu fais ?

- Je grimpe. Faut qu'on aille au sommet, non ?

Et il était hors de question d'essayer de passer par le chemin rocheux qui les avait attaquées plus tôt - elle détestait tout particulièrement les cailloux. Hylia n'ajouta rien, bien qu'elle l'imagine sans mal arborer une expression de choc absolu. La femme n'était pas habituée à l'activité physique. Dommage pour elle, maintenant qu'elle avait décidé de s'embarquer dans une quête comme celle-ci, elle allait devoir s'y mettre. Au pire des cas, Oko était là pour l'aider à escalader. Passant au delà du fait que l'oiseau bleu gazouillait comme pour l'encourager, Link continua sa route vers le sommet.

Monter était facile. Rien qui ne lui soit impossible, du moins. Les prises étaient simples à trouver, solides, la roche n'était pas assez sèche pour en devenir friable, mais pas assez humide pour la faire glisser. Ce fut donc rapidement qu'elle atteignit le plateau surélevé.

Deux personnes se trouvaient au dessus d'elle.

- Un Hylien ? Je rêve j'espère !

Sitôt elle se redressa qu'une grimace ravagea toute expression victorieuse qu'elle aurait pu porter. Devant elle, à quelques mètres de distance, en compagnie d'un Goron qu'elle savait pacifiste, se trouvait une Fée.

La femme était grande, presque autant que son camarade d'une autre race. Ses cheveux lisses tombaient en deux ailes parmes dans son dos, d'où dépassaient les attributs de la libellule qui était propres à cette forme. Une Fée du Sud, si la mercenaire ne se trompait pas. Pas les plus hostiles, celles du Nord étaient pires - à l'instar de cet homme aux ailes de papillon - mais quelque chose dans ses yeux jaunes et son médaillon flamboyant l'inquiétait. Le Goron, en comparaison, lui offrit un sourire paisible.

- Euh... bonjour ?

Oko apparut soudainement à ses côtés, Hylia en descendant rapidement, l'expression inquiète tournée vers les deux nouvelles personnes. Link fronça les sourcils, la main sur l'épée. Les Fées étaient agressives, c'était connu. Néanmoins, en général, elles n'attendaient pas aussi longtemps pour attaquer.

Pour preuve, celle-ci leur offrit un regard peu impressionné.

- J'ai mieux à faire que de combattre deux Hyliennes, grinça-t-elle dans leur direction. De toute manière, ajouta-t-elle à l'intention du Goron resté silencieux, nous nous reverrons vite.

Sur ce, elle s'envola si rapidement qu'elle aurait pu dépasser la vitesse de Marion à son meilleur. Sans aucun doute, après réflexion, et cette révélation eu le mérite de choquer la vagabonde. Le Goron, lui, se contenta de faire un petit signe dans sa direction, avant de se tourner vers les deux nouvelles arrivantes.

- Ne vous inquiétez pas, Loubec ne combat jamais sans raison ! Rit-il d'une voix riche et chaleureuse.

Link cligna une fois des yeux, très exactement, avant de revenir à l'homme joyeux.

- Bonjour ! Gazouilla-t-elle, habituée à côtoyer les Gorons. Loubec alors ? C'est une Fée du Sud si je ne me trompe pas ?

Le Goron rit de plus belle.

- Une vraie de vraie ! Elle peut sembler froide, mais elle est très gentille en réalité !

Il se repositionna, laissant les deux Hyliennes s'approcher de lui. La vagabonde fit un geste de la tête dans sa direction, intimant à Hylia que ce n'était pas dangereux. Certes, s'il le voulait, il pourrait leur briser les os sans effort, mais il ne le ferait pas. Et cela, elle le savait car elle le connaissait déjà.

- Maru ! Qu'est-ce que tu fais ici ? C'est pas le territoire des Mogmas ?

Le dénommé Maru, forgeron de son état, et l'une des personnes les plus adorables que ce monde ait pu avoir l'honneur de porter de l'humble avis de Link, lui sourit ardemment.

- Si, c'est chez eux. Mais ils s'en fichent de nous voir entrer et sortir. Ils sont sympas, je te l'avais dit Link !

Elle gloussa, remarquant, à son hilarité personnelle, la confusion pure sur le visage de la prêtresse. Elle lui donna un léger coup de coude.

- Maru ne nous fera pas de mal, t'inquiète. Il est le Goron le plus gentil que je connaisse !

L'autre éclata de rire.

Hylia plissa les yeux, peu sereine, avant de se détendre au piaillement d'Oko. Elle plaça une main sur sa poitrine.

- Enchantée de vous rencontrer, Maru. Je suis Hylia, prêtresse du soleil.

Maru lui jeta un regard perplexe. Link haussa les épaules. Le soleil était toujours une entité inconnue pour elle, malgré les nombreux sermons et prières que proférait la jeune femme depuis le début de leur voyage.

La prêtresse ignora la confusion pour se tourner vers leur priorité.

- Si je puis me permettre, sauriez-vous où se trouve la tour du Courage ? Nous devons nous y rendre en urgence.

La mercenaire se rappela finalement de leur objectif premier. Il était vrai qu'il fallait toujours rencontrer la prophétesse. Ses yeux verts glissèrent sur le forgeron. Il prit son temps pour répondre, arborant la même expression sérieuse que quand il commençait à forger un métal complexe.

Elle non plus ne savait pas ce que signifiait « métal complexe ».

- La tour du Courage ? Pourquoi vous la cherchez ?

Oko s'installa confortablement contre une pierre. Hylia et Link partagèrent un regard.

- On doit trouver la prophétesse du Courage, expliqua la vagabonde en se rappelant de leur conversation précédente. Franchement, j'aimerais bien tout te raconter, mais c'est compliqué.

Le Goron haussa un sourcil mais ne posa pas davantage de question. A la place, un sourire étira son visage joyeux.

- Dommage, la tour est pas là !

Link sentit qu'elle n'allait pas rire.

- En fait, vous n'y êtes pas du tout : la tour est dans la forêt !

Le regard des deux femmes aurait pu être comique.

- Je te demande pardon ?!


J'adore Maru ! Il est adorable... Sauf pour annoncer les mauvaises nouvelles, bien sûr.

L'intrigue avance sans vraiment avancer... je ne voulais ce chapitre que pour présenter deux nouveaux personnages : Maru et Loubec (oui, Loubec va revenir). Elles vont devoir continuer de marcher, malheureusement ! Elles sont dans le Sud du Mont Péril et la forêt est accessible... par le Nord ! Oups ?

Les Fées sont ici une race à part entière, comme toutes les autres. Dans ma tête, j'ai réussi à faire quelque chose de cohérent avec elles, mais je ne peux pas donner d'explication sans spoiler la suite, donc... mystère.

Les cailloux, ô les cailloux... Link les hais. Je ne sais pas, l'idée paraissait drôle, donc je n'ai pas pu résister à la mettre. Le fait qu'un héros du courage se retrouve à détester les cailloux plus que les monstres et les grands ennemis me paraît complètement déplacée.

Et Petra ? Eh bien... je ne dis rien !

Sur ce, à la prochaine !